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LA MÉSOPOTAMIE - HISTOIRE

 

Mésopotamie : histoire
(littéralement « le pays entre les deux fleuves »)
La Mésopotamie ancienne
Cet article fait partie du dossier consacré à la Mésopotamie.


Bassin alluvial d'Asie, en contrebas du Taurus et du Zagros, à l'est du désert syrien, où coulent les cours inférieurs du Tigre et de l'Euphrate (réunis en aval dans le Chatt al-Arab) et celui du Karun.
Vaste région de 375 000 km2, qui comprend toutes les terres basses des bassins de l'Euphrate et du Tigre, et correspond en gros aux pays actuels de l'Iraq et du nord-est de la république de Syrie, la Mésopotamie est le plus ancien et, du VIe au Ier millénaire avant J.-C., le plus important des foyers de la civilisation.
Employé pour la première fois, semble-t-il, par l'historien grec Polybe au iie siècle avant J.-C., le terme de Mésopotamie, loin de désigner la totalité du bassin, ne dénommait alors que le territoire compris entre l'Euphrate et le Tigre au nord de la Babylonie centrale ; ce n'est que très progressivement, et essentiellement à une époque très récente, qu'il a été employé pour désigner la totalité de la région.
HISTOIRE

1. Avant l'histoire (jusque vers 3500 avant J.-C.)

1.1. Du paléolithique au mésolithique (xiie-ixe millénaire avant J.-C.)

La Mésopotamie ancienneLa Mésopotamie ancienne
Cet ensemble de plaines et de collines, limité à l'est et au nord par les montagnes de l'Iran occidental et de l'Anatolie orientale, au sud-ouest par le désert syro-arabe, au sud-est par le golfe Persique, connaît jusqu'à la fin de la dernière période glaciaire (il y a 12 000 ans) des climats et une végétation naturelle très différents de ceux de l'époque historique. Les hommes du paléolithique y ont sans doute vécu, mais, dans ce pays où les fleuves arrachent, puis déposent d'énormes masses de sédiments, il n'y a guère de chances que l'on retrouve un de leurs habitats minuscules.
Vers le IXe millénaire avant notre ère, le climat commence à se rapprocher des conditions actuelles, et les groupes du mésolithique (stade intermédiaire entre le paléolithique des chasseurs et le néolithique des agriculteurs) abordent la Mésopotamie à partir des hautes vallées du pourtour montagneux, qui sont fréquentées par les humains depuis 60 000 ans au moins et qui possèdent à l'état sauvage des animaux précieux (ovins, caprins, bovins, porcins) et des céréales (blé, orge).
1.2. Naissance de l’agriculture (viiie millénaire avant J.-C.)

En haute Mésopotamie
Au VIIIe millénaire avant notre ère, le genre de vie agricole apparaît dans les vallées proches du pays des Deux Fleuves et sur le piémont, avant de s'étendre en haute Mésopotamie ; cette région, qui comprend le nord du pays des Deux Fleuves jusqu'au point où l'Euphrate et le Tigre se rapprochent pour la première fois en plaine, peut porter des cultures sèches dans la bande proche de la montagne ; au-delà, les pluies sont insuffisantes pour ce type de culture et les fleuves trop encaissés pour permettre l'irrigation en grand, et l'on doit s'y contenter de la vie pastorale. Au pied des montagnes, au contraire, des communautés ont bientôt l'idée d'utiliser les eaux de ruissellement, puis de creuser des canaux.
En basse Mésopotamie
Cette technique nouvelle trouve son plein emploi quand l'homme colonise la Susiane – pays plat aux nombreuses rivières, qui fait partie de l'Élam (sud-ouest de l'Iran) – et la basse Mésopotamie. Celle-ci est d'abord une plaine basse, puis, plus au sud-est, un delta intérieur, où les sédiments s'enfoncent lentement ; là, avant d'atteindre la mer, les fleuves abandonnent la majeure partie de leurs alluvions et de leurs eaux – ces dernières s'évaporant ou s'accumulant dans des lacs ou des marais. Les vents de sable ou de poussière, l'aridité et les inondations brutales font un enfer de ce pays, qui attira peut-être ses premiers habitants par la richesse de ses eaux en poissons et de sa forêt-galerie en fruits. On ne risque guère, là non plus, de retrouver les tout premiers habitats, et les archéologues n'y ont rencontré que de gros établissements agricoles.
1.3. Les premières sociétés (VIIe millénaire avant J.-C.)

Les contraintes de l’irrigation
En effet, l'irrigation pose ici des problèmes plus complexes qu'en Égypte : la crue des fleuves intervient au printemps ; il faut retenir alors les eaux et les redistribuer ensuite sur le reste de l'année pour que les cultures ne soient pas noyées au printemps, quand elles sortent de terre, ni brûlées par l'aridité de l'été et de l'automne.
Seule une communauté de fort effectif peut construire un système d'irrigation avec digues, bassins de retenue, canaux d'amenée et d'évacuation des eaux. Moyennant un énorme travail, l'argile fertile des alluvions donne des récoltes de dattes, d'orge, de blé et de sésame abondantes et relativement régulières, qui, à leur tour, contribuent à l'entretien d'un cheptel important. Malgré son étendue limitée (40 000 km2, dont plus de la moitié sont couverts par les eaux), le Bas Pays nourrit une population plus nombreuse qu'en haute Mésopotamie.
Une nécessaire organisation
L'absence de matières premières, en dehors de l'argile et du roseau, en basse Mésopotamie, contraint les agglomérations à développer leurs échanges de denrées alimentaires, de laine et de produits de l'artisanat contre le bois, les pierres dures ou rares et le cuivre, qui viennent des montagnes de la périphérie ou même des régions plus lointaines. Très tôt, l'artisanat et le commerce occupent une part importante de la population, la spécialisation professionnelle et la hiérarchie sociale se précisent, et le Bas Pays devient le foyer culturel de l'ensemble mésopotamien.
1.4. Les premières civilisations (VIIe-IVe millénaire avant notre ère)

Le terme de « civilisations » est employé ici, faute de mieux, s'applique à une région étendue dont les agglomérations ont en commun une céramique caractéristique pendant une longue période. De plus, toutes ces civilisations débordent sur les pays voisins (Iran, Anatolie, couloir syrien, Arabie), et l'on ignore encore quel est leur point de départ.
Si on laisse de côté les groupes pionniers, d'étendue limitée, comme ceux de l'Euphrate moyen (fin du VIIe millénaire avant notre ère), dont la céramique foncée polie (dark burnished) vient d'Anatolie, et ceux du piémont (comme celle du site de Jarmo), la série des civilisations commence avec les poteries peintes.
Hassouna et Samarra (vers 7000-5500 avant J.-C.)
La civilisation de Hassouna (au sud de Ninive, à l'ouest du Tigre) est limitée aux pays d'agriculture sèche du bassin du Tigre en haute Mésopotamie (VIe millénaire avant notre ère). Celle de Samarra (sur le Tigre moyen, au nord-ouest de Bagdad), qui se situe dans la seconde moitié du VIe millénaire avant notre ère, est le propre d'agriculteurs qui colonisent toute la haute Mésopotamie utile et affrontent à l'est, dans la vallée du Tigre moyen et sur le piémont, les sols humides, où ils creusent les premiers canaux ; des outils de cuivre martelé, des perles de turquoise et de cornaline témoignent d'un commerce avec l'intérieur de l'Iran ; et, au tell es-Sawwan (ou al-Suwan ; 10 km au sud de Samarra), un établissement protégé par un fossé possède déjà un temple.
Avant la fin du VIe millénaire avant notre ère, les premiers établissements connus de la basse Mésopotamie fabriquent des céramiques (celles d'Éridou, de Hadjdji Muhammad, d'Obeïd, dans la basse vallée de l'Euphrate) qui auraient une parenté avec celle de Samarra.
Tell Halaf et El-Obeïd (vers 5500-3500 avant J.-C.)
Après 5500 avant J.-C., la partie de la haute Mésopotamie consacrée à la culture sèche connaît la diffusion de la céramique de tell Halaf (un tell – « colline » de la partie nord-ouest du bassin du Khabur), qui dure en certains sites jusque vers le milieu du IVe millénaire avant notre ère, mais qui, la plupart du temps, est remplacée par celle d'Obeïd (6 km à l'ouest d'Our), venue du sud (vers 4300 avant J.-C.) et destinée à durer en quelques agglomérations du nord jusque vers 3500 avant J.-C.
Ourouk et Djemdet-Nasr (à partir de 3750 avant J.-C.)
La poterie d'Obeïd est finalement remplacée par celle d'Ourouk (sur l'Euphrate inférieur), qui est diffusée à partir du sud de la basse Mésopotamie (vers 3750-3150 avant J.-C.) et qui, produite en masse, n'a pas de décor peint. La poterie peinte de Djemdet-Nasr (15 km au nord-est de Babylone) apparaît dès 3150 avant J.-C. et dure jusqu'au début du IIIe millénaire.
Les principales avancées
Durant cette longue période, l'organisation économique et les techniques progressent dans l'ensemble de la Mésopotamie : après le milieu du Ve millénaire avant notre ère, le sceau se répand, mais nous ne savons pas quel type de propriété il sert alors à marquer. Le commerce s'amplifie avec l'Iran, riche en minerais, et, à la fin du Ve millénaire avant notre ère, avec le cuivre martelé pour l'outillage au pays des Deux Fleuves. La concentration de la population en grosses agglomérations et l'enrichissement, qui vont de pair, se traduisent par l'édification de temples en briques crues, rebâtis et agrandis de siècle en siècle. On connaît deux séries de temples : celle d'Éridou (depuis 5300 avant J.-C. environ), au Bas Pays, et celle de tepe Gaura (depuis 4300 avant J.-C. environ), au nord-est de Ninive ; et la construction du temple sur une plate-forme à laquelle on accède par une rampe (à Éridou, vers 4300 avant J.-C.) est peut-être la première étape vers la réalisation de la ziggourat.
2. L'entrée dans l'histoire (vers 3450-3000 avant J.-C.)

Le changement essentiel se fait lors de la période (vers 3450-3300 avant J.-C.) que l'on nomme « Ourouk 4-3 » (deux niveaux du grand sondage de l'Eanna, temple de la déesse d'Inanna à Ourouk), « Protoliterate » (débuts de l'écriture) ou « Prédynastique final » (l'époque suivante étant le « Dynastique archaïque »), dénominations qui n'ont pas fait disparaître la division en périodes d'Ourouk (vers 3750-3150 avant J.-C.) et de Djemdet-Nasr (vers 3150-2900 avant J.-C.).
2.1. Un bond décisif

C'est dans la partie méridionale de la basse Mésopotamie (le pays historique de Sumer), le delta intérieur, où les crues sont moins dangereuses et les travaux d'irrigation moins difficiles, que se trouve le foyer de la civilisation nouvelle qui différencie ce pays du reste de l'Orient. Celle-ci naît de l'interaction de l'augmentation de la population, de sa concentration en agglomérations plus importantes (peut-être déjà de véritables villes), des découvertes qui se situent à la fin d'Obeïd et au début d'Ourouk (cuivre moulé, tournette, puis tour à potier, chariot), de l'accroissement des échanges avec le reste de l'Orient (l'or et le lapis se répandent au pays des Deux Fleuves).
2.2. Les premières cités-États

Cette nouvelle civilisation se traduit par un essor rapide des arts. Chaque centre élève des temples, qui sont rapidement remplacés et que l'on décore de peintures murales et de mosaïques faites des têtes peintes de cônes de terre cuite enfoncés dans la muraille ; ces édifices atteignent parfois de vastes dimensions (le temple C d'Ourouk mesure 54 m sur 22 m). Cette époque voit aussi les débuts de la sculpture (reliefs de vases, stèles, figurines), qui donnent parfois des chefs-d'œuvre, comme la Dame d'Ourouk. Les artisans de la glyptique (art de tailler les pierres précieuses), également habiles, gravent sur les cylindres-sceaux une extraordinaire variété de sujets.

Tablette d'écriture picto-idéographiqueTablette d'écriture picto-idéographique
Toute cette activité est destinée à la divinité ou aux plus importants de ses serviteurs. La population est déjà organisée en cités-États, possédant leur conseil des Anciens et leur assemblée, et, si l'on en juge par certaines œuvres d'art, un roi guerrier est plus influent que les prêtres et que ceux qui gèrent le domaine du dieu.
2.3. L'invention de l’écriture (vers 3300 avant J.-C.)

Écriture pictographique sumérienneÉcriture pictographique sumérienne
Cette grande unité économique, qui comporte champs, troupeaux, ateliers, greniers et magasins, n'englobe ni toute la terre de la cité ni toute sa main-d'œuvre, mais elle est la seule à avoir laissé des traces : c'est pour ses comptes et ses contrôles que l'on invente la première de toutes les écritures et le sceau de forme cylindrique qui, mieux que le cachet plat, couvre le tampon d'argile des portes et des récipients d'une empreinte continue qui en garantit l'intégrité. Attesté à Ourouk dès 3400 avant J.-C. environ, ce système graphique, qui est l'ancêtre de l'écriture cunéiforme, emploie dès avant 3000 avant J.-C. les signes phonétiques qui permettent d'y lire du sumérien.
2.4. Le problème sumérien

Pour cette raison, bien que Sémites et Sumériens soient déjà mêlés dans toute la basse Mésopotamie, on est porté à attribuer aux Sumériens l'invention de l'écriture. Mais les spécialistes ne sont pas d'accord sur la date d'arrivée de ce peuple au Bas Pays : les uns pensent que c'est lui qui a colonisé la région dès le VIe millénaire avant notre ère, puisque, à partir de cette période, il n'y a là aucune rupture culturelle liée à des destructions qui indiqueraient une invasion ; d'autres, remarquant qu'il y a dans le vocabulaire sumérien des termes techniques qui sont étrangers aux langues sumérienne et sémitique, estiment que les Sumériens sont venus tardivement submerger sous leurs infiltrations un peuple plus évolué et plus anciennement installé au Bas Pays.
2.5. L'extension de la civilisation mésopotamienne

Sumérienne ou non, la civilisation qui apparaît vers le milieu du IVe millénaire avant notre ère dans le sud de la basse Mésopotamie manifeste après 3300 avant J.-C. davantage de dynamisme. Dans son pays d'origine, s'il n'y a plus d'inventions, les techniques découvertes précédemment sont mises plus largement au service de la production ; les objets d'art sont moins soignés, mais plus nombreux. La civilisation de la haute Mésopotamie, elle, qui prolongeait celle d'Obeïd, recule après la destruction (vers 3400 avant J.-C.) de tepe Gaura, la ville aux trois temples, qui était la principale bénéficiaire du commerce entre l'Iran et le pays des Deux Fleuves.
Au contraire, le foyer culturel du Sud englobe rapidement le nord de la basse Mésopotamie, la plaine fluviale, plus tardivement colonisée parce que plus difficile à irriguer. Et des traces de l'influence du Sud, plus ou moins importantes suivant la distance, se retrouvent en Susiane, en haute Mésopotamie, en Iran, en Syrie septentrionale et jusqu'en Anatolie et en haute Égypte.
2.6. Le problème de la chronologie

L'entrée dans l'histoire s'accompagne de celle dans le temps mesuré. Or, la reconstitution de la chronologie de l’Asie occidentale ancienne par les modernes comporte de terribles difficultés, dues avant tout au fait que la notion d'ère est inconnue dans cette région culturelle avant l'installation de la dynastie gréco-macédonienne des Séleucides à Babylone, dont la date initiale (312 / 311 avant J.-C.) est le point de départ d'une ère – innovation probablement due à des Grecs.
Trois systèmes de datation
Auparavant, les scribes des États les plus évolués (d'abord ceux de la Mésopotamie) ont employé trois systèmes élémentaires :
1. Depuis le xxve siècle avant J.-C. au moins, dans certaines cités-États, chaque année reçoit officiellement le nom d'un événement important (en fait qui se situe l'année précédente), par exemple : « année (où) le pays de Simourrou fut détruit », ou bien un numéro la situant par rapport à une année du type précédent, ainsi : « année II suivant (celle où) il construisit la grande muraille de Nippour et d'Our » ; et chaque début de règne donne une « année (où) X devient roi ».
2. Depuis le xxvie siècle avant J.-C. au moins, certaines cités-États, comme Shourouppak, en Sumer, ou Assour, donnent à chaque année le nom d'un magistrat éponyme.
3. À partir du xive siècle avant J.-C. au moins, en Babylonie, on attribue à chaque année le nombre ordinal qui la situe dans un règne : « année 8e » (de tel roi), par exemple.
Des listes royales insatisfaisantes
Très tôt, on a dressé des listes d'années, dont on a tiré des listes royales, qui ne comportent que la suite des souverains avec le nombre d'années de chaque règne. Mais rien n'est plus décevant que ce genre de textes. Ou bien les listes sont incomplètes, par suite d'une cassure de la tablette, ou bien, à cause d'erreurs des scribes, elles sont contradictoires dans le cadre d'un même État. À cela s'ajoute le fait que les dynasties parallèles abondent dans ce monde toujours politiquement morcelé et que la confrontation des listes correspondantes nous vaut de nouvelles divergences. Les découvertes de textes chronologiques, encore fréquentes en Mésopotamie et dans les pays voisins employant les cunéiformes, permettent cependant de rétrécir la marge d'incertitude.
Un Ier millénaire avant J.-C. mieux connu
Mais seule la conservation d'une liste de 263 magistrats éponymes assyriens consécutifs fournit une base solide (pour la chronologie du Ier millénaire avant J.-C.), car l'indication d'une éclipse de soleil sous l'un d'eux permet de situer son année en 763 avant J.-C. et l'ensemble de la liste de 911 à 648 avant J.-C.
Les scribes égyptiens nous ont laissé également des listes royales avec des noms d'année et des durées de règne, remontant jusqu'à la Ire dynastie (fin du IVe millénaire avant notre ère). Quelques textes donnant pour l'année x de tel règne la valeur du décalage de l'année usuelle de 365 jours par rapport à celle, plus exacte, qui comprend 365 jours 1/4, permettent de situer à trois ans près, des dynasties, dont la plus ancienne est la XIIe (xxe-xixe s. avant J.-C.). Mais les lacunes et les contradictions se rencontrent également dans les listes égyptiennes, et les divergences chronologiques sont donc accrues pour les périodes où Égyptiens et Asiatiques sont en contact et citent des événements qui leur sont communs.
Références chronologiques
Donc, si chaque spécialiste construit sa chronologie personnelle, les ouvrages de grande diffusion ont intérêt à employer la chronologie donnée pour chaque grande aire culturelle par les œuvres savantes les plus répandues (par exemple la nouvelle édition de la Cambridge Ancient History, ou le Proche-Orient asiatique de Paul Garelli). On pourra particulièrement consulter les articles « Datenlisten » (1934) et « Eponymen » (1938) par A. Ungnad dans le Reallexikon der Assyriologie (Berlin-Leipzig, volume II, p. 131-194 et 412-457) et le fascicule « Chronology » (1964) par William C. Hayes et M. B. Rowton de la Cambridge Ancient History.
3. Le « Dynastique archaïque » (vers 2750-2350 avant J.-C.)

3.1. Des cités prospères

Dans cette période dite « Dynastique archaïque », la basse Mésopotamie continue à progresser rapidement, surtout au « Dynastique archaïque III » (vers 2600-2350 avant J.-C.), en dépit de son morcellement politique en cités rivales.

Lagash, tête de taureauLagash, tête de taureau
Dès le début, il y a eu une diminution du nombre des agglomérations et une augmentation de la taille de celles qui survivent. Il n'y a plus maintenant de doute : ce sont de véritables villes, ceintes d'une muraille. Leurs relations, qui s'étendent alors au sud-est de l'Iran (tepe Yahya) et à la vallée de l'Indus, leur valent toujours plus de matières premières et de recettes techniques. La métallurgie du cuivre accroît sa production et améliore ses procédés : dès 2500 avant J.-C., on réalise pour des objets d'art un véritable bronze d'étain. Les offrandes des temples et de certaines tombes montrent la richesse du pays et l'habileté de ses artisans : si la sculpture est en déclin, sauf pour la représentation des animaux, la métallurgie et l'orfèvrerie témoignent d'un goût raffiné.
3.2. Les divinités civiques

Our-Nanshe, roi de LagashOur-Nanshe, roi de Lagash
Les villes continuent à élever des temples, où les notables déposent des offrandes et des orants (figurines qui les représentent en prière). Chaque cité a plusieurs temples (chacun d'eux pouvant héberger les idoles d'une divinité seule, d'un couple divin ou d'une famille de dieux) ainsi qu'un panthéon hiérarchisé et dominé par la divinité protectrice de la ville. Les représentations conventionnelles des dieux, les symboles qui les désignent et les premières inscriptions permettent d'identifier des divinités qui étaient sans doute en place aux âges précédents et se maintiennent jusqu'à la fin de la civilisation mésopotamienne : ainsi, chez les Sumériens, Inanna (déesse de la Fécondité), Enlil (le Vent), Enki (l'Eau bienfaisante), An (le Ciel).
3.3. Des rois-prêtres à la séparation temple-palais

Itur-ShamaganItur-Shamagan
Les inscriptions historiques qui apparaissent au xxviie siècle avant J.-C. et les archives de Tello (un site du royaume de Lagash, sur le Tigre inférieur), du xxvie au xxive siècle avant J.-C., révèlent les institutions que l'on entrevoyait seulement pour le IVe millénaire avant notre ère. Chaque cité-État est gouvernée par un roi héréditaire (en « seigneur » ou lougal, « grand homme »), qui est vicaire (ou bien ensi « délégué », « gouverneur ») du grand dieu local et le chef des guerriers. À la même époque, semble-t-il, ce souverain cesse d'habiter le temple, et l'on construit les premiers palais, tandis que l'on se met à distinguer l'unité économique dépendant du dieu de celle qui appartient au roi (les historiens les nomment temple et palais). Parfois, le pouvoir sacerdotal (représenté par un « comptable », ou prêtre), séparé du pouvoir royal, se heurte à ce dernier.
3.4. Les guerres entre cités

Brique de fondation du temple de Girsou.Brique de fondation du temple de Girsou.
En dehors de l'édification des temples et du creusement des canaux, le roi de la cité s'occupe de faire la guerre à ses voisins et essaie d'imposer à quelques-uns d'entre eux sa prédominance. Ces dominations éphémères et géographiquement limitées sont exercées à partir de villes de basse Mésopotamie (→ Kish, Our, Ourouk, Lagash, Oumma, etc.) par des rois à noms sumérien ou sémitique (comme Mesanepada, fondateur de la Ire dynastie d’Our, ou Eannatoum de Lagash, dont la victoire sur Oumma est commémorée par la magnifique stèle des Vautours du musée du Louvre, ou encore ce Gilgamesh d'Ourouk, source de la plus fameuse épopée mésopotamienne, couchée par écrit dans la première moitié du IIe millénaire avant J.-C.), de l'Euphrate moyen (la sémitique Mari) ou d'Élam (Suse). En effet, si les Élamites ont leur civilisation et leur organisation politique propres, ils ne cessent, durant toute leur histoire, d'avoir des rapports culturels et économiques avec le Bas Pays et d'être en conflit avec ses cités.
3.5. Retard persistant du Nord

Durant cette période, la haute Mésopotamie reste en retard par rapport au Sud. Le meilleur critère en est l'usage de l'écriture, dont les signes prennent peu à peu l'allure de paquets de clous ou de coins (d'où le terme de « cunéiforme ») ; elle n'est adoptée au Dynastique archaïque que dans les agglomérations de la basse vallée de la Diyala et à Mari, sur l'Euphrate moyen. D'autres centres (Assour sur le Tigre moyen, tell Brak dans le bassin du Khabur), s'ils n'emploient pas l'écriture, ont pourtant reçu un tel apport technique et artistique du Bas Pays que l'on a cru y voir des comptoirs ou des dépendances de centres du Sud.
3.6. Grandeur et déclin du Dynastique archaïque

Sumer, statuette en calcaireSumer, statuette en calcaire
Pendant un certain temps, les guerres n'empêchent pas le progrès de la civilisation. C'est ce que montrent les trésors artistiques (vers 2500 avant J.-C.) trouvés à Our dans des tombes mystérieuses (pour des rois terrestres, comme le lougal Meskalamdoug, des substituts de dieux ou de vicaires ?), véritables monuments (fait rare dans le monde mésopotamien, où l'on n'attend rien d'un au-delà désolant) qui renferment des foules de serviteurs et surtout de servantes exécutés pour accompagner leur maître dans la mort.
Puis au xxive siècle avant J.-C. vient le temps des destructions sauvages et du premier Empire mésopotamien.
4. Les premiers Empires mésopotamiens (vers 2350-2004 avant J.-C.)

4.1. L'empire de Lougal-zagesi (vers 2350-2325 avant J.-C.)

Parti d'Oumma (cité voisine de Lagash), le Sumérien Lougal-zagesi impose sa domination brutale (vers 2350 avant J.-C.) du golfe Persique à la Méditerranée. C’est le premier « empire » constitué en Mésopotamie. Il ne dure pas vingt-cinq ans.
4.2. L’empire akkadien (vers 2325-vers 2190 avant J.-C.)

Vers 2325 avant J.-C., Lougal-zagesi est renversé par le Sémite Sargon, qui a fondé dans le nord de la basse Mésopotamie une cité-État, Akkad (ou Agadé), dont l'emplacement n'a pas encore été retrouvé. Son triomphe est aussi celui de son peuple, le dernier groupe sémitique sorti du désert. Sous la dynastie d'Akkad, on constate d'ailleurs un antagonisme entre ces Sémites d'Akkad et les citadins de Sumer (Sémites et Sumériens mêlés depuis longtemps), fiers de l'ancienneté de leur civilisation.
Une politique impériale
Plaque en forme de barbePlaque en forme de barbe
Sargon (début du xxiiie siècle avant J.-C., qui se dit « roi de Sumer et d’Akkad », se constitue un domaine encore plus vaste que celui de son prédécesseur, guerroyant dans les régions périphériques et étendant son contrôle sur une bonne partie des étapes et des voies du commerce de l'Asie occidentale. Et, si son empire fournit l'exemple à suivre pour tous ceux qui par la suite essaieront d'unifier le pays des Deux Fleuves, c'est qu'à la différence des rois du « Dynastique archaïque », vainqueurs de leurs voisins, et sans doute aussi de Lougal-zagesi, il a pratiqué une véritable politique impériale. Les rois d'Akkad, qui ont laissé souvent les vicaires vaincus à la tête de leurs villes, les font surveiller par des officiers de la cour akkadienne et colonisent les terres des vieilles villes en y constituant soit des établissements pour des groupes de leurs soldats, soit de grands domaines pour leurs principaux serviteurs. Et, pour mieux asseoir l'idée d'une domination supérieure à celle des rois de l'époque précédente, ils donnent un caractère divin à leur pouvoir : on les appelle « dieux » et on les représente avec la tiare à cornes (symbole de puissance jusque-là réservé à la divinité).
L’enrichissement matériel
Vase de pierre au nom de Naram-Sin
Vase de pierre au nom de Naram-Sin
Vase de pierre au nom de Naram-SinStèle de Naram-Sin
Le bouleversement politique s'accompagne d'une multiplication des grands domaines privés au détriment des communautés et des familles vivant dans l'indivision. Le commerce et l'artisanat profitent des facilités que l'unification politique apporte à la circulation. Disposant de ressources plus étendues que les chefs des cités-États, les rois d'Akkad peuvent susciter le progrès artistique : sans rompre avec la tradition, la sculpture et la glyptique produisent des chefs-d'œuvre (stèle de Naram-Sin, petit-fils de Sargon, commémorant sa victoire sur les montagnes du Zagros, tête de Ninive, sceau de Sharkali-sharri, fils de Naram-Sin).
Les mutations culturelles
La substitution partielle de l'akkadien (parler sémitique employé au pays d'Akkad) au sumérien comme langue écrite est à l'origine d'importants progrès culturels. Les scribes ne se contentent pas de lire en akkadien les idéogrammes d'origine sumérienne, comme on avait pu le faire jusque-là ; transcrivant leur langue sémitique où les mots sont généralement polysyllabiques (à la différence du sumérien, où prédominent les monosyllabes), ils sont amenés à étendre l'usage des signes phonétiques, qui rend l'écriture moins difficile. Les cunéiformes se répandent alors dans les pays soumis par Sargon ou chez ses adversaires : ils transcrivent de l'élamite, du hourrite (en haute Mésopotamie) et surtout de l'akkadien.
Pour en savoir plus, voir l'article cunéiforme.
Le Nord sort de l’ombre
En haute Mésopotamie, l'écriture, rare jusque-là, apparaît à Gasour (→ Nouzi au IIe millénaire avant notre ère, près de Kirkuk), à l'est du Tigre moyen, à Ninive, à Assour, au tell Brak, à Chagar Bazar (dans le bassin supérieur du Khabur) et dans les cités saintes du peuple hourrite, et elle contribue à restaurer l'unité culturelle de la Mésopotamie, qui avait disparu au Prédynastique final. Le nord de la Mésopotamie, qui porte alors le nom de Soubarou, commence à sortir de l'obscurité. Il est peuplé, pour une bonne part, de Sémites apparentés à ceux du pays d'Akkad et qui reconnaissent assez facilement la prédominance de la dynastie de Sargon : c'est le cas de ceux d'Assour (qui donnera son nom à l’Assyrie), fondée au xxvie siècle avant J.-C. comme cité sainte des tribus pastorales de la steppe qui s'étend à l'ouest du Tigre.
Quant aux Hourrites, généralement en guerre avec Akkad, descendus des montagnes, ils sont nombreux dans tout le piémont, et certains de leurs rois revendiquent la domination sur toute cette zone.
4.3. Chute d’Akkad et retour aux cités-États (vers 2190-2120 avant J.-C.)

L’arrivée des Goutis
Parvenue à un haut degré de richesse, la Mésopotamie ne cesse alors plus de susciter la convoitise des populations moins évoluées qui vivent dans les montagnes et les steppes désertiques de sa périphérie. Certains de ces voisins pratiquent surtout l'infiltration, venant par petits groupes se proposer comme soldats ou hommes de peine ; ils ont le temps d'assimiler la culture mésopotamienne avant de constituer une majorité dans la région où ils se fixent. D'autres peuples procèdent par des attaques brutales et viennent saccager les villes. Les rois d'Akkad ne peuvent cependant pas indéfiniment conjurer cette menace, car ils sont bien souvent occupés à réprimer les soulèvements des cités-États de Mésopotamie, qui renoncent difficilement à leur indépendance. S'ils endiguent la poussée des Sémites occidentaux, ou Amorrites, qui sortent du désert de Syrie, ils finissent par succomber devant les expéditions des peuples du Zagros, Loulloubi et Goutis, qui ruinent l'Empire akkadien (vers 2190 avant J.-C.).
Le retour aux cités-États
Tandis que les rois goutis imposent leur domination à une partie des centres mésopotamiens, le reste du pays des Deux Fleuves retourne au régime des cités-États indépendantes, parmi lesquelles Akkad, qui garde sa dynastie jusque vers 2154 avant J.-C. (voire 2140, selon Jean-Jacques Glassner, La Mésopotamie, Les Belles lettres, 2002).
C'est peut-être au temps des Goutis que se situe le règne de Goudea (2141-2122 avant J.-C.) à la tête de l'État de Lagash ; ce vicaire (ishshakou), qui ne paraît dépendre d'aucun souverain, a des relations commerciales avec une bonne partie de l'Asie occidentale, et sa richesse lui permet de multiplier les sanctuaires, d'où proviennent les dix-neuf statues en diorite noire que l'on a conservées de lui et qui inaugurent cet art habile et froid qui dure la majeure partie du IIe millénaire avant notre ère.
Vers 2120 avant J.-C., le roi d'Ourouk, Outou-hegal, bat et expulse le peuple détesté des Goutis, et le prestige de cette victoire lui vaut la prédominance sur tout le pays de Sumer.
4.4. La IIIe dynastie d’Our (vers 2110-2004 avant J.-C.)

La « renaissance néo-sumérienne »
Our-NammouOur-Nammou
À la mort d'Outou-hegal, c'est le roi Our-Nammou, fondateur de la IIIe dynastie d'Our, qui impose sa domination aux cités de basse Mésopotamie. C'est le point de départ d'un empire dont les limites sont mal connues : il doit comprendre toute la Mésopotamie et s'étend, sous le règne de Shoulgi, successeur d'Our-Nammou, à la Susiane et à une partie de l'Élam montagneux. On a qualifié cette période de néo-sumérienne. En fait, si la langue de Sumer est de nouveau employée dans les textes administratifs, le peuple de Sumer a disparu sous l'afflux massif des Sémites ; les populations de l'empire emploient des parlers sémitiques ou le hourrite, et le sumérien n'est plus que la langue de culture d'une élite sociale. Les rois d'Our reprennent et perfectionnent la politique impériale des maîtres d'Akkad. Dieux, ils reçoivent un culte de leur vivant et un hypogée monumental pour leur au-delà. C'est également à ce titre qu'Our-Nammou donne à son peuple un code qui est le plus ancien recueil de lois connu à ce jour.
L’empire d’Our
Ziggourat d'OurZiggourat d'Our
Les souverains d'Our multiplient les constructions sacrées, en particulier dans leur capitale, où ils développent l'ensemble consacré à Sin, le dieu-lune, y ajoutant une ziggourat (bâtiment fait de terrasses de taille décroissante superposées et couronné par un temple), la plus ancienne connue. L'empire d'Our se caractérise encore par un énorme appareil administratif qui contrôle les temples et les villes. Il y a encore dans chaque cité un vicaire, mais ce n'est plus qu'un fonctionnaire nommé par le roi, qui peut le muter. En revanche, sur le plan économique, les agents commerciaux des temples et du palais commencent à réaliser des affaires pour leur compte.
La chute d’Our
Les rois d'Our n'ont guère cessé de guerroyer dans le Zagros, mais un péril plus aigu s'annonce à l'ouest : à l'infiltration continue des Amorrites s'ajoutent leurs attaques. Et l'empire est déjà plus qu'à moitié perdu lorsque les Élamites prennent Our, qui est saccagée et dont le dernier roi est déporté (2004 avant J.-C.).
5. Les royaumes amorrites (vers 2004-1595 avant J.-C.)

Le mouvement des peuples se poursuit pendant deux siècles au moins : tandis que les Hourrites progressent en haute Mésopotamie vers le sud et vers l'ouest, les Amorrites arrivent en bandes successives, qui se fixent un peu partout au pays des Deux Fleuves, et finissent par adopter un dialecte akkadien.
5.1. La période d'Isin-Larsa

Ishbi-Erra, qui, comme gouverneur de Mari, avait trahi et dépouillé son maître, le dernier roi d'Our, bien avant la catastrophe finale, fonde à Isin, en Sumer, une dynastie qui prétend continuer la domination impériale des rois d'Our en reprenant le titre de « roi de Sumer et d'Akkad » ; mais cette dynastie se heurte à une dynastie amorrite installée à Larsa dans la même région. D'où le nom de période d'Isin-Larsa que l'on a donné à cette époque, où la Mésopotamie retourne au morcellement politique. Un peu partout, des chefs de guerre, le plus souvent des Amorrites à la tête de leur tribu, se proclament vicaires ou rois d'une cité. Il ne se passe pas de génération sans qu'un ou plusieurs de ces souverains n'entament la construction d'un empire qui s'écroule avant d'avoir achevé la réunification du pays des Deux Fleuves.
5.2. L’ancien âge assyrien

Mais l'histoire retient surtout les villes qui ont été des centres culturels ou économiques. Assour, redevenue indépendante à la chute de la IIIe dynastie d'Our, est gouvernée par des vicaires du dieu local Assour, portant des noms akkadiens (le dialecte assyrien est une forme dérivée de la langue d'Akkad). Ces princes participent au commerce fructueux que leurs sujets pratiquent en Anatolie centrale et dont témoignent les fameuses tablettes assyriennes de Cappadoce (xixe-xviiie siècle avant J.-C.). Leur dynastie est renversée (vers 1816 avant J.-C.) par un roitelet amorrite du bassin de Khabur, Shamshi-Adad Ier, qui se constitue un empire en haute Mésopotamie en dépouillant ou en soumettant les maîtres de nombreuses cités. En particulier, il met la main sur Mari (vers 1798 avant J.-C.), le grand centre commercial de l'Euphrate. Mais, à la mort du conquérant (vers 1781 avant J.-C.), son héritier, Ishme-Dagan Ier est réduit à la possession d'Assour. Zimri-Lim, le représentant de la dynastie précédente à Mari, se rétablit dans la royauté de ses pères et se rend célèbre par l'achèvement d'un palais qui est le plus beau de son temps.
5.3. L’ancien Empire babylonien

Hammourabi et la Iere dynastie de Babylone
Plaque de fondation au nom du roi HammourabiPlaque de fondation au nom du roi Hammourabi
La prédominance politique passe alors aux mains de Hammourabi (1793-1750 avant J.-C.), sixième roi de la dynastie amorrite (2004-1595 avant J.-C.), qui s'est établie à Babylone, grand centre économique du Bas Pays. Le Babylonien, qui avait d'abord été un allié subordonné de Shamshi-Adad Ier, finit par détruire, entre 1764 et 1754 avant J.-C., les principaux royaumes du pays des Deux Fleuves – Larsa, Mari, Eshnounna (à l'est de la basse Diyala) – et constitue un empire étendu à la majeure partie de la Mésopotamie ; mais c'est son code (282 articles reproduits sur une colonne de basalte de 2,25 m de haut et 70 cm de rayon à la base) et ses archives administratives qui l'ont rendu célèbre (→ code de Hammourabi).
Le déclin de l'empire
En effet, dès le règne de Samsou-ilouna, le fils de Hammourabi le royaume de Babylone est réduit au pays d'Akkad. L'obscurité tombe sur la haute Mésopotamie, de nouveau morcelée, et sur le pays de Sumer, qui, gouverné par une dynastie du Pays de la Mer (région de Basse Mésopotamie, proche du golfe ; vers 1735-1530 avant J.-C.), souffre du déclin provoqué par la remontée des sels, qui ruine la culture des céréales, et par la fin du commerce avec la civilisation de l'Indus, ruinée au xviiie siècle avant J.-C. Les peuples de la périphérie se remettent en mouvement, et, en 1595 avant J.-C., une expédition du roi hittite Moursili Ier met fin à la Ire dynastie de Babylone.
Le rayonnement culturel de Babylone
À la fin de la période qui s'achève ainsi, la grande ville du bas Euphrate est devenue le centre culturel de la Mésopotamie. C'est d'elle que rayonne maintenant le mouvement intellectuel né en Sumer, à la fin de la dynastie d'Our, au moment où l'on avait cessé de parler le sumérien. Les scribes avaient alors entrepris de mettre par écrit, pour la conserver, la tradition religieuse, scientifique et littéraire élaborée au cours des âges précédents dans le Bas Pays, et qui était restée presque entièrement orale. À partir du xviiie siècle avant J.-C., ils traduisent ces textes en akkadien, puis ils les adaptent au goût nouveau ou les complètent à l'aide des découvertes récentes. C'est l'époque où se développent les techniques divinatoires et en particulier l'astrologie et les autres sciences (mathématiques, médecine).
Pour en savoir plus, voir l'article Babylone.
6. Le temps des invasions : Hourrites, Kassites et Assyriens (vers 1595-934 avant J.-C.)

Les envahisseurs venus du Zagros à la fin de la période précédente se fixent en Mésopotamie. Les Aryens et le groupe hourrite qui leur est lié dans le Nord, les Kassites dans le Sud fondent ainsi deux États, le Mitanni et le Kardouniash, tandis qu’un Empire assyrien renaît peu à peu de ses cendres.
6.1. Les Hourrites et l’empire du Mitanni

Le Mitanni, qui reste très mal connu, est le premier à sortir de l'obscurité. C'est un empire à l'ancienne mode, où le roi d'un État plus puissant, le Mitanni, qui devait se trouver dans le bassin du Khabur, impose sa prédominance aux rois plus faibles dans une vaste étendue, du Zagros à l'Oronte, de l'Araxe au moyen Euphrate. Si elle ne correspond à une unité géographique, cette domination s'appuie sans doute sur l'appartenance de la plupart des rois qui y sont regroupés aux aristocraties aryenne et hourrite.
Le Mitanni s'est développé probablement dès le xvie siècle avant J.-C., à la faveur des migrations et de la disparition ou du recul des États plus anciens, et c'est au début du xve s.siècle avant J.-C. la principale puissance de l'Orient. Trop composite, il s'écroule lorsque ses voisins s'entendent contre lui : les Hittites, qui lui enlèvent son domaine syrien, et les Assyriens, qui annexent ses dépendances du bassin du Tigre moyen, se disputent après 1360 avant J.-C. la protection de ce qui reste de l'Empire mitannien, un État tampon dans l'ouest de la haute Mésopotamie, qui finit, vers 1270 avant J.-C., détruit et annexé par les Assyriens.
6.2. Les Kassites et le Kardouniash

Unification de la Babylonie
L'État du Kardouniash (ou Karandouniash) a été fondé à Babylone (peut-être à la disparition de la dynastie amorrite) par des Kassites. Ce peuple du Zagros avait tenté d'envahir le pays des Deux Fleuves en 1741 avant J.-C. et, battu par le fils de Hammourabi, il avait, semble-t-il, fondé un royaume quelque part en Mésopotamie. Après leur installation à Babylone, les Kassites réunifient le Bas Pays – que l’on peut, désormais, appeler la Babylonie – en détruisant la dynastie du Pays de la Mer (vers 1530 avant J.-C.).
Une puissance faible
On ne connaît aucun texte ni monument des rois kassites avant le xive siècle avant J.-C., ce qui indique une économie affaiblie et probablement une monarchie sans grand pouvoir. C'est d'ailleurs avec ce caractère qu'elle se manifeste ensuite : les rois kassites concèdent de grands domaines immunitaires à leurs officiers et accordent le même privilège aux cités ; on comprend alors qu'aucune d'elles ne conteste plus la suprématie de Babylone ni ne tente de sécession. Les Kassites, aristocratie militaire issue d'un peuple peu évolué, abandonnent assez vite leur culture propre, et le monde babylonien, dès le retour à la prospérité économique, reprend son activité intellectuelle. Du xive au xie siècle avant J.-C., les scribes constituent les collections, désormais canoniques, de textes rituels, divinatoires ou se rapportant aux autres sciences du temps et donnent également une forme définitive aux œuvres littéraires, comme le Poème de la Création ou l’Épopée de Gilgamesh.
6.3. Le moyen Empire assyrien

Unification de l'Assyrie
La cité-État d'Assour était entrée dans l'obscurité dès la mort de Shamshi-Adad Ier (vers 1781 avant J.-C.). Morcelée entre des dynasties rivales, elle avait dû subir des dominations étrangères. Assour venait à peine de se libérer de l'emprise du roi mitannien quand Assour-ouballit Ier (1366-1330 avant J.-C.) entreprend d'exploiter la crise dynastique du Mitanni et, retournant la situation, devient le protecteur du nouveau roi mitannien. Assour-ouballit, qui a pris le titre de roi pour les territoires étrangers au domaine de la cité d'Assour qu'il a conquis, et ses premiers successeurs dépassent le cadre de la cité-État originelle et créent ce que les modernes appellent l'Assyrie, un royaume centralisé comme celui de Hammourabi, bientôt un empire comprenant, outre Assour, les villes du « triangle assyrien » (entre le Tigre et le Zab supérieur), dont la plus importante est Ninive, puis tout le bassin du Tigre moyen et, au xiiie siècle avant J.-C., ce qui reste du Mitanni. Les Hourrites, qui formaient une part importante de la population des pays conquis, se laissent sémitiser.
Une royauté fragile
Cette expansion s'accompagne de cruautés ostentatoires et de déportations inspirées par le nationalisme et destinées à détruire toute volonté de résistance. Ces succès ne diminuent guère l'instabilité politique à Assour : la royauté est sacrée, mais non la personne du roi, qui doit déjouer les intrigues de ses parents, des prêtres, qui désignent le nouveau souverain, et de l'aristocratie guerrière, qui monopolise les offices auliques et les gouvernements provinciaux, et dont la guerre accroît la richesse et la puissance.
6.4. La rivalité entre Assyriens et Babyloniens (vers 1320-1120 avant J.-C.)

Une lutte interminable
Dans la seconde moitié du xive siècle avant J.-C., alors que la Mésopotamie ne compte plus que deux grands États, s'amorce le vain conflit qui va affaiblir ces royaumes. Pour des raisons de prestige, pour imposer chacun sa prédominance à l'autre, les rois de Babylone et d'Assour se lancent dans une série de guerres décousues auxquelles participe bientôt l'Élam, à peine libéré de la tutelle babylonienne et qui, pour des raisons géographiques, réserve ses coups au Bas Pays. Même le triomphe de l'Assyrien Toukoulti-Ninourta Ier (1245-1208 avant J.-C.), qui a capturé le souverain kassite et s'est proclamé roi de Babylone, n'a pas de lendemain. De même, après que les raids successifs des Assyriens et des Élamites ont mis fin à la dynastie kassite (1153 avant J.-C.), la Babylonie se relève sous une dynastie à noms sémitiques, la 2e dynastie d'Isin, et une victoire de son roi Naboukoudour-outsour Ier (appelé par les modernes Nabuchodonosor Ier) provoque la fin du grand royaume d'Élam (vers 1115-1110 avant J.-C.).
L’émulation culturelle
Ces conflits n'entravent ni le commerce ni les échanges culturels. La Babylonie exerce une influence puissante sur tout l'Orient, et surtout sur son voisin du Nord. Les Assyriens, qui montrent une certaine originalité dans l'élaboration de leur premier art, sont par contre les admirateurs et les fidèles disciples des scribes babyloniens et les adorateurs fervents des divinités du Sud.
6.5. Le temps de la confusion (vers 1120-934 avant J.-C.)

L’arrivée des Araméens
Le mouvement migratoire des Sémites du désert de Syrie à destination des pays agricoles, qui n'avait jamais complètement cessé, reprend toute sa force avec un nouveau groupe linguistique, les Araméens. Affaiblis par leur interminable conflit, mal préparés à combattre ces pillards insaisissables, les royaumes de Babylonie et d'Assyrie déclinent sous l'effet du harcèlement des nomades. L'Assyrie, en particulier, qui portait encore la guerre sous Toukoultiapil-Esharra Ier (→ Téglath-Phalasar Ier) [1116-1077 avant J.-C.] jusqu'au lac de Van et en Phénicie, perd peu après tout l'ouest de la haute Mésopotamie. Bientôt, la situation est la même pour les deux États : les citadins sont bloqués dans les villes, les bandes araméennes courent les campagnes, dont ils massacrent les habitants terrorisés et transforment les riches zones de culture en steppes pastorales.
Les petits royaumes araméens
Puis, à la fin du xie siècle ou au xe siècle avant J.-C., les groupes araméens se fixent, chacun formant la garnison d'une cité dont son chef devient le roi. En Babylonie, ce phénomène a été facilité par l'attitude des notables des villes livrées à elles-mêmes par une royauté que dégradent des usurpations répétées : ceux-ci cèdent en échange de leur tranquillité une partie de leurs terres aux envahisseurs ; en certains districts de Sumer, l'afflux des Araméens, auxquels des Arabes se joignent au viiie siècle avant J.-C., ne cesse jamais et absorbe les populations plus anciennes ; mais, partout, les petits royaumes tribaux qui se forment reconnaissent pour souverain le roi de Babylone.
7. Les nouveaux Empires assyrien et babylonien (934-539 avant J.-C.)

7.1. Le nouvel Empire assyrien (934-605 avant J.-C.)

Une politique de conquêtes systématiques
Au xe siècle avant J.-C., les deux États mésopotamiens connaissent un renouveau économique et intellectuel. Mais les Assyriens ne s'en tiennent pas là et se consacrent à la conquête, montrant dès le règne d'Assour-dân II (934-912 avant J.-C.) plus de méthode qu'on ne leur en prête pour cette époque. Outre les opérations de police contre les Araméens qui infestaient les campagnes et la guerre de prestige contre Babylone, traitée avec mansuétude par respect pour ses dieux, l'armée assyrienne attaque les peuples guerriers et arriérés des montagnes ainsi que les riches cités araméennes. Pour ces dernières, elle opère progressivement, ne les annexant qu'après des années d'extorsion du tribut.

Ninive, bas-relief
Ninive, bas-relief
Ninive, bas-reliefNinive, frise du palais d'Assourbanipal
Cependant, la conquête assyrienne comporte des pauses et des reculs qui semblent liés à la faiblesse de tel roi, mais qui sont dus plus probablement à une crise interne, qui n'est résolue que provisoirement par l'arrivée au pouvoir d'un prince énergique. Au ixe siècle avant J.-C., Assurnazirpal II (883-859 avant J.-C.) est le premier à franchir l'Euphrate et à aller rançonner les cités du couloir syrien, mais il faut encore plus d'un demi-siècle pour que ses successeurs achèvent l'annexion des États araméens de la haute Mésopotamie occidentale.
Les faiblesses de l'Empire
Depuis Assurnazirpal II, les rois résident à Nimroud, au sud-est de Ninive, ville neuve peuplée de déportés dont on n'avait pas à craindre qu'ils exigent des immunités. Cette fragilité du pouvoir royal, que la propagande dissimule aux yeux des étrangers, impressionnés par les reliefs des palais montrant la majesté du souverain, est mise en lumière par la guerre civile assyrienne (828-823 avant J.-C.), qui oppose deux groupes sociaux se disputant les profits de la guerre et divise la famille royale. Durablement affaiblie, l'Assyrie a beaucoup de mal à endiguer la poussée du royaume d'Ourartou, qui, par le bassin du Tigre supérieur, menace le cœur de l'Assyrie.
La soumission de la Babylonie
Toukoultiapil-Esharra III (745-727 avant J.-C.), le Téglath-Phalasar III de la Bible, qui restaure le pouvoir royal et réforme l'armée, reprend la conquête avec plus d'acharnement. Mais il est sans doute mal inspiré quand, inquiet de la faiblesse croissante de la monarchie babylonienne, qui pourrait tenter un Élam en plein renouveau, il s'empare de la Babylonie et se proclame roi dans sa capitale (728 avant J.-C.). Au lieu d'un État miné par l'anarchie, ses successeurs doivent affronter les révoltes des citadins et des Araméens, soutenus par les Élamites. Les rois assyriens essaient toutes sortes de solutions : tantôt le titre de roi de Babylone est porté par le souverain d'Assyrie, par un de ses fils ou par un Babylonien dont on escompte la docilité, tantôt on supprime ce titre et avec lui les dernières apparences d'indépendance. Les révoltes exaspèrent les Assyriens et, par deux fois (689 avant J.-C. et 648 avant J.-C.), Babylone est dévastée.
Un colosse aux pieds d’argile
Sous Sargon II (722/721-705 avant J.-C.) et ses descendants les Sargonides, Sennachérib (705-680 avant J.-C.), Assarhaddon (680-669 avant J.-C.) et Assourbanipal (669-v. 627 avant J.-C.), l'Empire assyrien paraît à son apogée avec un domaine de plus d'un million de kilomètres carrés, qui va jusqu'à Suse en Élam et à Thèbes en Égypte, avec ses palais ornés de reliefs et de fresques, où les rois entassent leurs collections d'ivoire et de tablettes. Une civilisation impériale où domine l'apport babylonien se répand dans toute l'Asie occidentale, effaçant les particularismes locaux. Mais le peuple assyrien, décimé par la guerre, ne fournit plus que l'encadrement de ces foules de prisonniers de guerre avec lesquels on remplit les rangs de l'armée ou des chantiers et de ces déportés qui constituent maintenant la majorité de la population dans chacune des régions de l'Empire.
La fin de l’Assyrie (626-605 avant J.-C.)
En 626 avant J.-C., Nabopolassar, membre de la grande tribu araméenne des Chaldéens, se révolte contre la domination assyrienne et devient roi de Babylone, fondant la dernière dynastie de la grande cité. Cependant, il faut l'intervention du roi mède Cyaxare pour que les capitales de l'Assyrie soient détruites (Assour en 614 avant J.-C., Ninive en 612 avant J.-C.) et que son armée soit dispersée (605 avant J.-C.). Le peuple assyrien anéanti, son héritage va essentiellement à la dynastie chaldéenne de Babylone, qui reconstitue un empire en Asie occidentale, tandis que les Mèdes, dominant l'Iran, se contentent de la moitié nord de la haute Mésopotamie, où ils campent au milieu des ruines.
7.2. Le dernier Empire babylonien (605-539 avant J.-C.)

Porte d'Ishtar, BabylonePorte d'Ishtar, Babylone
C'est au contraire une grande époque pour la Babylonie : la capitale est couverte de monuments splendides par le roi Nabou-koudourri-outsour II (605-562 avant J.-C.), le Nabuchodonosor II de la Bible ; les scribes continuent à recopier les textes canoniques et font progresser l'astronomie.
Mais, par ailleurs, le babylonien, qui n'est plus qu'une langue de culture, recule devant l'araméen, qui est maintenant la seule langue parlée dans le pays.
Affaiblie par les usurpations qui suivent la mort de Nabuchodonosor et par la politique déroutante du roi Nabonide (556-539 avant J.-C.), la Babylonie, qui a récupéré le nord de la haute Mésopotamie à la chute de l'Empire mède, détruit par le souverain perse, l'Achéménide Cyrus II (550 avant J.-C.), ne résiste guère à celui-ci qui se fait proclamer roi de Babylone (539 avant J.-C.).
8. Les dominations étrangères, des Perses à l’Islam (539 avant J.-C.-637 après J.-C.)

8.1. Les Achéménides (539-331 avant J.-C.)

La haute Mésopotamie, réunie à la Syrie dans une satrapie d'Assyrie, reste soumise à ses nouveaux maîtres. Au contraire, la Babylonie, qui a gardé sa cohésion nationale, se soulève à l'avènement de Darios Ier ; deux prétendants se faisant passer pour le fils de Nabonide sont successivement écrasés par l'armée perse en 522 et en 521 avant J.-C. Deux nouvelles insurrections de ce type ont lieu sous Xerxès Ier (482 avant J.-C.). L'Achéménide se venge en abandonnant son titre de roi de Babylone, en déportant l'idole de Mardouk (le dieu de la capitale) et en abattant la muraille de Babylone. La grande cité n'est plus que le chef-lieu d'une satrapie – la plus taxée de l'Empire ; le commerce et la banque (souvent pratiquée par des Juifs) resten

 
 
 
 

ESPAGNE - HISTOIRE

 

Espagne : histoire


Des Phéniciens aux Romains
Colonisée, principalement sur ses côtes, par les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois, la péninsule voit se mêler à l'intérieur populations celtes et ibères. Passée sous la domination romaine après la fin de la deuxième guerre punique qui oppose Rome à Carthage entre 218 et 201 avant J.-C., l'Espagne connaît une prospérité durable et un niveau de culture élevé. Elle se christianise à partir du iie siècle.
L'Espagne wisigothique (ve-viiie siècle)
En 409, les Barbares pénètrent en Espagne, qui devient le champ de bataille des envahisseurs jusqu'à ce que les Wisigoths s’imposent, assurant une relative sécurité à la péninsule pendant près de deux siècles.
L'Espagne musulmane (viiie-xive siècle)
La monarchie wisigothique s'effondre d'un coup en 711, à l'arrivée des conquérants arabo-berbères. Au brillant règne du califat omeyyade de Cordoue succède au xie s., un morcellement entre puissants seigneurs autonomes (taifas) qui ne peuvent résister aux offensives des petits royaumes chrétiens du Nord de la péninsule (→ León, Castille, Navarre et Aragon). Les Almohades sont défaits entre 1212 (défaite de Las Navas de Tolosa) et 1248 (prise de Séville par les Castillans). Mais le royaume musulman de Grenade tient encore deux siècles, tandis que le pouvoir royal espagnol s'affermit peu à peu, malgré les divisions des royaumes chrétiens.
De la Reconquête chrétienne au Siècle d'or (xve-xviie siècle)
Achevée par Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon avec la prise de Grenade en 1492, la Reconquista (Reconquête) a préparé, sous la bannière du catholicisme, l’unification du royaume. Parallèlement, la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, au service d'Isabelle, ouvre à l'Espagne un empire colonial dont elle exploite les richesses pour asseoir sa puissance. Elle connaît ainsi son « Siècle d’or » au xvie siècle avec l’avènement des Habsbourg qui porte sur le trône d'Espagne l’empereur Charles Quint, puis son fils Philippe II.
Entre conservateurs et progressistes – instabilité (xviiie-xixe siècle)
En déclin au xviie siècle, le pays se redresse à la suite de la guerre de succession d’Espagne et à l’accession au trône des Bourbons en 1700.
À partir du xixe siècle, si la guerre d’indépendance contre l’occupation napoléonienne (1808-1814) fortifie le sentiment national, l’instabilité politique s’installe : affrontement entre libéraux et monarchistes, progressistes ou conservateurs, coups d'État à répétition (pronunciamentos). La Restauration met fin à la brève Ire République (1873-1875) et le parlementarisme de façade (1876) ne résiste pas au coup d’État de Primo de Rivera (1923).
De la dictature à la démocratie (xxe siècle)
La fragile IIe République (1931) débouche sur la guerre civile d’Espagne (1936-1939) remportée par le général Franco, dont le régime, entre autarcie et ouverture, parvient à durer trente-six ans.
À la mort de Franco (1975), l’héritier de la couronne, Juan Carlos Ier, préside, en étroite collaboration avec le chef du gouvernement Adolfo Suárez, à la « transition » démocratique du pays (1976-1982), tandis que resurgit la question des « nationalités » et des autonomies régionales (→ Catalogne, Pays basque).
1. Ibères, Phéniciens, Carthaginois, Grecs, Celtes…

L'Espagne est peuplée dès le paléolithique inférieur, ainsi que l'attestent divers restes de culture troglodyte caractéristiques de l'époque du Neandertal. Le paléolithique supérieur est marqué par deux importantes cultures : celles d'Altamira et du Levant espagnol. Les auteurs de l'Antiquité attribuaient aux « Ibères » – dont l'origine rest discutée –, la civilisation néolithique de la Péninsule. Quoi qu'il en soit, du IIIe au Ier millénaire avant J.-C., les progrès techniques (sparterie, céramique, agriculture, cuivre, bronze et sans doute même fer) s'y succèdent.
Dès la fin du IIe millénaire avant J.-C., l'Andalousie entre dans le circuit commercial méditerranéen : Phéniciens, puis Grecs viennent y chercher l'argent, le plomb, le cuivre et surtout l'étain, rare en Orient et nécessaire à l'industrie du bronze.
Les uns et les autres implantent des comptoirs sur les côtes méditerranéennes et jusqu'à l'embouchure du Guadalquivir. Phéniciens et Carthaginois s'installent surtout au sud : Gadir (Cadix), Sexi (Almuñécar), Carteia (Algésiras), Malaca (Málaga), Abdèra (Adra). Mais ils remontent vers le nord, à Lucentum (Alicante), près du cap Artémision, et à Ebusus (Ibiza, aux Baléares, vers 652 avant J.-C.).
Les Grecs de Phocée et de Massalia (Marseille), en sens inverse, fondent leurs comptoirs au nord-est (Emporion, Rhodê), puis à l'est (Hemeroskopeion, Artémision) et poussent vers le sud ; ils parviennent même, exceptionnellement, à Tartessos. Mais Grecs et Carthaginois s'opposent en Méditerranée occidentale, et l'expansion phocéenne est brisée au large d'Alalia (aujourd'hui Aléria, en Corse) par une coalition de Carthaginois et d'Étrusques (535 avant J.-C.).

Des échanges entre colons et indigènes est née une civilisation complexe, mal connue, dont les témoins les plus remarquables sont les bustes de la Dame d'Elche et la Dame de Baza.
Parallèlement à la civilisation côtière, des mouvements de peuples se produisent à l'intérieur, sous la forme d'une lente infiltration celte à partir de la Gaule. De la fusion entre Celtes et Ibères est issu le fond commun « celtibère » de la population ibérique.
2. L'Espagne romaine (iiie s. avant J.-C.-ve s. après J.-C.)

2.1. Rome contre Carthage : la conquête

La deuxième guerre puniqueLa deuxième guerre punique
Carthage, pour compenser les pertes subies lors de la première guerre punique contre Rome (264-241 avant J.-C., entreprend la conquête de l'Espagne. Hamilcar Barca impose sa domination à l'est du pays jusqu'à Barcelone, qu'il fonde. Il meurt en assiégeant Elche (229 avant J.-C.), et les Romains arrêtent sur l'Èbre, en 227, son successeur Hasdrubal, qui construit alors la forteresse de Carthago nova (Carthagène).
Hannibal lui succède en 221 avant J.-C. et déclenche la deuxième guerre punique, dès 219, par la prise de Sagonte, alliée de Rome. Tandis qu'il combat en Italie, Rome conquiert l'Espagne : les frères Scipion sont vaincus en 211 avant J.-C., mais le fils de l'un d'eux, le futur « Africain », se rend totalement maître des possessions carthaginoises après sa victoire à Zama (202 avant J.-C.).
Rome met 64 ans à imposer sa domination aux indigènes ; les dernières luttes sont marquées par des résistances farouches : soulèvement de Viriathe (147-139) ; guerre de Numance et destruction de la ville par Scipion Émilien (133 avant J.-C.). La bordure nord de la Péninsule (Galice, Asturies, Cantabrie) ne sera définitivement pacifiée que sous Auguste, en 19 avant J.-C.
Pour en savoir plus, voir l'article guerres puniques.
2.2. L'organisation par Rome de la Péninsule

L'importance politique de l'Espagne dans le domaine romain apparaît dès le premier siècle de la conquête et se prolonge à travers l'empire : Sertorius se révolte contre Sulla et tient victorieusement tête à Pompée jusqu'à son assassinat (82-72 avant J.-C.), s'appuyant sur les dernières résistances indigènes. Les fils de Pompée y luttent contre César jusqu'à leur écrasement à Munda (44 avant J.-C.). Auguste en dirige lui-même l'occupation (26 avant J.-C.), ainsi que les opérations au nord de la Péninsule. C'est à Clunia, en Tarraconaise, dont il est gouverneur, que Galba se proclame, en 68 après J.-C., legatus senatus populique romani, en attendant d'être nommé empereur par le sénat. Trajan, puis Hadrien naissent à Itálica (près de l'actuelle Séville) ; la famille de Marc Aurèle a de fortes attaches en Espagne.
Jusqu'en 27 avant J.-C., la Péninsule forme deux provinces, l'Espagne Citérieure au nord-est, l'Espagne Ultérieure au sud et à l'ouest. Auguste divise alors cette dernière en deux nouvelles provinces, la Lusitanie et la Bétique. Après la conquête du Nord, la Galice est rattachée à la Lusitanie, les Asturies et la Cantabrie à l'Espagne Citérieure. En 2 avant J.-C., la Galice est également incorporée à cette dernière qui devient la Tarraconaise. Le statut de cette région est fréquemment modifié jusqu'à la fin du iiie siècle.
À ce moment, Dioclétien, dans le cadre de sa grande réorganisation administrative, crée le diocèse d'Espagne, composé de cinq provinces ibériques (Lusitanie, Bétique, Gallaeçia [Galice et Asturies], Tarraconaise et Carthaginoise [sud de l'ancienne Tarraconaise]) et de la Mauritanie Tingitane (Maroc actuel).
Pour en savoir plus, voir l'article Rome.
2.3. Une province prospère

La paix romaine règne quatre siècles dans la Péninsule, de la fin des guerres cantabriques d'Auguste à la conquête barbare, au début du ve s. après J.-C. La prospérité semble s'y maintenir plus longtemps et à un plus haut niveau que dans la plupart des autres provinces de l'Empire. Une soixantaine d'exploitations minières importantes sont en service (fer, plomb, cuivre, zinc, étain, mercure). Les seules excavations du río Tinto (cuivre) témoignent de l'extraction de quelque 20 millions de tonnes en 600 ans. Plusieurs villes dépassent 100 000 habitants (Emerita Augusta, Tarraco, Hispalis, Corduba, c'est-à-dire Mérida, Tarragone, Séville, Cordoue). Nombre d'autres approchent ce chiffre.
Le niveau culturel du pays est à la hauteur de son niveau économique : Sénèque, Martial, Quintilien sont des Espagnols. Le christianisme fait son apparition dans la Péninsule dès le iie siècle. Les premiers conciles nationaux se tiennent à Iliberis (306), à Saragosse (380), à Tolède (400). Le pape Damase, les poètes religieux Juvencus et Prudence, tous trois espagnols, témoignent de la profonde implantation du christianisme dans le pays au ive s.
Pour en savoir plus, voir l'article christianisme.
3. L'Espagne wisigothique (ve-viiie s. après J.-C.)

En 409, les Barbares pénètrent en Espagne : le flux et le reflux des envahisseurs vont la ravager jusqu'à la fin du ve s.
3.1. Le champ de bataillle des envahisseurs

L'Espagne wisigothiqueL'Espagne wisigothique
En 412, les Wisigoths, menés par Athaulf, qui épousera Galla Placidia, sœur d'Honorius, entrent dans la Péninsule sous prétexte d'y rétablir l'autorité impériale. Les Vandales Silings sont refoulés en Bétique (qui devient l'Andalousie) ; les Alains sont rejetés en Lusitanie, puis plus au nord, où ils fusionnent avec les Vandales ; les Suèves sont cantonnés en Galice ; mais Honorius installe les Wisigoths en Aquitaine, tandis que les Vandales réoccupent la Bétique et les Baléares, puis, derrière Geiséric, s'emparent de l'Afrique (428-435), et que les Suèves se répandent dans le reste du pays. Après le bref passage de l'empereur Majorien, qui, en 460, tente en vain de détruire la flotte vandale, la Péninsule devient un champ clos entre Suèves et Wisigoths. Euric (466-484) occupe tout le pays, à l'exception de l'extrême Nord-Ouest, où sont refoulés les Suèves (ceux-ci ne seront annexés qu'en 585), et s'en fait reconnaître la possession par l'empereur Zénon (477).
Expulsés par les Francs de la Gaule du Sud (victoire de Clovis à Vouillé, 507), les Wisigoths réduisent leur domination à l'Espagne, sur laquelle ils règnent pendant deux siècles. Le Sud en est même cédé à l'empereur byzantin Justinien en 554 et redevient, pour une cinquantaine d'années, une province romaine.
Pour en savoir plus, voir l'article Wisigoths.
3.2. Le royaume de Tolède (554-711)

La monarchie wisigothique, qui a établi sa sa capitale à Tolède, assure une relative sécurité à la Péninsule, où, comme ailleurs en Occident, les activités économiques se sont repliées sur la terre. Léovigild (573-586), monarque absolu, réforme l'administration, réorganise la cour et unifie le pays. L'opposition religieuse qui existe entre les Wisigoths, ariens (→ arianisme) depuis le ive siècle, et les Hispano-Romains, catholiques, a interdit longtemps tout mélange des peuples et toute cohésion de l'État.
Cependant, à la suite de la conversion du roi Reccared (587), l'Église catholique acquiert une autorité d'autant plus grande sur la monarchie que l'aristocratie parvient à rendre celle-ci élective. De 633 (élection du roi Sisenand par le quatrième concile de Tolède) à 711 (conquête arabe), dix conciles de Tolède désignent les rois et les contrôlent, établissant une sorte de théocratie conciliaire. Le dynamisme de l'Église espagnole se traduit par une activité théologique et intellectuelle qui tranche avec le reste de l'Occident : en témoigne surtout l'œuvre encyclopédique de saint Isidore de Séville (vers 560-636).
4. L'Espagne musulmane et la Reconquête (viiie-xve siècle)

4.1. Une conquête musulmane éclair

L'Espagne wisigothique s'effondre d'un seul coup en 711 : quelques milliers d'arabo-berbères islamisés, conduits par Tariq ibn Ziyad, franchissent le détroit, qui prend alors le nom de Djabal Tariq – plus tard Gibraltar – et écrasent le roi Rodrigue près de Cadix à la bataille du río Guadalete (19-26 juillet 711). Deux ans plus tard, toute la Péninsule est soumise à Musa ibn Nusayr, gouverneur du Maghreb au nom du calife al-Walid Ier, et forme un émirat au sein du califat. L'expansion musulmane se prolonge au nord des Pyrénées, où elle ne rencontre pas le milieu favorable trouvé en Espagne. Le coup d'arrêt le plus célèbre est donné en 732 à Poitiers, par Charles Martel.
4.2. Al-Andalus : le rayonnement de Cordoue

En 756, le prince de la dynastie omeyyade de Damas, détrôné par les abbassides, Abd al-Rahman Ier, cherche asile en Espagne et fonde l'émirat indépendant de Cordoue. Abd al-Rahman III (912-961) prend en 929 le titre de calife. Le califat de Cordoue durera jusqu'à 1031. À cette date, le calife Hicham III est détrôné, et l'Espagne musulmane se fragmente en une vingtaine de royaumes indépendants, les royaumes de taifas (taifa, parti).
Si une forte proportion d'Espagnols embrassent la loi islamique (on les appellera les renégats), si d'autres émigrent vers le Nord, nombre d'entre eux conservent la foi chrétienne, leurs églises et leur clergé, sans être pour autant persécutés.

Cordoue, la Grande MosquéeCordoue, la Grande Mosquée
Les Omeyyades font régner une brillante civilisation sur leurs territoires, et principalement sur l'Andalousie : richesse agricole des plaines irriguées, prospérité urbaine fondée sur le tissage, la céramique, les cuirs de Cordoue, les armes de Tolède, et favorisée par les échanges méditerranéens entre pays islamiques. La grande mosquée de Cordoue, commencée dès 785, est non seulement un centre religieux mais aussi un grand foyer intellectuel et artistique.
La Reconquête, XIe siècleLa Reconquête, XIe siècle
Deux contrées espagnoles ont toutefois échappé aux « Maures » du fait de leur isolement et de leur situation périphérique : le Nord-Ouest (Asturies et León) et le Nord au pied des Pyrénées. C'est de ces refuges que part la Reconquista, la Reconquête.
Pour en savoir plus, voir les articles Abd al-Rahman III, Cordoue, mozarabe.
4.3. Le morcellement du reste de la Péninsule

L'expansion des États chrétiens du Nord commence, bien modestement, dès le début du viiie siècle : un royaume des Asturies (plus tard de León) apparaît (première victoire chrétienne [semi-légendaire] de Covadonga, 718), tandis que des îlots d'indépendance s'organisent au sud du León (future Castille) et dans les hautes vallées navarraises et aragonaises. Charlemagne et son fils Louis constituent non sans peine, de 785 à 811, la Marche d'Espagne entre Pyrénées et Èbre (la Catalogne demeurera des siècles sous la suzeraineté au moins nominale du roi de France).
La Navarre s'érige en royaume à partir de 852, et son roi, Sanche III Garcés El Mayor (1000-1035), regroupe tous les royaumes et comtés espagnols sous son autorité (exception faite du comté « franc » de Barcelone). À sa mort, ses États sont partagés entre ses fils.
L'Espagne chrétienne se répartit entre les royaumes de León (au sud duquel apparaît un comté de Portugal), de Castille (royaume en 1035), de Navarre, d'Aragon (royaume en 1035) et le comté de Barcelone, uni à l'Aragon par mariage à partir de 1137. Au hasard des politiques matrimoniales, il arrive que plusieurs de ces États s'unissent temporairement (tels León et Castille de 1037 à 1157).
Longtemps, ces États sont loin de faire figure de puissance. Il est possible que la Navarre et le León aient accepté « la tutelle cordouane aux ixe et xe siècles. Mais en détruisant Saint-Jacques-de-Compostelle (997), al-Mansur a lancé un défi à la chrétienté, et la Reconquête va devenir pour l'Occident chrétien un nouveau front guerrier contre les infidèles.
Cependant, l'Espagne a commencé à prendre forme : création, autour des rois, de conseils qui deviendront les Cortes ; apparition, dès le xe s., des premiers fueros en León et en Castille ; place importante tenue par l'Église et rôle capital des pèlerinages, dont les routes sont les principaux liens entre royaumes ibériques, d'une part, entre ceux-ci et l'Europe chrétienne, d'autre part (Saint-Jacques-de-Compostelle) ; essor de l'art roman, favorisé par ces pèlerinages.
4.4. La lente reconquête chrétienne

La faiblesse des royaumes de taifas dans la seconde moitié du xie siècle est mise en relief par les exploits du fameux Cid Campeador : le héros de la légende était en réalité une sorte de mercenaire opportuniste, qui se tailla un État au détriment de ces petits royaumes.
Exploitant cette faiblesse, Alphonse VI de Castille s'empare de Tolède en 1085 et en fait sa capitale ; il met le siège devant Saragosse et, pour souligner sa volonté de fondre en un seul peuple musulmans et chrétiens, se proclame emperador de las dos religiones (empereur des deux religions) et mène une politique audacieuse et libérale qui répond à celle que pratique, en Andalousie, l'émirat omeyyade de Cordoue. Le retentissement de la prise de Tolède est énorme dans le monde chrétien, qui reprend espoir. Mais l'arrivée des Almoravides en Espagne entraîne la défaite d'Alphonse VI à Sagrajas (Zalaca) [1086].
La Castille s'accroche à Tolède et à la ligne du Tage, tandis que les nouveaux maîtres du Sud imposent à l'Andalousie un retour à la stricte orthodoxie musulmane. Ils faiblissent à leur tour, et l'offensive castillane reprend au milieu du xiie s. avec Alphonse VII puis Alphonse VIII.
C'est alors qu'une nouvelle vague berbère arrive d'Afrique : les Almohades sont vainqueurs à Alarcos (1195). Alphonse VIII se tourne vers la chrétienté et fait prêcher la croisade en Occident : les divers souverains espagnols, coalisés et appuyés par les croisés, écrasent les Almohades à Las Navas de Tolosa (1212). L'islam est refoulé au-delà de la sierra Morena.

Quelque temps après, le Portugal (devenu royaume depuis 1143) s'étend jusqu'à l'embouchure du Guadiana (1232-1249), tandis que Ferdinand III le Saint, roi de Castille, conquiert le nord de l'Andalousie avec Cordoue (1236), Carthagène (1243) et Séville (1248), et que Jacques Ier le Conquérant, roi d'Aragon, s'empare des Baléares (1229-1235) et de Valence (1238).
Il ne reste aux musulmans que le petit royaume de Grenade, qui survit jusqu'en 1492.
L'expansion hors de la Péninsule
L'Aragon et son expansion en MéditerranéeL'Aragon et son expansion en Méditerranée
Jusqu'à cette date, qui achève la Reconquête, l'expansion espagnole est uniquement maritime. L'Aragon constitue, du xiiie au xve s., un empire méditerranéen (Baléares, Sardaigne, Sicile, Morée, duché d'Athènes et finalement Naples). Le Portugal, à partir de Lisbonne, et la Castille, depuis Séville et Cadix commencent à regarder vers l'Atlantique, au sud d'abord, plus tard à l'ouest.
Le bref rayonnement de Tolède au Moyen Âge
Les royaumes chrétiens connaissent aussi une activité culturelle importante, en particulier autour du foyer intellectuel de Tolède, où Alphonse X (1252-1284) encourage le développement de l'école de traducteurs qui permet l'arrivée en Europe des textes scientifiques grecs, juifs et arabes.
Un pouvoir royal qui peine à s'affirmer
Isabelle Ire la CatholiqueIsabelle Ire la Catholique
Ces mêmes siècles voient pourtant bien des difficultés intérieures s'élever dans les royaumes ibériques. En Castille se succèdent les crises dynastiques sous Alphonse X, puis entre Pierre Ier le Cruel et Henri de Trastamare (vainqueur, grâce à Du Guesclin, en 1369), enfin sous Henri IV (1454-1474), finalement déposé au profit d'Isabelle la Catholique (1474).
En Aragon, après la croisade d'Aragon menée sur l'initiative du pape Martin IV et de Charles d'Anjou, pour contrer les ambitions aragonaises en Italie (1285), ce sont les conflits entre la monarchie, d'une part, la noblesse et les municipes, d'autre part, à la fin du xiiie siècle et au milieu du xive siècle. Il y a aussi la lutte entre la couronne aragonaise et le « royaume de Majorque », jusqu'à la soumission de celui-ci (1349) ; la perte du duché d'Athènes (1387) ; l'affaire successorale de 1410, réglée non sans peine par le compromis de Caspe (1412), qui met sur le trône un infant de Castille, Ferdinand Ier le Juste. Encore celui-ci doit-il réprimer une révolte des Catalans, soutenant le comte d'Urgel (1413) ; la lutte, enfin, qui oppose à Jean II son fils Charles, prince de Viana, à partir de 1441, se transforme en révolte de la Catalogne (1462-1472).
Malgré ces déchirements, ou à travers eux, une civilisation originale se développe la civilisation espagnole médiévale, faite d'un heureux mariage des influences occidentales venues du Nord et des influences islamiques que le petit royaume de Grenade continue à diffuser (art mudéjar).
Pour en savoir plus, voir l'article art et architecture espagnols.
4.5. L'unité sous les Rois Catholiques (1474-1516)

L'affermissement de la monarchie espagnole
Ferdinand II le CatholiqueFerdinand II le Catholique
Le pouvoir royal s'impose en même temps que l'ordre se trouve rétabli par les Rois Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand II d'Aragon.
La noblesse est soumise ; les ordres militaires sont pris en main. L'Inquisition est réorganisée pour lutter contre les hérétiques (1478) et ses premières victimes sont les Juifs, forcés de se convertir ou de s’exiler en 1492 tandis que le même choix est imposé aux Musulmans à partir de 1502. Les municipalités espagnoles sont contrôlées en Castille par des corregidores, en Aragon par des cancelleros désignés par les souverains. L'unité nationale est ainsi préparée.
Dès avant, l'action conjointe des deux royaumes permet l'achèvement de la Reconquête par la prise de Grenade (1492) ; quelques années plus tard, Ferdinand tient en échec en Italie la France de Charles VIII, puis de Louis XII.
La découverte d'un nouveau monde

Les caravelles castillanes s'efforcent de rivaliser sur les océans avec celles du Portugal, et se partagent, sous l'égide du pape, les terres à découvrir (traité de Tordesillas, 1494). Deux ans plus tôt, Christophe Colomb, au service d'Isabelle, a abordé dans l'île de Guanahaní (San Salvador), ouvrant l'ère coloniale. La reine organise le commerce avec les nouvelles possessions d'outre-Atlantique et crée à Séville, dès 1503, la Casa de contratación, organisme centralisateur des affaires coloniales.
Avec un efficace groupe de fonctionnaires issus des universités, les letrados (« lettrés »), l'Espagne est à l'aube du xvie siècle un pays uni qui dispose de l'organisation étatique la plus perfectionnée d'Europe.
5. L'Espagne des Habsbourg (1516-1700)

Après l'avènement de Charles Quint, l'Espagne se révèle la principale puissance européenne entrant dans son « Siècle d'or ». Seul État multinational de ce type dans la chrétienté latine, « l'Espagne » réunit plusieurs couronnes – celles de Castille, prééminente, et d'Aragon, celle du Portugal entre 1580 et 1640 – sous l'autorité d'un seul monarque qui incarne l'unité dynastique et est désigné, sous les Habsbourg, comme « Roi Catholique ».
Grâce aux richesses de l'empire colonial d'Amérique qui se constitue alors, Charles Quint tente, sans succès, de créer une monarchie universelle, avant que son fils Philippe n'impose son hégémonie à l'Europe en s'affirmant comme le grand défenseur du catholicisme.
Après la mort de Philippe II (1598), s'ouvre une période de turbulences durant laquelle l'Espagne, affaiblie économiquement et où règnent – sans gouverner – des monarques falots, s'épuise à tenter de préserver son statut de puissance prépondérante sur la scène européenne.
5.1. Charles Quint (1516-1556) : la puissance d'un empire


Lorsque meurt Ferdinand d'Aragon, en janvier 1516, son petit-fils Charles de Habsbourg, est proclamé roi de Castille et d'Aragon le 14 mars 1516 (sous le nom de Charles Ier), conjointement avec sa mère, Jeanne la Folle, qui portera le titre de reine de Castille, sans en exercer les prérogatives, jusqu'à son décès, en 1555.
Le maître d'une grande partie de l'Europe
Né à Gand en 1500, bourguignon par sa naissance et son éducation (son arrière-grand-père est Charles le Téméraire), s'exprimant en français, Charles s'y rend pour la première fois à l'automne 1517. Son élection, en juin 1519, à la tête du Saint Empire romain germanique, où il succède à son autre grand-père l'empereur Maximilien, ne facilite pas son adoption par les Castillans, qui craignent de le voir sacrifier leurs intérêts à ceux de l'Empire. Plusieurs séries de révoltes, entre 1520 et 1522 (→ révolte des comuneros en Castille, à Valence), traduisent ces réticences et menacent l'autorité encore fragile de Charles Quint. Celui-ci décide alors d'apprendre le castillan, de gouverner seul et sans contrôle (convocation très irrégulière des Cortes), mais aussi de s'entourer d'un groupe de conseillers où les Espagnols sont plus influents. Lorsqu'il doit se rendre sur ses terres germaniques, il confie la régence à sa femme, sa cousine Isabelle, sœur du roi de Portugal Jean III, avec laquelle il s'est marié en 1526, puis à son fils aîné Philippe.
En quête de l'or des Amériques

C'est durant le règne de Charles Quint que se constitue l'empire espagnol des « Indes », autrement dit un vaste domaine colonial en Amérique centrale et du Sud, qui permet de pallier l'épuisement des richesses provenant jusque-là des Antilles.
L'empire de Charles QuintL'empire de Charles Quint
La conquête de l'Empire aztèque par Hernán Cortés au Mexique (à partir de 1519), celle de l'Empire inca par Francisco Pizarro (1526-1541), ainsi que la recherche effrénée du royaume de l'homme d'or (El Dorado) procurent à Charles Quint d'immenses richesses en métaux précieux (un cinquième de celles-ci, le quinto, lui revient de droit), sans rien lui coûter, puisque cette conquête résulte pour l'essentiel d'initiatives privées.
Des controverses se développent alors autour des méthodes et du principe même de la colonisation, notamment entre Bartolomé de Las Casas, un dominicain qui la dénonce, et Juan Ginés de Sepúlveda, théologien qui réfute les théories humanistes de Las Casas (controverse de Valladolid, 1550).
Pour en savoir plus, voir les articles Aztèques, Empire colonial espagnol.
Le rêve déçu d'une monarchie universelle et catholique
Soliman le MagnifiqueSoliman le Magnifique
Ce qui constitue la principale ambition de la politique extérieure de Charles Quint est le maintien de l'unité de la chrétienté : lutte contre la progression des Turcs de Soliman le Magnifique et contre la Réforme initiée par Martin Luther. Bien que largement financé par la Castille, cet objectif est perçu par les Espagnols comme étranger à leurs intérêts. L'échec de Charles Quint sur ces deux fronts (l'avancée turque et la Réforme) condamne l'idée même de monarchie universelle et conduit l'empereur, découragé, à abdiquer.
Le 16 janvier 1556, Philippe II, déjà souverain des Pays-Bas et de Sicile, reçoit de son père les couronnes de Castille et d'Aragon, ainsi que celle des Indes, l'Empire germanique revenant au frère de Charles Quint, Ferdinand Ier de Habsbourg.
Pour en savoir plus, voir les articles Charles Quint, Habsbourg.
5.2. Philippe II (1556-1598) : un Siècle d'or contrasté

Né à Valladolid, élevé en Espagne, s'exprimant en castillan et en portugais, Philippe II a des racines ibériques plus solides que celles de son père, auquel il voue une profonde admiration. Aussi sédentaire que celui-ci était voyageur, très cultivé, peu porté sur les armes, homme de cabinet au point de laisser l'image d'un roi bureaucrate, Philippe II renforce la centralisation tout en conservant distincts les États de Castille et d'Aragon et en préservant la large autonomie dont jouissent les municipalités et les seigneurs, du moins tant que ceux-ci ne se mêlent pas de politique.
L'Escurial, Madrid

Au détriment de Valladolid et de Tolède, il installe sa cour et son gouvernement à Madrid (1561), petite ville promue alors capitale, au nord-ouest de laquelle il fait édifier le monumental palais de l'Escurial (1563-1584), l'un des symboles de son règne.
Un règne qui est celui de l'apogée politique de l'Espagne mais qui est marqué par des guerres incessantes. Philippe II tente d'imposer son hégémonie en Europe en faisant de l'Espagne le principal héraut du catholicisme, objectif auquel se mêlent néanmoins des motivations autres que religieuses.
La lutte contre l'islam et le danger turc
Contre les Turcs de Soliman, il mène une nouvelle croisade au nom de la chrétienté. La progression des Ottomans est enrayée par la victoire de Lépante (1571), remportée sur la flotte turque par l'escadre de la Sainte Ligue réunissant les forces navales espagnoles, vénitiennes et du Saint-Siège commandées par le demi-frère de Philippe II, don Juan d'Autriche (→ bataille de Lépante). Un accord est finalement conclu, en 1580, entre l'Espagne et l'Empire ottoman, mettant un terme à un conflit séculaire.
Le contrôle de l'Empire colonial portugais
L'union dynastique réalisée avec le Portugal, en 1580, n'échappe pas complètement à cette logique de croisade, puisqu'elle est rendue possible par la disparition, sans héritier, du roi portugais Sébastien, parti se battre contre les infidèles au Maroc (1578). Cette union permet à Philippe II non seulement de régner au Portugal sous le nom de Philippe Ier et d'étendre son pouvoir sur l'ensemble de la péninsule Ibérique, mais aussi de s'assurer le contrôle du vaste empire colonial portugais, pluricontinental (Brésil, Afrique et Asie).
Pour en savoir plus, voir l'article Empire colonial portugais.
La guerre et la perte des Pays-Bas
Quant à la lutte contre le protestantisme, elle s'inscrit d'abord dans le cadre de la guerre des Pays-Bas, déclenchée pendant l'été 1566, un conflit dont la composante religieuse est secondaire, au départ, mais qui ne tarde pas à se transformer en véritable guerre de Religion. Impuissant, malgré l'importance des moyens mis en œuvre, à écraser la révolte menée par Guillaume de Nassau, prince d'Orange, Philippe II est, à la fin de son règne, obligé de reconnaître de fait, mais pas encore de droit, l'indépendance de sept provinces du Nord (les Provinces-Unies) et le partage des Flandres en deux zones.
Pour en savoir plus, voir les articles histoire des Pays-Bas, Provinces-Unies.
La fin des ambitions françaises de Philippe
Traité du Cateau-CambrésisTraité du Cateau-Cambrésis
Vis-à-vis de la France, Philippe II, qui a épousé Élisabeth de Valois, fille d'Henri II, en vertu du traité de Cateau-Cambrésis, n'hésite pas, à la mort de sa femme (1568), à s'ingérer dans les affaires intérieures françaises : il apporte un soutien décisif à la Ligue pour éviter l'accession d'un protestant au trône de France. Après l'assassinat d'Henri III (1589), il pose même la candidature à la couronne de France de sa propre fille Isabelle-Claire-Eugénie, petite-fille d'Henri II par sa mère. Mais la réaffirmation de la loi salique – transmission du trône de France par les hommes seulement – et la conversion d'Henri IV au catholicisme mettent un terme aux ambitions espagnoles (1598).
La défaite de l'Invincible Armada face à l'Angleterre
Enfin, la rivalité avec l'Angleterre, si elle se teinte de considérations religieuses, a pour causes principales les visées britanniques sur le commerce des Indes ainsi que l'aide apportée par les Anglais aux rebelles flamands. Après avoir longtemps recherché l'alliance avec l'Angleterre, fidèle en cela aux instructions de son père, Philippe II se résout finalement à tenter de l'envahir, mais l'imposante flotte destinée à cette opération (l'Invincible Armada) essuie un humiliant échec et ne parvient à regagner les côtes espagnoles qu'après avoir fait le tour des îles Britanniques et subi de lourdes pertes (1588). Le prestige de l'Espagne s'en trouve amoindri d'autant. Quant à Philippe II, depuis ses déboires dans les Flandres, il apparaît de plus en plus vulnérable.
La fin de l'hégémonie espagnole
Cette ambitieuse politique extérieure se solde par des dépenses considérables que la couronne de Castille, malgré l'afflux des métaux précieux d'Amérique, ne parvient à couvrir qu'au prix d'un accroissement des impôts, de l'endettement et d'une crise financière qui tend à devenir structurelle dans les dernières années du règne (situation de banqueroute en 1596).
Enfin, cette politique est aussi source de mécontentement tant en Castille, où nombreux sont ceux qui souhaitent voir Philippe II délaisser sa politique de prépondérance en Europe et donner la priorité aux affaires espagnoles, qu'en Aragon (troubles de 1591). Malgré son aversion personnelle pour la guerre, Philippe II s'est engagé dans une politique hégémonique, source de trop nombreux conflits qui, tout en grevant lourdement les finances publiques de Castille, ont largement contribué à ternir son image et le bilan de son règne.
Pour en savoir plus, voir les articles Aragon, Castille, Philippe II.
5.3. Turbulences et déclin (xviie siècle)

Déjà amorcé à la fin du règne de Philippe II, le repli économique espagnol s'accompagne d'un déclin politique de la double monarchie (elle est triple jusqu'à la restauration de l'indépendance officielle du Portugal, en 1668), particulièrement prononcé à partir des années 1640 et qui se traduit par un recul de l'Espagne sur la scène européenne.
Les derniers feux du Siècle d'or


En revanche, dans le domaine artistique, le Siècle d'or se prolonge au moins jusqu'au milieu du xviie s., comme en témoignent notamment la littérature avec Cervantès, Lope de Vega, Calderón de la Barca ou Góngora et le rayonnement de la peinture espagnole de Diego de Silva Velázquez, qui peint les Ménines vers 1656, José de Ribera, de Francisco de Zurbarán et de Bartolomé Esteban Murillo.
Une monarchie affaiblie

Les trois monarques qui succèdent à Philippe II – son fils Philippe III (roi de 1598 à 1621), Philippe IV (1621-1665) et Charles II (1665-1700) – sont loin d'avoir les qualités de leurs glorieux ancêtres. Hormis Philippe IV, non dénué d'intelligence et de sens politique, ces derniers Habsbourg ne gouvernent guère, confiant ce soin à des favoris plus ou moins animés du sens de l'État.
Sous Philippe III, le duc de Lerma et Rodrigo Calderón laissent la corruption gangrener le régime jusqu'en 1618, tandis que, sous Philippe IV, le comte-duc d'Olivares se révèle un homme d'État avisé et autoritaire, sorte de cardinal de Richelieu espagnol, mais il échouera à faire de l'Espagne un pays moderne et unifié. Ses projets de réformes fiscales et administratives, destinés à mieux répartir les charges et à soulager financièrement une Castille exsangue, tournent court.
L'effacement de l'Espagne au plan international
Quant à la prééminence de l'Espagne sur la scène européenne, malgré les efforts d'Olivares et de son successeur, elle est de plus en plus contestée, notamment par la France, son principal adversaire depuis le début du xvie siècle.
Après quelques victoires espagnoles, la défaite de Rocroi (1643), le traité des Pyrénées (1659) – par lequel l'Espagne cède à la France l'Artois, le Roussillon et la Cerdagne –, puis la paix de Nimègue (1678), qui attribue à la France Cambrai, Valenciennes ainsi que, de façon définitive, la Franche-Comté, consacrent l'effacement de l'Espagne.
De leur côté, le Portugal (de fait en 1640, officiellement en 1668) et la Hollande (traité de Westphalie, 1648) s'émancipent de la tutelle espagnole.
Enfin, le règne de Charles II, le plus sombre à bien des égards, renforce le rôle des grands d'Espagne. Ses Premiers ministres tentent tardivement d'assainir le système financier (politique de déflation pour juguler un siècle d'inflation) et de réorienter la politique extérieure (alliance avec la Hollande).
Un monde de misère sous un vieil habit de gloire
Prospère durant la plus grande partie du xvie siècle, l'Espagne amorce son déclin économique dès les années 1580. Aggravée, voire engendrée, par les guerres incessantes que mène la monarchie espagnole, la régression, particulièrement sensible dans les trois secteurs-clés de l'activité économique – commerce extérieur, textile et agriculture –, s'accentue tout au long du xviie s. sous l'effet notamment de la contraction du commerce avec les Amériques, où la production des métaux précieux chute. La misère n'épargne ni les villes, ni les campagnes, les plus touchées étant celles de Castille. Le repli démographique, occasionné notamment par les guerres, l'émigration vers l'Amérique, les vagues d'épidémie de peste, l'expulsion, en 1609, des morisques (des musulmans convertis au catholicisme entre 1499 et 1526) responsable de quelque 300 000 départs, principalement dans la région de Valence, ne cesse que dans les dernières années du siècle.
Enfin, les déficits des finances publiques provoquent des tensions inflationnistes, des dévaluations et le recours accru à la mauvaise monnaie (le billon en cuivre), qui, conformément aux lois de l'économie, « chasse la bonne » (l'argent). Les mesures déflationnistes adoptées dans les années 1680 et le retrait du billon stoppent l'inflation, mais ce long xviie siècle a ruiné la Castille et ses habitants.
C'est donc à la couronne d'une double monarchie affaiblie que prétendent les candidats à la succession du roi Charles II, mort sans héritier le 1er novembre 1700. Au terme de longues tractations, c'est un Bourbon, Philippe V, petit-fils du roi de France Louis XIV, qui succède aux Habsbourg.
6. L'Espagne des Lumières

L'Espagne du xviiie siècle ne reste pas à l'écart des grandes transformations que connaît alors une partie du continent européen. Cette adaptation concerne l'ensemble de la société, tant sur le plan économique que dans la vie politique ou même dans le domaine artistique. Désigner ce siècle de redressement comme celui des « Lumières », c'est notamment souligner le rôle joué par le mouvement réformateur et par le despotisme éclairé qu'incarne le roi Charles III (1759-1788).
6.1. L'avènement des Bourbons et le redressement politique

Les trois souverains qui se succèdent sur le trône – Philippe V (de 1700 à 1746), Ferdinand VI (1746-1759) et Charles III (1759-1788) –, à défaut d'être de brillantes personnalités (les deux premiers surtout sont dépressifs et atteints de troubles psychiques), incarnent ce renouveau, notamment en se révélant capables de tirer profit des circonstances et d'appeler à leurs côtés des hommes dotés du sens de l'État.
Des progrès dans l'unification du pays
La guerre de la Succession d'Espagne (1701-1713) dresse contre les Bourbons une puissante coalition européenne qui ébranle la monarchie française et le pouvoir de Philippe V. Mais elle donne l'occasion à ce dernier de procéder à ce qu'aucun des Rois Catholiques n'était parvenu à réaliser en deux siècles : abolir le régime d'autonomie des pays de la couronne d'Aragon et les aligner sur le régime juridique de la Castille. À l'inverse de la Navarre et du Pays basque, provinces restées fidèles aux Bourbons durant la guerre de la Succession, tous les territoires ayant choisi le camp de la coalition se voient privés de leur statut d'autonomie.
À défaut d'être totale (la Navarre conserve ainsi ses Cortes et son vice-roi), l'unification progresse, au point que les Bourbons – tout en restant prudents vis-à-vis de certains particularismes régionaux – se font désigner dès lors comme « rois d'Espagne ». Ainsi se trouve consolidé un système de gouvernement et d'administration qui n'est pas sans rappeler le modèle centralisateur et absolutiste français. En s'imposant sur l'ensemble du territoire, la monnaie et la langue castillanes – celle-ci en tant que langue de l'élite intellectuelle – renforcent cette unification.
Les pertes de l'Espagne suite à la guerre de Succession
Les possessions espagnoles en Europe jusqu'en 1714Les possessions espagnoles en Europe jusqu'en 1714
À l'extérieur de la Péninsule, la guerre de la Succession d'Espagne se solde par la perte de Gibraltar et de l'île de Minorque au profit de l'Angleterre (traité d'Utrecht, avril 1713) et, un an plus tard, par la cession à l'empereur d'Autriche des Pays-Bas espagnols, de Naples, du Milanais et de la Sardaigne. Enfin, Philippe V doit renoncer définitivement à ses droits à la couronne de France, ce qui ne l'empêche pas, en 1724, d'abdiquer en faveur de son fils Louis Ier, dans l'espoir de régner en France, où le jeune Louis XV est souffrant. Le rétablissement de ce dernier et le décès prématuré de Louis Ier contraignent Philippe V à abandonner tout espoir de régner sur la France et à revenir sur le trône d'Espagne, cette fois définitivement.
Le recentrage de la politique étrangère
Contraint de « s'hispaniser », Philippe V oriente sa politique étrangère autour de trois objectifs : réviser le traité d'Utrecht en contraignant les Anglais à restituer Gibraltar ; défendre les intérêts espagnols dans la péninsule italienne en y créant des États satellites ; protéger et développer l'empire colonial.
Après avoir conclu la paix avec l'Autriche (1725) et fait jouer le « pacte de famille » avec la branche française des Bourbons, Philippe V reprend Naples et la Sicile (1734), où il place sur le trône l'un de ses fils (le futur Charles III), mais n'obtient pas satisfaction pour Gibraltar et pour le Milanais.
Son fils Ferdinand VI récupère Parme et la Toscane (1748) et s'emploie à consolider le système colonial. Son autre fils – et demi-frère du précédent –, Charles III, jusque-là roi des Deux-Siciles, trône qu'il ne peut cumuler avec celui d'Espagne, s'implique assez peu sur la scène étrangère ; il réactive néanmoins le pacte de famille avec la France, engagée contre les Anglais dans la guerre de Sept Ans et dans le cadre de la guerre de l'Indépendance aux États-Unis. À l'issue du premier conflit, au traité de Paris (1763), l'Espagne obtient la Louisiane mais perd la Floride. À la fin de la seconde, lors du traité de Versailles (1783), elle récupère la province américaine ainsi que Minorque.
Charles III, un despote éclairé

C'est surtout par son action en politique intérieure que Charles III a laissé une trace dans l'histoire. « Roi philosophe », entouré de ministres réformateurs, il incarne un modèle espagnol de despotisme éclairé. Il entreprend des réformes dans plusieurs domaines : secteur agricole, industrie et commerce, en matière sociale, sur le plan religieux en luttant contre la superstition, sans toutefois toujours les mener jusqu'à leur terme (ainsi, il expulse les Jésuites tout en maintenant l'Inquisition). Finalement, les institutions traditionnelles ne sont pas modifiées.
6.2. Un renouveau économique

Si le xviie siècle a bien été un siècle de déclin pour l'Espagne, le xviiie siècle est celui du redressement économique et démographique.
Le regain démographique
Sur le plan démographique, la population espagnole passe de 7 à 11 millions d'habitants en l'espace de moins d'un siècle (1700-1787). Le recul des grandes épidémies, la croissance économique, une activité guerrière moins intense qu'au cours des siècles précédents expliquent en partie ce renouveau démographique. Bien que général, celui-ci bénéficie plus nettement aux régions périphériques (Galice, Asturies, Pays basque, Catalogne, région de Valence et littoral andalou).
En un siècle, conséquence de l'essor de son trafic portuaire et du renouveau de sa fonction marchande, Barcelone a vu sa population tripler, et, avec ses 100 000 habitants, elle s'affirme comme la seconde ville du royaume, derrière la capitale Madrid (180 000 habitants), mais devant Séville, vivement concurrencée par Cadix qui concentre près des trois quarts des échanges transatlantiques.
La reprise de l'activité économique
Amorcée dès 1680, elle se prolonge tout au long du siècle. La stabilité monétaire recouvrée et l'inflation endiguée – en partie grâce aux mesures énergiques prises dès la fin du règne de Charles II – favorisent une période de croissance et de profits, la croissance étant alimentée notamment par le redémarrage, surtout au Mexique, de la production minière (celle de l'argent essentiellement) en Amérique et la découverte de nouveaux gisements, ainsi que par l'essor du commerce et de la production de produits tropicaux (sucre, cacao, tabac).
Si la production minière outre-mer se révèle encore au xviiie siècle la principale source de richesse pour l'Espagne, dans la péninsule même, l'économie se modernise également. Ainsi, l'agriculture voit ses productions augmenter et les cultures se diversifier, l'essor démographique suscitant une demande accrue de produits alimentaires et de terres à cultiver.
Dans le domaine de l'artisanat et de l'industrie, la croissance est inégale selon les secteurs et les régions, mais elle bénéficie du concours de l'État qui, s'inspirant du modèle colbertiste, se fait entrepreneur dans les manufactures de luxe (tapisserie, porcelaine) ou aide des secteurs en difficulté (draperie). Toutefois, il serait excessif de parler de révolution industrielle, même à l'état embryonnaire, tant l'économie espagnole accuse encore de nombreux handicaps : carences des moyens de transport, des voies de communication (malgré la politique de grands travaux menée sous Charles III) et insuffisance des capitaux.
7. Le règne de Charles IV et la guerre d'indépendance (1788-1814)

La vague de réformes achoppe sur la menace que constitue la Révolution française aux yeux du médiocre Charles IV et de son entourage (1788-1808). La défaite de la flotte franco-espagnole à Trafalgar (1805) puis l'invasion de l'Espagne par Napoléon et la guerre d'Indépendance (1808-1814) ruinent le pays et le coupent de ses colonies.
7.1. La réaction contre-révolutionnaire

Charles IV
La Révolution française marque un coup d'arrêt aux tentatives de réformes. Après avoir maintenu au pouvoir les conseillers réformateurs de son père le comte de Floridablanca, Charles IV se sépare d'eux en 1792, convaincu qu'il est de son devoir de sauver son cousin Louis XVI. Il fait alors appel à Manuel Godoy, favori de la reine et ancien de la Garde royale. C'est ce « ménage à trois » qui va, pour l'essentiel, présider aux destinées de l'Espagne jusqu'en 1808.
La déclaration de guerre à la France (mars 1793) s'accompagne d'une véritable croisade contre-révolutionnaire. Battu militairement à partir de 1794, Godoy signe la paix de Bâle (juillet 1795) avec le Directoire français, qui se montre généreux, souhaitant bâtir pour l'avenir une alliance avec l'Espagne contre l'Angleterre. Mais Godoy est de plus en plus impopulaire, tant auprès de la noblesse – qui le considère comme un parvenu – que du clergé – qui s'estime spolié par la vente d'une partie de ses biens pour renflouer les caisses de l'État. Écarté quelque temps du pouvoir, mais non de la cour, il revient sur le devant de la scène en 1800.
Devenue simple auxiliaire de la France dans la politique étrangère françaisei dirigée contre l'Angleterre et ses alliés, l'Espagne de Charles IV est entraînée dans la « guerre des Oranges » contre le Portugal (1801), à l'issue de laquelle elle s'approprie l'enclave d'Olivenza (encore en sa possession de nos jours). Enfin, cette alliance diplomatique conduit au désastre de Trafalgar (octobre 1805), non loin de Cadix, où la flotte franco-espagnole est mise en déroute par l'amiral anglais Nelson. Une grande partie de la flotte espagnole disparaît dans cette opération, sonnant le glas de l'Espagne en tant que puissance navale, la privant ainsi de son principal atout pour assurer et protéger ses échanges avec l'Amérique.
7.2. L'occupation française et la guerre d'indépendance (1807-1813)

Joseph BonaparteJoseph Bonaparte
Les atermoiements du ministre Godoy, la faiblesse du roi Charles IV, enfin l'abdication de ce dernier en faveur de son fils Ferdinand VII (mars 1808) incitent Napoléon à passer à l'offensive et à occuper l'ensemble de la péninsule Ibérique, les troupes du général Junot ayant déjà envahi le Portugal fin 1807. Refusant la nomination de Ferdinand, Napoléon s'empare de la couronne espagnole, qu'il confie à l'un de ses frères, Joseph Bonaparte, jusque-là roi de Naples.
Francisco de Goya y Lucientes, El dos de mayo de 1808Francisco de Goya y Lucientes, El dos de mayo de 1808
À Madrid, le 2 mai 1808, exaspéré par la présence française, le peuple se révolte contre les troupes du maréchal Murat, marquant le début du soulèvement populaire et de la guerre d'Indépendance (le Dos de mayo a depuis été immortalisé par le tableau de Goya). L'insurrection gagne une grande partie de l'Espagne. L'armée espagnole refuse d'obtempérer aux ordres du roi Joseph et, malgré sa dispersion et son inorganisation, met en échec plusieurs généraux de Napoléon. Elle reçoit l'aide d'un corps expéditionnaire britannique, commandé par le futur duc de Wellington, qui débarque à La Corogne (juillet 1808) et occupe rapidement le Portugal. L'implication personnelle de Napoléon, de la Grande Armée et de ses meilleurs généraux (Soult, Masséna) permet de rétablir Joseph sur son trône (décembre 1808). Mais, après le départ de l'Empereur, Joseph rencontre les plus grandes difficultés pour asseoir son autorité et s'assurer le contrôle de l'ensemble du territoire.
La guérilla, la détermination de l'armée rebelle espagnole, ainsi que l'aide britannique finissent par avoir raison de l'armée française. En janvier 1812, Wellington donne l'ordre de la contre-offensive. En mai 1813, les Français évacuent Madrid, et les troupes du maréchal Soult sont repoussées au nord des Pyrénées, où elles mènent des combats d'arrière-garde, avant de signer l'armistice, en avril 1814.
7.3. De lourdes conséquences

Au-delà des désastres de la guerre (immortalisés également par Goya), cette période marque une césure importante dans l'histoire de l'Espagne.
Rupture tout d'abord vis-à-vis de l'Empire colonial. Amputée de sa puissance navale, affaiblie par les troubles politiques et l'invasion française, l'Espagne se retrouve en position de faiblesse sur le continent américain. Plusieurs soulèvements indépendantistes ont alors lieu sur fond de guerres civiles. Si, en 1815, seule l'Argentine, en état de sécession, est perdue pour la couronne espagnole, les indépendantistes attendent leur heure, en Amérique centrale comme au Venezuela.
Rupture politique ensuite. La greffe française, tentée par le roi Joseph, n'a certes pas pris et a même provoqué une véritable insurrection nationale contre un monarque considéré comme un intrus, consacrant en quelque sorte le processus d'unification mené durant le siècle des Lumières. Mais ce rejet n'a fait qu'élargir le fossé entre les partisans d'un retour à l'Ancien Régime et ceux qui souhaitent profiter de ce conflit pour moderniser et libéraliser l'Espagne.
Répondant aux aspirations libérales d'une partie de la bourgeoisie, la Constitution promulguée en mars 1812 servira de référence aux libéraux espagnols durant les décennies qui suivront. Si, en mai 1814, Ferdinand VII remonte sur le trône et rétablit en apparence l'absolutisme de l'Ancien Régime, l'Espagne, pendant plus d'un siècle, ne va cesser d'osciller entre libéralisme et traditionalisme.
8. L'Espagne entre libéralisme et traditionalisme (1814-1923)

Pendant plus d'un siècle, l'histoire politique de l'Espagne est dominée par une succession de crises et de pronunciamientos, en somme, par une forte instabilité politique et institutionnelle qui traduit la partition politique du pays entre une Espagne nostalgique de l'Ancien Régime et une Espagne gagnée au libéralisme politique.
Sur le plan économique, à l'Espagne en voie d'industrialisation – celle des régions de la périphérie – s'oppose une Espagne rurale, archaïque, celle des grandes propriétés du Centre et du Sud. Sur le plan social, en l'absence de classes moyennes nombreuses capables de jouer un rôle d'équilibre, se font face l'

 
 
 
 

LA SONATE

 

sonate
(forme)
Arcangelo Corelli
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la musique ».


Ce principe structurel domina la musique occidentale en gros de 1750 à 1950, ou de la première école de Vienne (Haydn, Mozart, Beethoven) à la seconde (Schönberg, Berg, Webern). Théoriquement, il s'applique non à une œuvre entière, mais à un mouvement isolé, ce dernier pouvant évidemment faire partie d'une œuvre en plusieurs mouvements. En réalité, il est possible et fréquent, à partir de la maturité de Haydn et Mozart, de retrouver le principe de la forme sonate à l'échelle d'une œuvre en plusieurs mouvements. Dans une symphonie de Haydn par exemple, le finale joue souvent un rôle de résolution analogue à celui d'une réexposition dans une forme sonate. À noter enfin que la forme sonate vaut pour tous les genres instrumentaux pratiqués à partir de 1750 (pas seulement la sonate, mais aussi la symphonie, le concerto, le quatuor à cordes, etc.), et même, dans certains cas, pour les genres vocaux.
De la forme sonate, on ne trouve pas chez Haydn, Mozart et Beethoven, ses premiers grands représentants, deux exemples identiques. Elle n'eut rien de schématique, et ses « règles » furent bien moins nombreuses qu'on ne le croit. Le terme lui-même ne devait d'ailleurs voir le jour que bien après la mort des trois classiques viennois. Czerny prétendit avoir été le premier, vers 1840, à en donner une définition.
À partir de Czerny, la forme sonate fut le plus souvent définie comme une structure mélodique en trois parties : exposition, avec premier thème ou premier groupe de thèmes à la tonique, et second thème ou second groupe de thèmes à la dominante ; puis (après reprise de l'exposition) développement, avec fragmentation et combinaison des thèmes dans diverses tonalités ; enfin réexposition (éventuellement suivie d'une coda), avec les deux thèmes ou les deux groupes de thèmes à la tonique.
Ce schéma, confirmé par beaucoup de mouvements du xviiie siècle mais contredit par d'autres, a comme inconvénients principaux moins son anachronisme (c'est le xviiie siècle revu par le xixe) et son caractère approximatif que son caractère de recette (pour des plats au demeurant devenus impossibles à préparer) et sa tendance à faire passer les pages de Haydn, Mozart et Beethoven ne s'y conformant pas comme autant de violations (mises au compte de leur génie, bien sûr) de règles qui en réalité n'avaient jamais existé.
D'où peu à peu l'apparition d'une autre définition de la forme sonate, admettant quant à elle la priorité de la structure tonale sur la structure mélodique, et distinguant non plus trois parties mais essentiellement deux : début à la tonique et passage à la dominante, puis passage à d'autres tonalités et retour à la tonique. Son inconvénient, outre de faire comme si les thèmes n'avaient aucune importance, est d'être davantage une description qu'une définition, de s'appliquer à trop de musiques écrites entre 1700 et 1950, et de ne faire aucune distinction entre Haydn, Mozart et Beethoven d'une part, leurs contemporains de seconde zone d'autre part, bref de se borner à des points de grammaire sans rendre compte de l'esprit de la forme, de sa signification en tant que produit de la fin du xviiie siècle, ni au sein de chaque œuvre des rapports entre structure et matériau.
Les éléments constitutifs de la forme sonate apparurent parallèlement en une constante interaction dont peut aider à saisir le mécanisme une bonne compréhension de la portée exacte de la tonalité et de la modulation classiques. En musique tonale, et particulièrement depuis Haydn et Mozart, la tonalité principale d'un morceau ou d'une œuvre joue, par rapport aux autres tonalités dans lesquelles s'aventure ce morceau ou cette œuvre, le même rôle que, dans une tonalité donnée, l'accord parfait (consonant) par rapport aux autres accords, plus ou moins dissonants : un rôle de résolution de tension. Revenir à la tonique ou s'en rapprocher est en soi réducteur de tension : le retour de cette tonique à la fin d'une œuvre classique correspond à une exigence fondamentale de l'époque. Quitter la tonique (la tonalité principale) ou s'en éloigner est en soi générateur de tension : plus la modulation est articulée dramatiquement, plus la nouvelle tonalité est éloignée de la principale, et plus la tension créée sera forte. Corollaire : plus une tonalité est éloignée de la principale, plus il lui sera difficile d'établir un nouvel équilibre, de se fixer et de se transformer en tonique provisoire.
D'où, chez Haydn et Mozart, le rôle essentiel de la dominante, de toutes les tonalités génératrices de tension la plus aisée à établir, parce que la plus proche de la principale. D'où aussi, chez Beethoven et ses successeurs, créateurs de structures aptes à supporter en leurs points d'articulation de plus fortes tensions, la fréquente attribution à des tonalités plus éloignées du rôle précédemment dévolu à la dominante. La sonate Waldstein de Beethoven est en ut majeur : de son premier mouvement, la seconde partie de l'exposition ne se fixe pas à la dominante sol majeur, mais à la médiante mi majeur, utilisée comme substitut de dominante.
Le phénomène du passage à la dominante (ou au relatif majeur pour un morceau en mineur), en soi antérieur à l'époque de Haydn et Mozart, devint avec eux irrésistible. Cela dit, en tant que tels, les phénomènes du passage à la dominante et du retour à la tonique furent moins chez eux des éléments de forme que de simples points de grammaire, des conditions d'intelligibilité. Essentielle fut leur façon de mettre en œuvre des démarches qui, pour les auditeurs du temps, allaient de soi. Au début du xviiie siècle, on n'était pas censé les souligner ; eux les mirent en évidence. Au début du siècle, en particulier dans les danses, on trouvait fréquemment la progression schématique suivante : énoncé d'un matériau avec progression de la tonique à la dominante, puis énoncé du même matériau ou d'un matériau très semblable avec progression de la dominante à la tonique. D'où une double symétrie binaire, A-B/A-B au point de vue mélodique, et A-B/B-A au point de vue tonal, avec impression d'ensemble binaire et déroulement assez continu, la plus forte réaffirmation de la tonique n'intervenant pas lors de sa réapparition en cours de morceau, mais étant réservée pour la fin.
La révolution menée à terme par Haydn et Mozart, et qui donna naissance à la forme sonate, consista à articuler dramatiquement aussi bien le passage à la dominante que le retour de la tonique, en d'autres termes à transformer, nettement quoique provisoirement, la dominante en nouvelle tonique, et à réaffirmer avec force la tonique dès les deux tiers d'un morceau, parfois même dès sa moitié, au plus tard à ses trois quarts. Ces deux dramatisations, la seconde surtout, expliquent l'impression tripartite, et non plus bipartite, laissée par la plupart des morceaux de la fin du xviiie siècle, les trois parties se définissant non par leur longueur, pas forcément la même, mais par l'articulation, en définitive par leur fonction.
Ces dramatisations, auxquelles d'autres vinrent s'ajouter, furent le moteur principal de la forme sonate classique, fondée sur la relation dialectique tension-détente, avec entre autres caractères essentiels une stabilité des extrêmes, de la fin plus encore que du début, et une tension maximale vers le centre.
Les préclassiques, le jeune Haydn et le jeune Mozart s'en tinrent souvent, pour leurs premiers mouvements et surtout leurs derniers mouvements de symphonies, à la double symétrie binaire définie ci-dessus. Mais au fur et à mesure que se développa en musique instrumentale le sens du drame, une seconde partie purement symétrique devint de moins en moins acceptable, et on put observer en son début une tendance à l'accroissement de la tension harmonique et expressive par le biais notamment de modulations dans diverses tonalités. À une tension accrue vers le centre (développement) devait fatalement correspondre une résolution (réexposition) plus marquée : d'où la mise en valeur du retour de la tonique et d'une section conclusive la quittant très peu, avec comme résultat une structure tripartite obtenue en quelque sorte par fission du second volet de l'ancienne structure bipartite.
Tous les ouvrages de Haydn, Mozart et Beethoven sont dialectiquement écartelés entre le drame et la symétrie (terme non synonyme de répétition textuelle), mais cette contradiction sans cesse apparente, chacun de leurs chefs-d'œuvre la résolut à sa manière. Le nombre de « thèmes » d'un mouvement de « forme sonate » n'était par exemple en rien fixé. D'une exposition, on se bornait à exiger qu'elle posât un premier conflit en affirmant la tonique, puis la dominante (ou un substitut de dominante). Rien ne l'empêchait d'affirmer en passant d'autres tonalités à rôle structurel moins fondamental. Le côté dramatique de l'établissement de la dominante pouvait être renforcé par l'apparition simultanée d'un nouveau thème (démarche fréquente chez Mozart et la plupart de ses contemporains), mais aussi bien par la répétition à la dominante du thème initial (solution fréquente chez Haydn). Beethoven et Haydn (symphonies no 92, dite Oxford, ou 99) combinèrent volontiers les deux méthodes, en répétant d'abord le thème initial à la dominante, avec quelques changements, par exemple dans l'orchestration, pour bien montrer que sa fonction dans l'architecture globale n'était plus la même, et en n'introduisant qu'ensuite un nouveau thème, à fonction plutôt conclusive.
Présenter deux fois la même idée sous des angles différents est aussi dramatique, sinon plus, qu'en énoncer deux. Le critique du Mercure de France, après avoir entendu les symphonies parisiennes, fit remarquer d'un ton admiratif qu'alors que tant de compositeurs avaient besoin de plusieurs thèmes pour construire un mouvement, un seul suffisait à Haydn. Quand il y avait deux thèmes ou plus, ils n'étaient pas nécessairement contrastés. C'est souvent le cas chez Mozart et encore plus chez Beethoven, mais du premier mouvement de la symphonie militaire de Haydn, les deux thèmes ont le même caractère : les sections à la tonique et à la dominante sont articulées surtout par l'orchestration. De toute façon, c'est par la transformation des thèmes, obtenue parfois par le simple fait de les placer dans un contexte différent, et non par leurs contrastes, que Haydn, Mozart et Beethoven nous surprennent le plus.
On dit souvent d'une œuvre de la seconde moitié du xviiie siècle qu'elle est d'autant plus progressiste que sa section centrale (développement), située en principe entre les accords semi-conclusifs de dominante (fin de l'exposition) et le retour de la tonique et du thème du début (commencement de la réexposition), est plus nette et plus vaste. Il est vrai que chez Haydn, Mozart et Beethoven, cette section manque rarement, et qu'en particulier chez Beethoven, ses dimensions peuvent être considérables. Il est vrai également qu'en général la tension y culmine, rendant ainsi nécessaire et désirable la résolution amorcée par le retour de la tonique. Cela dit, ni la grande étendue ni même l'existence d'un « développement » ne sont indispensables à la forme sonate. Aussi bien dans l'ouverture des Noces de Figaro de Mozart que dans le premier mouvement de la symphonie Oxford de Haydn, le retour de la tonique (réexposition) intervient alors que le morceau n'en est pas encore à sa moitié. C'est dû chez Mozart à l'absence de développement (après l'exposition, quelques mesures de transition conduisent directement à la réexposition) ; chez Haydn, aux dimensions exceptionnelles de la réexposition, en outre suivie d'une coda. On ne saurait dire pour autant que le morceau de Mozart, qui voulut sans doute préfigurer la rapidité d'action de la pièce de Beaumarchais dont était tiré son livret, est moins « avancé » que celui de Haydn : les deux le sont autant.
Chez Haydn, Mozart et Beethoven, exposition, développement, réexposition et coda ne sont en rien des compartiments étanches. Les définir par leur position dans un mouvement est commode, mais ne correspond qu'à une partie de la réalité. Ce sont les fonctions d'exposition, de développement et de réexposition qui importent, et, chez les trois maîtres classiques, on les trouve en général réparties, inégalement il est vrai, sur tout un mouvement ou presque. Haydn et Beethoven en particulier commencent souvent à « développer » leurs thèmes ou motifs dès l'exposition. L'arrivée d'un nouveau thème dans le développement, comme souvent chez Mozart, comme chez Haydn dans la symphonie les Adieux ou chez Beethoven dans l'Héroïque, provoque certes un dépaysement : a-t-elle aussi une fonction d'exposition ?
Dans l'Héroïque de Beethoven, la coda faisant suite à la réexposition n'est pas un ajout gratuit. Le résidu de tension qu'elle sert à résoudre provient de la nature du développement proprement dit, si vaste et si dramatique qu'il écrase quelque peu la réexposition, plus courte et incapable de l'équilibrer à elle seule : une coda se révèle donc indispensable. De même, sans le tribut au langage de l'époque que sont les quelque cinquante mesures martelant l'accord parfait d'ut majeur à la fin de la 5e symphonie de Beethoven, l'énorme tension accumulée au cours de cette œuvre gigantesque n'aurait pu être résolue.
L'articulation et la périodicité à tous les niveaux entraînèrent dans les œuvres classiques une grande diversité rythmique et un besoin accru de symétrie, d'équilibre. De ce besoin, les réexpositions de forme sonate sont une manifestation à grande échelle, mais celles de Haydn en particulier rappellent que symétrie et répétition textuelle ne sont pas synonymes. Ces réexpositions sont écartelées entre leur fonction de résolution et la nécessité de maintenir la musique en mouvement jusqu'au bout. Elles prennent ainsi en compte la temporalité de l'art musical en général et le dynamisme de celui de la fin du xviiie siècle en particulier. D'où, en leur sein, de nouvelles surprises. Les retours d'événements déjà vécus y sont non de simples redites, mais des réinterprétations.
On dit d'une réexposition qu'elle est d'autant plus régulière qu'elle se modèle plus étroitement sur l'exposition. Les réexpositions de Haydn sont souvent très irrégulières, mais la raison principale n'en est pas un simple souci de variété. Chez Haydn, les expositions sont déjà tellement dramatiques, surtout quand y domine un seul court motif (symphonie no 88), qu'une réexposition textuelle à la tonique serait un pur non-sens, voire une stricte impossibilité. Tous les épisodes qui, dans les expositions ou les développements de Haydn, apparaissent dans une tonalité autre que la principale n'en ont pas moins leur contrepartie dans la réexposition : ils y sont en général récrits, réinterprétés, arrangés dans un autre ordre, mais toujours résolus. Mozart, avec ses expositions plus volontiers polythématiques et faites de longues mélodies, peut se permettre des réexpositions plus textuelles mais elles réinterprètent autant que celles de Haydn.
Dans la sonate pour piano en sol majeur K. 283 de Mozart, on trouve dans l'exposition (mesure 17) et la réexposition (mesure 84) une phrase identique, mais qui donne une impression de passage à la dominante dans un cas, d'affirmation de la tonique dans l'autre. Cette différence, moyen de clarification de la forme, est due à ce qui dans chaque cas précède la phrase en question.
On a là un exemple, inconcevable sous cet aspect aux époques précédentes, de la mise en relation des parties et du tout dans le style classique viennois. En même temps, l'exemple de la sonate de Mozart montre que dans ce style les parties sont préformées par le tout, parfois de manière indélébile. Ainsi que l'a noté Tovey, en tombant en cours de déroulement sur un mouvement inconnu de Haydn, Mozart et Beethoven, un auditeur peut se rendre compte si ce mouvement en est vers son début, son milieu ou sa fin, ce qui est beaucoup plus difficile avec Bach. Inversement, la forme concrète n'est pas imposée de l'extérieur, mais déterminée par le matériau, propulsée par lui de l'intérieur. Les idées initiales de Haydn et Beethoven, souvent concises et en soi chargées d'énergie, donnent alors immédiatement une impression de conflit dont le déroulement et la résolution ne seront autres que l'œuvre elle-même : ce fut leur plus grande contribution à l'histoire de la musique.
Le quatuor à cordes op. 50 no 1 de Haydn débute calmement sur un multiple énoncé, au violoncelle, de la note de tonique : le passage à la dominante se fait attendre, et les conflits les plus violents n'interviennent que dans le développement. Son quatuor op. 50 no 6 (la Grenouille) s'ouvre au contraire sur un mi isolé d'autant mieux mis en valeur que son registre est aigu, et dont le caractère dissonant (c'est la dominante de la dominante) apparaît au bout de trois mesures, quand on réalise enfin que la tonalité principale est ré majeur. Cet élément de conflit posé immédiatement, Haydn l'exploite à fond dès l'exposition, une de ses plus violentes.
La forme sonate du classicisme viennois fut une manière d'écrire, en définitive un mode de pensée défini par Charles Rosen comme « la résolution symétrique de forces opposées ». Il ajoute : « Si cette définition semble aussi large que la forme artistique elle-même, c'est que le style classique est devenu pour une bonne part le modèle d'après lequel nous jugeons toute autre musique ­ d'où son nom. Cela dit, si dans le baroque il y a aussi résolution, elle est rarement symétrique, et les forces opposées, qu'elles soient rythmiques, dynamiques ou tonales, y sont bien moins nettement définies. Dans la musique de la génération de 1830 (Schumann), la symétrie est moins marquée, et parfois même esquivée (sauf dans les genres/formes académiques comme la sonate romantique), et le refus d'une résolution complète fait souvent partie de l'effet poétique. »
Ce mode de pensée produisit une grande variété de « formes », il pénétra aussi bien le rondo que la forme lied, chez Mozart les grands finales d'opéra, et surtout chez Beethoven la fugue et la variation. Socialement, il avait, du moins en partie, trouvé son origine dans l'apparition d'un public plus nombreux et avide de divertissement. L'apparition de ce public avait été une des causes du caractère superficiel de bien des musiques immédiatement postérieures à Bach. « Les compositeurs durent se faire les agents du marché, dont les désirs pénétrèrent leurs œuvres jusqu'au plus profond d'elles-mêmes » (Adorno).
Mais, ajoute Adorno, « il n'est pas moins vrai qu'en vertu justement de cette interpénétration, le besoin de divertissement se transforma en besoin de variété au sein de l'objet composé, de la composition elle-même, ceci par opposition au déroulement unitaire et relativement continu du baroque. Or ce souci d'alternance au sein d'un même morceau devint le fondement de la relation dynamique entre unité et diversité qui n'est autre que la loi du classicisme viennois. Cette relation dynamique fut pour l'acte compositionnel un progrès immanent qui, après deux générations (avec la maturité de Haydn et Mozart), compensa les pertes qu'au début le changement de style (consécutif à la mort de Bach) avait entraînées ».
Ce mode de pensée eut comme contradiction interne celle existant entre un dynamisme global se projetant de l'avant et tendant vers le développement perpétuel, et le retour, à un moment donné, du début (réexposition), ou encore celle résultant de la présence d'une identité statique dans une forme en devenir. De cette contradiction, indispensable vers 1780-1815 à la vérité artistique, mais que le xixe siècle, en raison notamment de l'évolution de la tonalité, devait ressentir avec de plus en plus de gêne, et ce jusqu'aux liquidations schönbergiennes, on trouve un indice dans le soin que prit si souvent Joseph Haydn d'introduire, dans l'entourage immédiat de ses réexpositions, une modification aussi minime soit-elle par rapport au début, mettant ainsi une fois de plus identité et changement en relation dialectique.
Beethoven, en particulier dans ses symphonies, alla dans cette direction aussi loin qu'il était possible sans détruire le langage. Le premier mouvement de sa 9e symphonie s'ouvre pianissimo avec quelques instruments, sa réexposition est martelée fortissimo par tout l'orchestre. Identité et changement ne font plus qu'un, leur proclamation simultanée ayant été rendue possible par une démarche préalable aboutissant à faire de la réexposition un phénomène non seulement attendu, mais hautement désiré, et du retour du point de départ le résultat inéluctable d'un processus déclenché par ce point de départ lui-même. Le « faux départ » du cor, quatre mesures avant la réexposition du premier mouvement de l'Héroïque, n'est autre que la sédimentation dans l'œuvre elle-même du résultat de cette démarche et de son idéologie sous-jacente.
Adorno voit d'une part en Beethoven « le prototype musical de la bourgeoisie révolutionnaire (et) d'une musique ayant échappé à la servitude », et d'autre part « dans la gestique affirmative de la réexposition (de ses) plus grands mouvements symphoniques un répressif et autoritaire C'est ainsi ». Il met en outre en parallèle l'identité du statique et du dynamique que proclament ces réexpositions, et notamment leurs débuts, avec « la situation historique d'une classe (la bourgeoisie) en train de dissoudre l'ordre statique sans pour autant, de peur de se dissoudre elle-même, s'abandonner à sa dynamique propre ». Le parallèle est intéressant, et historiquement convaincant, surtout si l'on songe aux avatars de la forme sonate au xixe siècle. Elle avait été un organisme vivant, elle tendit à devenir un exercice d'école. Ou alors, ses contours s'estompèrent. Il y eut bien sûr des démarches héroïques, tendant comme celle de Bruckner à la mener plus avant, ou comme celle de Schubert à la repenser dans ses rapports avec le déroulement du temps, ou encore, comme celle de Liszt (sonate en si mineur), à lui tourner le dos, du moins en apparence. Il reste que dans les premières années du xxe siècle, les jeux étaient faits. Les grands inventeurs de formes participèrent dorénavant à la liquidation de la « sonate », même et surtout quand ils réussirent à en magnifier l'esprit. Significatif est le cas de l'extraordinaire 6e symphonie en la mineur de Mahler (1904), à la fois apothéose de la « forme sonate » dans tout ce qu'elle avait alors de normatif, et gigantesque mise au tombeau, par son message, de cette forme et de ce qui l'avait accompagnée.


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ÉGYPTE - GÉOGRAPHIE

 

Égypte : géographie physique

Situé à une latitude subtropicale, l'Égypte constitue l'extrémité orientale du Sahara, formée de bas plateaux à l'ouest du Nil, relevée à l'est, au-dessus du fossé de la mer Rouge. La chaleur est torride en été, s'accroissant vers le Sud, où disparaissent pratiquement les précipitations, déjà très faibles dans le delta, où elles avoisinent 50 mm par an. La vallée du Nil, d'une largeur utile de 3 à 15 km, représente moins de 5 % de la superficie du pays, dont le reste est formé de déserts parsemés d'oasis.
1. Un climat désertique

1.1. Des pluies rares

Mont SinaïMont Sinaï
L'Égypte est pratiquement tout entière dans la zone tropicale aride. L'ensemble du pays est soumis au climat désertique. L'air y est sec. Seule une étroite bande proche de la Méditerranée reçoit quelques précipitations (Alexandrie, 166 mm, surtout en hiver ; Port-Saïd, 173 mm). Les pluies se raréfient rapidement du nord au sud : Le Caire, 42 mm ; Beni-Souef, 6,4 mm ; Louqsor, 4 mm ; Assouan, 1 mm. Elles sont caractérisées par une grande variabilité interannuelle. Les printemps (jusqu'au mois de mai) sont doux, ensoleillés et sujets à de brusques variations de température.
1.2. Des températures estivales partout élevées

Les températures estivales sont partout élevées, avec un accroissement du nord au sud, ainsi qu'en témoignent les moyennes des maximums de juillet : 30,1 °C à Alexandrie, 35,8 °C au Caire, 36,9 °C à Beni-Souef, 39,4 °C à Louqsor, 41,5 °C à Assouan. Cependant, les moyennes des minimums de janvier sont en général de plus en plus accusées vers l'intérieur du pays : Alexandrie, 8,8 °C ; Le Caire, 9,4 °C ; Beni-Souef, 6,6 °C ; Louqsor, 6,3 °C. La température moyenne de juillet est de 28,6 °C au Caire, de 26,2 °C à Alexandrie ; celle de janvier, de 13,8 °C au Caire, de 13,6 °C à Alexandrie. Le caractère aride et continental du pays s'affirme avec la décroissance des taux d'humidité moyenne de l'année : Alexandrie, 68 % ; Le Caire, 50 % ; Beni-Souef, 51 % ; Louqsor, 34 % ; Assouan, 22 %.
Les vents soufflent normalement du secteur nord, mais ceux du sud et de l'est, dus au passage de dépressions, occasionnent un froid piquant en hiver et des nuages de sable au printemps (le khamsin).
La meilleure saison touristique est l'automne, et même la période de décembre à février en Haute-Égypte.
2. Le désert


La plus grande partie de l'Égypte est constituée de déserts, à l'intérieur du Sahara. L'ensemble fait partie du vieux socle cristallin africain, portant une couverture sédimentaire de grès nubiens (mésozoïque continental) surmontés de crétacé (surtout calcaire) et de nummulitique plus ou moins relevé et cassé. Le Sinaï est ainsi un horst, isolé entre les fossés tectoniques de Suez et de Aqaba, fortement relevé vers le sud (2 637 m) et plongeant au nord sous des plateaux sédimentaires modelés en gigantesques cuestas.
2.1. Le désert oriental (ou arabique)

Le désert oriental (ou arabique), à l'est du Nil, est un fragment de socle relevé (2 180 m ; on parle parfois de chaîne arabique) vers le bombement effondré de la mer Rouge. Il porte un réseau hydrographique régulièrement hiérarchisé, où des pluies (entre 10 et 20 mm par an) permettent un écoulement temporaire. Il a été dans l'Antiquité une grande région minière (or, porphyre).
2.2. Le désert occidental (ou libyque)

Le désert libyque, à l'ouest du Nil, couvre les deux tiers de l'Égypte. Il est formé d'un plateau très aride, souvent barré par des dunes. Un erg difficilement franchissable borde la frontière occidentale. Le désert occidental serait à peu près totalement vide d'hommes sans l'existence de quelques profondes dépressions, dont celles de Kharguèh, de Dakhla, de Farafra et de Bahriya, qui sont logées sur des accidents structuraux affectant la couverture. Les plus septentrionales sont au-dessous du niveau de la mer, au fond desquelles affleurent des lignes de sources (correspondant à une nappe souterraine, en partie fossile, descendant du Tibesti vers la Méditerranée). Ces dépressions nourrissent des oasis où des sédentaires cultivent dattiers, céréales et légumes. Le dépôt salin de la dépression de Kattara est situé à 133 m sous le niveau de la mer.
3. Le Nil

3.1. La vallée du Nil

Le NilLe Nil
Le Nil, fleuve long de 6 670 km, ne draine le territoire égyptien que sur un quart de son cours. Dans le Sud, le fleuve, navigable jusqu'à Assouan (première cataracte), a creusé une vallée recouverte d'un riche limon noir et bordée de falaises abruptes, atteignant parfois 400 m de hauteur, séparées de 2 à 15 km. Proche de la vallée et semblable à elle par bien des aspects, la dépression du Fayoum, à 90 km au sud du Caire, étend ses riches terres agricoles autour des eaux du Birket Karoun : c'est la Haute-Égypte. À quelques kilomètres au nord du Caire, le fleuve, libéré du carcan dans lequel l'enserraient les hautes terres, se ramifie en de nombreuses branches : c'est le « plat pays » du Delta, ou Basse-Égypte.
La vallée du Nil est étroitement comprise, de Ouadi-Halfa au Caire, entre les deux lignes des abrupts terminant les plateaux libyque et arabique. Cette partie de la vallée, appelée Haute-Égypte, ne correspond pas à un ruban ininterrompu et uniforme de cultures. Elle ne s'élargit que progressivement d'amont en aval et fort irrégulièrement. Entre Ouadi-Halfa et Assouan, elle était très encaissée dans les grès avant sa submersion par les eaux retenues par le haut barrage d'Assouan et formant le lac Nasser. Elle s'élargit à partir d'Assouan et autour de Kom-Ombo, se resserre à hauteur d'Esnèh pour s'élargir de nouveau autour de Louqsor-Thèbes. Après le coude de Kénèh, le couloir se normalise quelque peu, mais avec des variations de largeur encore sensibles. À partir d'Assiout, la corniche calcaire de la rive gauche diminue de netteté. Le fleuve lui-même se divise en deux bras. Le cours le plus occidental, ou Bahr Youssef, a été aménagé pour canaliser une fraction régulière du débit du fleuve (canal Ibrahimiyèh). Grâce à lui, les eaux du Nil atteignent la dépression du Fayoum, où les cuvettes salées du Birket Karoun et de l'oued Rayan leur servent de déversoir à 45 et 40 m au-dessous du niveau de la mer.
3.2. Le delta du Nil

Le delta commence à une vingtaine de kilomètres en aval du Caire par la division du fleuve en deux branches. La branche occidentale, dite de Rosette, prend la direction du nord-ouest, longe les derniers contreforts du plateau libyque et se jette dans la mer après son passage entre les lacs Edkou et Borollos. La branche orientale, dite de Damiette, garde l'orientation sud-nord sur 120 km avant d'obliquer vers le nord-est en direction du lac Menzalèh, où elle atteint à son tour la Méditerranée. Les nombreux canaux qui sillonnent le delta utilisent parfois d'anciens bras du fleuve. Les bourrelets de berge et les levées permettent un écoulement actuel au-dessus du niveau général des terres.
La construction du delta est due à l'alluvionnement quaternaire. Au pliocène, la mer s'avançait au sud du Caire jusqu'à la dépression du Fayoum, qui formait un golfe. Progressivement, le fleuve a comblé cette vaste échancrure, colmatant successivement les lacs emprisonnés derrière les cordons littoraux successifs. Un courant ouest-est déporte les alluvions en direction de Port-Saïd.
Cependant, le contrôle de plus en plus perfectionné des crues du Nil et les retenues réalisées par les grands barrages ont pour conséquence une diminution sensible des apports solides. L'alluvionnement aux bouches de Damiette et de Rosette est aujourd'hui en régression, cependant que les rives du delta subissent une érosion.
4. La flore et la faune

La faune et la flore de l'Égypte s'apparentent à celles des déserts et des oasis. L'arbre le plus répandu est le palmier-dattier. Des espèces comme le caroubier, le tamarin et le sycomore sont aussi bien représentées. Joncs et papyrus croissent près du Nil. Les animaux sauvages ont le plus souvent été chassés par les activités industrielles. On déplore ainsi la disparition des crocodiles et des hippopotames sur les rives du Nil. La hyène et le chacal dans le désert, le sanglier, l'ibis sacré, le faucon et le vautour sont toujours présents.

 

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