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RWANDA ou RUANDA |
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RWANDA
GÉOGRAPHIE
HISTOIRE
1. Le Rwanda pré-colonial
2. La colonisation et la création du mythe tutsi
2.1. Le Ruanda-Urundi sous mandat belge
2.2. Les Tutsis érigés en caste dominante par le colonisateur
3. L'indépendance et le début de quarante années d'affrontements
3.1. La « Toussaint rwandaise » (1er novembre 1959)
3.2. La république et l'indépendance
4. Grégoire Kayibanda et le pouvoir hutu (1962-1973)
5. Juvénal Habyarimana et la seconde République (1973-1994)
5.1. Une brève pacification
5.2. L'offensive du Front patriotique rwandais (FPR)
5.2. Les tentatives de démocratisation et les accords d'Arusha (1993)
5.3. Les cent jours d'un génocide planifié (6 avril-19 juillet 1994)
5.3.1. Des controverses toujours vives
6. Le Rwanda post-génocidaire
6.1. La difficile transition politique dans un pays meurtri (1994-2003)
6.2. Les interventions militaires du Rwanda au Zaïre puis en RDC
La traque des extrémistes hutus dans l'Est zaïrois (septembre 1996-mai 1997)
Les poussées expansionnistes du Rwanda en RDC (1998-2002)
La difficile paix (2002-2005)
6.3. La dérive autoritaire du régime
La suprématie du FPR
Le recours à une justice traditionnelle
Verrouillage électoral et violences politiques
6.4. Politique extérieure
Politique régionale
Les relations avec la France
Voir plus
Rwanda
parfois Ruanda
Nom officiel : République rwandaise
Carton de situation - RwandaDrapeau du Rwanda
État d'Afrique centrale situé dans la région des Grands Lacs, le Rwanda est limité au nord par l'Ouganda, à l'est par la Tanzanie, au sud par le Burundi et à l'ouest par la République démocratique du Congo et le lac Kivu.
Le Rwanda est membre du Commonwealth.
Superficie : 26 338 km2
Nombre d'habitants : 11 777 000 (estimation pour 2013)
Nom des habitants : Rwandais
Capitale : Kigali
Langues : anglais, français et rwanda
Monnaie : franc rwandais
Chef de l'État : Paul Kagame
Chef du gouvernement : Pierre Damien Habumuremyi
Nature de l'État : république à régime semi-présidentiel
Constitution :
Adoption : 26 mai 2003
Entrée en vigueur : 4 juin 2003
Pour en savoir plus : institutions du Rwanda
GÉOGRAPHIE
C'est un pays de hauts plateaux, proche de l'équateur, mais au climat tempéré par l'altitude. L'agriculture vivrière (patates douces, haricots) occupe la majorité des terres cultivables. Le café et le thé constituaient les ressources commerciales. Ravagé en 1994 par le conflit opposant Hutu (majoritaires) et Tutsi, le Rwanda connaît aujourd'hui un certain redressement économique mais reste l'un des pays les plus pauvres du monde (avec une tendance à l'accroissement des inégalités).
Le Rwanda correspond à une partie du socle africain, dont le relief est le résultat de mouvements tectoniques qui l'ont cassé, porté en hauteur, et qui ont permis la formation de la chaîne des Virunga, composée d'une série de volcans, dont le plus élevé, le Karisimbi (4 507 m), porte le point culminant du pays. Il se divise en trois éléments : la crête ou dorsale Congo-Nil, le Plateau central et les Basses Terres. La crête s'étire du nord au sud sur une largeur de 20 à 50 km et avec une altitude variant de 1 900 à 3 000 m. Elle domine le lac Kivu par un abrupt fortement découpé. Le versant oriental, à la pente plus douce, se raccorde au Plateau central, formé d'une multitude de collines. À l'est s'étendent les Basses Terres lacustres (1 300 à 1 500 m d'altitude), qui annoncent déjà la pénéplaine tanzanienne. Le Rwanda, malgré la proximité de l'équateur, a, grâce à l'altitude, des températures (moyenne annuelle : 19 °C) et des pluies (de 700 à 2 500 mm) modérées.
Le Rwanda se situe dans la région des Grands Lacs, la plus densément peuplée de toute l'Afrique. Le pays comptait près de 300 habitants par km2 au début des années 1990, voire plus de 400 habitants par km2 dans certaines préfectures comme celles de Kigali, de Ruhengeri ou de Butare. Le dynamisme démographique était alors extrêmement élevé, avec une croissance naturelle proche de 4 % par an, du fait d'une forte fécondité (8 enfants par femme) et d'une mortalité relativement basse (de l'ordre de 18 ‰). Il en résultait une extrême jeunesse de la population, près de la moitié des habitants ayant moins de 15 ans. Le drame de 1994 a notablement modifié ces données, du fait des nombreuses victimes qu'il a occasionnées, mais aussi du départ des réfugiés dans les pays voisins, dont une partie seulement est rentrée au pays. L'habitat est très majoritairement rural, réparti sur les « collines », et le taux de population urbaine est inférieur à 20 %. Il est le reflet de la prépondérance écrasante des productions agricoles dans l'économie nationale. Le petit élevage (ovins, caprins, volailles) prend peu à peu le pas sur les bovins, faute d'espace, et les cultures vivrières sont dominées par la banane plantain (dont on tire notamment une « bière » qui est la boisson nationale), le manioc et la patate douce. Thé et café, d'excellente qualité, sont les principales cultures d'exportation. Il est difficile de savoir si l'industrie, limitée à quelques productions de biens de consommation (boissons, chaussures), est en voie de retrouver son niveau de la fin des années 1980. Il serait de même hasardeux de donner des chiffres précis à propos des finances publiques et de la balance commerciale, dont on sait seulement qu'elles sont structurellement déficitaires. Le Rwanda est aujourd'hui l'un des pays les plus pauvres du monde.
Le génocide a répandu dans le monde entier l'image d'un Rwanda déchiré entre deux « ethnies », l'une majoritaire, les Hutus, l'autre minoritaire, les Tutsis. On a de ce fait tendance à laisser de côté ce qui fait l'unité de la population. En effet, outre un mode de vie rural dominant, les Rwandais ont en commun une langue unique de type bantou, le kinyarwanda, et ils professent très majoritairement la même religion, le catholicisme. Les causes des tragiques affrontements de 1994 doivent en réalité être davantage recherchées dans l'histoire du pays que dans un quelconque déterminisme « ethnique ».
HISTOIRE
1. Le Rwanda pré-colonial
Peuplé dès la préhistoire, le Rwanda est érigé en État au xive s. sous la forme d'une monarchie quasi théocratique à la tête de laquelle se trouve la dynastie des mwamis (rois) Banyiginyas, qui régnera jusqu'en 1960. L'organisation de la société, qui vise notamment à assurer la pérennité des deux ressources du royaume, l'agriculture et l'élevage, fait progressivement l'objet de règles extrêmement précises, instaurant notamment un véritable code du fermage-métayage, tant en ce qui concerne les troupeaux que les terres.
Le pays est divisé en circonscriptions administratives, les districts, avec à leur tête deux chefs, l'un pour le bétail, l'autre pour les terres. La distinction entre les Tutsis et les Hutus est en quelque sorte fonctionnelle : les premiers sont éleveurs, les seconds agriculteurs. Le passage d'une catégorie à une autre est possible (un agriculteur hutu peut devenir tutsi et réciproquement) de même que les mariages mixtes. L'aristocratie – qui possède bétail ou terre – est aussi bien hutue que tutsie.
2. La colonisation et la création du mythe tutsi
2.1. Le Ruanda-Urundi sous mandat belge
Comme au Burundi, ce sont les Allemands qui « découvrent » le Rwanda. La conquête est pacifique, se traduisant par un traité de protectorat (1898) et par l'installation de la première mission des Pères blancs dès 1900. Attaqués par les Belges, les Allemands doivent se retirer de la région en 1916. Les traités de paix entérinent cette situation, et le Ruanda-Urundi, placé sous mandat belge par la Société des Nations (SDN) en 1924, est rattaché au Congo belge, avec cependant une certaine autonomie.
Si les Belges maintiennent la monarchie traditionnelle, ils en dénaturent complètement la signification. L'ancien système de redevances-prestations est en grande partie aboli, comme est supprimée l'administration des districts. En 1931, le mwami Musinga est déposé et remplacé par son fils, baptisé dans la religion catholique.
Pour en savoir plus, voir l'article Ruanda-Urundi.
2.2. Les Tutsis érigés en caste dominante par le colonisateur
Dans ce pays pauvre, l'Église devient la principale puissance, et convertit massivement la population, tout en lui prodiguant soins et enseignement. Ses membres contribuent à la reconstruction de l'histoire à propos des Tutsis, qui seraient d'origine nilotique et se distingueraient par leur « grande taille » et la « finesse » de leurs traits. Cette survalorisation de leur apparence – sans doute liée pour une part au mode d'alimentation spécifique des éleveurs, et qui d'ailleurs n'est pas homogène – l'emporte sur la recherche historique objective. Ainsi distingués par leur origine supposée, les Tutsis vont devenir les privilégiés de la puissance coloniale, et assurer, sous l'autorité des Belges, l'encadrement du pays.
3. L'indépendance et le début de quarante années d'affrontements
3.1. La « Toussaint rwandaise » (1er novembre 1959)
En 1957 est publié le « Manifeste des Bahutu » (pluriel de Hutu en kinyarwanda), qui dénonce « le monopole politique dont dispose une race, la Mututsi ». Les revendications hutues sont désormais soutenues par l'Église catholique en la personne de Monseigneur Perraudin, d'origine suisse, qui devient archevêque de Kigali en 1959.
Cette même année voit la naissance d'un parti monarchiste, l'Union nationale rwandaise (Unar) et d'une formation ethnique, le Parmehutu (parti du Mouvement pour l'émancipation des Bahutu). Elle s'achève avec le déclenchement, le 1er novembre, jour de la Toussaint, d'une révolte des Hutus, qui ensanglante le pays et entraîne le départ en exil (notamment en Ouganda) de très nombreux Tutsis, mais aussi de Hutus.
3.2. La république et l'indépendance
La Belgique dépêche sur place un véritable proconsul, le colonel Logiest, qui, renversant la ligne politique belge traditionnelle, décide de donner le pouvoir aux Hutus. Ces derniers triomphent aux élections communales de juillet 1960, ce qui amène les autorités belges à déposer le mwami Kigeri V en décembre suivant.
Avec l'accord du colonel Logiest, la république est proclamée à Gitarama le 28 janvier 1961. Ce « coup d'État » est entériné le 25 septembre par un référendum, et Grégoire Kayibanda, « Hutu du Centre », est élu président de la République le 26 octobre 1961. Les législatives permettent au Parmehutu de recueillir 78 % des voix. L'indépendance intervient le 1er juillet 1962.
4. Grégoire Kayibanda et le pouvoir hutu (1962-1973)
Le Parmehutu se transforme en Mouvement démocratique républicain (MDR), appelé à dominer la vie politique rwandaise au cours des années 1962-1973.
Une attaque menée par des exilés tutsis venus du Burundi a lieu en décembre 1963 (une première attaque s'était déjà produite en mars 1961). En représailles, plusieurs milliers de Tutsis de l'intérieur sont massacrés, et les membres tutsis du gouvernement d'union nationale sont exécutés. Une nouvelle vague d'émigration vient renforcer la diaspora tutsie qui commence à se constituer, non seulement en Afrique (Burundi, Tanzanie, Ouganda, Congo-Kinshasa), mais aussi en Belgique et aux États-Unis. Elle est active et influente.
L'antitutsisme devient une constante de la politique de Grégoire Kayibanda. Il culmine en février 1973 avec une épuration systématique menée dans les écoles, l'administration et le secteur privé, et de nouveaux massacres. Mais en juillet de la même année, un coup d'État sans effusion de sang porte le général Juvénal Habyarimana, Hutu du Nord, au pouvoir.
5. Juvénal Habyarimana et la seconde République (1973-1994)
5.1. Une brève pacification
Avec Juvénal Habyarimana et la seconde République, une ère moins brutale commence.
Le Parlement et le MDR sont suspendus. En 1978, une nouvelle Constitution est adoptée, qui instaure un parti unique – le Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND) –, auquel appartiennent tous les Rwandais dès leur naissance.
La « question ethnique » est censée être résolue par le système des quotas, inspiré du modèle belge. L'accès aux écoles, aux postes administratifs, etc., est calqué sur la répartition « ethnique » de la population, soit 9 % pour les Tutsis, 1 % pour les Twas (→ Pygmées), 90 % pour les Hutus.
Pour les observateurs étrangers, le Rwanda est entré dans une période de stabilité et de progrès économique. L'image du pays et celle de son président sont bonnes, les aides affluent (belge et française notamment, mais pas uniquement), les ONG multiplient leurs interventions, la Banque mondiale délivre un satisfecit au gouvernement pour avoir fait en sorte que la production vivrière croisse plus vite que la population.
5.2. L'offensive du Front patriotique rwandais (FPR)
Dans le même temps en Ouganda, les émigrés rwandais – les Banyarwandas –, qui ne sont pas tous tutsis, se sont regroupés au sein d'une organisation de soutien aux réfugiés qui donne naissance en 1987 au Front patriotique rwandais (FPR). Plusieurs milliers d'entre eux, et notamment l'officier tutsi Paul Kagame, ont combattu aux côtés de Yoweri Museveni lors de sa conquête du pouvoir en 1986.
Cette présence rwandaise est cependant de moins en moins bien supportée par les Ougandais. Convaincu que les Banyarwandas ne pourront rentrer pacifiquement dans leur pays (en 1982, J. Habyarimana en a refoulé 80 000 qui venaient d'être expulsés par le président ougandais alors en exercice, Milton Obote), le FPR, soutenu par l'Ouganda qui lui sert de base arrière, pénètre en force au Rwanda le 1er octobre 1990.
L'offensive du FPR permet au président Habyarimana d'obtenir un renforcement considérable des Forces armées rwandaises (FAR) par la France et la Belgique. Elle déclenche une guerre civile entrecoupée de trêves, d'exodes et de massacres de populations.
5.2. Les tentatives de démocratisation et les accords d'Arusha (1993)
Sous la pression de la France, qui conditionne son aide militaire à la poursuite de la démocratisation amorcée en 1990, une nouvelle Constitution est adoptée (juin 1991), qui reconnaît notamment le multipartisme et crée un poste de Premier ministre. Prenant acte de la victoire des partis d'opposition aux élections législatives de 1992, le président Habyarimana accepte en avril pour Premier ministre Faustin Twagiramungu – un Hutu modéré, président du MDR. Ce dernier ne parvient pas à former un gouvernement de coalition.
Sous la pression internationale, le gouvernement et le FPR entament à Arusha (Tanzanie) en juin 1992 des négociations pour rétablir la paix et organiser le partage du pouvoir entre le MRND, le FPR et les partis d'opposition. En dépit de nombreuses vicissitudes et de la poursuite des opérations militaires, les négociations débouchent sur la signature des accords d'Arusha le 4 août 1993. Mais ces derniers restent sans effet, malgré la présence des contingents de la Minuar (Mission des Nations unies d'assistance au Rwanda) chargés de les faire respecter.
En effet, la démarche entreprise à Arusha est totalement rejetée par les extrémistes hutus. En 1992, ceux-ci ont fondé la Coalition pour la défense de la République (CDR), regroupant les éléments les plus farouchement extrémistes ainsi que les milices Interahamwe (« ceux qui tuent ensemble » en kinyarwanda), le bras armé du MRND. À partir de 1993, les extrémistes hutus se livrent via le journal Kangura et la radio des Mille Collines, à une propagande massive outrageusement antitutsie et à des assassinats ciblés de responsables politiques modérés.
5.3. Les cent jours d'un génocide planifié (6 avril-19 juillet 1994)
C'est dans ce contexte que, le 6 avril 1994, l'avion transportant le président Juvénal Habyarimana et son homologue burundais, Cyprien Ntaryamira, est abattu lors de son atterrissage à Kigali.
L'attentat (dont les circonstances exactes et les responsabilités ne sont toujours pas établies) sert de prétexte au déclenchement des tueries qui, dès le—6 avril au soir, éclatent simultanément dans la capitale, le sud, l'est et le nord du pays. La minorité tutsie, ainsi que les populations hutues qui cherchent à la protéger, sont victimes d'un génocide organisé par les milices Interahamwe et une partie des Forces armées rwandaises (FAR) suivant des plans et des listes établis de longue date.
Les combats qui opposent les FAR au Front patriotique rwandais (FPR, soutenu militairement par l'Ouganda) gagnent rapidement l'ensemble du pays, provoquant d'atroces tueries et un exode massif de Hutus vers les pays voisins. Face à l'impuissance de la Minuar, dont les effectifs, réduits, tardent à se renforcer, l'ONU autorise finalement la France à engager une opération militaire à but humanitaire limitée à une durée de deux mois (opération Turquoise) pour porter assistance aux civils rwandais réfugiés par centaines de milliers dans une « zone humanitaire sûre » créée dans le sud-ouest du pays, à la frontière du Zaïre. Malgré l'opération Turquoise (juin-août 1994), les massacres de Tutsis continuent dans la « zone humanitaire sûre ».
Après sa victoire sur les forces gouvernementales, le FPR entre dans Kigali le 4 juillet et prend le pouvoir le 19.
5.3.1. Des controverses toujours vives
Si les faits sont connus, leur interprétation fait encore l'objet, plusieurs années après le drame, de vives controverses. Concernant les victimes, les chiffres cités vont de 800 000 à 1 million.
La responsabilité de l'attentat du 6 avril 1994 est aussi bien attribuée aux extrémistes hutus qu'au FPR. Le président Habyarimana est présenté soit comme un élément modérateur, soit au contraire comme un dictateur ayant soutenu les extrémistes. Pour certains, la France est coupable d'avoir soutenu un régime dictatorial et d'avoir protégé, avec l'opération Turquoise, les auteurs du génocide, alors que d'autres estiment qu'elle a fait pression en faveur des accords d'Arusha et qu'elle a permis de sauver de très nombreuses vies humaines. L'attitude de la Belgique, celle des États-Unis, de l'ONU, sont également mises en question.
Face à une tragédie de cette ampleur, de longues années seront nécessaires pour que la vérité puisse émerger du maelström des passions.
6. Le Rwanda post-génocidaire
6.1. La difficile transition politique dans un pays meurtri (1994-2003)
Le 19 juillet 1994, un gouvernement d'union nationale se met en place sur la base des accords d'Arusha. Pasteur Bizimungu (un Hutu modéré) devient président de la République. Paul Kagame, qui a mené les troupes du FPR à la victoire militaire contre les FAR, est nommé vice-président et ministre de la Défense. Faustin Twagiramungu, ancien opposant au président Juvénal Habyarimana, est proposé comme Premier ministre d'un « gouvernement de transition à base élargie ». Ce dernier, après avoir accusé le FPR de continuer à tuer des populations innocentes, démissionnera en août 1995 et s'exilera en Belgique.
Au lendemain du génocide, le Rwanda fait immédiatement appel à l'aide de la communauté internationale pour reconstruire son appareil judiciaire détruit. Peu confiant dans l'efficacité du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) institué par l'ONU à Arusha le 8 novembre 1994, le gouvernement rwandais tente de mettre en place son propre dispositif pour juger les présumés génocidaires. Mais les prisons sont rapidement surpeuplées, les tribunaux engorgés. De nombreuses voix – notamment celle de Faustin Twagiramungu – s'élèvent pour dénoncer les atteintes aux droits de l'homme commises par le FPR.
En juin 1999, le forum des partis politiques rwandais, à l'origine du premier gouvernement mixte de réconciliation nationale mis en place en 1994, décide de repousser de quatre ans la transition politique (qui devait s'achever en juillet 1999), au cours de laquelle étaient prévues l'élaboration d'une Constitution et l'organisation d'élections.
De graves dissensions au sommet de l'État poussent Pasteur Bizimungu à démissionner de ses fonctions de président de la République et de vice-président du FPR (mars 2000). À la suite d'un bref intérim, Paul Kagame, désigné par les députés de l'Assemblée nationale transitoire et par le gouvernement, lui succède à la tête de l'État. Cette rupture entre les deux hommes, censés symboliser la réconciliation nationale, porte un coup sérieux aux efforts visant à réconcilier majorité hutue et minorité tutsie.
6.2. Les interventions militaires du Rwanda au Zaïre puis en RDC
La traque des extrémistes hutus dans l'Est zaïrois (septembre 1996-mai 1997)
Alors que la Minuar quitte le Rwanda à l'expiration de son mandat (mars 1996), le nouveau pouvoir rwandais s'attache prioritairement à assurer sa sécurité. Il estime celle-ci menacée par la présence dans l'Est zaïrois (Nord- et Sud-Kivu) de plus d'un million de réfugiés hutus dans des camps servant de bases arrière et de centres de recrutement aux extrémistes hutus.
Avec l'Ouganda, son voisin et allié, le Rwanda fait appel à Laurent-Désiré Kabila, opposant de longue date au maréchal Mobutu. La rébellion des Banyamulenge (Zaïrois tutsis rwandophones installés au Sud-Kivu depuis les années 1930) éclate en octobre 1996. Rejointe également par des opposants de tous bords à Mobutu, et soutenue militairement par le Rwanda, l'Ouganda et le Burundi, elle s'organise en Alliance des forces démocratiques pour la libération du Zaïre (AFDL).
Chassés par l'AFDL, une partie des réfugiés hutus rentrent au Rwanda, certains gagnent l'Angola, la République centrafricaine, le Congo, le Gabon et le Cameroun. 300 000 d'entre eux sont massacrés dans les forêts. Mais les extrémistes hutus, encouragés par la rébellion hutue du Burundi, ne désarment pas et continuent de massacrer de nouvelles victimes, justifiant de ce fait la politique répressive et sanglante du Rwanda.
Les poussées expansionnistes du Rwanda en RDC (1998-2002)
En août 1998, le Rwanda, aux côtés de l'Ouganda et du Burundi, réengage son armée en République démocratique du Congo (RDC, nouveau nom du Zaïre depuis la chute de Mobutu, le 15 mai 1997, et la prise du pouvoir par L.-D. Kabila).
Après avoir aidé en 1996 L.-D. Kabila dans sa conquête du pouvoir, ces trois pays cherchent à présent à le renverser, et s'allient à trois groupes rebelles congolais, aux revendications divergentes. Dans le camp adverse, l'Angola, le Zimbabwe et la Namibie soutiennent le régime de L.-D. Kabila. Débute alors un conflit de quatre ans qui fera entre 4 et 4,5 millions de victimes.
Le Rwanda apporte son soutien à la rébellion du RCD/Goma (Rassemblement congolais pour la démocratie). Outre ses motivations sécuritaires, il cherche à s'arroger un contrôle politique sur l'est du pays et surtout à consolider sa mainmise sur l'exploitation illicite des immenses ressources minérales et forestières des deux Kivus. C'est d'ailleurs pour le contrôle des richesses diamantifères que le Rwanda et l'Ouganda – ce dernier soutenant le RCD/Kisangani, une faction rivale du RCD/Goma – s'affrontent sporadiquement entre 1999 et 2000, notamment à Kisangani, instaurant une guerre dans la guerre.
La difficile paix (2002-2005)
La mort de L.-D. Kabila, assassiné le 16 janvier 2001, et auquel succède son jeune fils Joseph, change la donne. La nécessité de combattre celui qui faisait l'unanimité contre lui disparaît. Lors de l'ouverture des négociations entre les factions congolaises, le 25 février 2002, à Sun City (Afrique du Sud), le Rwanda tente en vain d'obtenir une reconnaissance de son occupation dans l'Est congolais. Isolé alors que ses alliés du RCD/Goma sont écartés du pouvoir, le Rwanda ne reconnaît pas l'accord de Sun City du 19 avril. Ce n'est que le 30 juillet 2002, grâce à la médiation du président sud-africain Thabo Mbeki, que le Rwanda et la RDC signent, à Pretoria, un accord de paix prévoyant le démantèlement des milices Interahamwe en échange du retrait des 20 000 soldats rwandais du territoire congolais (retrait achevé en octobre 2002).
Cependant, l'Armée patriotique rwandaise (nouvelle appellation des FAR depuis juin 2002) apporte son soutien à une nouvelle rébellion de Banyamulenge qui, en juin 2004, s'emparent brièvement de Bukavu. En décembre 2004, Kigali menace de détruire les bases d'extrémistes hutus toujours présentes dans l'Est congolais si la communauté internationale ne règle pas cette question. Finalement, le 31 mars 2005, après plusieurs mois de pourparlers entre autorités congolaises et rwandaises, l'ensemble des groupes armés hutus, regroupés depuis 2000 au sein des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), s'engage à déposer les armes et à rentrer au Rwanda.
Pour en savoir plus, voir l'article République démocratique du Congo.
6.3. La dérive autoritaire du régime
La suprématie du FPR
Paul Kagame instaure au Rwanda un mélange de volontarisme économique (son plan « Vision 2020 » fait largement appel aux privatisations et libéralisations) et d'autoritarisme.
En 2002, l'ex-président Bizimungu est placé en résidence surveillée puis arrêté alors qu'il tentait de fonder un nouveau parti politique. Condamné à quinze ans de prison en 2004 pour « divisionnisme » (terme désignant officiellement les dérives d'une politique sur base ethnique mais s'avérant, à l'usage, une arme contre toute forme de contestation), puis bénéficiant d'une grâce présidentielle, Bizimungu sera libéré en 2007. Début 2003, à quelques mois des premières élections présidentielle et législatives depuis le génocide de 1994, et dès l'annonce de la candidature de l'ex-Premier ministre, Faustin Twagiramungu, rentré de son exil en Belgique, le MDR est dissous pour « divisionnisme ».
En juin 2003, une nouvelle Constitution instaure un Parlement bicaméral, le rétablissement du multipartisme et, pour la première fois depuis 1994, l'élection des députés au suffrage universel. Le président de la République est également élu au suffrage universel pour un mandat de sept ans, renouvelable une seule fois.
Au terme d'une campagne ponctuée d'opérations d'intimidation et largement dominée par le candidat sortant du FPR, Paul Kagame est réélu le 25 août 2003 avec 95,1 % des voix devant son principal adversaire, F. Twagiramungu (3,6 %). Les élections législatives de septembre-octobre confirment la victoire écrasante du FPR, qui conquiert la majorité absolue au Parlement. Toutefois la présence massive de représentants de Paul Kagame participant à la gestion des bureaux de vote, le harcèlement de ses adversaires politiques par le régime, la mainmise de ce dernier sur les médias ainsi que le silence de la communauté internationale disqualifient lourdement la légitimité des scrutins.
Le recours à une justice traditionnelle
Les nouvelles autorités rwandaises se sont trouvé face à un nombre considérable d'auteurs présumés du génocide. Après avoir différencié les catégories de criminels y ayant participé (1996), quelque dix-mille tribunaux, inspirés des assemblées villagoises (les juridictions gacaca) sont institués en 2001. Ils sont chargés des poursuites et du jugement du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité commis entre le 1er octobre 1990 et le 31 décembre 1994.
En 2005, les juridictions gacaca accueillent les premiers procès, au cours desquels sont confrontés survivants et exécutants du génocide (à l'exception des planificateurs et des auteurs de viols). Conformément à l'une des exigences de la communauté internationale pour que les procédures judiciaires à l'encontre des génocidaires soient transférées à la juridiction nationale rwandaise avant la dissolution du TPIR prévue en 2008 (reportée jusqu'à fin 2012, afin d'examiner les derniers cas en instance), le Rwanda abolit la peine de mort le 26 juillet 2007.
Verrouillage électoral et violences politiques
Aux élections législatives de septembre 2008, la coalition au pouvoir (FPR, associé à six petits partis) remporte la majorité absolue des sièges. À cette occasion, la communauté internationale salue les efforts des autorités rwandaises pour sa mise en œuvre de la promotion des femmes ; celles-ci ont obtenu 44 des 80 sièges de l'Assemblée nationale – une première mondiale. Toutefois, l'opposition (une douzaine de partis en exil) n'a pas participé au scrutin.
À l'approche de l'élection présidentielle du 9 août 2010, le régime montre des signes de raidissement. En vertu de la loi de 2008 qui réprime « l'idéologie génocidaire » ou le « divisionnisme », et qui vise à empêcher le retour de la haine ethnique, le régime du président Kagame muselle toute liberté d'expression et anéantit toute velléité d'opposition. Menacés, d'anciens piliers du FPR passés dans l'opposition (Faustin Kayumba Nyamwasa, ex-chef d'état-major, Patrick Karegeya, ex-chef des renseignements extérieurs) se réfugient en Afrique du Sud (où ce dernier sera finalement assassiné en janvier 2014) ; d'autres sont exécutés, tels le journaliste André Kagwa Rwisereka (juin 2010) ou le premier vice-président du parti démocratique vert André Kagaw Rwisereka (juillet). Victoire Ingabire, présidente des Forces démocratiques unifiées (FDU), tout comme Bernard Ntaganda, président du parti social (PS), sont empêchés de participer au scrutin du 9 août, où faute de véritable rival, Paul Kagame est réélu avec 93 % des suffrages et un taux de participation record de 97,51 %.
6.4. Politique extérieure
Politique régionale
Sur le plan régional, le Rwanda poursuit sa politique de réglement du problème posé par la présence de groupes armés congolais et rwandais dans l'est de la République démocratique du Congo. Fin 2008, les combats que se livrent le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) du général rebelle congolais Laurent Nkunda – soutenu par le Rwanda – et les forces congolaises alliées aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), menacent de rallumer une guerre régionale. Cependant, fruit du dialogue entamé en 2007 entre les gouvernements rwandais et congolais et d'un accord secret scellé en décembre 2008 entre les deux capitales, un renversement d'alliances inespéré permet la menée d'opérations militaires conjointes contre les FDLR (janvier-février 2009). Après la rencontre de leur deux présidents (août), le Rwanda et la RCD décident de reprendre leurs relations dilomatiques interrompues depuis plus de dix ans.
Les tensions avec l'Ouganda, portées à leur paroxysme lorsque les deux pays s'étaient affrontés militairement pour le contrôle de la ville de Kisangani en RDC (août 1999) puis en mai 2000 et en juin 2002, s'apaisent grâce à la médiation de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Mais en dépit de plusieurs rencontres au niveau présidentiel entre 2007 et 2009, une certaine défiance demeure, nourrie par une rancune personnelle entre les deux ex-compagnons d'armes, et par des soupçons réciproques de liens suspects avec leur opposition respective.
Le Rwanda poursuit sa politique d'intégration régionale. Membre du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (Comesa), de la Communauté économique des pays des Grands Lacs (CEPGL), il se retire en juin 2007 de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC) et adhère en juillet à la Communauté est-africaine (EAC), privilégiant le maintien de ses relations en Afrique de l'Est. En novembre 2009, le Rwanda devient, le 54e membre du Commonwealth tout en demeurant au sein de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Épinglé par un rapport de l’ONU paru le 1er octobre 2010 et mettant en évidence la participation des troupes rwandaises à des massacres de réfugiés hutus en RDC entre 1995 et 2003, Kigali – un des plus gros contributeurs africains de Casques bleus au Darfour – répond en menaçant de retirer ses troupes si le texte n'est pas amputé de certaines parties.
Les relations avec la France
Les relations avec la France, soupçonnée d'avoir aidé les milices hutues lors du génocide de 1994, ne cessent de se détériorer. En novembre 2006, au lendemain de la publication de l'ordonnance d'un juge français mettant en cause le président Kagame et neuf de ses proches dans l'attentat du 6 avril 1994 contre J. Habyarimana, le Rwanda rompt ses relations diplomatiques avec la France, non sans exiger une repentance « officielle » de celle-ci pour sa participation aux événements de 1994, et la fin des poursuites contre le chef de l'État.
Après quelques signes de réchauffement à l'automne 2007, une entrevue, en marge du sommet Union européenne-Afrique de Lisbonne (décembre), entre les deux présidents permet de lancer le processus de normalisation entre Paris et Kigali. Conséquence de la crise qui affecte les relations franco-rwandaises, Kigali institue l'anglais, et non plus le français, langue de l'enseignement, de l'école primaire à l'université. À la suite du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays (novembre 2009), Nicolas Sarkozy en visite au Rwanda (février 2010) reconnaît, sans présenter d'excuses officielles, « de graves erreurs d'appréciation, une forme d'aveuglement " de la part de la France pendant le génocide ; lors de sa première visite officielle en France (septembre 2011), Paul Kagame exprime sa volonté de « tourner la page des différends du passé ».
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LES AZTÈQUES |
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LES AZTÈQUES
Cet article fait partie du dossier consacré aux grandes découvertes.
Peuple autochtone de l'Amérique moyenne qui fonda un empire au Mexique au xve s.
HISTOIRE
Introduction
Dans leur langage, dialecte du nahuatl, leur nom (Azteca) signifie le peuple d'Aztlán, origine légendaire de la tribu. Ils s'appelaient aussi Mexica (prononcer « Méchica »). Leur capitale Mexico a donné son nom au pays tout entier.
Selon leur histoire traditionnelle, ils s'étaient établis à Aztlán vers le milieu du iie s. et y vécurent plus de mille ans. Dans la seconde moitié du xiie s. (1168 ?), ils quittèrent ce pays, qu'on peut situer au nord-ouest de l'actuel Mexique ou au sud-ouest des États-Unis actuels, pour se diriger vers le sud en une longue migration, conduits par les prêtres soldats dits « porteurs de dieux », conformément aux oracles de la divinité tribale, Huitzilopochtli. Environ un quart de siècle plus tard, on les retrouve dans la région de Tula, à 100 km au nord de Mexico ; ils y demeurèrent vingt ans. C'est là sans doute qu'ils commencèrent à s'imprégner des croyances et des mœurs de l'ancienne civilisation toltèque, dont Tula avait été la capitale. Ils célébraient alors pour la première fois, sur la montagne Coatepec, le rite du Feu nouveau.
Couronnement de l'empereur AcamapichtliCouronnement de l'empereur Acamapichtli
Tantôt guerroyant, tantôt s'alliant par des mariages aux populations en place, les Aztèques pénétrèrent au xiiie s. dans la vallée centrale du Mexique par la région nord-ouest (Zumpango, Xaltocán). Ils y trouvaient des cités-États fortement organisées et belliqueuses. Leur première tentative de création d'un État indépendant s'acheva en désastre : le chef aztèque élevé à la dignité de souverain, Huitzilihuitl Ier, fut fait prisonnier et sacrifié. Devenus les vassaux de cités puissantes, ne possédant en propre aucun territoire, les Aztèques finirent par se réfugier dans les îlots et sur les bas-fonds marécageux de la grande lagune. Ils y fondèrent en 1325 un village de cabanes en roseaux, Mexico, appelé aussi Tenochtitlán (« lieu où le cactus pousse sur le rocher ») : leur dieu leur avait donné l'ordre de s'établir là où ils verraient un aigle, perché sur un cactus, en train de dévorer un serpent. C'est seulement cinquante ans plus tard qu'ils purent enfin s'organiser en État. Leur premier souverain, Acamapichtli, se rattachait à une famille noble d'origine toltèque.
Des onze souverains aztèques, quatre ont péri de mort violente : Chimalpopoca, assassiné sur l'ordre du roi d'Atzcapotzalco ; Tizoc, probablement empoisonné ; Moctezuma II, tué par les Espagnols ou par un projectile lancé par un guerrier aztèque ; Cuauhtemoc, pendu par Cortés.
Empire et société aztèques
Le temps de la conquête
NezahualcoyoltNezahualcoyolt
Ce qu'on appelle couramment l'« Empire aztèque » prit naissance en 1428-1429 sous la forme d'une triple alliance. Les trois États de Tenochtitlán, Texcoco et Tlacopan s'associèrent après la défaite de la dynastie militariste d'Atzcapotzalco, qui exerçait son hégémonie sur la vallée centrale. En fait, le tlatoani aztèque étant investi des fonctions de généralissime des forces confédérées, c'est lui qui devint rapidement le chef suprême, l'empereur du Mexique conquis. Après avoir soumis d'abord l'ensemble de la vallée, les Aztèques et leurs alliés étendirent leur domination vers l'est (plateau de Cholula-Puebla, côte du Golfe), vers le sud (Morelos, côte du Pacifique), vers le nord et le nord-ouest (plateau de Toluca, région de Tula et de Xilotepec, cours inférieur du Pánuco), vers le sud-est (Oaxaca, isthme de Tehuantepec, province maya du Soconusco). C’est ainsi que, ayant succédé à Itzcoatl en 1440, Moctezuma Ier, fondateur de la grandeur mexica et alors âgé de quarante ans, entreprit très rapidement une guerre – qui dura jusqu'à l'arrivée des Espagnols – contre les peuples nahuas qui vivaient de « l'autre côté des volcans », à l'est, dans la vallée de Puebla, où se trouvaient les seigneuries indépendantes de Tlaxcala et Cholula. Ce combat perpétuel, surnommé la « guerre fleurie », n'avait pas pour but de vaincre ni de soumettre, mais de capturer le plus de prisonniers possible, afin de les offrir en sacrifice aux dieux. En effet, le sang humain, « eau précieuse » rituellement versée, permettait seul, dans la conception religieuse et la cosmogonie aztèques, la survie des dieux et la perpétuation du monde.
D'autres guerres entreprises par Moctezuma Ier et ses successeurs eurent pour objectif d'étendre la domination aztèque sur les riches contrées tropicales du Sud, de l'Ouest et de l'Est qui regorgeaient de plumes chatoyantes, de pierres précieuses, de coton, de cacao: autant de denrées fort appréciées de la noblesse aztèque et absentes de la vallée de Mexico. Moctezuma Ier soumit peu à peu des villes importantes et des régions entières jusqu'aux confins du Guatemala actuel. Sous les règnes d'Ahuitzotl (1486-1502) et de Moctezuma II (1502-1520), la suprématie aztèque se renforça encore.
Une économie florissante
Au début du xvie s., l'Empire rassemblait des populations appartenant à des ethnies très variées (Nahuas, Otomis, Huaxtèques, Mixtèques, Matlaltzincas, Zapotèques, etc.), groupées pour les besoins de l'administration en 38 provinces tributaires. Chaque province devait verser aux fonctionnaires aztèques (calpixque) des quantités déterminées de denrées alimentaires, tissus, métaux précieux, plumes d'oiseaux tropicaux, matériaux de construction, caoutchouc, jade, armes, etc., selon des barèmes soigneusement tenus à jour par des scribes. En dehors de cette obligation, les cités et villages conservaient une large autonomie, s'administraient selon leurs coutumes et pratiquaient leurs cultes particuliers. Quelques villes, aux frontières, étaient placées sous l'autorité de gouverneurs aztèques appuyés par des troupes de garnison. Certains petits États, amis (Teotitlán) ou hostiles (Tlaxcala), enclavés dans l'Empire, avaient conservé leur indépendance.
Si l'organisation administrative du tribut avait pour résultat de faire affluer à Mexico d'énormes richesses, le commerce, rendu possible par l'effacement des frontières et la paix intérieure, était intense entre la capitale et les provinces. Des corporations de négociants (pochteca), influentes et prospères, détenaient le monopole de ces échanges, tandis que le petit commerce et les métiers les plus divers étaient exercés par des artisans, marchands et marchandes de légumes, poissons ou gibier, menuisiers, sauniers, fabricants de nattes et de paniers, porteurs d'eau, tisserandes, etc. Ceux qui pratiquaient l'artisanat de luxe (orfèvrerie et joaillerie, ciselure, art de la mosaïque de plumes) formaient des corporations respectées. Il en était de même des médecins, sages-femmes, guérisseurs et guérisseuses, tandis que l'opinion et la loi condamnaient sévèrement les sorciers et magiciens.
Mexico, capitale symbole de la puissance aztèque
NezahualpilliNezahualpilli
À mesure qu'augmentaient les ressources de la tribu dominante, la capitale, simple village lacustre à l'origine, s'était transformée en une cité de plusieurs centaines de milliers d'âmes. Au centre, sur l'île rocheuse désignée par l'oracle divin, se dressaient les pyramides, les temples, les palais impériaux. Les quatre quartiers, subdivisés en nombreuses fractions (calpulli), s'étendaient sur un millier d'hectares le long de canaux et sur l'île voisine de Tlatelolco. La cité était reliée à la côte du lac par trois chaussées surélevées. Une digue longue de 16 kilomètres, construite sous le règne de Moctezuma Ier, la protégeait à l'est contre l'irruption des eaux de la grande lagune. Deux aqueducs amenaient l'eau potable à la ville depuis Chapultepec et Coyoacán. En raison de la prospérité générale (freinée de 1451 à 1456 par de mauvaises récoltes), la population de la capitale et des villes voisines, Tlacopan, Coyoacán, Culhuacán, Xochimilco, Texcoco, etc., ne cessait de croître. En 1519, le bassin de Mexico abritait entre 1 million et 1,5 million d'habitants, soit une densité de 200 habitants par km2, pour une superficie de terres cultivées qui ne dépassait guère les 3 000 km2. L'espace propice à la culture était en effet très réduit, à cause notamment de la faible épaisseur des sols, de l'érosion, de la présence de nombreux lacs et marécages. Le génie aztèque a su pourtant en tirer un profit maximal grâce à des techniques agricoles originales : fumage des sols avec des excréments humains et animaux, irrigation, dry-farming, élévation de terrasses. Mais le plus remarquable est sans doute la manière dont les Mexicas ont asséché une grande partie des lacs de la vallée et mis en valeur les marais au moyen des chinampas, radeaux de roseaux fixés par des pieux et couverts d'une couche de terre boueuse où sont plantés maïs, haricots, courges et piments.
L'agriculture du bassin de Mexico et celle des régions tropicales sous domination aztèque ont donné au Vieux Monde les ingrédients d'une révolution alimentaire : le maïs, une cinquantaine d'espèces de haricots, dont les haricots verts, les citrouilles, les oignons, les tomates (tomatl), les pommes de terre, les cacahuètes (tlacacahuatl), la vanille… À cette liste non exhaustive, il faut adjoindre une boisson faite avec la graine de l'amaxocoatl, connue sous le nom de « cacao » ou « chocolat ».
Une société hiérarchisée, une administration efficace
La société aztèque à son origine avait été égalitaire et frugale. Mais, avec le temps et l'expansion de l'Empire, le luxe et la hiérarchie politico-sociale l'avaient profondément modifiée. Le « simple citoyen » (maceualli) menait encore une vie assez semblable à celle des Aztèques de la migration ; il cultivait le lopin de terre auquel il avait droit, chassait ou pêchait, devait prendre part aux travaux collectifs (entretien des canaux et des ponts, terrassements, etc.). Mais les négociants disposaient de grandes richesses sous forme de denrées, métaux précieux, plumes, tissus. L'aristocratie militaire, qui se renouvelait d'ailleurs par la promotion de guerriers sortis du peuple, possédait des domaines ruraux et des palais, et recherchait de plus en plus le luxe. Autour d'elle gravitaient serviteurs, métayers, esclaves, et aussi des artistes, sculpteurs, ciseleurs, orfèvres, peintres, poètes et musiciens.
Tous les enfants, quelle que fût leur origine, recevaient une éducation relevant d'un des deux systèmes en vigueur : pour les enfants du peuple, les telpochcalli, collèges de préparation à la vie pratique et à la guerre ; pour ceux de l'aristocratie, mais aussi pour ceux des négociants et pour les enfants « plébéiens » que l'on destinait à la prêtrise, les calmecac, monastères-collèges qui dépendaient des temples. Dans ces derniers, on enseignait l'histoire traditionnelle, la religion et les rites, l'écriture pictographique, la lecture des livres sacrés, la musique et le chant. Il existait d'ailleurs des écoles de chant ouvertes aux jeunes gens de la classe populaire.
L'administration de l'Empire et la justice étaient assurées par un grand nombre de fonctionnaires et de magistrats, assistés de scribes, gendarmes, huissiers, messagers. Organisés selon une hiérarchie complexe, ils percevaient en rémunération le produit de terres qui leur étaient affectées. Les conquérants espagnols et Cortés lui-même ne tarissent pas d'éloges quant à l'ordre et à l'efficacité de l'administration, à l'intégrité des juges, à la splendeur et à la propreté de la capitale. La justice est un modèle d'organisation. Grâce à une remarquable hiérarchie des juridictions, qui comprend des tribunaux d'instance (teccali) et une cour suprême ou cour d'appel (tlacxitlan), la justice est rendue avec rapidité et efficacité. Aucun procès ne dure plus de quatre-vingts jours, y compris le jugement et l'arrêt. Les juges sont nommés par le souverain et par le chef du quartier où se tient le tribunal.
Prédominance de l’empereur
L'État aztèque, né de la démocratie tribale, était devenu une monarchie aristocratique. Au sommet, le tlatoani (« celui qui parle, qui commande »), élu à vie au sein d'une même dynastie par un collège restreint de dignitaires, était assisté d'un « vice-empereur », le ciuacoatl, et de quatre « sénateurs » élus en même temps que lui. Il désignait de hauts fonctionnaires tels que le petlacalcatl, chargé de la perception des impôts et du trésor, le uey calpixqui, préfet de la capitale, etc. Le Grand Conseil (tlatocan, « lieu de la parole, du commandement ») se réunissait sous sa présidence ou sous celle du ciuacoatl pour discuter des décisions importantes, et pouvait repousser jusqu'à trois reprises les propositions du souverain, par exemple en cas de déclaration de guerre. L’empereur est, au début du xvie s., un personnage quasi divin, entouré d'un halo religieux. Sa principale mission consiste à défendre, à agrandir et à embellir le temple de Huitzilopochtli, le dieu organisateur du monde des Aztèques, auquel il offre, souvent lui-même, des sacrifices. L'empereur vit dans un palais superbe, entouré de ses femmes, de ses conseillers, de ses devins, de ses nains et de ses bouffons. Nul ne peut le regarder en face, ni le toucher. Il lui est interdit de fouler le sol.
Une religion omniprésente et sanglante
Reliée à la classe dirigeante par de multiples liens familiaux, mais distincte d'elle, influente à coup sûr dans les affaires publiques mais non mêlée directement à la gestion de l'État, la classe sacerdotale était nombreuse et respectée. À la tête de la hiérarchie se trouvaient les deux grands prêtres égaux appelés Serpents à plumes, assistés d'un « vicaire général », lui-même entouré de deux coadjuteurs. Groupés en collèges au service de telle ou telle divinité, ou répartis dans les quartiers comme simples desservants, les prêtres avaient à leur charge non seulement le culte, mais l'éducation supérieure et les hôpitaux destinés aux pauvres et aux malades. Le clergé disposait d'immenses richesses en terres et en marchandises de toute sorte, qu'administrait un trésorier général.
La vie des Aztèques était dominée par la religion, que caractérisaient un panthéon foisonnant, une riche mythologie, un rituel complexe fertile en épisodes dramatiques et sanglants mais aussi en cérémonies grandioses et en émouvante poésie. La civilisation aztèque avait réalisé la synthèse des divinités astrales des tribus nordiques (Huitzilopochtli, Tezcatlipoca), des dieux agraires adorés par les anciennes populations sédentaires (Tlaloc, Chalchiuhtlicue, etc.), des dieux étrangers tels que Xipe Totec (Oaxaca) ou Tlazolteotl (déesse de l'Amour chez les Huaxtèques).
Le dieu des Aztèques à qui est adressé le culte est guerrier et triomphant. Huitzilopochtli est fils d'une déesse de la Terre, il personnifie le Soleil par sa victoire sur ses frères et sœurs, les Ténèbres et l'Étoile du matin. Soleil et guerre : tels sont les deux principes organisateurs de la religion aztèque. Ainsi, les morts au combat ou les sacrifiés connaissent une survie grandiose, car ils sont chargés d'aider le Soleil dans sa course. Tous les jours pendant quatre ans, ils l'accompagnent du levant au zénith. Passé cette période, ils se métamorphosent en colibris ou en papillons. Celui qui meurt dans sa maison, au contraire, disparaît dans les Ténèbres. Dès son enfance, l'homme aztèque est préparé à l'idée du sacrifice; il ne doit vivre que pour donner son cœur et son sang « à notre Mère et à notre Père, la Terre et le Soleil », et contribuer de la sorte au bel ordonnancement du monde : permettre le lever du Soleil, la tombée de la pluie, la pousse du maïs… La « guerre fleurie », pacte de sang entre tribus sœurs, de même origine et de même culture, a été scellée à cette fin.
Les sacrifices humains, très fréquents, correspondaient à deux conceptions distinctes. Tantôt le sang et le cœur des victimes étaient offerts aux dieux, plus particulièrement au Soleil, afin d'assurer la marche régulière de l'univers ; tantôt les victimes incarnaient le dieu et mimaient son drame mythique, jusqu'au moment où leur sacrifice transférait leur force vitale à la divinité représentée. Les sacrifiés, de même que les guerriers tombés au combat et les femmes mortes en couches étaient promis à une éternité bienheureuse, tandis que les morts ordinaires, pensait-on, devaient subir quatre années d'épreuves dans le royaume souterrain de Mictlantecuhtli (le Pluton aztèque) avant de disparaître dans le néant. Mais les morts que Tlaloc avait « distingués » en les appelant à lui (par noyade, hydropisie, affections pulmonaires, etc.) devaient jouir dans l'au-delà d'une vie paisible dans l'abondance du paradis (Tlalocan).
« Le compte des destins »
À l'instar des Mayas et des Toltèques, les Aztèques ont élaboré un système très complexe de calendriers, mêlant observations astronomiques et métaphysique, instrument de repérage des phénomènes naturels, tels les saisons ou le mouvement des astres, mais aussi moyen de déterminer le destin des hommes et du monde. L'existence de chacun était régie par le tonalpoualli, le « compte des destins », système extrêmement complexe de divination fondé sur un calendrier rituel de 260 jours divisé en 20 séries de treize. Chacun de ces jours était désigné par un chiffre et un signe – « 1, crocodile », « 2, vent », « 3, maison », etc. –, que les prêtres spécialisés, les « compteurs de destins », interprétaient à l'occasion des naissances, mariages, départs en voyage, expéditions militaires. Chaque année solaire est désignée par le nom de son premier jour, pris lui-même dans le calendrier divinatoire. Seuls quatre signes peuvent commencer une année: tecpatl (le silex), acatl (le roseau), calli (la maison), tochtli (le lapin). Combinés chacun avec les treize nombres fondamentaux du calendrier divinatoire, ils offrent 52 débuts d'année possibles. À l'issue de ce cycle de cinquante-deux ans, le temps est réputé suspendu: il peut alors se dissoudre, et c'est la fin du monde tant redoutée, ou se répéter, les anciens signes épuisés redevenant porteurs de vie à la faveur d'une cérémonie sacrificielle. Au-delà de ce cycle clos, les noms des jours et des années se répètent inlassablement.
La chute de l’empire
Le 18 février 1519, Hernán Cortés débarque au Yucatán accompagné de quelques dizaines de soldats. Le 13 août 1521, Tenochtitlán tombe sous ses assauts ; le dernier empereur est capturé, les Aztèques sont décimés et soumis à jamais. On peut se demander pourquoi un État organisé à ce point pour la guerre et une civilisation aussi élaborée se sont effondrés comme châteaux de sable devant une poignée d'Espagnols. L'explication tient sans doute au décalage technologique (les Mexicas n'ont ni épées de fer ni armes à feu). Elle tient aussi au pessimisme de la vision religieuse aztèque. Moctezuma II, scrupuleux et méditatif, très attentif aux présages, croit reconnaître dans les Espagnols qui arrivent sur la côte du Mexique les représentants de Quetzalcóatl, le roi-prêtre des Toltèques, le dieu-serpent à plumes dont le retour est annoncé par d'anciennes prophéties. De plus, l'année 1519 coïncide avec la fin d'un cycle calendaire de cinquante-deux ans, qui marque la suspension du temps. Ces êtres étranges, blancs, barbus et vêtus de fer, qui lancent la foudre et possèdent des chevaux, animaux que personne n'a jamais vus au Mexique, ont tous les caractères des dieux. Les Aztèques, prêts à les accepter comme tels, ne veulent que les honorer…
L'explication réside enfin dans la complicité active des peuples voisins, soumis depuis trop longtemps à la puissance mexica, fatigués de donner leur fortune à son empereur, et leurs enfants à ses dieux. Les Totonaques et les seigneurs de Tlaxcala rejoignent Cortés, qui se présente devant Tenochtitlán-Mexico avec une armée de plus de 30 000 indigènes. Moctezuma hésite : il cherche la preuve qu'il se trouve devant des dieux. Il reçoit les Espagnols et prépare pour eux des fêtes, en l'honneur, notamment, de Huitzilopochtli. Mais Cortés doit regagner la côte à la hâte pour combattre des émissaires de l'Espagne venus lui demander des comptes sur son épopée. Pendant ce temps, Alvarado, son lieutenant resté sur place, organise, sous on ne sait quel prétexte, le massacre de la foule venue assister à une cérémonie religieuse. À son retour, Cortés trouve la capitale aztèque en révolte ; Moctezuma, tenu responsable de la situation, est tué par le peuple. L'insurrection progresse. Assiégés, Cortés et ses compagnons doivent se frayer un chemin hors de la ville ; ils sont décimés par les guerriers aztèques enragés : c'est la Noche Triste (la Nuit Triste) du 30 juin au 1er juillet 1520. Cortés en réchappe pourtant. Il va reconstituer ses forces et réinvestir méthodiquement Tenochtitlán à partir de la fin de 1520. Le 13 août 1521, au milieu des ruines de sa ville dévastée par les canons, le dernier empereur aztèque se rend aux Espagnols. Il s'appelle Cuauhtémoc, l'« Aigle-qui-tombe », c'est-à-dire le Soleil couchant ; le soleil aztèque s'éteint pour toujours.
Quelques divinités du panthéon aztèque
Chalchiuhtlicue
« Celle qui a une jupe de pierres vertes », déesse de l'Eau douce, compagne de Tlaloc.
Cihuateteo
« Femmes-déesses », femmes mortes en couches et divinisées ; elles prennent au zénith le relais des guerriers morts au sacrifice pour accompagner le Soleil dans son voyage.
Coatlicue
« Celle qui a une jupe de serpents », vieille déesse de la Terre, qui enfanta miraculeusement le dieu des Mexica, Huitzilopochtli.
Coyolxauhqui
« Celle qui est parée de grelots », sœur aînée de Huitzilopochtli, tuée par lui, ainsi que ses frères, les 400 étoiles au Sud, au moment de sa venue au monde. Elle symbolise les ténèbres, vaincues par le jeune Soleil triomphant.
Eecatl
Quetzalcóatl sous sa forme de dieu du Vent. Représenté avec un masque en forme de bec de canard, ou sous la forme d'un singe soufflant.
Huitzilopochtli
« Le colibri de gauche », jeune dieu de la tribu aztèque, qu'il avait guidée dans sa migration. Il symbolise le Soleil triomphant, au zénith.
Mayahuel
Déesse du Maguey, qui avait été la plante nourricière des Aztèques au temps de leur migration. Elle est généralement représentée comme plurimammaire.
Mictlantecuhtli
Le « Seigneur du lieu des morts », dieu des Enfers, représenté sous la forme d'un cadavre décharné.
Nanauatzin
Petit dieu pustuleux ou syphilitique, autre forme de Quetzalcóatl. À l'origine des temps, il s'était sacrifié en se jetant dans un brasier allumé à Teotihuacán, pour faire naître le Soleil.
Ometecuhtli et Omecihuatl
« Le Seigneur et la Dame de la dualité ». D'après certaines sources, c'est le couple primordial qui aurait enfanté tous les autres dieux et les humanités. Leur culte semble être tombé en désuétude chez les Aztèques, et n'être resté vivant que chez certains rameaux nahuas émigrés dès le xiie s. comme les Pipils du Guatemala.
Quetzalcóatl
QuetzalcóatlQuetzalcóatl
« Serpent plume précieuse ». Sans doute la figure dominante du panthéon aztèque. Inventeur des arts, des techniques et de la pensée philosophique.
Tezcatlipoca
« Miroir qui fume », dieu du Nord, du Ciel nocturne et de la Guerre, patron des jeunes guerriers. Vainqueurs de Quetzalcóatl par ses sortilèges.
Tlaloc
Fresque de TepantitlaFresque de Tepantitla
Vieux dieu de la Pluie, l'un des plus importants du panthéon, honoré dans tout le Mexique. Caractérisé par ses yeux entourés de serpents formant comme des lunettes et par sa bouche ornée de crocs, comme les autres dieux de la Pluie des peuples voisins ou antérieurs : le Cocijo des Zapotèques, le Chac des Mayas, etc.
Tlazolteotl
« Déesse de l'Immondice », déesse de l'Enfantement et de l'Amour charnel, des Bains lustraux. Originaire sans doute de la Huaxteca, région connue pour sa « frivolité », elle avait le pouvoir d'effacer, par la confession, les offenses à la morale sexuelle.
Toci
« Notre aïeule », nommée aussi Teteo innan, « la mère des dieux ». C'est son culte qui était célébré sur la colline où devait apparaître la Vierge de Guadalupe, faisant de celle-ci, par un phénomène de syncrétisme, une Vierge pleinement nationale.
Tonatiuh
Le Soleil, représenté au centre du célèbre monument « la Piedra del sol », tirant la langue pour réclamer sa nourriture, le sang humain.
Xipe Totec
« Notre Seigneur l'écorché », dieu peut-être originaire de l'actuel État d'Oaxaca. Il représente le Renouveau de la végétation. Les prêtres se revêtaient en son honneur de la peau des sacrifiés, qui, en jaunissant, évoquait une feuille d'or : il est aussi le dieu des orfèvres.
Xiuhtecuhtli
« Le Seigneur du feu », également nommé Huehueteotl, « le vieux dieu ». Vieux dieu du Feu et des puissances volcaniques, représenté généralement comme un vieillard ridé dont la tête supporte un brasero.
Xolotl
Autre forme de Quetzalcóatl. Lors du sacrifice qu'avaient décidé tous les dieux à Teotihuacán pour faire vivre le Soleil, il fut le seul à s'enfuir et à tenter de se cacher. Il devint le dieu des Monstres, et de tout ce qui est double : double épi de maïs, double maguey, jumeaux…
ART
Introduction
L'art des Aztèques, comme leur religion, est le résultat d'une synthèse. La tradition toltèque qui avait survécu dans certaines villes du plateau central comme Culhuacán, le style « mixtéca-puebla » de Cholula, de Tizatlán et de l'Oaxaca, et certaines influences d'origine plus lointaine, comme celle des Huaxtèques, se sont amalgamés en un ensemble original. Riche à la fois d'un symbolisme ésotérique et d'un vigoureux réalisme, l'art aztèque frappe par la puissance et l'énergie des formes, par la sûreté du dessin, par la hardiesse de la conception.
Architecture
En architecture, les Aztèques n'ont guère innové ; ils ont repris pour l'essentiel les thèmes de l'architecture classique et toltèque, c'est-à-dire la pyramide à degrés et le palais horizontal. Cependant, la juxtaposition de deux temples au sommet d'une pyramide unique, comme c'était le cas du Grand Teocalli de Mexico, avec les sanctuaires jumelés de Tlaloc et de Huitzilopochtli, est un trait typiquement aztèque. Les monuments circulaires, tels que les temples du Vent à Mexico et à Calixtlahuaca, relèvent d'une tradition étrangère à la civilisation classique : il s'agit là d'un emprunt à l'architecture huaxtèque. Les dimensions grandioses de certains édifices, comme le palais du Tlatoani à Mexico ou celui du roi de Texcoco, immenses bâtiments groupés autour de patios et de jardins, surpassaient tout ce qui avait été réalisé au Mexique auparavant. En outre, les Aztèques sont le seul peuple autochtone du Mexique qui ait taillé entièrement dans la roche vive, à Malinalco, un temple avec ses statues et ses bas-reliefs.
Sculpture
QuetzalcóatlQuetzalcóatl
La sculpture, dont il subsiste de très nombreuses œuvres en dépit des destructions massives dues à la conquête, présente un large éventail symbolique et stylistique, depuis les idoles et les bas-reliefs à thèmes religieux jusqu'aux statues de personnages et d'animaux, en passant par les scènes historiques à la gloire des empereurs. Parmi les spécimens les plus connus qui se trouvent dans les musées du Mexique ou à l'étranger, on mentionnera la statue colossale de la déesse Coatlicue, extraordinaire chef-d'œuvre macabre ; les représentations du Serpent à plumes Quetzalcóatl ; le « Calendrier aztèque », monolithe qui résume sur son disque les conceptions cosmologiques des anciens Mexicains ; le « Teocalli de la Guerre sacrée », dédié au Soleil et au combat cosmique ; une tête de dignitaire (« chevalier-aigle ») qui évoque de façon frappante l'énergie des guerriers ; la « Pierre de Tizoc », qui retrace les victoires du septième souverain ; la stèle commémorative de l'inauguration du grand Temple, par Ahuitzotl, en 1487.
Arts décoratifs
Les Aztèques ont fait revivre l'art du masque en pierre, qui avait été pratiqué avec virtuosité à l'époque classique (Teotihuacán, ve-viiie s.). Ils ont porté à un haut degré de perfection la sculpture et la ciselure des pierres semi-précieuses : jadéite, néphrite, serpentine, cristal de roche. D'admirables statuettes en portent témoignage, par exemple celle du dieu Tezcatlipoca (musée de l'Homme, Paris) ou celle de Xolotl (musée du Wurtemberg, à Stuttgart).
Trois grandes corporations d'artisans étaient spécialisées, à Mexico, dans les arts que nous appelons « mineurs » : les orfèvres, dont les merveilleux bijoux et ornements d'or et d'argent s'inspiraient surtout du style mixtèque de l'Oaxaca ; les lapidaires, qui décoraient de mosaïque de turquoise, de grenat, d'obsidienne et de nacre les masques, objets cérémoniels, casques d'apparat ; enfin les amanteca, ou plumassiers, dont les fragiles chefs-d'œuvre faits de plumes d'oiseaux tropicaux ornaient la coiffure et les vêtements des dignitaires ainsi que les idoles des dieux.
Peinture
Manuscrit aztèqueManuscrit aztèque
Il existait à Mexico deux catégories de peintres : ceux qui couvraient de fresques les murailles des palais et des sanctuaires, et ceux qui, scribes versés dans l'écriture hiéroglyphique, enluminaient les manuscrits religieux ou historiques. Certains de ces manuscrits, tel le Codex borbonicus (bibliothèque de l'Assemblée nationale, Paris), constituent des recueils de petits tableaux symboliques admirablement exécutés.
Littérature
La littérature, surtout sous la forme de poèmes déclamés et chantés avec accompagnement de flûtes et d'instruments à percussion, présentait des genres nettement délimités : poèmes religieux d'une grande élévation, poèmes philosophiques, épopées historico-mythiques, odes lyriques, poèmes mimés et dialogués que l'on peut considérer comme un embryon de théâtre. En outre, les Aztèques attachaient une importance extrême à l'art oratoire ; toutes les circonstances importantes de la vie publique ou privée, depuis l'élection d'un souverain jusqu'au départ d'une caravane de négociants, étaient marquées par des discours pompeux et imagés. Enfin, la danse tenait une large place dans les réjouissances familiales, dans les banquets et dans les cérémonies religieuses.
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HONGKONG |
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Hongkong ou Hong Kong
en chinois Xianggang
Hongkong
Région administrative spéciale de la Chine, au S.-E. de Canton, comprenant, outre la petite île de Hongkong, Kowloon et de petites îles.
Superficie : 1 077 km2
Population : 7 195 000 hab. (estimation pour 2014)
Capitale : Victoria
À une latitude tropicale, presque dépourvu de plaines, Hongkong est constitué de pics granitiques (Victoria dans l'île de Hongkong, 550 m ; Lantau dans l'île du même nom, 936 m ; Tai Mo Shan dans la péninsule, 958 m). Il tombe 2 150 mm de pluies en moyenne par an, mais le sous-sol est dépourvu de nappe phréatique. Faisant partie de la Chine méridionale et ouverte sur la mer homonyme, Hongkong doit une part de sa fortune à son rôle d'intermédiaire entre la Chine communiste et le monde industrialisé. À la Chine, dont elle a reçu des émigrés (ou réfugiés) et d'où elle importe des compléments alimentaires, elle sert de port de transit, à la fois importateur et réexportateur. Hongkong exporte 13 % des produits de haute technologie du monde en volume.
Ce rôle commercial est indissociable de l'essor d'une industrie de main-d'œuvre (à l'habillement, aux jouets se sont ajoutées l'horlogerie, l'électronique) stimulée par le poids accru de la place financière. 80 % de la production sont exportés, taux exceptionnel, expliqué naturellement par le volume et la nature d'une production sans rapport avec le marché local, montrant aussi une sensibilité excessive à la conjoncture extérieure, tant économique que politique. Le paysage urbain, admirable, cache mal les problèmes aigus du territoire : manque d'eau (dont une partie vient par pipeline d'un réservoir créé sur Lantau), manque de terrains à bâtir. Un tunnel routier et un métro relient l'île au continent. Sur l'île de Lantau, aéroport Chek Lap Kok (agence N. Forster, 1994-1998) et parc de loisirs Disneyland. La ville a accueilli les épreuves d’équitation des jeux Olympiques d'été en 2008.
HISTOIRE
L'île de Hongkong fut cédée en 1842 à la Grande-Bretagne qui acquit la presqu'île de Kowloon en 1860 et obtint en 1898 un bail de 99 ans sur les Nouveaux Territoires et sur 235 îles au large de Hongkong. Conformément à l'accord sino-britannique de 1984, le territoire a été rétrocédé à la République populaire de Chine le 1er juillet 1997.
1. La Loi fondamentale ou Basic Law
Le 1er juillet 1997 à 0 heure, Hongkong est rattachée à la République populaire de Chine en tant que « région administrative spéciale » (RAS). L'ancienne colonie britannique doit être régie pendant cinquante ans par la Basic Law (1990), texte qui tient lieu de mini-Constitution et qui confirme les accords sino-britanniques signés à Pékin en 1984.
Au nom du principe « Un pays, deux systèmes » formulé par Deng Xiaoping, il est convenu que le système économique et social libéral dont jouit Hongkong soit maintenu durant le régime transitoire prévu jusqu'en 2047 : port franc, respect de la propriété privée, autonomie de la politique monétaire (monnaie officielle : le dollar de Hongkong), liberté des transferts de capitaux. Riche et ouverte, Hongkong conserve ce qui reste refusé à l'écrasante majorité des Chinois : une presse libre, une justice indépendante et la promesse du suffrage universel, acceptée par Pékin avec la Loi fondamentale de 1990.
1.1. Un système institutionnel complexe
D'après la Loi fondamentale, le chef de l’exécutif est élu pour un mandat de 5 ans par un collège de grands électeurs (1200 depuis 2012), composé de représentants des circonscriptions corporatistes (représentant chacune un groupe économique social ou professionnel) et d’organisations religieuses, du Conseil législatif (ou Legco), mais aussi des représentants de Hongkong aux deux assemblées chinoises (l'ANP et la CCPPC [Conférence consultative politique du peuple chinois]). Pour être candidat, il faut, au préalable, réunir le soutien de 150 membres du collège. Celui-ci est ensuite invité à choisir parmi la liste ainsi établie.
Le Conseil législatif, quant à lui, est composé depuis 2012 de 70 députés élus pour quatre ans. Parmi ces derniers, 35 sont élus directement par les résidents hongkongais via cinq circonscriptions géographiques (l'Île de Hong Kong, Kowloon Est, Kowloon Ouest, Nouveaux Territoires Est, Nouveaux Territoires Ouest). 35 députés sont élus par les circonscriptions corporatistes, où dominent les pro-Pékin. L’adoption d’une loi proposée par un membre du Conseil doit obtenir la majorité simple dans chacun des deux groupes. Par ailleurs, tout amendement à la Loi fondamentale nécessite, entre autres, une majorité des deux tiers des représentants de la RAS.
Depuis le début des années 2000, l'introduction du suffrage universel direct constitue une demande récurrente des milieux pro-démocratiques. À l'origine de nombreuses manifestations, elle se révèle le principal enjeu des débats politiques.
2. Dans l'attente du suffrage universel direct
2.1. Le temps des désillusions
Cependant, les cinq années qui suivent la rétrocession sont marquées par un contrecoup tant politique qu'économique. Le climat politique s'assombrit rapidement et les atteintes aux libertés se multiplient, à l'incitation du gouvernement central ou des autorités locales, dirigées par Tung Chee-hwa, le chef de l'exécutif de la RAS. Celui-ci a fait notamment adopter un nouveau système de gouvernement renforçant indirectement l'emprise de la Chine sur Hongkong en affaiblissant le pouvoir de l'administration locale.
Au plan économique et social, le climat paraît également maussade, Hongkong étant très affectée par la crise financière asiatique de 1997, qui provoque l'effondrement du marché boursier puis l'éclatement de la bulle immobilière sur laquelle est adossée la prospérité du territoire. Hongkong subit en outre la concurrence du continent et singulièrement de Shanghaï : elle ne peut renforcer son rôle d'intermédiaire auprès des investisseurs étrangers du fait de la politique d'ouverture entreprise par Pékin, favorisée par son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001. Cette année-là, tandis que le PIB chinois progressait de 7 %, la croissance de Hongkong n'est que de 0,1 % et le chômage frappe 7,4 % de sa population.
Au printemps 2003, la région est en outre gravement atteinte par l'épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) qui cause près de 300 décès. Toutefois, reposant sur un système économique solide, Hongkong renoue dès mi-2003 avec une forte croissance qui bénéficie désormais du dynamisme de la Chine.
2.2. Lentes et timides avancées démocratiques
Sur le plan politique, même si les partis favorables à la démocratie, notamment le parti démocrate (DP) de Martin Lee, remportent régulièrement 60 % des voix aux élections législatives de 1998, 2000, 2004 et 2008, ce sont les partis pro-Pékin – notamment l'Alliance démocratique pour l'amélioration de Hongkong (DAB) – qui dominent le Parlement local (le Conseil législatif ou Legco), la moitié seulement de ses sièges étant pourvus au suffrage universel.
Le projet de loi sur « la subversion, la sécession et la trahison » est retiré après voir provoqué en juillet 2003 le plus large rassemblement d'opposition (500 000 personnes) depuis les événements de Tian'anmen en 1989.
En 2005, deux ans avant la fin de son second mandat, affaibli par une impopularité croissante et son incapacité à gérer la crise, Tung Chee-hwa annonce son départ de l'exécutif. C'est le candidat de la Chine, Donald Tsang, qui lui succède. Pour la première fois, même s'il n'a aucune chance d'être élu, un candidat pro-démocratie, Alan Leong, se présente face à Donald Tsang, réélu en mars 2007.
Tandis que le dixième anniversaire de la rétrocession de Hongkong à la Chine en 2007 est une nouvelle occasion pour l'opposition de manifester en faveur de l'élection du chef de l'exécutif au suffrage universel direct, le Comité permanent de l'Assemblée nationale populaire fixe les premières élections totalement démocratiques pour le chef de l'exécutif à 2017, et pour le Conseil législatif à 2020. En 2010, ce dernier adopte un ensemble de « réformes démocratiques » : 10 nouveaux sièges sont ajoutés au Conseil législatif ; le nombre des grands électeurs est porté de 800 à 1 200 pour les élections de 2012.
À l'issue du scrutin du 25 mars 2012, la grande majorité de ces derniers, suivant les consignes de Pékin contraint d'abandonner son favori initial, Henry Tang, un tycoon empêtré dans un scandale, se reporte sur Leung Chun-ying, qui recueille plus de 57 % des suffrages. Surnommé « CY Leung » par les Hongkongais, Leung Chun-ying est membre de la CCPPC. Le 9 septembre 2012, s’il conserve son droit de veto sur les réformes constitutionnelles et vient en tête en nombre de voix, le camp pro-démocrate, divisé, recule aux élections législatives provoquant la démission du président du DP.
2.3. La mobilisation de la société civile
À partir de la fin septembre 2014, le territoire est le théâtre d’un mouvement en faveur de la démocratie sans précédent depuis 1997. Par cette campagne non violente de désobéissance civile déclenchée et dominée par les étudiants, les lycéens et des associations de défense des droits humains, les opposants exigent la levée de l’accréditation préalable par Pékin et les grands électeurs des candidats au poste de chef de l'exécutif, dans la perspective du scrutin au suffrage universel prévu en 2017.
Après plus de trois semaines de manifestations, des discussions s’engagent, mais le pouvoir reste sourd aux revendications parmi lesquelles la démission de Leung Chun-ying. Ayant perdu une part de la sympathie dans la population, ce mouvement « des parapluies » (déployés pour se protéger des gaz lacrymogènes) finit par s’éteindre faute d’unité et de direction politique et les dernières tentes dressées par les manifestants sont démontées au milieu du mois de décembre. Si ce mouvement, censuré en Chine continentale et que Pékin parvient à contrer par l’intermédiaire de ses relais dans l’île, est ainsi défait, il révèle l’existence d’une nouvelle opposition et d’importantes fractures au sein des élites locales.
CINÉMA
Hongkong a d'abord été le refuge des cinéastes chinois fuyant la répression, celle des années 1930, après l'invasion japonaise, comme celle des années 1950 et 1960, sous le régime maoïste. Un cinéaste comme King Hu (1931-1997), se fixe à Hongkong en 1949 et commence sa carrière comme acteur et scénariste pour les frères Shaw, qui viennent d'implanter leurs nouveaux studios à Kowloon (Sons of the Good Earth, 1964). Il se spécialise dans le film historique de style cape et épée à la chinoise comme A Touch of Zen (1972). Il réalise ensuite d'autres films marquants en Corée du Sud (Pluie dans la montagne, 1978) et à Taiwan (Mariage, 1981).
Les principaux genres développés à Hongkong sont, dans un premier temps, le mélodrame de style shanghaïen, la comédie et le film à suspense. Ils sont rapidement dépassés par les films d'arts martiaux, qui connaissent un extraordinaire succès, national puis international, et dans lesquels se spécialise toute une génération d'acteurs. Le plus connu d'entre eux reste Bruce Lee (mort en 1973), dont certains films ont fait le tour du monde (la Fureur du Dragon, 1972 ; le Jeu de la mort, 1978).
Il a été remplacé depuis par Chang Cheh, David Chiang, Michael Hui, et Liu Jia Liang, devenu « superstar ». Bruce Lee avait été engagé par Raymond Chow, patron de l'une des Majors du Sud-Est asiatique, la Golden Harvest. Ces compagnies de production-distribution ont des filières à Singapour, en Malaisie, à Taiwan et aux Philippines. Elles développent de manière intensive les films de kung-fu et produisent des comédies, souvent élaborées et brillantes, qui intègrent des ballets ou des opéras, comme chez King Hu ou Samo Hong (le Fils prodigue, 1981).
En marge de cette production – environ 130 films par an –, des réalisatrices ont signé des œuvres beaucoup plus personnelles : ainsi Shu Shuen (l'Arche, 1968) et Ann Hui (le Secret, 1979 ; Boat people/Passeport pour l'enfer, 1982). |
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RAMSES II |
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Ramsès II
Cet article fait partie du dossier consacré à l'Égypte ancienne.
Troisième pharaon de la XIXe dynastie (1301-1236 avant J.-C.).
Le règne de Ramsès II se situe au début de la seconde moitié du Nouvel Empire (1580-1085 avant J.-C.), la dernière période de gloire et de prospérité de l'Égypte ancienne. À cette époque de l'histoire de l'humanité, l'Égypte est encore une grande puissance qui rayonne sur tout le Proche-Orient et qui, bien au-delà, mène une politique ouvertement expansionniste en Afrique et en Asie.
Un monarque guerrier
Fils de Seti Ier, Ramsès II est le troisième souverain de la XIXe dynastie, qui a pris le pouvoir vers 1314 avant J.-C., soixante ans après le règne d’Akhenaton. Les années troublées qui suivent directement celui-ci (règnes de Smenkhkarê, de Toutankhamon, de Aï) sont mal connues ; mais on sait que, vers 1339 avant J.-C., le général Horemheb, qui a su conserver l'intégrité des frontières de l'Empire menacé, est désigné comme roi par un oracle d'Amon ; il restaure l'Empire et l'État. Sans héritiers, il adopte pour successeur un général originaire, semble-t-il, de Tanis, Ramsès Ier, qui, très vite, associe son fils Seti Ier au trône. Avec cette dynastie de monarques guerriers, provenant des marches de l'Asie, la politique égyptienne devient résolument impérialiste, l'idéologie se fait violente : Amon rétablira par la terreur la domination du roi, qui sera « celui qui s'élance sur ses ennemis comme un lion terrible, qui entasse leurs cadavres auprès de leurs vallées, qui les renverse dans leur sang… ».
La lutte contre les Hittites
Quand Ramsès II monte sur le trône, la situation extérieure est de nouveau menaçante. Il y a un danger principal : le royaume du Hatti (peuplé par les Hittites, et constitué dans la région des plateaux de l'Anatolie actuelle lors des invasions indo-européennes du IIe millénaire avant J.-C.) et son actif souverain, Mouwattali. Une intense activité diplomatique a permis à celui-ci de nouer un réseau d'alliances en Asie Mineure, constituant ainsi un bloc de puissance politique rival du « groupe » égyptien ; de plus, à l'hégémonie économique de l'Égypte en Méditerranée, le Hatti oppose maintenant une politique concurrente en Égée, à laquelle la puissance mycénienne (succédant à celle de la Crète) donne une importance nouvelle ; les commerçants des îles égéennes se tournent naturellement vers le Hatti, installé sur les côtes occidentale et méridionale de l'Asie Mineure. La clef de cette double hégémonie est la Syrie et les ports phéniciens ; Ramsès et Mouwattali se préparent ouvertement à la lutte.
Ramsès, militaire avisé, installe ses bases et renforce ses armées. Il transporte d'abord sa résidence à Pi-Ramsès, à la frontière orientale de l'Égypte. Cette « remontée » de la capitale vers le nord est un fait important, tant du point de vue économique (en effet, les villes du Delta oriental, Tanis, Bubastis, Athribis, sont alors de grands centres commerciaux, et la nouvelle résidence du souverain se trouve ainsi au point de jonction des routes qui unissent le Delta aux ports syro-phéniciens et à la mer Rouge) que du point de vue politique (à la capitale religieuse sise à Thèbes, où le clergé d'Amon est puissant, s'oppose désormais une autre capitale, centre politique, éloignée de l'emprise cléricale) ; de plus, Pi-Ramsès (Tanis ? Qantir ?), aux frontières mêmes de l'Asie, prend figure de capitale d'Empire, mi-égyptienne, mi-asiatique (ainsi, le quartier oriental de la ville est consacré à la grande déesse-mère de l'Asie antérieure, Ishtar, et le quartier occidental à celle du Delta, Ouadjet). Cette décision répond avec évidence à un souci de politique impérialiste raisonnée, et a l'avantage d'offrir une base commode pour les opérations militaires.
Dans le même esprit, Ramsès II développe son armée. Aux trois divisions déjà existantes (placées sous le patronage des dieux Amon, Rê et Ptah), il en adjoint une quatrième, que protège Seth, dieu oriental (proche de Baal ou de Soutekh, guerriers asiatiques, et souvent assimilé à ceux-ci). Des troupes noires sont levées en Nubie (corps d'archers), et des mercenaires sont recrutés parmi les prisonniers de guerre (Shardanes, notamment). Dernière mesure de sagesse : des campagnes en Nubie et en Libye assurent la paix aux confins du sud et de l'ouest. Une guerre s'engage, qui va durer, suivant différentes phases, une vingtaine d'années.
Ramsès remonte jusqu'à l'Oronte et livre, devant Qadesh, une grande bataille connue grâce à des sources précises : notamment le Poème de Pentaour (reproduit sur plusieurs papyrus, copié en hiéroglyphes sur les murs des temples de Louqsor, de Karnak, d'Abydos) et le rapport officiel de la bataille (sculpté en bas reliefs, accompagnés de légendes, sur les murs de plusieurs sanctuaires : à Thèbes, Abydos, Abou-Simbel, entre autres). C'est une aventure héroïque : Ramsès II, déjà parvenu aux rives de l'Oronte, où l'attend Mouwattali près de Kadesh, ayant été trompé par de faux rapports d'espions (agents doubles) annonçant la retraite de l'armée hittite, précipite sa marche et franchit en partie le gué sur le fleuve, pour contourner la ville, et cela (rassuré qu'il est) sans prendre soin de couvrir ses flancs ; la division d'Amon a franchi la rivière, celle de Rê s'apprête à le faire, cependant que les divisions de Ptah et de Seth, à l'arrière, s'acheminent encore sur la route. Mais la trahison apparaît lorsque deux prisonniers hittites, interrogés… et bâtonnés, avouent la manœuvre perfide. Ramsès veut accélérer le regroupement de ses soldats, mais Mouwattali, qui a déjà massé ses 2 500 chars au bord du fleuve, fonce, coupe en deux l'armée égyptienne et pénètre, semble-t-il, jusque dans le camp de Ramsès. Celui-ci, guidé par Amon, réussit (d'après les textes égyptiens) l'héroïque exploit de rejeter, seul, l'ennemi en désordre : « Je t'invoque, ô mon père Amon ! Me voici au milieu de peuples si nombreux qu'on ne sait qui sont les nations conjurées contre moi, et je suis seul, aucun autre avec moi. Mes nombreux soldats m'ont laissé, aucun de mes charriers n'a regardé vers moi quand je l'appelais… Mais Amon vaut mieux pour moi qu'un million de soldats, que cent mille charriers, qu'une myriade de frères ou de jeunes fils… Amon surgit à mon injonction, il me tend la main, il pousse un cri de joie : "Face à face avec toi, Ramsès Meriamoun, je suis avec toi ! C'est moi ton père ! Ma main est avec toi… Moi, le fort, qui aime la vaillance, j'ai reconnu un cœur courageux…" Alors je suis comme Montou, de la droite je tranche, de la gauche je saisis… J'ai rencontré 2 500 chars, et, dès que je suis au milieu, ils se renversent devant mes cavales… ». Bataille confuse, en fait, à l'issue incertaine, mais qui arrêta la progression hittite vers le sud.
La lutte contre l'Assyrie
Deux ans après, Ramsès fait campagne en « Palestine », où Mouwattali a fomenté une révolte.
Une crise dynastique éclate au Hatti : Hattousili, frère de Mouwattali, prend finalement le pouvoir. Après une nouvelle démonstration militaire du souverain d'Égypte, qui remonte jusqu'à Tounip, Hattousili III semble manifester une volonté de paix. Un nouveau danger, commun, rapproche d'ailleurs, à ce moment, les deux souverains : Salmanasar Ier (Shoulmân-asharêdou), roi d'Assyrie, pénètre dans le Mitanni et porte sa frontière jusque sur l'Euphrate. Des ambassadeurs égyptiens et hittites établissent, vers 1278 avant J.-C., les bases d'un traité qui assure aux deux royaumes le partage de l'hégémonie, politique et économique, sur le monde asiatique. Le texte de ce traité est gravé en langue akkadienne sur des tablettes d'argile, déposé aux pieds des dieux Rê et Teshoub (ses garants), dans leurs sanctuaires respectifs à Pi-Ramsès et à Hattousa (l'actuel site de Boğazköy), et des copies sont sculptées, en hiéroglyphes, sur les murs du temple d'Amon à Karnak et sur ceux du Ramesseum. Il témoigne d'une alliance étroite entre deux rois égaux, alliance consolidée par des rapports personnels : visite du souverain hittite en Égypte, mariage de Ramsès avec une princesse hittite ( ?). Pendant cinquante ans, le Proche-Orient connaît la paix, que rend féconde un intense courant d'échanges culturels et économiques.
Mise en valeur du royaume et grandes réalisations architecturales
Ramsès emploie également ces années calmes à consolider son empire africain. La mise en valeur des mines d'or, la politique d'égyptianisation se développent encore. L'occupation, tout en se maintenant officiellement jusqu'à Napata (quatrième cataracte), semble n'avoir été effective que jusqu'à la deuxième cataracte. Cette région se couvre alors de magnifiques monuments : les plus célèbres sont les temples que Ramsès II fit tailler dans la montagne même, à Abou-Simbel (peu avant la deuxième cataracte) ; l'un est consacré à la triade Amon-Horakhty-Ptah, l'autre à la déesse Hathor ; c'est à même le roc également que sont sculptées les quatre statues assises colossales du souverain, lesquelles devancent la façade du grand temple, ainsi que les six hautes statues de Ramsès II et de la grande épouse royale Néfertari, qui encadrent l'entrée du temple d'Hathor.
Une extraordinaire activité architecturale marque d'ailleurs ce règne : achèvement de la grande colonnade de Karnak et du temple d'Amon-Mout-Khonsou à Louqsor, construction du temple funéraire, dit Ramesseum, à Thèbes, de l'Osireion à Abydos, notamment. Travaillant à ces constructions, des prisonniers de guerre et des populations ramenées en butin constituent un immense prolétariat (Phéniciens pour les constructions navales, Syriens dans les carrières, Hébreux briquetiers dans l'est du Delta). Ainsi, du cœur de l'Afrique aux rives de l'Oronte, d'innombrables monuments et documents attestent le prestige du souverain « élu de Rê, aimé d'Amon », souverain magnifique, nanti de cinq ou six grandes épouses et de nombreuses concubines, père de plus de 100 enfants royaux. Le luxe de la cour est sans précédent, qui fait dire que « à Thèbes, toutes les maisons regorgent d'or » (l'Odyssée, IV, 125).
Une fin de règne difficile
Mais la fin du règne est assombrie par des événements menaçants pour l'avenir. Au-delà des frontières, une double rupture de l'équilibre international entraîne la ruine de l'Empire : sur terre, la dynastie assyrienne s'installe définitivement sur l'Euphrate (la grande voie commerciale reliant l'Asie Mineure à Babylone), défait les Hittites, occupe Babylone même et contrôle désormais toute la Mésopotamie. Sur mer, l'expansion achéenne prend, dans la mer Égée et la Méditerranée orientale, des proportions considérables. Le Hatti fait front, Ramsès II, vieilli, ne fait rien et temporise. Son pouvoir est d'ailleurs sapé de l'intérieur par la formation inévitable d'une nouvelle classe militaire (conséquence de la création d'une armée de métier, dotée de bénéfices fonciers inaliénables), par le développement de la classe cléricale (l'hérédité sacerdotale s'implante, les terres des temples prennent allure de domaines seigneuriaux) et par des troubles démographiques (dus à l'accroissement de la main-d'œuvre étrangère).
À la mort de Ramsès II, en 1236 avant J.-C., Mineptah, son quatrième fils et successeur, doit affronter une situation dangereuse.
Une découverte archéologique, en 1995, a permis de mettre au jour les sépultures des femmes et enfants de Ramsès II ; il s'agit du plus vaste ensemble funéraire de la Vallée des rois.
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