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L'ÉGYPTE |
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PLAN
ÉGYPTE : HISTOIRE DE L'ÉGYPTE ANCIENNE ET PRÉISLAMIQUE
1. L'époque archaïque
1.1. La période prédynastique
1.2. L'avance prise par la Haute-Égypte
1.3. Le commerce
2. L'Égypte pharaonique
2.1. La période thinite (vers 3200-vers 2778 avant J.-C.)
2.2. L'Ancien Empire (2778-2420 avant J.-C., IIIe à VIe dynastie)
2.2.1. Les pyramides
2.2.2. L'organisation du pouvoir
2.2.3. Le rayonnement de l'Égypte
2.2.4. Le déclin à partir de la VIe dynastie
2.3. La première période intermédiaire (2420-2160 avant J.-C.)
2.4. Le Moyen Empire (vers 2160-vers 1785 avant J.-C., XIe à XIVe dynastie)
2.4.1. L'unité retrouvée
2.4.2. L'organisation de la société
2.4.3. La protection du royaume
2.5. La deuxième période intermédiaire (vers 1785-vers 1580 avant J.-C., XVe à XVIIe dynastie)
2.6. Le Nouvel Empire (1580-1085 avant J.-C., XVIIIe à XXe dynastie)
L'âge d'or de la monarchie pharaonique
La politique extérieure
Un pouvoir centralisé
Le Ka divin du pharaon
Le clergé
Le déclin
2.7. La Basse Époque (v. 1085-v. 333 avant J.-C. ; XXIe à XXXIe dynastie)
Influences et dominations
La civilisation saïte
La domination perse
3. La religion de l'Égypte pharaonique
3.1. Les principaux dieux
3.2. Les syncrétismes
3.3. Le clergé
3.4. Les rites funéraires
4. L'Égypte hellénistique (332-30 avant J.-C.)
4.1. D'Alexandre aux Lagides
4.2. La vie et la société à l'époque ptolémaïque
Une monarchie prestigieuse
Le protectorat romain
5. L'Égypte romaine (30 avant J.-C.-395 après J.-C.)
5.1. Vie et société sous domination romaine
5.2. L'Égypte chrétienne
6. L'Égypte byzantine (395-642)
6.1. La querelle du monophysisme
Voir plus
Égypte : histoire de l'Égypte ancienne et préislamique
L'Égypte ancienne
Cet article fait partie du dossier consacré à l'Égypte ancienne.
1. L'époque archaïque
On divise généralement l'histoire égyptienne en périodes correspondant aux 30 dynasties royales recensées par Manéthon, chroniqueur égyptien du iiie siècle avant J.-C. Si les recherches les plus récentes (juin 2010) en vue d’établir une chronologie absolue grâce à la datation par le carbone 14 d’échantillons de divers objets ou plantes attribués à une période ou à un règne, sont de manière générale en accord avec la plupart des travaux déjà menés, la chronologie de l’Égypte pharaonique diffère toutefois toujours selon les historiens et archéologues avec parfois des écarts sensibles, pouvant atteindre plus d’un siècle. La datation présentée ici est ainsi, parmi d’autres, approximative. La période antérieure à 3200 avant J.-C., pour laquelle on ne dispose d'aucun témoignage écrit, est dite prédynastique ; elle est maintenant beaucoup mieux connue grâce à l'archéologie.
1.1. La période prédynastique
À une époque nettement antérieure à 5000 avant J.-C., de nombreuses communautés de chasseurs-cueilleurs vivent sur les plateaux surplombant le Nil et dans les savanes qui s'étendent à l'est et à l'ouest. Quand la baisse des précipitations et celle, relative, des crues, en particulier après 4000, entraînent une désertification des terres occidentales, ces populations colonisent densément la vallée du Nil et ses abords immédiats. Néanmoins, la faune de ces plateaux, parmi laquelle des éléphants et des girafes, persiste jusqu'aux environs de 2300, avant de se replier définitivement vers le sud.
La vallée du Nil, qui présente des bassins d'irrigation naturels retenant les eaux de crue, est un emplacement idéal pour passer de l'économie mésolithique dotée d'un embryon d'agriculture à une économie fondée sur une agriculture sédentaire accompagnée d'élevage.
En Basse-Égypte, au sud du Delta, à Merimdeh et dans le Fayoum (5000-4000), les fouilles archéologiques montrent l'importance d'une société paysanne, dont les villages étaient construits en clayonnages de roseaux, et produisant une poterie monochrome parfois rehaussée de décors incisés ou appliqués.
1.2. L'avance prise par la Haute-Égypte
À la même période, en Haute-Égypte, le pouvoir paraît déjà beaucoup plus fort, centralisateur ; des phénomènes urbains apparaissent à Hiéraconpolis. Les trois époques successives de la culture de Nagada produisent une poterie très différente de celle du Nord – plus proche de celle de Khartoum, plus ancienne – et de superbes objets de pierre polie.
C'est à cette époque que des schémas historiques généraux se dessinent, avec l’émergence d'élites politiques asseyant leur pouvoir sur la prospérité de l'agriculture et sur le contrôle des matières précieuses, qui commencent à être exploitées par des techniques nouvelles.
Si les outils et les armes sont initialement en pierre ou en matériaux organiques, le cuivre et les métaux précieux acquièrent une importance croissante en Haute-Égypte et, plus tard, en Basse-Égypte. La culture de Nagada (milieu du IVe millénaire) voit la construction de bateaux de rivière plus grands et plus performants, et l'essor du commerce sur le Nil. Ces facteurs, parmi d'autres, favorisent l'apparition d'une élite dont les sépultures sont plus grandes et plus somptueuses que précédemment (on peut même reconnaître celles des chefs politiques provinciaux sur différents sites). Selon des traditions ultérieures, deux royaumes seraient apparus à la fin de l'époque prédynastique, la prééminence matérielle et politique de la Haute-Égypte étant plus nette.
1.3. Le commerce
Tout au long de cette période, de 5000 à 3100, les influences étrangères directes ou indirectes sont décisives, mais il est difficile de déterminer leur part respective. La culture des céréales et l'élevage de certains animaux, introduits de Syrie et de Palestine, est un signe de l'influence de ces régions. La Haute et la Basse-Égypte commercent avec la Syrie, la Palestine et l'Afrique du Nord.
On n'a, jusqu'aujourd'hui, retrouvé en Haute-Égypte que des sceaux cylindriques, des poteries et des motifs décoratifs de style mésopotamien, particulièrement remarquables, probablement apportés par des intermédiaires plutôt que par contact direct.
Les témoins les plus parlants de l'architecture prédynastique se trouvent dans les nécropoles ; les fosses funéraires sont tapissées de bois ou de briques et couvertes d'un toit de sparterie ou de pavés ; certaines tombes sont surmontées de petites structures solides en brique ou en remblai. Des campements ont fait l'objet de fouilles partielles, et l'on a découvert récemment à Hiéraconpolis un temple probablement prédynastique.
2. L'Égypte pharaonique
2.1. La période thinite (vers 3200-vers 2778 avant J.-C.)
L'Égypte ancienneL'Égypte ancienne
Vers 3200 avant J.-C., Narmer, originaire de Hiéraconpolis, unifie les deux royaumes existant alors : celui de Haute-Égypte (capitale Hiéraconpolis ; divinité tutélaire : la déesse-vautour Nekhbet ; insigne : la couronne blanche) et celui de Basse-Égypte (capitale Bouto ; divinité tutélaire : la déesse-serpent Ouadjet ; insigne : la couronne rouge). Ceignant les deux couronnes (nommées en égyptien « les deux puissantes », en transcription grecque : le pschent), il est le premier des rois qui, durant 30 dynasties (selon le schéma traditionnel de source égyptienne, transmis par Manéthon) au cours de trois millénaires, vont administrer l'Égypte jusqu'en 333 avant J.-C., date de l'arrivée d'Alexandre de Macédoine. Narmer établit sa capitale à This (près d'Abydos), où règnent les rois des deux premières dynasties ; celles-ci sont connues grâce aux découvertes faites dans les nécropoles d'Abydos, de Saqqarah et d'Hélouân (en Basse-Égypte). Il est possible que Narmer ait jeté les fondations de la ville nouvelle de Memphis, à la pointe du Delta du Nil.
L'œuvre de ces premiers souverains, qui maintiennent fermement l'unité du royaume, semble importante : création d'une économie nouvelle (mise en valeur des terres par l'organisation d'une politique nationale d'irrigation, développement de l'agriculture et de l'élevage) ; établissement des principes de la nouvelle monarchie, unificatrice et d'essence divine ; mise en place des éléments de gestion politique (les rouages de l'administration centrale et ceux de l'administration provinciale étant « dans la main du roi », monarque tout-puissant).
Les pharaons des Iere et IIe dynasties sont les successeurs de Narmer. D'après certains spécialistes, des rois de la Iere dynastie auraient été enterrés à Abydos, dans des fosses funéraires coiffées de structures analogues à des tumulus et assorties d'édifices cultuels ; cette architecture a sans doute annoncé les complexes pyramidaux postérieurs. Cette thèse confère au pharaon un statut à part dès l'origine. Or les sépultures royales de la Iere dynastie, dans les environs de Saqqarah, sont de taille et d'architecture analogues à celles des autres élites. Ainsi a été établie la certitude que le statut royal est seulement en germe. On dispose de bien moins d'éléments sur les sépultures royales de la IIe dynastie ; il y en a deux à Abydos, auxquelles sont adjoints des complexes cultuels ; les autres se trouvent à Saqqarah.
2.2. L'Ancien Empire (2778-2420 avant J.-C., IIIe à VIe dynastie)
DjoserDjoser
Il est convenu d’organiser la succession des pharaons en dynasties. L'Ancien Empire, qui couvre un peu plus d'un demi-millénaire, en compte quatre : de la IIIe dynastie, à partir de laquelle le pouvoir royal va fortement s'accroître, à la VIe dynastie, où il s'affaiblit.
2.2.1. Les pyramides
Sphinx et pyramide de KhephrenSphinx et pyramide de Khephren
Vers 2778 avant J.-C., la IIIe dynastie et son premier souverain Djoser établissent la capitale à Memphis. L'Ancien Empire est aussi l'âge des pyramides ; c'est l'architecte Imhotep, ministre de Djoser, qui donne à l'architecture de pierre un immense développement.
La Grande Pyramide, KheopsLa Grande Pyramide, Kheops
À Saqqarah, Gizeh, Meidoum, Abousir, les tombes royales dominent encore le désert de leurs hautes masses pointant vers le ciel, immortalisant notamment les noms de Kheops, Khephren, Mykerinus.
2.2.2. L'organisation du pouvoir
Sous les IVe et Ve dynasties, le pouvoir du pharaon s'affirme ; en raison de l'importance croissante prise par l'administration, le pharaon Snefrou crée la charge de vizir, homme de confiance du roi, qui gère en son nom justice, police, armée, notamment ; à la cour memphite, une classe de favoris, hauts fonctionnaires, se développe, recherchant les grâces royales, car le roi demeure l'instance suprême de tout élément directeur de l'Égypte ; il dispose aussi du pouvoir spirituel, donnant la faveur au dieu solaire Rê, dont il se dit « le fils », et qui devient alors un véritable dieu d'État.
2.2.3. Le rayonnement de l'Égypte
L'Égypte n'est pas un pays isolé : les rapports et les échanges commerciaux sont importants avec Byblos et la Phénicie, avec Chypre, la Crète et les îles de la Méditerranée, avec le Sinaï (dont les mines ont été exploitées et mises en valeur par les Égyptiens dès les débuts de l'Ancien Empire), avec la Mésopotamie ; l'Afrique, considérée comme le prolongement naturel de l'Égypte, est reconnue jusqu'aux abords de la troisième cataracte du Nil : les territoires nubiens sous hégémonie égyptienne contribuent par leurs apports (blé, bétail, ivoire, ébène, plumes d'autruche, peaux de léopard et de panthère) à la richesse du royaume ; de grandes expéditions maritimes organisées vers le pays de Pount (l'actuelle Somalie) donnent aux Égyptiens des produits précieux (surtout les arbres à encens).
2.2.4. Le déclin à partir de la VIe dynastie
Sous la VIe dynastie (→ Teti, Pepi Ier, Pepi II), la toute-puissance du pharaon est menacée par la montée d'une oligarchie (courtisans et favoris, hauts fonctionnaires de province) et peut-être par l'opposition de couches populaires. L'obscurité règne sur la période qui sépare la fin de la VIe dynastie de l'avènement de la XIe, dont les historiens font traditionnellement le point de départ du Moyen Empire ; le pouvoir n'est cependant pas demeuré vacant et les noms de certains pharaons nous sont connus. Le désordre social est certain pendant une période relativement longue, mais on en connaît mal les causes.
2.3. La première période intermédiaire (2420-2160 avant J.-C.)
Durant plus de deux siècles alors, on émet l’hypothèse d’une révolution sociale qui livre le pays à l'anarchie, à la récession économique, à la famine, aux infiltrations étrangères, sous les VIIe et VIIIe dynasties memphites, notamment. On pense qu’au cours de la première période intermédiaire, les pharaons de Memphis sont impuissants à empêcher les gouverneurs militaires locaux de livrer bataille pour le contrôle de territoires. Deux royaumes distincts finissent par se constituer, l'un sous la domination des IXe et Xe dynasties de Héracléopolis ; l'autre, quasi contemporaine, sous celle de la XIe dynastie de Thèbes. Ils se disputent l'hégémonie mais se heurtent à l'autonomie des gouverneurs de province.
2.4. Le Moyen Empire (vers 2160-vers 1785 avant J.-C., XIe à XIVe dynastie)
2.4.1. L'unité retrouvée
L'unité est reconstituée par les princes de Thèbes, les Antef, qui fondent la XIe dynastie et inaugurent le Moyen Empire (2160-vers 1785 avant J.-C.). Cette dynastie, qui a pour capitale Thèbes et pour souverains les Antef et les Montouhotep, donne, pour la première fois, la primauté religieuse au dieu thébain Amon. Avec la XIIe dynastie, celle des Amenemhat et des Sésostris – dont la capitale est sise, de nouveau, plus au nord, à Licht (près de Fayoum) –, la monarchie, centralisée, retrouve sa puissance, patronnée par le dieu d'État, Amon-Rê (dont la personnalité divine résulte d'un compromis entre le clergé de Thèbes et celui d'Héliopolis).
2.4.2. L'organisation de la société
Les bouleversements sociaux sont considérables. Autour du pharaon (ressenti désormais comme « le bon berger » du peuple, médiateur officiel entre les dieux et les hommes) se rassemble une société plus différenciée. Les sujets ont une conscience accrue de leurs droits individuels. La religion en est affectée : les croyances et les rites funéraires, jusqu'alors apanage des pharaons, se diffusent dans toutes les couches de la société. Sous la XIIe dynastie, la politique royale favorise même l'émergence d'une classe moyenne aisée (scribes, artisans, etc.) qui joue un rôle actif dans des centres cultuels tels que celui d'Abydos.
Dans le domaine idéologique, le Moyen Empire est marqué par une évolution fort importante : le développement du culte d'Osiris permet désormais à tout homme (et non au roi seul) l'accession à l'éternité, s'il reproduit les rites qui ont présidé à la passion et à la résurrection du dieu.
2.4.3. La protection du royaume
La région du Fayoum est systématiquement mise en valeur, cependant qu'est instaurée une politique de défense des frontières. Au nord-est, il faut avant tout, d'une part, mettre le Delta à l'abri des incursions des Asiatiques – qui, après la VIe dynastie, constituent un réel fléau – et, d'autre part, assurer la liberté du commerce pour les villes de Basse-Égypte. Pour assurer la protection de la voie de terre Amenemhat Ier fait construire sur la frontière orientale du Delta une série de forteresses, les « Murs du Prince », qui, pourvues de garnisons permanentes, protègent le royaume. Au sud, la pénétration en Afrique se développe et s'organise : une administration « coloniale » est créée, en même temps qu'est construite la ville de Bouhen (deuxième cataracte), qui devient le siège du vice-roi d'Égypte ; des forteresses égyptiennes jalonnent désormais le cours du Nil, en Nubie et au Soudan.
À partir de 1900 avant J.-C., des invasions progressives de peuples indo-européens, venus des régions de la mer Caspienne et de la mer Noire, vont « remodeler » la carte du Proche-Orient, entraînant la création de puissants États asiatiques : le Hatti (terre des Hittites, sur les plateaux d'Anatolie), le Mitanni (dans les hautes vallées du Tigre et de l'Euphrate), cependant qu'une dynastie nouvelle s'installe à Babylone.
2.5. La deuxième période intermédiaire (vers 1785-vers 1580 avant J.-C., XVe à XVIIe dynastie)
Les populations autochtones, chassées par ces invasions, fuient vers le sud, refluant jusqu'en Égypte, où, sous le nom de Hyksos, elles vont d'abord s'installer dans le nord-est du Delta, autour de la ville d'Avaris. Favorisés par la faiblesse des XIIIe et XIVe dynasties indigènes, les Hyksos, devenus puissants grâce à l'arrivée de nouveaux contingents d'Asiatiques refoulés, conquièrent peu à peu le royaume, sans toutefois étendre réellement leur pouvoir sur la Haute-Égypte ; ils règnent durant les XVe et XVIe dynasties. Les princes thébains mettent fin à cette seconde deuxième intermédiaire en entreprenant une guerre de libération. Les pharaons Kames, puis Ahmosis chassent les Hyksos, prennent Avaris, poursuivant l'ennemi jusqu'à Sharouhen.
2.6. Le Nouvel Empire (1580-1085 avant J.-C., XVIIIe à XXe dynastie)
L'âge d'or de la monarchie pharaonique
Le Nouvel Empire qui commence alors, et dont la capitale est fixée à Thèbes (palais royal à Louqsor), est l'âge d'or de la monarchie pharaonique. Les Aménophis, les Thoutmosis, Seti, Mineptah, les Ramsès œuvrèrent pour la grandeur de leur terre.
C'est une période de luxe, caractérisée par une intense activité artistique : Karnak (sur la rive droite du Nil) devient une aire architecturale immense où se succèdent, jusqu'à l'époque romaine, les constructions grandioses entreprises pour la gloire du dieu Amon-Rê, notamment ; les hypogées royaux et privés sont creusés sur la rive gauche (Vallée des rois, Vallée des Reines).
La XVIIIe dynastie, celle des Thoutmosis et des Aménophis, connaît trois entorses à l'ordre des successions royales. La première est le règne d'une reine, Hatshepsout, qui exerce la régence pendant l'enfance de son neveu, le futur Thoutmosis III ; elle se proclame pharaon et gouverne une vingtaine d'années. Après sa mort, Thoutmosis s'acharne à effacer toutes les traces de son règne, faisant abattre des obélisques et défigurer ses monuments ; il va jusqu'à détruire l'un des plus beaux temples de toute l'histoire égyptienne, celui qu'Hatshepsout avait fait édifier à Deir el-Bahari.
La deuxième entorse est le bref règne du jeune Toutankhamon ; la troisième est, à la mort de ce dernier, l'usurpation du pouvoir pharaonique par Horemheb, un simple général. Son règne met un terme à la dynastie.
Les XIXe et XXe dynasties, celles des Seti et des Ramessides (Ramsès Ier à Ramsès XI), participent également à la gloire militaire et au rayonnement culturel de la monarchie pharaonique.
La politique extérieure
Sous ces trois dynasties, qui gouvernent l'Égypte pendant près de cinq siècles, la politique extérieure est remarquable. La reconquête de la haute Nubie, celle de la Palestine, les interventions dans les affaires du Proche-Orient constituent une constante.
Le pharaon, dont le royaume est menacé maintenant par les États puissants qui viennent de se constituer au Proche-Orient, devient, pour la défense de son pays, un grand conquérant : créant et organisant un vaste empire, pratiquant aussi une véritable politique internationale menée par une diplomatie nouvelle, importante, avisée. Thoutmosis III, en 17 campagnes militaires (relatées par le texte des Annales sculptées dans le grand temple d'Amon-Rê à Karnak), dénoue la dangereuse coalition liée par le Mitanni, et Aménophis II s'allie finalement avec ce pays.
Ramsès II, Temple d'Abu-SimbelRamsès II, Temple d'Abu-Simbel
Ramsès II abat la puissance hittite (bataille de Qadesh) et les deux États concluent aussi une alliance (dont le texte a été retrouvé dans les archives égyptiennes et hittites). Mineptah et Ramsès III luttent contre les invasions des peuples du Nord et de la mer (vaste ligue, constituée par les populations côtières de l'Asie Mineure et par les Achéens, chassés de leurs terres, les uns par de nouvelles invasions indo-européennes venues du nord, les autres par l'arrivée des Doriens en Grèce, et tous en quête d'un nouvel habitat) : vainqueur sur terre et sur mer (bataille navale dans les bouches du Nil), Ramsès III maintient l'intégrité de son royaume. Les rois du Nouvel Empire doivent aussi lutter contre d'autres dangers venus de l'Assyrie et de la Libye. Au sud, leur pouvoir s'étend jusqu'au-delà de la quatrième cataracte du Nil. Les territoires africains conquis sont maintenus sous régime « colonial », administrés par des fonctionnaires égyptiens, cependant que les territoires asiatiques sous hégémonie (celle-ci s'étendant jusqu'à l'Euphrate, officiellement, mais pratiquement jusqu'à l'Oronte) connaissent une organisation qui respecte les pouvoirs locaux, établissant seulement un certain nombre de « devoirs », notamment le paiement de redevances.
Un pouvoir centralisé
La transformation de l'ancien système de vassalité des Hyksos en une autocratie centralisée est d'une plus grande portée. Les grandes armées royales, qui avaient été levées en vue des guerres contre les pays étrangers, intimident les pouvoirs rivaux ; l'administration est rationalisée, et un Premier ministre nommé à la tête de chacune des parties de l'Empire. En l'absence de conseil et de parlement, toutes les nominations et les révocations émanent directement des pharaons, qui entreprennent souvent des voyages d'inspection.
Le Ka divin du pharaon
Le pharaon est encore doté d'une double nature, humaine et divine, ce dernier aspect étant alors très valorisé. Le dogme impérial enseigne que chaque pharaon est possédé par le ka divin, qui désigne les énergies vitales dans leurs fonctions créatrice et conservatrice ; Horus est, selon la mythologie, le dernier dieu à avoir gouverné la terre dans la nuit des temps, et que l'on identifie à Amon-Rê. Ce dieu, qui figure l'alliance de la divinité thébaine avec le dieu solaire, est la divinité tutélaire de l'Empire.
Le clergé
AkhenatonAkhenaton
Le clergé d'Amon, enrichi par les dons royaux (recevant notamment une part du butin recueilli lors des campagnes militaires), devient une puissance dangereuse ; à partir de la XIXe dynastie, il dispose de grands domaines, de milices privées, de tribunaux spéciaux. La réaction d'Aménophis IV contre l'ingérence amonienne dans les affaires de l'État (instauration du culte unique du disque solaire Aton, suppression des clergés, notamment) fut de courte durée ; pour diminuer l'importance prise par Thèbes, les Ramsès établissent une seconde capitale, dans le Delta, près de Tanis.
Le déclin
À la fin de la XXe dynastie, le développement de la corruption, le danger que représente le clergé d'Amon, les prétentions au pouvoir des chefs militaires étrangers (Libyens, notamment) finissent par affaiblir le pouvoir central : on pille les tombes royales, on complote contre le pharaon. Le Nouvel Empire se termine par une guerre civile sous Ramsès XI.
2.7. La Basse Époque (v. 1085-v. 333 avant J.-C. ; XXIe à XXXIe dynastie)
Influences et dominations
Vers 1085 avant J.-C., Smendès (originaire de Tanis) fonde la XXIe dynastie, qui gère le Delta, cependant qu'une souveraineté parallèle s'installe à Thèbes, avec Herihor, grand prêtre d'Amon et premier des rois-pontifes. La scission semble consommée. C'est le début de la Basse Époque, durant laquelle règnent plusieurs dynasties étrangères, dans le pays livré aux invasions. La XXIIe dynastie, d'origine libyenne (les Sheshonq, Osorkon, Takélot), règne, à Bubastis, en même temps que la XXIIIe dynastie installée à Tanis (Pedoubast) ; le Delta aussi est divisé.
Il est possible que, lors de l'avènement de Sheshonq Ier, une partie du clergé amonien ait alors fui à Thèbes et se soit réfugié au Soudan à Napata, où il aurait implanté le culte d'Amon et construit un temple grandiose pour ce dieu ; en tout cas, le roi de Napata, Piankhi (descendant de Herihor ?), vers 750 avant J.-C., remonte le fleuve jusqu'à Thèbes et étend son pouvoir sur la Haute-Égypte. Le Delta est alors administré par la XXIVe dynastie, indigène de Saïs (Tefnakht et Bocchoris).
Vers 715 avant J.-C., Shabaka établit le pouvoir soudanais en Égypte avec la XXVe dynastie, et les rois du Sud, pour renforcer leur mainmise, placent leurs parentes comme « divines adoratrices d'Amon » (épouses du dieu) à Thèbes ; mais les rois locaux de Basse-Égypte ne se soumettent pas.
La civilisation saïte
Vers 671 avant J.-C., Assarhaddon et les Assyriens font du Delta un protectorat de Ninive ; Assourbanipal descend le fleuve à deux reprises jusqu'à Thèbes. La seconde fois, il fait saccager la grande ville. Mais Psammétique Ier, roi de Saïs, chasse les Assyriens de Basse-Égypte et les Soudanais de Haute-Égypte, et instaure la XXVIe dynastie, égyptienne ; jusqu'en 525 avant J.-C., on assiste à un renouveau national.
La domination perse
Vers 525 avant J.-C., le roi perse Cambyse s'empare de toute l'Égypte et, jusqu'à Darios II (vers 404 avant J.-C.), la XXVIIe dynastie sera formée par les souverains achéménides, le pays étant devenu une satrapie du vaste empire des Darios et des Xerxès. Appuyé par les Grecs, le roi de Saïs, Amyrtée, chasse les Perses et fonde la XXVIIIe dynastie (404-398 avant J.-C.) ; il mène de nouveau une politique nationale, comme ses successeurs les rois de la XXIXe dynastie (398-378 avant J.-C.) et de la XXXe (378-341 avant J.-C.), celle-ci étant la dernière des dynasties indigènes ; vers 341 avant J.-C., en effet, Nectanebo II ne peut résister à une nouvelle invasion et empêcher une seconde domination perse (341-333 avant J.-C.). La défaite de Darios III Codoman, à Issos puis à Gaugamèles (333 et 331), laisse le pouvoir à Alexandre de Macédoine, qui pénètre alors en Égypte.
3. La religion de l'Égypte pharaonique
Louqsor, peinture de la tombe de SenedjemLouqsor, peinture de la tombe de Senedjem
Dans l'Égypte primitive, la religion est essentiellement locale : chacun honore le dieu de sa bourgade, puis celui qui règne sur la métropole de sa province, ou nome. Les nomes possèdent des « enseignes », symboles de divinités représentant des animaux, des plantes ou des objets.
L'Égypte (comme tous les peuples de l'Antiquité) divinise les forces de la nature et les éléments (animés ou non) de l'univers créé, pour rendre hommage à leurs bienfaits ou se concilier leur éventuelle agressivité, établissant ainsi entre eux un courant d'« échanges », un lien, à vertu magique.
3.1. Les principaux dieux
HorusHorus
Sont ainsi adorés Khnoum (le bélier, l'animal reproducteur du troupeau, dieu créateur par excellence), Hathor (la vache, féconde et nourricière – assimilée au ciel, lien fécond de l'univers, parce que donneur de lumière et de chaleur –, déesse donc aussi de la joie et de la danse), Sebek (le crocodile, qui guette sa proie tapi dans l'eau du fleuve), Anubis (le chacal, qui deviendra le divin embaumeur, très tôt mis en rapport avec le monde des défunts car l'animal hante toujours les abords des nécropoles en quête de possibles nourritures), Horus (le faucon, assimilé souvent au ciel ou au soleil, car, ailes largement étendues, l'oiseau qui plane semble se confondre avec l'étendue céleste), Min (dieu humain de la fertilité), Ptah (dieu de Memphis, première capitale de l'Égypte), etc. Chacune de ces divinités est adorée principalement dans une ville (parfois plusieurs) et est ressentie comme netjer, « le dieu », pour ses fidèles. Deux grandes forces bénéfiques de la nature sont particulièrement révérées : le soleil, Rê, qui donne et entretient la vie de chaque jour, et Osiris, dieu du Nil et de la végétation toujours renaissante, le dieu qui, par sa passion et sa résurrection, donne aux hommes l'exemple et les « moyens » de la vie éternellement renouvelée.
3.2. Les syncrétismes
Les vicissitudes de la politique créent les premiers syncrétismes nationaux et déterminent l'existence de dieux d'État (sommets du panthéon, comme le roi est celui de la société) : Rê, sous l'Ancien Empire, acquiert, à partir de son centre culturel d'Héliopolis (près de Memphis), une valeur nationale ; le roi, dieu lui-même, est son fils. Au Moyen et au Nouvel Empire, Amon de Thèbes (nouvelle capitale) « coiffe » les autres divinités, qui sont officiellement ses hypostases, mais s'allie avec le puissant Héliopolitain : Amon-Rê qui est alors le maître divin de l'Égypte.
OsirisOsiris
Des syncrétismes religieux internationaux se développent aussi au Nouvel Empire, période des grandes conquêtes en Asie. La confusion des divinités justifie alors et légitime la conquête : Amon-Rê et Shamash (dieu solaire babylonien) sont assimilés, Osiris, Baal et Adonaï sont mêlés en une même foi dans la vitalité des forces végétantes, Ptah prend pour parèdre Ashtart (déesse mère de l'Asie antérieure) ; Sontekh (l'Asiatique) et Seth (l'Égyptien, dieu des forces néfastes et hostiles) confondent leur puissance guerrière.
3.3. Le clergé
Pour le service des dieux et des morts, des clergés, d'importance diverse, se constituent. Dans les temples divins, le roi – théoriquement, officiant unique – délègue son pouvoir à des prêtres. Un service quotidien est assuré : sortie, toilette et purification, nourriture de la statue divine, sous forme de riches offrandes alimentaires. Militants, les prêtres composent des systèmes théologiques où leur dieu est le créateur du monde : Ennéade héliopolitaine, Ogdoade hermopolitaine (menée par le dieu-ibis Thot), système « intellectuel » de Memphis, autour de Ptah. Gérants des biens du dieu, les prêtres possèdent souvent une grande richesse temporelle, notamment le clergé thébain d'Amon-Rê, enrichi par les dons royaux (butin rapporté des campagnes militaires, octroi de terres). Ainsi, ils peuvent parfois concurrencer, voire menacer la puissance politique du pharaon lui-même : des querelles d'influence naissent, des discussions sont apparentes, la « guerre » larvée entraîne peu à peu la réforme d'Aménophis IV à Amarna, mais vaut aussi aux rois-prêtres de la XXIe dynastie l'accès aux fonctions royales.
3.4. Les rites funéraires
Momie de Ramsès IIMomie de Ramsès II
Les prêtres funéraires s'activent à maintenir la vie du défunt dans les temples funéraires royaux et les tombes privées ; la survie du corps étant garantie par la momification, tout un appareil funéraire est encore indispensable. Les prêtres (qui remplissent, dans cet office, le rôle du fils aîné) apportent, chaque jour, les offrandes alimentaires nécessaires à l'entretien de la force vitale, ou ka (l’esprit), du mort. La vie étant ainsi maintenue sous les épaisses bandelettes qui enserrent le corps, il faut aussi recouvrer la liberté du mouvement et la possibilité de revivre le quotidien ; élément ailé de l'être, le ba (oiseau à tête humaine), s'échappant du corps étendu, s'en va chercher sur terre les souffles vivificateurs et, à tire-d'aile, revient ainsi revigorer le défunt.
→ momie.
Livre des mortsLivre des morts
Cette survie en deux temps est encore insuffisante : l'Égyptien fabrique alors des « corps de rechange » sculptés en ronde bosse ou en bas relief (à la ressemblance du personnage), et dans lesquels peut se glisser le ba (l’âme) qui les réanime, pour une reprise des habitudes du temps de vie (de là, la grande imagerie des tombes, qui reproduit les scènes de la vie quotidienne) ; l'art devient ainsi le médiateur de l'immortalité. Enfin, pour le voyage dans l'au-delà, la connaissance des formules est indispensable (notamment lors du jugement par-devant Osiris) ; c'est la fonction (au Nouvel Empire) des papyrus du « Livre des morts », destinés à guider efficacement le défunt dans l'autre monde.
Isis sous l'apparence d'HathorIsis sous l'apparence d'Hathor
Religion de la tolérance et de l'espérance, la religion égyptienne s'inscrit dans l'ensemble des grandes religions panthéistes de l'Antiquité, qu'elle a fortement influencées. À l'époque tardive, elle essaime dans le monde clanique ; le culte d'Isis (l'épouse d'Osiris, magicienne de la résurrection) fleurit en Grèce, à Rome et dans tout le monde méditerranéen. Cette religion est d'une haute valeur morale, où la soumission au dieu, le respect des principes de paix et de charité sont essentiels. La déesse Maât, déesse de la Vérité et de la Justice (seuls principes abstraits déifiés), est le garant de l'ordre de l'univers.
4. L'Égypte hellénistique (332-30 avant J.-C.)
4.1. D'Alexandre aux Lagides
L'Égypte est libérée de la domination perse par la conquête d'Alexandre. Soumise à l'autorité des souverains hellénistiques, ses successeurs, elle appartient désormais au monde grec.
Dans son court séjour (automne 332-printemps 331 avant J.-C.), Alexandre le Grand se pose en libérateur et, laissant aux indigènes leurs lois, il s'assure la bienveillance des prêtres en faisant reconnaître sa filiation divine au temple d'Amon, en l'oasis de Siouah. Il fonde Alexandrie, qui doit être le débouché maritime d'un pays jusque-là replié sur lui-même. Après sa mort (323 avant J.-C.), ses généraux attribuent la satrapie d'Égypte à un noble macédonien Ptolémée, fils de Lagos, qui se proclame roi en 305 avant J.-C., fondant la dynastie des Lagides (ou Ptolémées ; 305-30 avant J.-C.). Ces souverains, qui ajoutent au nom dynastique Ptolémée un surnom personnel, ont une histoire des plus agitées. À l'imitation des pharaons, ils épousent leur sœur et les intrigues familiales sont nombreuses à partir du règne de Ptolémée IV, affaiblissant la dynastie, que ne peuvent sauver quelques reines particulièrement énergiques (ainsi Cléopâtre VII). La dynastie possède également Cyrène, Chypre, un grand nombre d'îles grecques et de villes littorales d'Asie Mineure ou de l'Hellespont ; elle dispute aux Séleucides la Syrie, débouché des routes du commerce oriental vers la Méditerranée et région productrice de ce bois qui manque à l'Égypte pour ses constructions navales.
4.2. La vie et la société à l'époque ptolémaïque
La domination des Lagides sur l'Égypte est de type colonial : les indigènes sont écartés de toute charge importante ; l'administration ou plutôt l'exploitation du pays est le fait d'étrangers privilégiés qui appartiennent à la race des conquérants hellènes (Macédoniens ou Grecs) ou qui ont acquis par leurs vertus militaires droit à un statut spécial (Perses, Juifs). Cela est d'autant plus mal ressenti des Égyptiens que le recrutement des allogènes est insuffisant pour assurer la puissance des armées lagides : il a fallu en 217 avant J.-C. (malgré tous les avantages dont bénéficiaient les soldats royaux, en particulier la concession en quasi-propriété de terres) engager des troupes égyptiennes pour lutter contre les Séleucides et les vaincre (bataille de Raphia).
Cette date marque le début de nombreuses révoltes qui déchirent le royaume (la Haute-Égypte a maintenu son indépendance, sous l'autorité de dynastes locaux, durant de très longues années). La mégalopole d'Alexandrie est agitée par des querelles entre les groupes ethniques, Grecs, indigènes plus ou moins hellénisés ou Juifs, ceux-ci, nombreux, s'administrant eux-mêmes dans leur quartier réservé. Bien que constituant une caste privilégiée, les Grecs n'échappent pas au pouvoir absolu des rois. Conservant leurs coutumes, leur genre de vie (fréquentation du gymnase, éphébie) et l'usage de leur langue, jugés selon le droit grec, ils sont essentiellement regroupés dans trois cités (Alexandrie, Ptolémaïs et Naukratis) pourvues d'institutions grecques traditionnelles, mais qui ne leur donnent qu'une apparence de libertés. Fonctionnaires ou militaires, ils assurent l'encadrement de la population indigène, au sein d'une administration pléthorique, très minutieuse et tatillonne : les archives, écrites sur papyrus, montrent avec quel soin est traitée la moindre affaire ; grâce à elles, on peut connaître avec assez de précision l'organigramme du système étatique.
L'unique fonction de cette administration est de faire entrer dans les caisses royales la plus grande partie des produits de l'activité de tous les habitants du royaume entre dans les caisses royales ; les souverains veulent amasser le plus possible, ce qui implique la mise en œuvre de techniques diverses : les fonctionnaires sont rendus financièrement responsables des effets de leur administration, on multiplie les monopoles. Le mieux connu de ces derniers, celui de l'huile, implique une politique douanière dissuasive ; le monopole de la monnaie, qui est de règle dans les monarchies hellénistiques, s'accompagne de la mise en service d'un numéraire fiduciaire qui permet au roi de contrôler parfaitement la circulation du métal précieux. L'exploitation des monopoles est confiée à des fermiers.
Si les prêtres détenteurs de secrets prestigieux continuent d'assurer le culte royal et sont comblés par le nouveau pharaon de privilèges qui récompensent leur action pour lui assurer la fidélité des masses, les autochtones sont pressurés par le régime. Le plus souvent ce sont des paysans ; ils louent au roi (seul propriétaire de la totalité du sol égyptien) des tenures sur lesquelles ils sèment (le roi est seul habilité à prêter des semences, il se fait rembourser principal et intérêts) en fonction d'un plan de culture établi par l'État (parcelle par parcelle, l'administration fixant la nature des cultures à réaliser), avant de récolter (si le Nil atteint un niveau suffisant) et de vendre le produit. Au prix fixé par le roi, outre le loyer de la terre, l'intérêt de l'emprunt, il faut aussi ajouter les impôts. Quand la situation devient trop difficile pour les paysans, ils font grève en fuyant vers les confins désertiques (anachorète), et les champs royaux restent en friche. Privée des ressources procurées par tel ou tel terrain, l'administration doit en venir à des mesures de coercition plus efficaces ou accorder (ce qui affaiblit la monarchie) des privilèges nouveaux à qui voudra bien se charger de telle ou telle exploitation.
Une monarchie prestigieuse
Grecs et indigènes vivent dans deux communautés complètement séparées (ou presque). À l'obstacle de la langue s'ajoute le fait que chacune a un régime juridique différent ; leur seul point commun est de vivre au service exclusif de la monarchie. De leurs immenses richesses les rois tirent un prestige qui leur permet de mener en Méditerranée une politique active (Ptolémée III ira jusqu'en Babylonie), d'attirer à Alexandrie, pour des fêtes célébrées à la gloire de la dynastie (les Ptolemaia, dont l'importance sera égale à celle des concours olympiques), des foules énormes de dépendants, d'apparaître un temps comme les maîtres du jeu dans le monde hellénistique. Ptolémée Ier aura le très grand mérite de vouloir aussi fonder sa gloire sur les services rendus au développement de la culture grecque : à Alexandrie (d'où les Égyptiens étaient exclus) il rassemble dans le Musée les savants les plus remarquables (Archimède, Ératosthène, Euclide, Héron), des hommes de lettres de qualité (Apollonios de Rhodes, Callimaque), des érudits au dévouement et à la science inlassables (Aristarque), et les dote d'une bibliothèque extraordinairement riche. C'est grâce à la dynastie que nous connaissons Homère, les tragédies d'Eschyle ou de Sophocle ; par elle sera transmise aux savants arabes la science d'Aristote, des mathématiciens et des médecins hellénistiques.
Le protectorat romain
En 168 avant J.-C., le roi séleucide Antiochos IV est sur le point de s'emparer d'Alexandrie et de détrôner les rois lagides quand Rome, pour maintenir l'équilibre du monde hellénistique, envoie Popilius Laenas remettre en selle Ptolémée VI. Le grand royaume devient alors une sorte de protectorat romain à la tête duquel se succèdent des fantoches (Ptolémée XII Aulète), tandis que les Romains annexent Cyrène (74 avant J.-C.) et Chypre (58 avant J.-C.). Par sa passion pour Cléopâtre VII, Antoine se met au service des intérêts de la dynastie, et rêve pour ses enfants (Cléopâtre Silène II et Ptolémée Philadelphe) d'un nouvel empire de l'Orient, mais, vainqueur (30 avant J.-C.), Octave annexe le pays du Nil.
5. L'Égypte romaine (30 avant J.-C.-395 après J.-C.)
Les hommes politiques romains ont depuis longtemps décelé les faiblesses internes de la monarchie lagide, qui se cachent derrière une façade brillante. C'est pourquoi Octave, en prononçant l'annexion, en 30 avant J.-C., ne fait que concrétiser leurs aspirations. Il prend des mesures originales : l'entrée de l'Égypte est interdite aux sénateurs, même s'ils y possèdent des domaines ; c'est la seule province importante où l'empereur est représenté par un personnage de rang équestre, le préfet d'Alexandrie et d'Égypte, qui a par ailleurs les pouvoirs d'un légat propréteur ; autre anomalie, les légions sont commandées par des préfets également de l'ordre équestre. On a émis l’hypothèse qu'Auguste ne tenait pas à ce que les sénateurs voient le princeps honoré comme un pharaon, dans ce pays dont le régime ne ressemble pas à celui du reste du monde romain.
5.1. Vie et société sous domination romaine
Gouvernement, administration, exploitation économique sont calqués sur les méthodes des Lagides. Auguste se contente de réprimer les abus apparus avec l'affaiblissement de la dynastie macédonienne : il aurait supprimé, ou peut-être réduit, la terre concédée aux temples, la participation de l'État aux frais du culte et les grands domaines usurpés sur la terre royale auraient été repris. Pour mieux régner, l'empereur divise : il maintient le système des castes ; les indigènes, considérés comme « déditices » (peuple soumis), ne peuvent accéder à la cité romaine. Il refuse à la province l'occasion de s'unir en célébrant le culte impérial, qui n'existe ici que sous la forme municipale. Il installe 3 légions et 12 corps auxiliaires (23 000 hommes au total) pour surveiller Alexandrie ou les campagnes turbulentes de la Thébaïde. Pour suivre la tradition locale, on recrute les soldats dans les ex-castris (hors du camp), ce qui ne se fait nulle part ailleurs. Il ne semble pas que les Romains, qui restaurent sans cesse le système d'irrigation, aient tiré de l'Égypte plus que les Lagides : l'annone nourrit assez régulièrement les Romains quatre mois par an avec le blé égyptien, mais, les mauvaises années, la disette se fait sentir sur les bords du Nil. Pour l'Égypte, le changement de domination n'a pas produit de grands effets : les dirigeants sont maintenant des Romains, mais le grec reste la langue officielle ; la monnaie de compte (différente de celle du reste de l'Empire) est toujours la drachme. Les papyrus grecs, démotiques, encore plus nombreux que sous les Lagides, les ostraca, les règlements (comme le « Gnomon de l'Idiologue », code fiscal de l’Égypte romaine) témoignent de cette continuité : recensements, contrôles, réclamations.
Quelques faits pourtant se détachent dans l'histoire de ces premiers siècles de notre ère. Le voyage en Inde devient plus facile lorsque le navigateur alexandrin Hippalos découvre la mousson : chaque année, cent vingt vaisseaux partent des ports de la mer Rouge pour aller chercher les soieries, les perles et les parfums de l'Inde, et l'importance commerciale d'Alexandrie, qui redistribue ces denrées précieuses est encore accrue.
La communauté juive d'Alexandrie est en fermentation depuis longtemps : ces Juifs, qui ne parlent plus que le grec, ont généralement gardé leurs traditions (par la Bible des Septante), et le cas du philosophe juif Philon, qui tente une interprétation platonicienne de la Bible, n'est pas courant. L'antisémitisme se développe : sous Claude, déjà, des heurts éclatent entre Grecs et Juifs d'Alexandrie. Le soulèvement général des Juifs en 66 aurait coûté la vie à 50 000 de ceux-ci à Alexandrie ; celui de 117 aurait fait 240 000 victimes. Les empereurs essaient d'augmenter le rendement de leurs propriétés ; ils confisquent les grands domaines, utilisent la concession emphytéotique, pour retenir les paysans. Ils semblent devenus plus généreux à l'égard du clergé, et les temples de Philæ, d'Esnèh sont terminés au iie s. Le Musée est toujours subventionné, et la science alexandrine jette un dernier éclat avec Ptolémée (sous Hadrien) et l’historien Appien (à l'époque d'Antonin).
Septime Sévère, pour assurer la rentrée des impôts, établit le régime des curies dans les villes, et Alexandrie reçoit une boulê (assemblée) ; Coeranus est le premier Égyptien à entrer au sénat (vers 210). Déjà le commerce avec l'Extrême-Orient décline : Rome a épuisé le stock métallique qui permettait ces échanges. Vers 250, les Blemmyes, des Éthiopiens, envahissent les districts frontières et coupent les routes du Nil à la mer Rouge, sans doute moins bien défendues : depuis le iie s., il n'y a plus qu'une légion en Égypte. La méfiance des empereurs amène des transformations administratives, et, au ive s., le pays fait partie du diocèse d'Orient et dépend du comte qui réside à Antioche, mais il garde un préfet qui surveille les gouverneurs des provinces.
5.2. L'Égypte chrétienne
Le Christ et saint MenasLe Christ et saint Menas
Le christianisme a dû pénétrer d'abord dans la communauté juive d'Alexandrie, et il est sans doute à l'origine des troubles qui s'y produisent sous Claude. Par la suite, sa diffusion semble avoir été facile chez un peuple aussi déshérité, et, dès le iiie s., il a conquis la majorité de la population. Les Égyptiens, que les Anciens voyaient comme les plus religieux des hommes, apportent un caractère original à la nouvelle religion avec l'érémitisme et le monachisme. Saint Antoine (250-356) est le premier anachorète chrétien ; installé dans le désert, il attire des disciples, qui vivent comme lui dans des cabanes isolées. Vers 320, saint Pacôme fonde un koinobion (centre de vie commune) à l'ouest de Thèbes, où il groupe 2 500 moines. Sa sœur Marie fonde le premier couvent de femmes. L'Égypte chrétienne, qui en adoptant l'écriture copte entend préserver sa culture nationale, n'a pas renié le centre intellectuel d'Alexandrie. Au iie s., Pantène, philosophe converti, oppose au Musée l'école des catéchètes. Saint Clément, son élève et son successeur (vers 190), présente le christianisme comme la forme supérieure de la gnose (gnosticisme). Il doit fuir la persécution (202) et l'évêque Démétrios le remplace par le jeune Origène, qui mêle hellénisme et culture biblique jusqu'au jour où il est déposé et forcé de s'éloigner (vers 230). La fin du iiie s. est marquée par des querelles sur la nature du Christ ; le prêtre Arius, d'Alexandrie, qui a nié la divinité du Christ, est excommunié par l'évêque Alexandre (323), puis par le concile de Nicée (325). Le successeur d'Alexandre [à Alexandrie], saint Athanase (328-373), passe sa vie à lutter contre l'arianisme et les empereurs, qui le chassent de son diocèse. Enfin Théodose se prononce contre la doctrine d'Arius (379) et l'Égypte s'apaise.
Les païens n'ont pas voulu s'avouer vaincus. À la fin du iie s., le philosophe Ammonios Sakkas, qui abandonne le christianisme, fonde à Alexandrie l'école néoplatonicienne, et a pour disciples Origène et Plotin. L'école maintient ses traditions intellectuelles jusqu'au jour où les violences de la foule chrétienne en imposent la fermeture (415). Le culte païen est interdit par Théodose en 392.
6. L'Égypte byzantine (395-642)
L'Égypte fait partie de l'empire d'Orient jusqu'à la conquête arabe. Depuis Théodose, le préfet d'Égypte, appelé préfet augustal, a les attributions d'un vicaire dans la vallée du Nil ; les provinces sont confiées à des ducs, dont la charge essentielle est de percevoir l'impôt et de veiller à l'annone ; l'Égypte, toujours exploitée par les étrangers, ravitaille maintenant Constantinople. Malgré les efforts des empereurs, la grande propriété se développe au profit de hauts fonctionnaires.
L'Égypte présente un intérêt nouveau pour la politique extérieure. Partis de son territoire, des missionnaires ont évangélisé le royaume éthiopien d'Aksoum et le pays des Himyarites (Yémen). Byzance compte sur ces deux peuples pour se débarrasser du contrôle des Sassanides sur la route de l'Inde, mais l'Égypte est trop excentrique, les menaces d'invasion sont trop nombreuses ailleurs pour que l'on songe longtemps à une expédition navale au-delà de la mer Rouge. Malgré son nom, Cosmas Indikopleustês (« le navigateur vers l'Inde »), auteur de la Topographie chrétienne de l'univers (vers 550), n'a pas dépassé les ports d'Arabie. Le rôle d'Alexandrie décline donc au profit des ports syriens, où aboutissent les caravanes venues d'Extrême-Orient.
Si l'empereur continue à exploiter le pays, il est loin d'y exercer une autorité sans partage. L'Égypte byzantine est avant tout une Égypte chrétienne. Le nouveau pharaon, comme disent ses adversaires, c'est l'évêque d'Alexandrie ; depuis le concile de Constantinople (381), il est reconnu comme patriarche, supérieur aux autres évêques d'Orient, désignant et installant à plusieurs reprises les évêques de la capitale ; il est le seul en Orient à avoir conservé le titre de pape. Il nomme les évêques d'Égypte (une centaine) et peut compter sur un clergé nombreux et docile ; il s'appuie sur les bandes fanatiques des moines du désert, alors commandés par Chénouté, abbé du Couvent Blanc. Fort riche, il distribue l'argent à bon escient, et les fonctionnaires impériaux sont à sa dévotion.
Mais, surtout, il ressuscite à son profit l'esprit national des Égyptiens, très montés contre le pouvoir des Grecs, qui continuent à les exploiter. Maître de l'Égypte, il espère supplanter son rival de Constantinople et il peut compter sur le pape, inquiet de la puissance de l'évêque de la nouvelle capitale de l'Empire.
6.1. La querelle du monophysisme
En 404, Le patriarche d'Alexandrie, Théophile (385-412), provoque la chute de saint Jean Chrysostome, évêque de Constantinople, tandis que son successeur, saint Cyrille (412-444), fait condamner en 431 Nestorius, patriarche de Constantinople, comme hérétique (nestorianisme) : on est alors en pleine querelle christologique sur la personne et les natures du Fils.
Le patriarche Dioscore (444-451) soutient les théories de l'archimandrite Eutychès (eutychianisme), qui sont à l'origine du monophysisme (affirmant l'union du divin et de l'humain dans le Christ en une seule nature, le premier ayant abosrbé le second), et au concile d'Éphèse (449) il fait déposer Flavien, patriarche de Constantinople, qui avait condamné Eutychès.
Mais les violences exercées par des moines égyptiens à l'encontre des év^ques (à l'occasion de de concile qualifié de « brigandage) d'Éphèse », attirent l'attention du pape Léon Ier, qui redoute les prétentions d'Alexandrie. Au concile de Chalcédoine (451), Dioscore est déposé. L'Égypte n'accepte pas cette décision et adhère alors avec ardeur au monophysisme, parce qu'il est condamné par Constantinople.
Pendant deux siècles environ, le monophysisme devient alors le symbole de la résistance nationale et religieuse de l'Égypte à l'autotité de Byzance. De nombreuses persécutions à l'encontre de l'Église égyptienne s'en suivent mais les Coptes continuent de nommer leurs propres patriarches et la rupture donne naissance à une Église nationale qui gardera des racines profondes.
Dès 457, Alexandrie se soulève et le patriarche chalcédonien est tué, l'usurpateur monophysite bénéficiant des luttes politiques qui se déroulent à Constantinople. À partir de 460, deux patriarches s'opposent : le patriarche melkite (royal, car le mot « impérial » est inconnu en Orient), toujours menacé par la colère populaire, et le patriarche monophysite, toujours appuyé par la majorité des indigènes. Au vie siècle, les monophysites se divisent en sectes ennemies, toutes d'accord cependant pour refuser toute compromission avec le pouvoir impérial. Cette période agitée est la grande époque de l'art et de la littérature coptes.
Au viie siècle, l'empereur Héraclius (610-641), qui a reconquis ses provinces orientales sur les Sassanides (les Perses ont occupé l'Égypte de 616 à 629), veut à tout prix rétablir l'unité de croyance. Ses édits, qui imposent aux juifs le baptême, aux sectes chrétiennes rivales la doctrine nouvelle du monothélisme, provoquent des réactions violentes, et la haine des Grecs et du pouvoir impérial est à son comble lorsque les Arabes envahissent l'Égypte.
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JULES CÉSAR |
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(49 - 44 av. J.-C.)
Jules César
(Caius Julius Cæsar)
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Notice biographique de Jules César
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Jules César sur la Toile
Julius caesar
César naquit en -101 avant J.-C dans une vieille famille patricienne, la gens Iulia, qui prétendait descendre de Iule, fils d'Énée et par là de Vénus elle-même. Rien que ça !
Vu la noblesse de ses origines, il aurait pu, aurait dû, faire carrière au sein de l'oligarchie sénatoriale. Pourtant, il n'en fut rien : sa tante Julia avait épousé le dictateur Marius, vainqueur des Cimbres et des Teutons, mais aussi leader incontesté du parti populiste. César rallia donc les rangs des "populares" qui s'opposaient à la dictature aristocratique et sanguinaire de Sylla et convola en justes noces avec Cornelia, fille de Cinna, le successeur de Marius à la tête de cette faction.
Pourchassé par des assassins à la solde de ce Sylla, qui n'en était pas à une exécution sommaire près, César se réfugia un moment en Bithynie (N.O. de la Turquie actuelle), auprès du roi Nicomède. Là, aux dires de certaines mauvaises langues, ce ne fut plus sa tête qui fut menacée, mais bien une autre partie de son anatomie : le roitelet oriental ne serait pas resté insensible au(x) charme(s) de cet athlétique jeune patricien romain, et ce dernier ne lui aurait guère opposé de résistance.
Pourtant, alors qu'à cette époque, les vieux Romains traditionalistes étaient fort peu enclins à l'indulgence pour "les mœurs grecques", cette aventure homosexuelle n'entacha pas plus la réputation de Jules qu'elle n'entrava sa carrière politique. (Pour plus de détails au sujet de cette anecdote sans doute apocryphe, voir ici)
Après la mort de Sylla (-78), comme César revenait d'exil pour reprendre le flambeau du parti plébéien à Rome, son bateau fut capturé par des pirates. Ces malfaisants personnages n'exigèrent qu'une rançon de 20 talents. Vexé, César; déjà très conscient de sa propre valeur, exigea que cette somme, qu'il trouvait ridicule, soit plus que doublée (50 talents). Pendant que ses émissaires rassemblaient la rançon, César amusa les malandrins de beaux discours, tout en leur promettant, comme pour plaisanter, qu'il reviendrait un jour et les ferait crucifier. Et les ravisseurs, ravis, de s'esclaffer !
Mais une fois la rançon versée et César libéré, celui-ci arma une flotte privée, captura les bandits et tint scrupuleusement ses engagements : les pirates furent tous mis en croix.
Enfin rentré à Rome, il entreprit sa marche vers le pouvoir absolu auquel il allait être porté par le consentement (résigné) du peuple.
Il fut sans doute impliqué, mais ce rôle reste assez obscur, dans la conjuration de Catilina, (-63). À cette occasion, il s'opposa aux mesures radicales (et illégales) d'un Cicéron par ailleurs fort suspect d'avoir monté en épingle ce minable complot populiste pour se poser en "Sauveur de la République" et en "Père de la Patrie".
Préteur en -62, propréteur d'Espagne en -61, Jules forma ensuite un Triumvirat avec Pompée et Crassus. Lui-même apportait à l'association son génie politique, Pompée son prestige militaire et le richissime Crassus, les fonds indispensables pour séduire la plèbe. C'est ainsi que César obtint le consulat en -59. Cependant, pour égaler la gloire de Pompée, il lui fallait aussi un grand commandement militaire. Il se fit donc attribuer les proconsulats de Gaule cisalpine et de Narbonnaise pour -58.
L'autorité de Rome, limitée, à cette époque, à une simple bande littorale entre Monaco et Narbonne, allait, grâce au "Génie de César", s'étendre désormais à l'intérieur des terres gauloises.
Prenant prétexte d'une invasion d'Helvètes, eux-mêmes poussés dans le dos par les Germains, et à la requête de certaines tribus gauloises, épouvantées, César envahit la Gaule.
La supériorité militaire des légions romaines fit merveille : les Helvètes furent bien vite refoulés dans leurs cantons et les Germains d'Arioviste rejetés au-delà du Rhin.
Cependant si les Gaulois croyaient s'être débarrassés à bon compte des demandeurs d'asile suisses et des envahisseurs germaniques, ils se trompaient lourdement ! Son mandat terminé, leur "protecteur", leur "sauveur" Jules César ne faisait pas mine de quitter le pays ! Il s'enracinait même, prétendant subjuguer les imprudentes tribus gauloises et coloniser, romaniser toute la Gaule !
Au nord de la Gaule, les Belges se révoltèrent.
D'où venaient, qui étaient réellement ces "Belges" ?
En vérité, on ne le sait pas trop.
Jules César, qui, on l'a assez dit, les qualifie de "fortissimes" (fortissimi sunt Belgae - "Extrêmement courageux sont les Belges !")), prétend aussi que certaines d'entre leurs tribus seraient, en fait, composées des descendants de guerriers germains qui auraient passé le Rhin dans les bagages des Cimbres, des Teutons et consorts, puis se seraient dissociés du gros de la troupe pour s'installer dans ce qui deviendra la Belgique. En outre, d'autres tribus belges, peu satisfaites de leur nouveau territoire ou qui avaient la bougeotte, passèrent la Manche, colonisèrent également les îles anglaises, puis passèrent en Irlande où on les appela les "Fier Bolg", les "nobles Belges".
Mais de tout ce folklore celtique, César n'en avait rien à cirer !
Si les Belges résistaient, ils seraient écrasés, tout "fortissimi" qu'ils fussent ! Et ce fut la bataille dite de la "Sabis" (-57), du nom d'une rivière que les historiens ont bien du mal à situer sur la carte (Sambre ?).
Dévalant la pente opposée de la vallée, franchissant la rivière à la nage, remontant au pas de charge l'autre versant, une masse compacte de guerriers belges, provenant de diverses tribus coalisées mais constituée surtout de Nerviens, attaqua par surprise le camp de César.
Celui-ci, voyant que tout se déglinguait autour de lui, se précipita aux avant-postes, et, l'épée à la main, rétablit les lignes qui menaçaient d'être enfoncées. Trois légions, attardées, arrivèrent juste à temps pour dégager le camp du général en chef et donner la victoire aux aigles romaines.
"Mais L'ennemi, même alors qu'il ne lui restait plus guère d'espoir, montra un tel courage que, quand les premiers étaient tombés, ceux qui les suivaient montaient sur leurs corps pour se battre, lançaient des traits sur nos soldats et renvoyaient les javelots qui manquaient leur but. Ainsi, ce n'était pas une folle entreprise pour des hommes d'un pareil courage, il faut le reconnaître, que d'avoir osé franchir une rivière très large, escalader une berge fort élevée et monter à l'assaut d'une position très forte. Cette tâche, leur héroïsme l'avait rendue facile" (César, Guerre des Gaules, II, 27).
Les Belges finirent par être écrasés… Mais César avait eu chaud. Très chaud !
La Belgique vaincue et conquise, il restait à César à pacifier le reste de Gaule.
Malgré les révoltes d'Ambiorix, en Belgique (-54 / -53), et de Vercingétorix, en Auvergne (-52), tout fut assez vite réglé. (Seul un petit village résista, encore et toujours, à l'envahisseur, etc…).
César put même se payer le luxe d'une excursion militaire en Britannia (Grande-Bretagne), histoire de donner aux indigènes un aperçu de la puissance romaine et de les dissuader de porter secours à leurs frères gaulois et belges.
Jules avait acquis la gloire militaire.
Il bénéficiait aussi une renommée littéraire considérable : ses "Commentaires sur la Guerre des Gaules" étaient (et sont toujours) considérés comme un chef d'œuvre de style, de précision et de concision ; des générations de latinistes débutants peuvent en témoigner !
Mais la situation politique ne cessait de se détériorer. Depuis la mort de Crassus en 53 av. J.-C., le triumvirat n'existait plus. César et Pompée restaient seuls à s'affronter. Or, deux maîtres pour Rome, c'était un de trop !
César était aimé du peuple, tandis que Pompée disposait de l'appui inconditionnel du Sénat. Le vainqueur de Mithridate tenta donc, par des mesures assez maladroites, de dépouiller son rival de tous ses commandements, tant civils que militaires. Sous prétexte de troubles en Orient, deux légions furent retirées au vainqueur de Vercingétorix. Ensuite, le Sénat, toujours manipulé par Pompée, s'opposa à toute prolongation des pouvoirs de César et l'obligea de venir en personne à Rome pour briguer le consulat pour l'année -49.
Longtemps, César ne broncha pas, subissant avanie sur avanie sans moufter et faisant même montre d'une modération et d'un esprit de conciliation exemplaires. Il faut aussi dire qu'Antoine et Cassius, tribuns du peuple et partisans de César, usaient et abusaient de leur droit de veto pour saper les menées de ses adversaires.
Mais, à la séance du Sénat du 7 janvier -49, les tribuns, dont l'intégrité physique était pourtant sacrée, furent molestés par les Sénateurs et durent s'enfuir de Rome.
César, qui se trouvait à Rimini (Ariminium), estima alors que la légalité avait été bafouée, et marcha sur Rome à la tête de ses troupes pour "rétablir l'ordre".
Alea jacta est ("les dés en sont jetés") aurait-il dit - mais cela est loin d'être prouvé - en franchissant le Rubicon, un insignifiant ruisselet séparant la Gaule cisalpine de l'Italie proprement dite... insignifiant certes, mais qui n'en marquait pas moins la limite qu'aucun général romain en armes ne devait franchir, sous peine d'être considéré comme un "ennemi de l'État".
Jules s'empara sans difficulté de Rome, abandonnée par Pompée et par la plupart des Sénateurs puis se prépara à affronter son rival qui s'était réfugié dans des Balkans avec une armée considérable, bien plus nombreuse que la sienne.La rencontre décisive se déroula en Thessalie (Grèce), à Pharsale, le 9 août -48.
Au soir de la bataille, l'armée de Pompée était littéralement écrasée. César lui, sur les vingt-deux mille hommes dont il disposait, n'avait perdu "que" dix centurions et deux cents légionnaires
Après avoir, un temps, erré en Méditerranée orientale, Pompée, vaincu se réfugia en Égypte, où il fut assassiné sur ordre du roi Ptolémée XIII (16 octobre -48).
Quelques jours plus tard, César arrivait à son tour à Alexandrie d'Égypte.
En guise de cadeau de bienvenue, le gouvernement égyptien ne trouva rien de mieux que de lui offrir la tête, encore sanglante, de Pompée. César s'en détourna, écœuré : Pompée le Grand, le "triumvir", avait été jadis son allié et même son gendre (le vainqueur de Mithridate avait été marié à Julia, fille unique de César - le décès de celle-ci, en septembre 54, distendit considérablement les liens d'amitié qui, jusque-là, unissaient les deux politiciens).
cléopâtre
Puisqu'il se trouvait en Égypte, César en profita pour remettre de l'ordre dans le pays.
Entre le pharaon Ptolémée XIII et sa sœur-épouse Cléopâtre, c'était la guerre. Le jeune roi contrôlait Alexandrie et l'essentiel du pays, tandis que sa sœur s'était s'enfuie au diable Vauvert.
Un jour, un serviteur se présenta aux portes du palais où résidait le général romain. Un admirateur anonyme l'avait chargé d'apporter un cadeau à Jules, un somptueux tapis d'Orient. L'homme insistait pour le lui remettre en mains propres. À force d'insistance, de supplications (et de bakchichs), le portefaix franchit toutes les portes, toutes les sentinelles et arriva devant César. Il déposa précautionneusement son fardeau par terre, retira les ficelles qui maintenaient l'étoffe roulée, déroula enfin le tapis et… qui apparut ? La petite Cléopâtre en chair, en os et en nez ! La sœur et épouse du Pharaon d'Égypte !
Coup de foudre !
César fut sans doute aussitôt séduit ; autant par l'ingénieuse ruse que par le joli minois de la petite reine. Cléopâtre, elle, de son côté, tombait probablement sous le charme de cet alerte quinquagénaire, de ce descendant de Vénus qui avait affronté et vaincu d'innombrables armées barbares, de ce puissant général romain qui lui rendrait, à elle et à elle seule, le trône d'Égypte et qui peut-être, pourrait même un jour, restaurer l'empire d'Alexandre.
Effectivement César allait tenter d'éliminer le roi-époux-frère de la belle Cléopâtre pour donner à celle-ci tout pouvoir en Égypte. Mais les choses se compliquèrent : le parti du Pharaon était bien plus puissant que César ne l'avait prévu. Le grand Jules se trouva bientôt assiégé, encerclé dans le palais d'Alexandrie, avec seulement une poignée de légionnaires pour repousser toute la populace d'Alexandrie et affronter l'armée de Ptolémée XIII, commandée par l'eunuque Ganymède, un général de raccroc, certes, mais énergique et très compétent.
Une nouvelle fois, Jules n'en menait pas large.
Après avoir vainement tenté de rompre l'encerclement ennemi, force lui fut d'appeler ses alliés au secours.
Les plus proches étaient les Juifs. Ceux-ci se mirent en campagne sous la conduite d'Antipater (en latin) ou Antipatros (en grec). Cet Antipas, arabe Iduméen selon certaines sources, Juif gouverneur de l'Idumée selon d'autres, était surtout le Premier ministre d'Hyrcan II, Grand Prêtre et roi (fantoche) des Juifs. Antipas était aussi le père du futur roi des Juifs Hérode le Grand, de si détestable réputation.
Joignant ses forces à celles de Mithridate de Pergame, le "Maire du Palais" juif parvint briser l'étau égyptien et à libérer César (24 mars -47). Le surlendemain, Jules et ses alliés orientaux écrasaient l'armée du pharaon lors d'une bataille sanglante.
Ptolémée XIII trouva la mort en s'enfuyant, noyé dans le Nil.
Débarrassé des opposants égyptiens, César s'en fut alors faire une petite croisière sur le Nil
Voyage de noces ? Tourisme culturel ? Initiation aux mystères religieux et ésotériques de l'ancienne Égypte ? Inventaire des ressources fiscales du pays ? Sans doute un peu de tout cela. Quoi qu'il en soit et quels que fussent les motifs de cette excursion, César et sa royale maîtresse remontèrent le Nil jusqu'à Assouan, conçurent sans doute le petit Césarion, puis s'en revinrent dare-dare à Alexandrie tant la situation politique requérait à nouveau la vigilance, la présence et l'intervention du divin Jules. (Juillet -47).
Malgré la sanglante bataille de Pharsale et la mort du Pompée, le parti sénatorial renaissait de ses cendres en Afrique (du Nord) autour de Caton le Jeune (dit "Caton d'Utique), tandis que les légions de César, stationnées en Italie et privées depuis trop longtemps de la présence (rémunératrice) de leur chef, paraissaient prêtes à se révolter.Mais César n'était pas un larbin qui rapplique quand on le siffle ! Pas question pour lui de quitter l'Orient romain sans avoir imposé partout la paix romaine !
Or, un certain Pharnace, roi du Pont (rives de la Mer Noire) refusait de se soumettre à Rome.
Son compte fut vite réglé.
Le 13 juillet -47, César débarquait à Beyrouth, rassemblait toutes les légions du coin et leur faisait traverser à toute vitesse les brûlants plateaux d'Anatolie. Quelques jours plus tard (2 août -47) l'armée du présomptueux souverain oriental était anéantie, Pharnace destitué et remplacé par son frère Mithridate de Pergame, celui-là même qui, avec le ministre juif Antipas, avait tiré Jules du guêpier alexandrin. Commentaire de Jules : Veni, Vidi, Vici, "Je suis venu, j'ai vu, j'ai vaincu".
De retour en Italie, César reprit fermement en main ses légions mutinées puis se prépara à déloger les "Pompéiens" d'Afrique du Nord.
Ce n'était chose aisée car, en fait, ses adversaires (Caton, Labienus, Metellus Scipion et Juba Ier, roi de Numidie) semblaient plus puissamment armés, plus riches et mieux approvisionnés que lui. En outre, ses propres soldats, gavés de belles promesses, mais impayés depuis des lustres, continuaient à grogner. Il lui fallait donc faire au plus vite !
Malgré son infériorité numérique, il débarqua à Hadrumète (auj. Sousse, en Tunisie) et ce fut la bataille de Thapsus, rendue célèbre par un épisode d'Astérix (Astérix légionnaire).
Les forces "pompéiennes", commandées par Metellus Scipion, ne se décidaient pas à attaquer. César lui-même semblait hésiter. Ce furent les vétérans de César qui prirent l'initiative : faisant fi de la tactique prudente de leur imperator, ils se ruèrent à l'assaut des lignes pompéiennes, les rompirent et se livrèrent un épouvantable carnage, massacrant leurs ennemis jusqu'au dernier. Seuls les chefs de l'armée "sénatoriale" parvinrent à s'échapper (4 avril -46).
Quelques jours plus tard (12 avril), Caton le Jeune (Marcus Porcius Cato) se suicidait à Utique.
Les provinces africaines, avec toutes leurs richesses et leurs immenses réserves céréalières étaient désormais aux mains de César et celui-ci, qui s'était enfin acquitté de ses dettes envers ses soldats, put rentrer à Rome.
… Pour peu de temps !
Le parti pompéien avait à peine été écrasé en Afrique qu'il renaissait en Espagne.
Cette fois c'était Cnæus Pompée, le fils aîné du Grand Pompée, qui brandissait l'étendard de la révolte. Il avait étrillé les maigres forces dont César disposait en Espagne après avoir réuni autour lui tous les ennemis de César, en particulier Labienus, l'ancien lieutenant du conquérant des Gaules mais qui était devenu son plus farouche adversaire.
Et le vieux César (il avait cinquante-six ans, âge vénérable à l'époque) de se remettre en route, casque en tête et cuirasse aux flancs.
La dernière bataille entre le divin Jules et ses adversaires pompéiens se déroula le 17 mars -45 à Munda, non loin de Cordoue. Manque de bol, César, ce jour-là, n'était pas au mieux de sa forme : il se remettait à peine d'une de ces crises d'épilepsie auxquelles il était sujet.
Il émergea à grand-peine de son lit de douleur, et, tête lourde, oreilles bourdonnantes et jambes flageolantes, se traîna devant ses troupes, déjà alignées en ordre de bataille face à l'ennemi, pour les haranguer : "Soldats ! leur s'écria-t-il en substance, voici la dernière bataille qu'il vous faudra livrer contre vos concitoyens ! C'est la der des der, je vous le promets ! Une fois ces ennemis exterminés, nous pourrons triompher à Rome avant de nous lancer dans d'autres aventures, encore plus glorieuses et plus profitables, je vous le garantis !".
Mais, pour la première fois, ses soldats ne furent pas convaincus. Les Pompéiens étaient deux fois plus nombreux qu'eux, et puis, la crise de "haut-mal" qui avait frappé l' imperator leur semblait de mauvais augure, un averissement des dieux peut-être...
Ils restèrent donc figés, l'arme au pied, comme épouvantés.
César alors commença à avoir peur. Non pour sa vie, mais pour son honneur. "Les dieux ne m'ont-ils accordés tant de victoires que pour me voir succomber ici ? se dit-il. Si telle est leur volonté, autant mourir en combattant !" Alors, forçant son corps encore endolori à lui obéir, il se lança seul, tout seul, glaive à la main, à l'assaut des lignes ennemies…
Geste désespéré, mais décisif ! Après un bref moment d'hésitation, ses soldats, émerveillés de l'audace, de la bravoure de leur vieux général, entraînés par son charisme quasi surnaturel, suivirent son exemple et se ruèrent eux aussi à l'attaque, comme un seul homme.
Au soir, l'ultime armée "pompéienne" était anéantie.
Quant au fils aîné de Pompée, en fuite, il sera exécuté par des soldas quelques jours plus tard.
César, désormais seul maître du monde méditerranéen, allait gouverner en souverain absolu, mais sans sortir du cadre républicain.
Déjà chef de la religion romaine en qualité de grand pontife, il s'était également fait décerner la dictature pour dix ans en-46 et était devenu, en même temps, consul annuel.
En -44 il fut nommé dictateur et censeur à vie en Italie.
Mais ces dignités" républicaines" ne lui suffisaient pas : poussé sans doute par la belle Cléopâtre qui l'avait rejoint à Rome au grand scandale des Romains traditionalistes, il aspirait au titre de roi, non par gloriole personnelle, mais pour mieux asseoir son prestige auprès des populations orientales avant d'engager une grande expédition militaire contre les Parthes.
À la séance du Sénat qui devait lui accorder ce titre (Ides de mars, 15 mars -44), il fut tué à coups de poignards par les conjurés menés par M. Junius Brutus, qui était, peut-être, son fils "de la main gauche.
Dans son excellent livre "Cléopâtre ou le rêve évanoui", (Librairie académique Perrin), Jacques Benoist-Méchin, vieux facho mais auteur souvent pénétrant, compare très intelligemment les destinées d'Alexandre le Grand et de notre Jules :
"L'un (Alexandre) se présente à nous comme un adolescent impétueux, paré de toutes les séductions de la jeunesse et qui semble avoir l'éternité devant lui ; l'autre (César) comme un homme mûr, aux tempes grisonnantes, auquel le temps est parcimonieusement mesuré. Alexandre est poussé en avant par une ivresse dionysiaque. Rien ne paraît le contraindre à faire ceci plutôt que cela. Il danse à travers les sables dorés de l'Asie et c'est pourquoi sa conquête garde la grâce et la liberté d'un jeu. Tandis que César parcourt le monde d'un pas grave et réfléchi. Chaque étape de sa carrière est commandée par la nécessité. Sans cesse, un délai rigoureux lui est imparti. Il faut, à jour nommé, qu'il franchisse le Rubicon ; il faut qu'il rattrape Pompée, avant qu'il ne soit trop tard ; il faut qu'il mette un terme rapide à la guerre civile, sans quoi le monde entier sombrera dans le chaos.
Alexandre, l'immortel, semble protégé du danger par une cuirasse invisible. Rien ne paraît pouvoir trancher le fil de ses jours. César, éminemment mortel, est exposé à tous les périls et le poignard de ses assassins ne l'épargnera pas. Sans doute ont-ils l'un et l'autre la même ardeur créatrice, qui se traduira par deux des plus belles chevauchées que l'histoire ait retenues. Mais l'un tire son pouvoir de sa fougue et de son imagination, l'autre de son audace et de sa volonté de puissance. Porté par son propre mythe, le premier semble voler de prodige en prodige. Le second, pris dans les obligations astreignantes de la politique, n'obtient rien qu'en respectant l'enchaînement serré des causes et des effets. Alexandre clôt la série des demi-dieux antiques ; César ouvre celle des chefs d'État modernes."
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NAPOLÉON 1 er |
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Napoléon Ier
Napoléon Ier, né le 15 août 1769 à Ajaccio, et mort le 5 mai 1821 sur l'île Sainte-Hélène, est le premier empereur des Français, du 18 mai 1804 au 6 avril 1814 et du 20 mars 1815 au 22 juin 1815. Second enfant de Charles Bonaparte et Letitia Ramolino, Napoléon Bonaparte est un militaire, général dans les armées de la Première République française, née de la Révolution, commandant en chef de l'armée d'Italie puis de l'armée d'Orient. Il parvient au pouvoir en 1799 par le coup d'État du 18 brumaire et est Premier consul jusqu'au 2 août 1802, puis consul à vie jusqu'au 18 mai 1804, date à laquelle il est proclamé empereur par un sénatus-consulte suivi d'un plébiscite. Enfin il est sacré empereur en la cathédrale Notre-Dame de Paris le 2 décembre 1804 par le pape Pie VII.
En tant que général en chef et chef d'état, Napoléon tente de briser les coalitions montées et financées par le Royaume de Grande-Bretagne et qui rassemblent depuis 1792 les monarchies européennes contre la France et son régime né de la Révolution. Il conduit pour cela les armées françaises d'Italie au Nil et d'Autriche à la Prusse et à la Pologne : ses nombreuses et brillantes victoires (Arcole, Rivoli, Pyramides, Marengo, Austerlitz, Iéna, Friedland), dans des campagnes militaires rapides, disloquent les quatre premières coalitions. Les paix successives, qui mettent un terme à chacune de ces coalitions, renforcent la France et donnent à son chef, Napoléon, un degré de puissance jusqu'alors rarement égalé en Europe lors de la paix de Tilsit (1807).
Il réorganise et réforme durablement l'État et la société. Il porte le territoire français à son extension maximale avec 134 départements en 1812, transformant Rome, Hambourg, Barcelone ou Amsterdam en chefs-lieux de départements français. Il est aussi président de la République italienne de 1802 à 1805, puis roi d’Italie de 1805 à 1814, mais également médiateur de la Confédération suisse de 1803 à 1813 et protecteur de la Confédération du Rhin de 1806 à 1813. Ses victoires lui permettent d'annexer à la France de vastes territoires et de gouverner la majeure partie de l’Europe continentale en plaçant les membres de sa famille sur les trônes de plusieurs royaumes : Joseph sur celui de Naples puis d'Espagne, Louis sur celui de Hollande, Jérôme sur celui de Westphalie et son beau-frère Joachim Murat à Naples. Il crée également un duché de Varsovie, sans oser restaurer formellement l'indépendance polonaise, et soumet temporairement à son influence des puissances vaincues telles que le Royaume de Prusse et l'Empire d'Autriche.
Objet, dès son vivant, d'une légende dorée comme d'une légende noire, il doit sa très grande notoriété à son habileté militaire, récompensée par de très nombreuses victoires, et à sa trajectoire politique étonnante1, mais aussi à son régime despotique et très centralisé ainsi qu'à son ambition qui se traduit par des guerres d'agression très meurtrières (au Portugal, en Espagne et en Russie) avec des centaines de milliers de morts et blessés, militaires et civils pour l'ensemble de l'Europe. Il tente également de renforcer le régime colonial français d'Ancien Régime en outre-mer, en rétablissant en particulier l'esclavage en 1802 ce qui provoque la guerre de Saint-Domingue (1802-1803) et la perte définitive de cette colonie, tandis que les Britanniques s'assurent le contrôle de toutes les autres colonies entre 1803 et 1810. Cet ennemi britannique toujours invaincu s'obstinant à financer des coalitions de plus en plus générales, les Alliés finissent par remporter des succès décisifs en Espagne (bataille de Vitoria) et en Allemagne (bataille de Leipzig) en 1813. L’intransigeance de Napoléon devant ces sanglants revers lui fait perdre le soutien de pans entiers de la nation française2 tandis que ses anciens alliés ou vassaux se retournent contre lui. Amené à abdiquer en 1814 après la prise de Paris, capitale de l'Empire français, et à se retirer à l'île d'Elbe, il tente de reprendre le pouvoir en France lors de l'épisode des Cent-Jours en 1815. Capable de reconquérir son empire sans coup férir, il amène pourtant la France dans une impasse devant sa mise au ban de l'Europe, avec la lourde défaite de Waterloo qui met fin à l'Empire napoléonien et assure la restauration de la dynastie des Bourbons. Sa mort en exil à Sainte-Hélène sous la garde des Anglais, fait l'objet de nombreuses controverses.
Une tradition romantique fait de Napoléon l'archétype du grand homme appelé à bouleverser le monde. C'est ainsi que le comte de Las Cases, auteur du Mémorial de Sainte-Hélène tente de présenter Napoléon au parlement britannique dans une pétition rédigée en 18183. Élie Faure, dans son ouvrage Napoléon, qui a inspiré Abel Gance, le compare à un « prophète des temps modernes ». D'autres auteurs, tel Victor Hugo, font du vaincu de Sainte-Hélène le « Prométhée moderne ». L'ombre de « Napoléon le Grand » plane sur de nombreux ouvrages de Balzac, Stendhal, Musset, mais aussi de Dostoïevski, de Tolstoï et de bien d'autres encore. Par ailleurs, un courant politique français émerge au xixe siècle, le bonapartisme, se revendiquant de l'action et du mode de gouvernement de Napoléon.
Biographie
Jeunesse
Naissance
Napoléon Bonaparte naît à Ajaccio, dans la maison familiale (transformée aujourd'hui en musée4), le 15 août 1769, un an après le traité de Versailles par lequel Gênes cède l'île à la France5. Ondoyé à domicile, il a pour nom de baptême Napoleone di Buonaparte, et n'est baptisé à la Cathédrale Notre-Dame-de-l'Assomption d'Ajaccio que le 21 juillet 1771 (acte de baptême qui atteste cette date, mais sur son acte de mariage avec Joséphine de Beauharnais, il signa Napoleone Buonaparte). Issu d’une famille faisant partie de la noblesse de robe italo-corse dont la présence sur l'île est attestée depuis le xvie siècle6 (Maison Bonaparte d’origine toscane7), il est le quatrième enfant (second des enfants survivants) de Carlo Maria Buonaparte, avocat au Conseil supérieur de l'île, et de Maria Letizia Ramolino. Son prénom, Napoleone (ou Nabulione selon la graphie corse8), lui est donné en mémoire d'un oncle mort à Corte en 17679.
Enfance
Enfant, sa mère le décrira plus tard comme le plus intrépide. À Sainte-Hélène, Napoléon rapportera à Las Cases qu'enfant, il était « turbulent, adroit, vif et preste à l'extrême ».
En janvier 1779, âgé de neuf ans et demi, Napoléon Bonaparte quitte la Corse, et son école de Jésuites10, pour entrer au collège d'Autun. L'abbé Chardon, l'un de ses professeurs, le décrit comme un enfant « sombre et pensif, qui ne s'amusait avec peu de gens et se promenait ordinairement seul ». Ne sachant parler que le corse en entrant au collège, « il apprit en trois mois le français, au point de faire librement la conversation et même de petits thèmes et de petites versions », selon l'abbé Chardon11.
Fin mai, il est admis à l'école militaire de Brienne-le-Château, dirigée par les Minimes, où il revêt l'uniforme. Il est excellent en mathématiques mais médiocre en littérature, latin et allemand10. Assez peu apprécié de ses camarades, il ne se rapproche véritablement que d'un, Louis Antoine Fauvelet de Bourrienne10. La légende napoléonienne retiendra un épisode de son éducation militaire durant lequel, en 178310, il aurait dirigé ses camarades lors d'une bataille de boules de neige. Cet évènement est depuis souvent relaté dans les livres portant sur Napoléon Ier.
Ascension dans l’armée
Formation militaire
Le 8 juin 1777, Charles Bonaparte est élu député de la noblesse de Corse. En cette qualité, il fait partie de la députation que l’Assemblée générale des États de la Corse envoie à Versailles auprès du roi Louis XVI. Le 15 décembre 1778, il part pour Versailles où Louis XVI le reçoit en audience une seconde fois12, la première rencontre avec le roi datant de 1776.
À cette occasion, le comte de Marbeuf, gouverneur de l'île, fait obtenir, auprès du ministre de la guerre le prince de Montbarrey, une bourse pour faire entrer le deuxième fils de Charles à l'école militaire, son frère aîné Joseph étant destiné à suivre une carrière ecclésiastique13.
Le 1er janvier 1779, Charles Bonaparte fait entrer provisoirement ses deux fils Joseph et Napoléon au collège d’Autun. Napoléon y reste trois mois, le temps pour son père de faire les démarches pour le faire admettre à l'école militaire, devant pour cela fournir les preuves de sa noblesse et de quatre degrés d'ancienneté pour obtenir la bourse du roi14. Le dossier fut examiné par le juge d'armes Antoine-Marie d'Hozier de Serigny15.
École militaire de Brienne (1779-1784)
Charles Bonaparte ayant fourni les preuves de noblesse de la famille, Napoléon est agréé par le ministère de la Guerre pour entrer au collège militaire de Tiron, mais, à la suite de défections, il est finalement admis à l’École royale militaire de Brienne-le-Château (Aube)15.
Napoléon y entre le 15 mai 1779 en classe de septième16. C’est l’un des douze collèges de France qui accueillent les enfants de la petite noblesse. Il va y rester cinq ans. Considéré comme bon élève et toujours aussi doué pour les mathématiques, il aurait même oublié le peu de latin qu'il aurait appris10. Bonaparte n’aurait pas été très apprécié de ses camarades notamment à cause de son admiration pour Pascal Paoli17, ainsi que par certains professeurs, comme celui d'allemand, M. Bauer qui aurait même cité « Ce n'est qu'une bête »10. Cependant, d'autres de ces professeurs seront « frappés par sa contenance grave et sa maturité », comme son professeur de lettres, Louis Domairon, qui dira « C'est du granit chauffé au volcan »10. Selon Jacques Godechot, les témoignages sur le séjour de Brienne sont tout de même contradictoires et sujets à caution (sous la direction de Jean Mistler, 1969)18. Il montre déjà une propension à l’art du commandement, en organisant des jeux militaires dont il prend la tête. Une bataille de boules de neige, qu'il aurait dirigée un hiver, fait partie de sa légende19. À cette époque, il se fait de nouveaux amis, comme Alexandre des Mazis20 et Louis Jullien (futur préfet du Morbihan), ainsi que de nouveaux ennemis, comme Antoine Le Picard de Phélippeaux, qu'il retrouvera bien plus tard, au siège de Saint-Jean-d'Acre10. Son frère Joseph, ayant abandonné son projet d'entrer au séminaire, étudie le droit, Lucien entre au séminaire d’Aix-en-Provence et ses sœurs sont éduquées par Mme Campan.
Son père lui rend visite le 21 juin 178421. Le 22 septembre de la même année, le sous-inspecteur des écoles Marie-Antoine-Sérapion Reynaud des Monts fait passer aux élèves cadets de Brienne l'examen d'entrée à l'École militaire de Paris, où après un an d'études ils pourront être affectés à un régiment d'artillerie, de génie, ou de la marine22. Napoléon est jugé apte à y entrer ainsi que quatre de ses condisciples.
École militaire de Paris (1784-1785)
Il quitte l'école de Brienne le 17 octobre et arrive cinq jours plus tard à Paris où il intègre la compagnie des cadets gentilshommes23. Le 24 février 1785, Charles Bonaparte meurt d'un cancer de l'estomac ; le rôle de chef de la famille échoit à l'aîné Joseph, mais Napoléon le juge d'un caractère trop faible pour diriger la famille24. En septembre, il passe l'examen de sortie de l'école ; l'inspecteur des Écoles, Agathon Guinement, chevalier de Keralio, le juge apte à être affecté au régiment de la marine, mais la mère de Napoléon refuse et finalement il est intégré au régiment d'artillerie10, interrogé par le mathématicien Pierre-Simon de Laplace.
Affectation au régiment d'artillerie de la Fère
Il est reçu sous-lieutenant, (42e sur 58) à l’examen de l’artillerie. Il reçoit son ordre d'affectation au régiment d'artillerie de la Fère alors en garnison à Valence10,25, qu'il rejoint le 3 novembre 1785.
L'été suivant, il obtient un congé de six mois à partir du 1er septembre 1786. Le 15 septembre 1786, sept ans et neuf mois après son départ, il repose les pieds sur l’île de Corse à l’occasion de son congé de semestre.
Il ne rejoindra son régiment que 13 mois plus tard soit le 30 septembre 1787. Dès novembre 1787, il demande un nouveau congé de six mois, qu'il obtient. Il ne réintégrera son régiment que le 15 juin 1788. Le 1er juin 1788, il s’embarque pour rejoindre son régiment de La Fère en garnison à Auxonne et apprendre son métier d’artilleur. Dans ses loisirs, il travaille assidûment. Ses nombreuses lectures, qu’il accompagne de Notes26 témoignent du sens dans lequel il a dirigé ses études et des sujets qui l’ont particulièrement attiré.
Le 9 septembre 1789, il quitte Auxonne pour un nouveau congé de six mois. Il ne réaffectera son régiment que le 11 février 1791. Le premier septembre 1791 il demande un nouveau congé de trois mois . Il ne reviendra jamais à son régiment27. Ses états de service sont tels que certains le surnomment « l'éternel permissionnaire »27.
Il fait par la suite plusieurs voyages, à Auxonne, à Valence puis à Paris10.
Article détaillé : Séjour de Napoléon Bonaparte à Auxonne.
Premières armes
Article détaillé : Guerres de la Révolution française.
Lorsque la Révolution éclate en 1789, le lieutenant Bonaparte a dix-neuf ans. Il est présent depuis le 15 juin 1788 au régiment de La Fère, alors à l'école royale d'artillerie à Auxonne dirigée par le maréchal de camp-baron, Jean-Pierre du Teil. Ce dernier lui confie la répression de la première émeute de la faim qui éclate dans la ville le 19 juillet 1789.
En 1791, le lieutenant Bonaparte répond à l'ouverture de l'armée russe aux émigrés français ordonnée par la tsarine Catherine II. Son offre est rejetée car la tsarine, qui se méfie des républicains, est également rebutée par le caractère prétentieux du lieutenant qui demande son intégration dans son armée avec le grade de major28.
Présent ponctuellement à Paris, le jeune officier est spectateur de l’invasion des Tuileries par le peuple le 20 juin 1792 et aurait manifesté alors son mépris pour l'impuissance de Louis XVI. Ce dernier signe, quelques jours plus tard, son brevet de capitaine ; ce sera l'un de ses derniers actes publics.
Napoléon retourne à plusieurs reprises en Corse, où les luttes de clans avaient repris, les paolistes soutenant la monarchie à l’anglaise, et les Bonaparte la Révolution. Napoléon se fait élire lieutenant-colonel du 2e bataillon de volontaires de la Corse en mars 1792, avec 522 voix sur 492 inscrits29,30,31. Il arrachera de force l’accord du commissaire du gouvernement. C'est à ce poste de commandant en second du bataillon Quenza-Bonaparte qu'il fait ses premières armes en février 1793, participant à la tête de l'artillerie à l'expédition de La Maddalena. Malgré l'efficacité et la détermination de Napoléon, l'opération commandée par Colonna Cesari, un proche de Paoli, est un échec cuisant. Cet événement et l’exécution du roi en janvier 1793 attisent la division avec les paolistes, provoquant une révolte des indépendantistes.
Les désaccords entre Paoli et Bonaparte s'accentuent à la suite d'une lettre de Lucien Bonaparte à la Convention pour dénoncer Paoli. La famille de Napoléon, dont la maison a été mise à sac et incendiée10, est contrainte de se réfugier dans une autre résidence, leur petite ferme de Milleli, puis, quelque temps plus tard, la 10 juin 1793, de quitter l'île précipitamment à destination de la France continentale.
Débarqués à Toulon, les Bonaparte s'installent dans la région de Marseille. Napoléon Bonaparte est affecté à l'armée chargée de mater l'insurrection fédéraliste du Midi. Il s'active à approvisionner l'artillerie en matériel durant l'été 1793. C'est à cette période qu'il rédige le Souper de Beaucaire, pamphlet politique pro-jacobin et anti-fédéraliste.
Fin août 1793, alors que Marseille vient d'être reprise par les Républicains jacobins et que la famille Bonaparte s'y installe, Toulon, tenue par les fédéralistes et les royalistes, se livre aux troupes britanniques et espagnoles.
Article détaillé : Siège de Toulon (1793).
Bonaparte est capitaine d’artillerie lorsqu'il se présente au général Carteaux chargé de diriger le siège de la ville. Celui-ci ne l'écoute pas et ne suit pas ses conseils10. Bonaparte obtient, à la demande des commissaires Augustin Robespierre et son compatriote Salicetti, le commandement de l'artillerie, avec le grade de chef de bataillon. Bonaparte s'oppose aussi à Louis Fréron, qui, par sa mauvaise gestion des affaires militaires, contribue au lancement de sa carrière. Il rencontre lors de ce siège de jeunes officiers comme Marmont ou Victor et le sergent Junot10 qui accompagneront la suite de sa carrière. Le 23 novembre, il parvient, avec ses hommes, à capturer le général anglais Charles O'Hara10. Après l'échec d'un assaut contre Toulon, Napoléon soumet un plan d'attaque au général Dugommier, qui a pris le commandement du siège. L'application de ce plan permet la reprise de la ville aux troupes royalistes et britanniques le 18 décembre, après la prise du Petit Gibraltar10. Ses ordres contribuent à forcer la flotte britannique à quitter la rade de Toulon et à priver ainsi les insurgés d'un soutien précieux. Il est fait général de brigade le 22 décembre, après avoir refusé au commissaire Augustin Robespierre le commandement de l'armée de Paris10.
Après cette victoire, il est affecté à l'armée d'Italie, concentrée dans la région de Nice.
Ses amitiés avec les jacobins lui valent d’être brièvement arrêté après la chute de Robespierre le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794), à Antibes, au Fort carré10.
Le 13 vendémiaire, le mariage et l’armée d’Italie
Une fois Bonaparte libéré, François Aubry, membre du comité militaire, lui propose un commandement en Vendée mais il refuse et lui dit même « On vieillit vite sur le champ de bataille et j'en arrive »10. Aubry le met alors en congé, mais sans solde. Par la suite, il erre à Paris sans commandement effectif ; sans argent, il va souvent dîner chez Bourrienne ou chez Mme Panoria Comnène épouse Permon, une connaissance de Corse, avec Junot, les deux étant devenus inséparables depuis le siège de Toulon10. Le 13 vendémiaire an IV, Barras lui demande de réprimer l’insurrection royaliste contre la Convention nationale10. À cette occasion, Bonaparte a sous ses ordres un jeune officier, Joachim Murat, son futur beau-frère. Ce dernier joue un rôle déterminant, en transférant à temps les canons indispensables depuis les Sablons jusqu'aux abords des Tuileries. La canonnade de Saint-Roch — où les boulets ont été remplacés par de la mitraille plus « efficace » — disperse les forces royalistes, faisant 300 morts32.
Quelques jours plus tard, Bonaparte est promu général de division, puis nommé commandant de l’armée de l'Intérieur, succédant à Barras qui devient l’un des cinq membres du Directoire. Il s'installe à Paris, à l’hôtel de la XVIIe division, rue des Capucines10
Officier d’artillerie de formation, il innove vers cette époque dans l’utilisation de l’artillerie (canon de Gribeauval) comme force mobile d’appui des attaques d’infanterie.
Il épouse, le 9 mars 179610, Joséphine de Beauharnais, amie et ancienne maîtresse de Barras. Ce mariage lui permet d’obtenir, le 2 mars 1796, sa promotion de général en chef de la petite armée d'Italie, appelée en principe à ouvrir un simple front de diversion10. Il sait motiver ses hommes et fait, sur le terrain qu'il avait reconnu en 1793-94, une campagne d’exception qui reste étudiée dans toutes les Écoles de guerre. Il bat séparément quatre généraux piémontais et autrichiens (dont Colli, von Beaulieu et Argenteau à Millesimo, Montenotte), après s'être emparé du Massif de l'Authion avec Masséna, là où les généraux Gaspard Jean-Baptiste Brunet et Jean-Mathieu-Philibert Sérurier avaient échoué, à la baisse de Turini-Camp d'argent, et signe l’armistice de Cherasco avec le premier royaume. Dans une deuxième phase, il bat une nouvelle armée autrichienne envoyée en renfort et commandée par Sebottendorf à Lodi et Beaulieu à Borghetto, ce qui lui assure la conquête de Milan.
Dans une troisième phase organisée autour du siège de Mantoue, il bat deux nouvelles armées autrichiennes commandées par Quasdanovich et Wurmser dans sept batailles, dont Castiglione, Roveredo. Enfin, les renforts commandés par Alvinczy sont à nouveau battus au pont d’Arcole et à Rivoli. Tout en organisant l’Italie en Républiques sœurs sur le modèle de la République française, il marche sur l’Autriche et signe seul les préliminaires de paix de Leoben. En un peu plus d’un an, il bat cinq armées autrichiennes, fréquemment à un contre deux, et décide seul du sort de la guerre, les armées françaises du Rhin étant battues par les Autrichiens qui doivent affaiblir leurs troupes sur ce front pour envoyer des renforts en Italie. La rue de Paris qu'il habitait s'appelait rue Chantereine. Elle fut rebaptisée rue de la Victoire, nom qu'elle a conservé à ce jour.
Article détaillé : Campagne d'Italie (1796-1797).
Campagne d’Égypte
À son retour d’Italie, en décembre 1797, Bonaparte est accueilli comme un héros par le Directoire qui organise une cérémonie officielle pour célébrer la paix de Campo-Formio. Sa popularité auprès des Français est de plus en plus importante et le 25 décembre 1797, il est élu membre de l'Institut dans la section des arts mécaniques de la classe des sciences physiques et mathématiques. En février 1798, le Directoire soumet à Bonaparte le projet d'une invasion de l'Angleterre. Celui-ci inspecte alors les côtes françaises de Boulogne, Calais et Dunkerque, en vue de la réalisation du projet. Le 23 février 1798, le gouvernement abandonne le projet d'invasion de l'Angleterre sur les conseils de Bonaparte, qui, lui-même influencé par Talleyrand, persuade alors le Directoire de porter la guerre en Égypte, où il pourra couper la route des Indes à la Grande-Bretagne. Le 24 février 1798, le rapport est présenté à Barras. Le 5 mars, inquiet de la popularité de Bonaparte, le Directoire le charge de mener l'expédition en Égypte, avec l'arrière-pensée de s'en débarrasser. De même, l'assemblée électorale des Landes l'ayant choisi pour député en avril 1798, son élection est invalidée le 22 floréal an VI (11 mai 1798), avec celle de cent cinq autres députés, pour l'essentiel jacobins33.
En avril 1798 est créée l’armée d’Orient, placée sous les ordres de Bonaparte. Le général Bonaparte organise son état-major et choisit, comme en Italie, huit officiers comme aides de camp : Duroc, Beauharnais, Jullien, le polonais Sulkowski, Croizier, Lavalette, Guibert et Merlin. Les généraux Kléber, Desaix, Murat, Lannes, Davout, Menou, Caffarelli, Jullien, Andréossy et Dumas l'accompagnent, ainsi que des scientifiques qui formeront l’Institut d'Égypte.
Le 19 mai 1798, Bonaparte quitte Toulon avec le gros de la flotte française et parvient à échapper à la poursuite de la flotte britannique de Nelson. Les Français s’emparent d'abord de Malte, le 10-11 juin 1798, pour assurer les communications ultérieures entre la France et l’Égypte. Le 19 juin 1798, après avoir laissé une garnison de 3 000 hommes sur place, la flotte met le cap sur Alexandrie qu’elle atteint le 1er juillet 1798. Après une courte résistance, la ville est prise le lendemain34[réf. insuffisante].
Bonaparte laisse trois mille hommes à Alexandrie et se dirige vers l’est, en longeant le delta du Nil jusqu’au fleuve qu’il remonte ensuite vers Le Caire. Le premier véritable combat de la campagne d'Égypte a lieu à Chebreiss le 13 juillet 1798 où les cavaliers mamelouks sont défaits, grâce à l’artillerie de l’armée d’Orient. Le 21 juillet, à la bataille des Pyramides de Gizeh, Bonaparte bat à nouveau l’armée des mamelouks. Le 24 juillet, Bonaparte et son armée entrent en vainqueurs au Caire. Les 1er et 2 août, la flotte française est presque entièrement détruite à Aboukir par la flotte de l'amiral Nelson. Désormais, les Britanniques sont maîtres de la Méditerranée et Bonaparte est prisonnier de sa conquête. À la suite de cette défaite, les Turcs, le 9 septembre, déclarent la guerre à la France. Il faut rappeler qu’à cette époque l'Égypte fait partie de l'empire ottoman, comme la majorité du Proche-Orient.
Pendant qu’il décide de faire de l'Égypte un véritable État capable de vivre en autarcie, Bonaparte envoie le général Desaix poursuivre Mourad Bey jusqu’en Haute-Égypte, complétant ainsi la soumission du pays. Poussés par les Britanniques et les Turcs, les mamelouks survivants influencent la population du Caire qui se révolte le 21 octobre contre les Français. Cette révolte est impitoyablement réprimée par les troupes françaises. Le calme revient et Bonaparte rétablit la situation en décrétant finalement une amnistie générale, non sans avoir fait couper bon nombre de têtes, exhibées à la foule terrorisée, et canonner la Grande mosquée Al-Azhar.
En février 1799, Bonaparte se déplace en Syrie pour affronter les troupes ottomanes que le sultan a envoyées pour attaquer les Français en Égypte. Le 10 février 1799, Bonaparte quitte le Caire avec son armée et bat les Turcs aux combats d’El-Arich et de Gaza. Le 7 mars 1799, la ville de Jaffa est prise et pillée par les Français. Napoléon ordonne l'exécution de quelque deux mille cinq cents prisonniers turcs qui sont fusillés ou égorgés faute de munitions35. Par ce massacre, il espère impressionner ses adversaires. C’est à ce moment-là que la peste apparaît dans les rangs français. Napoléon est favorable à l'euthanasie des soldats agonisants à l'aide de fortes doses d'opium (utilisé pour calmer la douleur), mais son médecin, le baron Desgenettes, (René-Nicolas Dufriche Desgenettes) s'y oppose énergiquement.
Le 19 mars 1799, Bonaparte met le siège devant Saint-Jean d’Acre. Le 13 avril 1799, les cavaliers de Junot mettent en déroute les cavaliers ottomans à la bataille de Nazareth et le 16 avril 1799, Bonaparte et Kléber écrasent l’armée turque de secours envoyée par le sultan pour libérer le siège de Saint-Jean d’Acre à la bataille du Mont-Thabor. Bien que victorieuse à cette bataille, le 16 avril 1799, l’expédition en Syrie sera décimée par la peste puis arrêtée à Acre.
De retour à Acre, Bonaparte essayera, en vain, du 24 avril au 10 mai 1799, de prendre la ville. Le 17 mai 1799, il décide d’abandonner le siège et retourne en Égypte. Le 14 juin 1799, il arrive au Caire et, dans un retournement de situation, bat les Turcs le 25 juillet 1799 à la bataille terrestre d'Aboukir.
La situation du Directoire lui paraissant favorable à un coup de force, Bonaparte, qui n’a plus qu’une armée de terre affaiblie, ayant perdu sa marine, abandonne le commandement de l’armée d’Égypte à Jean-Baptiste Kléber.
Retour à Paris, situation de la France
Il rentre discrètement en France le 23 août 1799 à bord de la frégate La Muiron, abandonnant au général Kléber une armée diminuée et malade. Il débarque à Saint-Raphaël le 9 octobre 1799 après avoir miraculeusement échappé aux escadres britanniques pendant les 47 jours de la traversée. Sur le chemin qui le mène à Paris, il est acclamé par la population. Jean-Baptiste Kléber se révèle un excellent administrateur et le 20 mars 1800, réalise l’exploit de vaincre les Turcs à la bataille d'Héliopolis. Cette victoire permet à la France de conserver l’Égypte, mais Kléber meurt assassiné, le 14 juin 1800 au Caire, le jour où Napoléon gagne de justesse la bataille de Marengo en Italie, grâce à la charge héroïque de Desaix, qui est tué lors de l’assaut, trépassant ainsi le même jour que Kléber.
Le successeur de Kléber, le général Menou, capitule le 31 août 1801 devant les forces turco-britanniques après avoir perdu 13 500 hommes, principalement victimes des épidémies au cours des négociations de paix. Les soldats français restants sont rapatriés sur les vaisseaux britanniques vers la France.
Consulat
Coup d’État
Arrivé dans la capitale, le général s’entretient avec Talleyrand, homme politique d’expérience et fin connaisseur des forces en jeu. Le schéma du coup d’État du 18 brumaire (9 novembre 1799) prévoit les opérations suivantes : Bonaparte aura le commandement en chef de l’armée pour le maintien de l’ordre dans Paris et dans les assemblées. On envisage de déplacer les assemblées au château de Saint-Cloud sous le prétexte d’un péril jacobin. En effet, depuis 1789, les assemblées se trouvent toujours sous la menace de la population parisienne.
L'essentiel des événements se déroule le 19 brumaire à Saint-Cloud. Les révisionnistes avaient envisagé une démission collective des cinq directeurs, mais les assemblées ont du retard car cette idée ne fait pas l’unanimité ; Bonaparte s’impatiente et décide d’intervenir. Il tient un discours maladroit devant le Conseil des Cinq-Cents, discours hué par les députés qui l’accusent de vouloir instaurer la dictature. Bonaparte est alors contraint de quitter l’assemblée. Mais il prend rapidement la situation en main avec l’aide de son frère Lucien qui préside les Cinq-Cents. Lucien évite que Napoléon soit mis en cause par les députés qui veulent voter pour mettre hors-la-loi Bonaparte. Lucien retarde le vote et va chercher Murat, qui vient avec la troupe et met de l’ordre dans les assemblées, disant que certains députés voulaient poignarder Bonaparte pour justifier une intervention de l’armée. Les représentations des députés sortant par les fenêtres et voulant poignarder Napoléon sont très répandues. Bonaparte est de fait l’homme fort de la situation, qui fait basculer un coup d’État parlementaire en un coup d’État militaire. Mais Bonaparte reste attaché aux formes juridiques et, dans la soirée du 19 Brumaire, les députés restent à Saint-Cloud pour voter la décision de nommer deux commissions pour préparer une nouvelle constitution. On constate alors une volonté d’appuyer le régime sur le vote des représentants du peuple.
Le 20 brumaire, les trois Consuls sont désignés : Bonaparte, Sieyès et Ducos. C’est le début du Consulat.
« La Révolution est fixée aux principes qui l'ont commencée : elle est finie36 »
— Bonaparte, 20 brumaire an VIII
Roger Ducos est tout acquis à Bonaparte, alors que Sieyès lui n’entend pas se résigner à abandonner le pouvoir à Bonaparte seul. Il entend bien jouer un rôle dans le gouvernement du Consulat. Pour contrecarrer son encombrant collègue, Bonaparte, multipliant les provocations, maintient aux portefeuilles ministériels les ennemis de Sieyès en offrant les Relations extérieures à Talleyrand et celui de la Police à Fouché.
Le travail de rédaction de la Constitution est confié officiellement à deux commissions législatives formées de députés des Cinq-Cents et des Anciens. Mais c’est Sieyès qui va proposer un projet. À l’examen, le projet s’avérera trop complexe, voire irréaliste. En effet, il prévoit l’instauration d’un régime démocratique fondé sur un pouvoir législatif fort représenté par trois chambres. L’exécutif sera, quant à lui, réduit à une magistrature à vie purement honorifique et à deux consuls aux fonctions limitées. Bonaparte profite des faiblesses de ce plan pour imposer son propre projet et se débarrasser de son encombrant rival. Du 4 au 13 décembre 1799, il réunit ainsi les deux commissions dans son bureau pour élaborer le texte de la nouvelle constitution.
La Constitution de l’an VIII est adoptée en comité restreint le 13 décembre 1799. Elle s’inspire en partie du projet de Sieyès, mais intègre les idées politiques de Napoléon Bonaparte, notamment concernant le pouvoir exécutif. Sieyès, lui-même, sera chargé de désigner les trois consuls de la république : Bonaparte comme Premier Consul, puis Jean-Jacques-Régis de Cambacérès et Charles-François Lebrun, comme 2e et 3e consuls de la République. Sieyès, quant à lui, sera relégué au poste de président du Sénat.
La Constitution
La Constitution de l’an VIII entre en vigueur le 25 décembre 1799. Bonaparte établit la Constitution sous des apparences démocratiques, mais organise un pouvoir autocratique, toutes les évolutions du régime ne feront qu’accentuer le caractère autocratique du pouvoir.
Le pouvoir législatif est divisé en trois assemblées (tricamérisme) :
• le Tribunat discute les lois sans les voter ;
• le Corps législatif (ou « Corps des muets ») adopte ou rejette les lois ;
• le Sénat conservateur est chargé de vérifier que la loi est conforme à la constitution.
La préparation de la loi appartient à l'exécutif, par le biais du Conseil d’État, chargé de rédiger les textes législatifs. Le pouvoir fonctionne de manière autoritaire, les procédés de démocratie semi-directe (quelque peu fictive) sont soigneusement organisés et contrôlés. Le consul corrige lui-même les résultats s’ils ne sont pas satisfaisants. Le Consulat est une forme de despotisme éclairé, qui n'est pas étranger à l'expérience de Pascal Paoli en Corse[réf. nécessaire], dont le jeune Bonaparte avait été un admirateur fervent.
Du Consul à l’Empereur
En 1800, Bonaparte attaque et vainc l’Archiduché d'Autriche une nouvelle fois. Battus à Marengo par Napoléon et à Hohenlinden par Moreau, les Autrichiens doivent signer le traité de Lunéville le 9 février 1801, ce qui amène les Britanniques à signer la paix d’Amiens le 25 mars 1802 (4 germinal an X, contresignée deux jours plus tard). Si son pouvoir était fragile au lendemain de Brumaire, la victoire de Marengo et ses suites consolident fortement la situation de Bonaparte.
Le 24 décembre 1800, une « machine infernale » (bombe) l’attend rue Saint-Nicaise. Le cocher du Premier Consul passe au grand galop. La bombe explose trop tard et seules les vitres du véhicule sont soufflées. Sur place, en revanche, c'est le carnage. On dénombre 22 morts et une centaine de blessés. Fouché, alors ministre de la Police, réussit à prouver que l’attentat est l’œuvre des royalistes, alors que Bonaparte est persuadé d'avoir affaire aux Jacobins.
En 1802 Bonaparte met en branle son grand dessein pour l'Amérique. Il s'agit pour lui, profitant de la paix d'Amiens qui permet la libre circulation de la flotte française dans l'Atlantique, de développer la Louisiane, cet immense territoire qui s'étend sur la rive droite du Mississippi et qui revient de droit à la France depuis la signature secrète du traité de San Ildefonso en 1800.
Pour cela il lui faut une base d'opérations sûre. La colonie de Saint-Domingue est tout indiquée. De cette tête de pont de la France dans le Nouveau-Monde, il pourra reprendre pied en douceur à La Nouvelle-Orléans sans brusquer le jeune État américain qui verrait son expansion vers l'Ouest définitivement circonscrite au Mississippi.
Mais à Saint-Domingue, Toussaint Louverture est un obstacle à ce plan. Le général noir est gouverneur général de la colonie au nom de la France depuis 1797 et il est suspecté de connivences avec les États-Unis avec lesquels, au mépris du principe de l'exclusif, il commerce ouvertement depuis que la prospérité est revenue. D'ailleurs, l'année précédente il a fait voter par les grands planteurs, ses alliés objectifs, une constitution autonomiste qui le proclame gouverneur général à vie et a eu l'outrecuidance de l'envoyer en France pour simple ratification, une fois le fait accompli. Cet acte de rébellion ouverte d'un chef de guerre réputé invincible et fermement accroché à son île tombe à pic pour justifier l'importance des forces commises à l'expédition qui se prépare. Et la raison d'État, froide et impérieuse, justifie également le rétablissement de l'esclavage dans les colonies du Nouveau Monde car il va sans dire que la grande Louisiane française devra se développer rapidement pour prendre de vitesse Anglais et Américains, ce qu'elle ne saurait faire sans la main-d'œuvre servile qui a si bien fait ses preuves à Saint-Domingue.
Voilà pourquoi deux flottes font voile vers les Antilles, Leclerc, propre beau-frère de Bonaparte, vers Saint-Domingue avec 20 000 hommes et Richepanse vers la Guadeloupe avec 3 400 hommes. Ces chefs sont munis d'instructions secrètes fort explicites rédigées de la main même de Bonaparte. Ils doivent prendre le contrôle militaire des deux colonies et désarmer les officiers indigènes avant de rétablir l'esclavage. Des proclamations sont prêtes, en français et en créole, qui visent à rassurer les populations indigènes de l'attachement personnel de Bonaparte à la liberté. Cette pléthore de précautions démontre que ce dernier avait compris que le succès ou l'échec dépendrait du secret et les faits lui donnèrent raison.
Après une résistance acharnée de trois mois, le vieux Toussaint Louverture, trahi par ses officiers généraux habilement entrepris par Leclerc, dépose les armes. Capturé et déporté en France, il y mourra quelques mois plus tard, au fort de Joux près de Pontarlier. Leclerc peut passer à la deuxième phase du plan et désarmer les officiers de couleur mais Richepance à la Guadeloupe a rétabli l'esclavage sans attendre et la nouvelle de cette trahison de la parole du Premier Consul fait basculer Saint-Domingue dans l'insurrection. Le corps expéditionnaire, affaibli par une épidémie de fièvre jaune, recule partout. Leclerc obtient bien près de 20 000 hommes de renfort mais la maladie fauche un tiers des Européens qui touchent ces rivages. Le général en chef succombe lui-même le 2 novembre 1802. Dos à la mer, les débris de son armée seront bientôt contraints à la reddition par les soldats du général Dessalines qui proclamera l'indépendance de l'ancienne colonie sous son ancien nom indien d'Haïti.
Le temps de l'Amérique française est déjà passé. En ce début 1803, la paix avec l'Angleterre vacille et l'océan Atlantique est redevenu une mer hostile. Déclarant forfait, le 30 avril, Bonaparte solde la Louisiane aux États-Unis pour quatre-vingt millions de francs. Le prisonnier de Sainte-Hélène tentera de s'exonérer de ce monstrueux gâchis en prétendant, anachroniquement et fallacieusement37, avoir été contraint à l'usage de la force par les actes séditieux de celui qui s'adressait à lui comme « le premier des noirs au premier des blancs ».
Après que Bonaparte eut étendu son influence sur la Suisse (qui retourne à une organisation décentralisée, après la tentative unitaire de la brève République helvétique [1798-1803]) et sur l’Allemagne, une dispute à propos de Malte sert de prétexte aux Britanniques pour déclarer une nouvelle fois la guerre à la France en 1803, et pour soutenir l’opposition royaliste à Bonaparte. Des agents royalistes, dont Jean-Charles Pichegru, sont débarqués clandestinement en France et se mettent en rapport avec Georges Cadoudal et Jean-Victor Moreau. Le complot est rapidement éventé et ses membres arrêtés. Pichegru meurt étranglé dans sa cellule ; les autres sont jugés et condamnés. Cadoudal est exécuté, Moreau banni. Mais le complot fait aussi une victime collatérale : le duc d’Enghien, prince Bourbon. Le Premier Consul le fait enlever en territoire étranger, juger sommairement par une commission militaire et exécuter, à la suite de déclarations recueillies auprès de Cadoudal après son arrestation. L’exécution qui se déroule à Vincennes ne suscite pas d’autres protestations que celles du Royaume-Uni, de la Russie et de l’Autriche.
Napoléon se couronne Empereur le 2 décembre 1804. À proprement parler, l'Empire naît à la demande du Sénat. Steven Englund se rallie à l'opinion selon laquelle il s'agissait, initialement, de « protéger » la République. Le Consulat abattu, l’ordre se serait effondré avec lui. L'Empire, lui, était une institution scellant la pérennité des valeurs républicaines. Napoléon Bonaparte pouvait mourir : l'hérédité du titre était censée protéger le pays des bouleversements et de la perte des acquis révolutionnaires. C’est ainsi que les monnaies impériales portèrent la mention « Napoléon Empereur - République française ».
Empire
Symboles impériaux
Le sacre impérial, événement unique dans l’Histoire de France, représenté sur le tableau de Jacques-Louis David, Le Sacre de Napoléon, est lourdement chargé en symboles. Le passage de la République à l’Empire nécessite la création d’armoiries impériales, ainsi que la création d’objets symboliques destinés à établir une tradition auparavant inexistante. Napoléon, qui se veut rassembleur, décide d’associer aux symboles de son règne les images qui ont pu représenter auparavant la France, ainsi que les pouvoirs forts européens.
L’aigle est choisie en référence aux aigles romaines, portées par les légions, mais elle est également le symbole de Charlemagne, l’aigle éployée. La couleur rouge du manteau impérial est une référence directe à la pourpre de l’imperium romain. Napoléon se pose ainsi en héritier de l’Empire romain et de Charlemagne.
Les abeilles sont censées rappeler les Mérovingiens (des broches les représentant ayant été retrouvées dans des tombeaux de cette époque), et leur disposition sur les armoiries et le manteau impérial doit rappeler les fleurs de lys des Capétiens. La main de justice, utilisée par les Capétiens lors des sacres royaux, doit faire apparaître que l'Empereur est l’héritier de leur pouvoir. Napoléon veut montrer qu’il est le fondateur de la « quatrième dynastie », celle des Bonaparte, après les Mérovingiens, les Carolingiens, et les Capétiens. D’autres symboles utilisés pendant le sacre sont chargés de valeurs morales. Ainsi Napoléon tient-il un moment le globe de Charlemagne ; il porte la couronne de ce même empereur (ces deux éléments ayant été forgés de toutes pièces avant le sacre). Son épée et son sceptre sont dits « de Charlemagne » : ils ont été en réalité utilisés depuis plusieurs siècles par les Valois puis les Bourbons lors de leurs sacres.
Napoléon et l’Église
La signature du Concordat par le Premier Consul en 1801 reconnaît le catholicisme comme la religion « de la majorité des Français », et non plus comme religion d’État. Les prêtres reçoivent désormais un traitement de la part de l’État. Afin de montrer sa puissance, Napoléon ne va pas se faire sacrer à Rome, comme autrefois Charlemagne et les empereurs germaniques (jusqu'au xve siècle) ; c'est le pape Pie VII que l’on fera venir à Paris. Napoléon l’accueille en forêt de Fontainebleau, à cheval et en habit de chasse, voulant faire croire au caractère fortuit de la rencontre.
Le rapprochement entre Napoléon et l’Église est le fruit d’un calcul politique de la part de l'Empereur. Au-delà de la valeur morale qu’a pu avoir un sacre religieux aux yeux des catholiques, de la valeur symbolique d’un couronnement pontifical rappelant le sacre des empereurs germaniques, Napoléon se place à l’égal, voire au-dessus des rois européens comme successeur de Charlemagne et des empereurs de la Rome antique. La présence du pape au sacre donne une dimension morale et légitime supplémentaire à l’Empire. Celui-ci n’est plus simplement le fruit d’une révolution, c’est un couronnement divin comme celui des autres souverains européens mais qu’aucun d’eux ne peut égaler. Napoléon se place au même niveau que le souverain du Saint-Empire romain germanique avant de le dépasser pour devenir l'unique empereur en Europe. François II l'avait d'ailleurs bien compris puisqu'après la proclamation de l'Empire français, il décrète que l'Autriche, alors archiduché, devient aussi un Empire.
La présence du pape est donc davantage un message aux pays européens qu’une profession de foi catholique de la part de Napoléon. Napoléon, d’ailleurs peu sensible au sort du pape, le retient plus tard prisonnier à Fontainebleau. Dans l’idée d’affirmer la puissance de la France dans le domaine spirituel, il envisagea même de transférer la résidence du pape de Rome à Paris, avant d’abandonner cette idée.
À la fin de sa vie, Napoléon recevra l'extrême-onction des mains de l'abbé Jean-François de Kermagnan.
Napoléon et l’économie
Napoléon met en place de nombreuses réformes dans le domaine sociétal et économique. Il est à l'origine de la construction de la Bourse de Paris et de ses principales réglementations. Il institue en particulier le code civil, appelé aussi « Code Napoléon », promulgué le 21 mars 1804 (30 ventôse an XII), qui reprend une partie des articles de la coutume de Paris et du droit écrit du Sud de la France, en protégeant le droit des obligations et des contrats. Il pousse aussi au développement des usines de coton, installées dans les biens nationaux, alors que les guerres ont suscité un besoin de textiles pour habiller les armées. C'est l'industrie qu'il souhaite encourager le plus. Proche de Gabriel-Julien Ouvrard, un prestigieux négociant et munitionnaire, qui exploite à Nantes des licences d'importation, ses projets industriels subissent cependant les conséquences du blocus continental, décret napoléonien qui prétend interdire le continent européen à tout navire ayant touché un port anglais. Alors que Portugal, pays neutre, permet de se procurer du coton brésilien, via des négociants français38 l'émigration au Brésil de la famille royale portugaise, en 1807, pour fuir l'armée française de 30 000 hommes commandée par Jean-Andoche Junot qui fait marche sur le Portugal, a déclenché des mesures de rétorsion contre la France, privée du coton brésilien.
L’Empire victorieux
Articles détaillés : Troisième Coalition et Quatrième Coalition.
En 1804, l’heure n’est donc pas encore aux vastes conquêtes, et, persuadé depuis longtemps que le seul moyen d’obtenir une paix définitive est de neutraliser le Royaume-Uni, Napoléon met au point, avec l’amiral Latouche-Tréville (qui mourra avant d’avoir pu l’exécuter), un plan visant à l’invasion du Royaume-Uni. Cette ambition sombre définitivement à la bataille de Trafalgar, où la flotte franco-espagnole commandée par l’amiral de Villeneuve est détruite par celle de l’amiral Nelson. Le Royaume-Uni y gagne la domination des mers pour le siècle à venir.
En 1805, la Troisième Coalition se forme en Europe contre Napoléon. L’Empereur qui, à Boulogne, supervisait les préparatifs en vue de l’invasion du Royaume-Uni, doit faire face à une guerre soudaine, et à l’autre bout de l’Europe. Il mène une offensive immédiate, acheminant la Grande Armée en Autriche à marche forcée, et s’assure une brillante victoire contre l’Autriche et la Russie à la bataille d’Austerlitz, dite « bataille des Trois-Empereurs ».
En 1806, la Prusse provoque un nouveau conflit. La campagne que mène Napoléon (« l’Esprit en marche », selon Hegel) est impressionnante de rapidité : il balaie l’armée prussienne à la bataille d'Iéna (doublée de la victoire de Davout à Auerstaedt où, avec 30 000 hommes, le Maréchal Davout bat les 63 500 Prussiens qui l'assaillent). L’année suivante, Napoléon traverse la Pologne, remporte une victoire sur les Russes à Friedland et finit par signer, à Tilsit, au milieu du Niémen, au cours d'une entrevue dont la mise en scène est conçue pour frapper les esprits, un traité avec le tsar Alexandre Ier, qui divise l’Europe entre les deux puissances.
Pourtant formé dans les écoles et par les maîtres de l’Ancien Régime, officier de l’armée royale, Napoléon brise les anciennes conceptions militaires. Il ne s’agit plus pour lui de livrer une guerre de siège à l’aide de 30 à 50 000 hommes, mais de rechercher la bataille décisive, engageant plus de 100 000 hommes s’il le faut. Son objectif n'est pas de rester maître du champ de bataille, mais d’anéantir l’ennemi.
En 1808, Napoléon crée la noblesse d’Empire : bientôt ses maréchaux et généraux arboreront des titres de comte d’Empire, prince de Neuchâtel, duc d’Auerstaedt, duc de Montebello, duc de Dantzig, duc d’Elchingen, roi de Naples.
Du 27 septembre au 14 octobre 1808, Napoléon donne rendez-vous à Alexandre Ier à Erfurt, pour un nouveau traité, afin qu’ils s’unissent contre l’Empire d'Autriche qui menace de redéclarer la guerre à la France. Le tsar refuse en préférant que ce traité soit établi dans le but de renouveler l’alliance qui s’était forgée entre eux l’année précédente à Tilsit ; cela permet en fait à Napoléon de s’assurer encore plus longtemps de la fidélité d’Alexandre. Mais c'est un échec car l'empereur s'aperçoit bientôt de la trahison de Talleyrand, qui avait approché le tsar en lui conseillant de résister à Napoléon, même s'il était séduit.
Articles détaillés : Traité de Tilsit et Congrès d'Erfurt.
Campagnes de la péninsule Ibérique et d’Autriche
Guerre d'Espagne
En réponse à l’attitude britannique vis-à-vis des navires de commerce français, Napoléon tente d’imposer le blocus continental, qui vise à asphyxier l’industrie et le commerce britanniques, par le décret de Berlin du 21 novembre 1806. Le Portugal, vieil allié des Britanniques depuis le traité de Methuen (1703), est resté neutre depuis la rupture de la Paix d'Amiens. Au travers de pressions diplomatiques, d'alliance resserée avec l'Espagne voisine, et de concentration de troupes sur les Pyrénées durant l'été 1807, Napoléon menace le Portugal d'invasion s'il n'applique pas le Blocus continental. Devant le silence portugais, les armées françaises envahissent le Portugal (novembre 1807), commandées par le général Junot et s'installent également en Espagne, en allié, pour assurer un appui à cette opération selon le traité de Fontainebleau. La cour et le gouvernement portugais se réfugient à Rio de Janeiro avec le soutien de la flotte britannique et le Brésil devient le siège du royaume jusqu'en 1821.
À partir de l'automne 1807, des tensions augmentent à la tête du royaume d'Espagne : le roi Charles IV menace son fils et héritier Ferdinand, qui est opposé à la mainmise du chef du gouvernement, Manuel Godoy, sur le couple royal et sur la politique de l'Espagne. Napoléon considère alors l'Espagne, allié décevante dans la guerre contre la Grande-Bretagne, comme mûre pour un changement dynastique. Cette perspective panique la monarchie espagnole et Godoy. En mars 1808, le soulèvement d'Aranjuez place Ferdinand sur le trône, à la suite de l'abdication forcée de son père. Napoléon se positionne alors en arbitre de la famille des Bourbons d'Espagne, et profite de leur querelle pour leur imposer à Bayonne leur abdication complète. Napoléon place sur le trône espagnol son frère Joseph, remplacé à Naples par Joachim Murat, époux de Caroline Bonaparte. La population espagnole se soulève : la guerre d'Espagne commence et va durer six ans. L'armée britannique commandée par le futur duc de Wellington débarque au Portugal et les français connaissent des revers sérieux (capitulation de Baylen en Espagne, bataille de Vimeiro au Portugal) durant l'été 1808. Avec l’aide des patriotes espagnols, les anglo-portugais. |
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HISTOIRE DE LA POLIOMYÉLITE |
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HISTOIRE DE LA POLIO
1. La maladie
2. Le poumon d’acier
3. Les vaccins
1. La maladie
La poliomyélite, ou plus communément appelée polio, est une maladie infectieuse et contagieuse due à un virus (poliovirus).
La polio est connue depuis l’antiquité. Par exemple, on a retrouvé une ancienne stèle égyptienne datant de 1350 av. J.C. représentant un homme vraisemblablement en santé mais qui a une jambe amincie, croit-on, par la polio. L’histoire nous rapporte également le fait que l’empereur romain Claudius boitait. On croit que, là aussi, il pourrait s’agir de séquelles de la polio. Toutefois, c’est en 1789 qu’on retrouve la première description clinique de la maladie qui fut rédigée par le médecin britannique Michael Underwood. On l’appela « maladie de Heine-Medin » suite à la publication du premier compte-rendu médical sur la polio rédigé par Jakob Heine (1840) et la première étude par Karl Oskar Medin (1890). De plus, parce que les épidémies touchaient principalement les enfants, la polio fut également appelée « paralysie infantile ».
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la polio était une maladie touchant surtout des enfants âgés de 6 mois à 4 ans. L’infection, lorsqu’elle était contractée tôt dans la vie, ne laissait généralement que de légères séquelles et immunisait la victime de façon permanente contre la maladie. Il est ironique que les améliorations apportées à la salubrité publique urbaine au XXe siècle aient diminué les occasions d’être exposé au virus, réduisant d’autant les chances d’acquérir naturellement l’immunité. Ceci donna lieu à des cas d’individus contractant la maladie à la fin de l’enfance, voir même à l’âge adulte. Ces victimes subirent des séquelles beaucoup plus sévères telles qu’une paralysie motrice ou une atrophie squelettique pouvant être à l’origine de déformations permanentes et d’une infirmité. Jusque dans les années 1950, les pourcentages des cas de paralysie et de décès augmentèrent, atteignant des niveaux de 5% de décès et de 37% de paralysie.
“Le combat contre la polio”
Reportages audios et vidéos. Archives Radio-Canada 1955-2002. Français – Anglais.
Le site des archives de Radio-Canada présente plusieurs séquences, audios et vidéos, sur les ravages de la polio au Canada. Du point culminant de la maladie pendant les années 1950 jusqu’au Syndrome Post-Polio, ces reportages lèvent le voile sur les divers aspects de la polio au Canada.
Vous pouvez également voir des reportages de CBC en anglais.
Health Heritage Research Services
Anglais. Ressources au sujet de l’histoire de la poliomyélite au Canada, écrites par Christopher J. Rutty, Ph.D.
2. Le poumon d’acier
Le poumon d’acier fut inventé à l’université Harvard et testé à l’hôpital pour enfants de Boston dès 1928. C’est à l’intérieur d’appareils de ce type qu’on plaçait une victime de la polio au pire de l’infection. En contrôlant la pression atmosphérique à l’intérieur du caisson entourant le corps du patient, l’appareil permettait à ses poumons de respirer quand ils étaient devenus trop faibles pour travailler par eux-mêmes. Bien que des milliers de vies aient été ainsi épargnées par le poumon d’acier, ce n’était en aucun cas un traitement préventif ou un remède contre la polio.
Vous pouvez avoir un peu plus d’information à ce sujet en cliquant ici.
3. Les vaccins
La première tentative mise au point d’un vaccin contre la polio fut celle de Maurice Brodie à l’université de New York en 1935. Il utilisa le virus prélevé dans la moelle épinière de singes, mais son vaccin se révéla impuissant à transmettre l’immunité recherchée aux humains.
Au début des années 1950, un groupe de chercheurs à l’hôpital pour enfants de Boston a réussi à cultiver le virus à partir de tissus humains. Ceci mena, en 1952, au développement d’un vaccin par Jonas Salk de l’université de Pittsburgh. Le vaccin Salk, qui utilise une souche inactivée du virus, fut officialisé en 1955. Il peut conférer une immunité protectrice chez plus de 99% des personnes qui en reçoivent trois injections, et ce, contre les trois souches de poliovirus (PV1, PV2, PV3). Aujourd’hui, au Canada, il fait parti des vaccins habituellement donnés aux nourrissons et aux enfants.
En 1957, un deuxième vaccin contre la polio a été mis au point par un autre chercheur, Albert Sabin. Ce vaccin, dont l’utilisation a été autorisée en 1961, est un vaccin actif, c’est-à-dire que c’est une souche vivante atténuée du poliovirus qui est innoculée. Le vaccin Sabin est administré par voie orale, peu coûteux, efficace et facile à administrer, le rendant ainsi plus propice à la vaccination de masse, particulièrement dans les pays en voie de développement. Toutefois, ce vaccin présente parfois des échecs en raison de phénomènes d’interférence virale.
Les campagnes de vaccination massives qui ont suivies la découverte des vaccins Salk et Sabin ont permis l’éradication officielle de ce virus sur tout le continent américain, en Europe et dans la Région du Pacifique occidental. Aujourd’hui, les ravages encore persistants du poliovirus sont restreints à seulement quelques pays.
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