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Moïse
en hébreu Moshé
Cet article fait partie du dossier consacré au judaïsme.
(xiiie s. avant J.-C.), personnage biblique, prophète, libérateur, législateur et chef du peuple hébreu.
Dans la tradition biblique, Moïse est considéré comme un prophète inégalé, favorisé par des révélations directes. Il est l'intermédiaire reconnu entre Dieu et le peuple élu. Il est l'intercesseur qui souffre pour ses protégés. Mais le trait dominant de ce personnage biblique demeure son action législative : on parle de la « loi de Moïse » ou de la « loi mosaïque ».
Les sources scripturaires
Seule la Bible fait état de l'existence de Moïse et relate les divers épisodes de sa vie : le récit biblique demeure la source unique de tous les textes ultérieurs qui s'y réfèrent. Ceux-ci, recueillant les traditions écrites et orales, font apparaître les multiples aspects du personnage ainsi que du rôle, variable selon les interprétations, qui lui est attribué. Il apparaît au long des cinq premiers livres de la Bible hébraïque – la Genèse, l'Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome – englobés sous le titre général de Pentateuque par les chrétiens. Selon la tradition juive, cette première partie aurait été inspirée à Moïse par Dieu lui-même, voire écrite sous sa dictée. Moïse est également l'objet d'allusions dans Josué, les Juges, Samuel, les Rois et les Chroniques. Les Prophètes le citent rarement (Malachie, III, 22 ; Michée, VI, 4 ; Osée, XII, 14). Les Psaumes indiquent son rôle dans l'« histoire » d'Israël.
Les tenants de la critique biblique ont appliqué aux récits sur Moïse les procédés de leur théorie « documentaire » ; celle-ci n'enlève rien à l'historicité de cette grande figure, à laquelle il se serait ajouté, selon eux, des traits plus ou moins légendaires ; c'est ainsi, soutiennent-ils, que la législation qu'on lui attribue lui serait postérieure de plusieurs siècles.
Le récit biblique
Les Hébreux au pays de Pharaon
À l'époque de la naissance de Moïse, les douze tribus hébraïques, issues des douze fils de Jacob, sont installées en Égypte ; les descendants d'Abraham ont en effet fui le pays de Canaan, terre promise par Dieu à la postérité du patriarche. Après l'extinction de la génération de Joseph (fils de Jacob), qui entre-temps s'était multipliée et avait prospéré dans le pays d'accueil, « un autre roi se leva sur le pays qui ne connaissait pas Joseph » (Exode I, 8). Le nouveau souverain ne se sent plus lié par les mêmes engagements que son prédécesseur à la lignée de Jacob (Genèse XVII, 5-6). Voyant en elle une menace potentielle, il considère d'un mauvais œil la prospérité et la puissance du peuple des enfants d'Israël, et commence à « l'accabler de labeurs » (Exode I, 9-11). Mais, bientôt insatisfait des effets d'une telle politique, il ordonne l'extermination de tous les nouveau-nés mâles.
Moïse tiré des eaux
C'est dans ce contexte de persécutions contre son peuple que Moïse, issu d'une famille de la tribu de Lévi, vient au monde. Les exégètes s'accordent à situer l'événement vers le xiiie s. avant J.-C. Le texte biblique est assez succinct quant aux premières années de la vie de Moïse, puisqu'il ne lui consacre que dix versets, dont le mystère a nourri les interprétations les plus diverses de la part des commentateurs. Ces versets rapportent comment sa mère, Yokebed (épouse du lévite Amram et déjà mère d'Aaron et de Myriam), ne pouvant cacher le nouveau-né au-delà de trois mois, le dépose, couché dans une corbeille enduite de poix, sur les rives du fleuve, sous la surveillance de sa sœur aînée Myriam. La fille du pharaon, venue se baigner, découvre alors l'enfant ; l'ayant adopté, elle le rend, contre salaire, aux soins nourriciers de sa véritable mère. Ayant grandi, l'enfant retourne chez sa mère adoptive, qui le nomme Moïse « parce que, dit-elle, je l'ai tiré des eaux » (Exode II, 1-10), mais ce nom d'origine égyptienne signifie « fils de ».
Les versets suivants rapportent comment, adulte, Moïse lie son sort à celui des Hébreux. En effet, après avoir été élevé à la cour du pharaon, c'est-à-dire loin des siens, Moïse se rend parmi ses frères et découvre leurs souffrances. En prenant fait et cause pour eux, il rompt avec son enfance et sa jeunesse. Dans un geste qui révèle à la fois l'élan de sa révolte et son exigence de justice, il frappe à mort un Égyptien, pour l'avoir vu porter la main sur un Hébreu (Exode II, 11-12).
La révélation divine
Contraint de fuir, Moïse se réfugie dans le désert des Madianites, où il sauve les filles de Jethro (appelé parfois Reuel [Raguel] ou Hobab), menacées par des bergers. En signe de gratitude, le prêtre Jethro l'invite à séjourner chez lui et lui donne l'une de ses filles pour épouse.
Au cours de ce séjour, Dieu apparaît pour la première fois aux yeux de Moïse : il se manifeste sous la forme d'un Buisson ardent (flambant sans se consumer) et lui révèle son nom, Yahvé ; il lui confie la mission de délivrer son peuple et de le guider vers Canaan, le « pays ruisselant de lait et de miel » (Exode III). Moïse rentre donc en Égypte.
Commence alors pour Moïse, secondé par son frère Aaron, une longue et pénible confrontation avec Pharaon (Exode V à XII), qui refuse obstinément de rendre leur liberté aux Hébreux. Dieu ayant infligé les « dix plaies » aux Égyptiens, Pharaon est contraint de céder. Dieu annonce à Moïse : « Je parcourrai le pays d'Égypte cette même nuit ; je frapperai tout premier-né dans le pays d'Égypte […]. » En même temps, il ordonne aux Hébreux d'égorger un agneau par foyer, de le consommer en toute hâte et de badigeonner de son sang les poteaux et les linteaux de leur maison : « […] et le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous habitez : et je verrai le sang et je passerai par-dessus vous, et il n'y aura pas sur vous de destruction lorsque je sévirai sur le pays d'Égypte » (Exode XII, 12-13). Pour sa part, le fils de Pharaon n'échappe pas à la sanction divine, et cette nuit, funeste pour l'Égypte, marque pour les Hébreux le début de leur délivrance. Aujourd'hui encore, l'épisode est commémoré chaque année par les juifs à l'occasion de la Pâque (qui signifie en hébreu « passer par-dessus »), pendant laquelle il est de tradition de lire et de commenter la Aggada (ensemble des textes du Talmud se rapportant entre autres à la sortie d'Égypte).
L’Exode vers la Terre promise
Dans la nuit du 15 Nisan selon la Tradition juive, les Hébreux entament enfin leur longue pérégrination, précédés par une colonne de feu qui leur indique la direction du pays de Canaan. Leur exode est ponctué de phénomènes à caractère plus ou moins surnaturel, tel le passage de la mer Rouge (Exode XIV), qui s'ouvre devant le peuple de Moïse pour se refermer sur ses poursuivants égyptiens, ou l'apparition de la manne (Exode XVI), une nourriture miraculeuse dispensée par Dieu en plein désert.
Mais l'événement crucial du livre de l'Exode est la révélation divine au mont Sinaï : Dieu, ayant choisi Moïse pour faire connaître son message, lui donne le Décalogue (les « Dix Commandements » gravés sur les Tables), noyau de la Torah. Loi morale, politique et rituelle, la Torah scelle le pacte conclu entre Dieu et son peuple, conduit par Moïse : le respect des préceptes qu'elle contient est la condition de l'accès des Hébreux à la Terre promise, limitée par la « mer des Joncs » (la mer Rouge), la « mer des Philistins » (la mer Méditerranée), le « désert » (la Syrie) et le « fleuve » (l’Euphrate).
Toutefois les Hébreux, impatients et indociles, en viennent à mettre en doute la crédibilité des paroles de Moïse et des promesses du Dieu invisible (Nombres XIII) ; ils pressent Aaron de leur confectionner une idole qu’ils adorent sous la forme d’un veau d'or (Exode XXXII) et contestent l'autorité de Moïse lors de la révolte de Korah (Nombres XVI). Tout cela leur vaut la colère de Dieu, qui les condamne à errer dans le désert pendant quarante années, avant de pouvoir entrer dans le pays de Canaan, soit le temps nécessaire au remplacement d'une génération d'esclaves par une génération d'hommes libres, instruits dans la Loi et prêts à assumer l'Alliance conclue sur le mont Sinaï.
Comme les Hébreux de sa génération, à l'exception de Caleb et de Josué, Moïse ne foulera pas le sol de la Terre promise. Sur ordre de Dieu, il confie le soin d'achever la tâche entreprise au fils de Nun, Josué. La conquête de Canaan s'effectue donc sous le commandement de ce dernier, qui aura notamment à lutter contre les Philistins. De son côté, Moïse a tout juste le temps de jeter un regard sur la Terre promise, du haut du mont Nébo, où il s'éteint à l'âge de cent vingt ans. Le Pentateuque se clôt sur cette phrase : « Il ne s'est plus levé sur Israël de prophète tel que Moïse, que le Seigneur a connu face à face » (Deutéronome XXXIV).
Les multiples figures du prophète Moïse
Introduction
Les spécialistes d'histoire ancienne conviennent que la Bible ne constitue pas une source documentaire suffisante, capable de garantir à elle seule l'authenticité historique des personnes, des lieux ou des événements qu'elle mentionne. Néanmoins, les découvertes archéologiques et les travaux en histoire comparée ont permis de vérifier et de confirmer certains des faits qu'elle rapporte. Le récit de l'Exode n'en continue pas moins de susciter les controverses les plus âpres. Et c'est encore plus vrai de la personne de Moïse.
C'est ainsi que certaines thèses, fondées sur des sources anciennes, soutiennent l'origine égyptienne de Moïse – thèse défendue par Freud. Issu d'une famille princière, il aurait été élevé à la cour du pharaon et sensibilisé par des prêtres égyptiens aux idées monothéistes, devenant l'instigateur et le chef d'une révolte à caractère politique et religieux. D'autres recherches historiques retiennent l'hypothèse selon laquelle le récit biblique prendrait place dans le contexte de la grande réforme religieuse monothéiste dont le pharaon Akhenaton aurait été l'artisan. Selon d'autres sources, gnostiques et fort anciennes, Moïse appartiendrait à une lignée de détenteurs de secrets, à l'origine de traditions mystiques et ésotériques, comme celles dues aux kabbalistes, qui attribuent au texte de la Loi révélée une signification infinie car renouvelée par chaque génération. Chacune de ces interprétations fournit un éclairage différent sur le personnage et son enseignement, accentuant sa complexité.
L’élu de Dieu
La Bible est avare de détails sur la personnalité de Moïse. Néanmoins, à travers les faits rapportés par le seul texte biblique, le lecteur peut reconnaître en lui un homme doté d'une grande autorité, à la fois profondément bon et épris de justice, courageux, mais également doué d'une grande humilité et dénué de toute ambition personnelle. C'est l'ensemble de ces vertus qui le prédispose au rôle de messager de Dieu auprès des hommes. Si Moïse occupe une place à part dans la Bible, c'est parce que deux dimensions généralement dissociées se rencontrent en lui, l'une politique et l'autre religieuse : il est fondateur à la fois d'un peuple et d'une religion.
À ses fonctions de diplomate et de chef politique s'ajoutent celles de législateur, en tant que promulgateur de la Loi, et d'administrateur de la justice (inspiré en cela par les conseils de son beau-père, Jethro). Certains, parmi les exégètes de la Bible, mettront parfois en évidence l'importance de cette fonction politique. Le théologien et philosophe juif Maimonide (xiie s.) voit ainsi dans la Loi révélée, un règlement politique donné par Moïse à sa communauté pour faire cesser les luttes d'intérêt internes, ennoblir les mœurs, inspirer des idées vraies ; en somme, organiser le peuple hébreu conformément aux commandements divins. En ce sens, le Décalogue n'est pas un simple énoncé de prescriptions religieuses, il est également constitution d'une communauté et code éthique.
En ce qui concerne ses attributions religieuses, Moïse déploie son activité dans plusieurs domaines : sacerdotal, pédagogique et spirituel. Il institue le calendrier liturgique et les modalités du culte, dont il instruit le peuple ; suivant à la lettre les instructions de Dieu, il fait dresser le tabernacle, sanctuaire itinérant qui abritera l'Arche d'alliance et les objets sacrés jusqu'à la construction du Temple, à Jérusalem. À deux reprises, il exerce lui-même la fonction sacerdotale, et c'est encore lui qui consacre le grand-prêtre (Aaron, puis Éléazar), de même qu'il désigne et définit les fonctions des lévites, les serviteurs du culte, tous membres de sa tribu.
Pourtant Moïse est avant tout prophète : médiateur de Dieu, élu pour ses hautes qualités éthiques et spirituelles, il fait connaître Sa Loi au peuple et au pharaon, qu'il contraint à plier devant la volonté divine. Il est cependant supérieur aux autres prophètes : Dieu ne lui apparaît pas en rêve ou en vision, mais bien « face à face ».
La postérité de Moïse
L'ensemble constitutif de la communauté politico-religieuse d'Israël, de son identité, de sa cohésion et de son unité trouve son origine et sa confirmation dans la vie et dans l'action de ce prophète et bras de Dieu. De nombreux théologiens de la religion juive, ceux de la Terre promise comme plus tard ceux de la Diaspora, s'accordent pour voir dans les institutions religieuses et politiques dont il est l'initiateur la cause de la spécificité du peuple juif, élu pour conduire l'humanité à l'accomplissement des commandements divins. Ce sentiment intime est le ciment qui unit entre eux les membres de la communauté. Aujourd'hui encore, l'État d'Israël manifeste avec constance sa fidélité à la mission dont Moïse fut investi le premier, et à un degré plus élevé que ses successeurs.
Étant donné l'importance de son rôle, on est fondé à se demander pourquoi Moïse n'a pas été l'objet d'une vénération particulière, voire d'une tentative de divinisation. Les rabbins, conscients de ce risque, ont tout fait pour éviter aux fidèles la tentation de le transformer en surhomme doté de pouvoirs surnaturels. C'est sans doute une des raisons pour lesquelles le texte définitif de la Bible revient à diverses reprises sur ses faiblesses et ses erreurs, et souligne explicitement l'ignorance où l'on est du lieu de sa sépulture, pour prévenir toute idolâtrie. Sur ce point, le judaïsme diverge du christianisme et de l'islam, centrés respectivement sur les figures de Jésus et de Mahomet. Il n'en demeure pas moins vrai que Moïse est révéré par la tradition juive en tant que maître, placé au-dessus de tous les autres et veillant sur la destinée du peuple.
Le personnage mosaïque dans la culture occidentale
L'importance des œuvres littéraires et artistiques traitant du personnage de Moïse ou d'un épisode de sa vie, telle qu'elle est rapportée par la Bible, témoigne de l'intérêt porté tout au long des siècles à cette figure centrale de l'Ancien Testament, riche de significations. Parmi les principaux thèmes représentés figurent les plaies d'Égypte, l'Exode et la Révélation.
Son évocation est fréquente dans l'art médiéval chrétien. Divers épisodes de la vie de Moïse illustrent mosaïques et manuscrits anciens. Jusqu'à la Renaissance, peintres et sculpteurs le représentent la tête surmontée de cornes, en raison d'une traduction latine erronée (la Vulgate) de la Bible (Exode XXXI, 35), confondant les mots « rayon » et « corne ». Les artistes de la Renaissance italienne ont repris les mêmes thèmes pour les fresques du Campo Santo de Pise (Gozzoli) ou celles de la chapelle Sixtine (Signorelli, Botticelli), sans oublier la célèbre statue de Michel-Ange qui orne le tombeau du pape Jules II.
Le thème de Moïse sauvé des eaux a inspiré de nombreux peintres, parmi lesquels le Tintoret, Véronèse, Claude Lorrain et Nicolas Poussin. Par la suite, et jusqu'au xxe siècle, Moïse reste une source d'inspiration pour des artistes tels que Rubens, Holbein, Rembrandt, Blake, Turner, Doré, Chagall.
Dans le domaine de la littérature, Vigny (Poèmes antiques et modernes), Chateaubriand (Moïse, tragédie en vers), Hugo (la Légende des siècles), ou Heine (les Confessions), parmi d'autres, ont évoqué le personnage. La musique a aussi fourni sa contribution : de Monteverdi, Vivaldi et Händel à Schönberg (Moïse et Aaron), en passant par Rossini (Moïse en Égypte) et Saint-Saëns (Moïse sauvé des eaux, livret de Victor Hugo). Encore aujourd'hui, le thème de Moïse reste populaire, ce dont témoignent des negro spirituals tels que Let My People Go, ou, dans un autre ordre d'idées, la place qu'il occupe dans certains mouvements politico-religieux qui mettent au centre de leur lecture de la Bible des passages de l'Exode (théologie de la libération en Amérique latine).
DOCUMENT larousse.fr LIEN |
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BIBLE |
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Bible
(latin ecclésiastique biblia, livres sacrés, du grec biblia, livres)
Consulter aussi dans le dictionnaire : bible
Cet article fait partie du dossier consacré au christianisme et du dossier consacré au judaïsme.
Ensemble des textes sacrés pour les religions juive et chrétienne.
La « Parole de Dieu » : un ou des textes sacrés ?
Œuvre fondatrice de la culture judéo-chrétienne également appelée l'Écriture (sainte) ou les Écritures, la Bible rassemble l’ensemble des livres reconnus comme « Parole de Dieu » par le judaïsme et/ou par le christianisme. La Bible n'est donc pas un livre unique (comme c’est le cas du Coran), mais un recueil de livres écrits par des auteurs différents à des époques différentes.
Les juifs comptent 39 livres dans la Bible hébraïque (appelée Ancien Testament par les chrétiens). Ils parlent souvent de la Torah (« Loi ») pour désigner les Écritures dans leur ensemble. Mais ils se servent aussi de la première lettre des trois grandes divisions – la Torah (la Loi), les Nebiim (les Prophètes), et les Ketoubim (les Écrits) – pour former le mot « Tanakh ». Les chrétiens divisent la Bible en Ancien Testament (période de l'Alliance de Dieu avec le peuple hébreu) et Nouveau Testament (Alliance établie par Jésus-Christ).
Pour l'Ancien Testament, les protestants reconnaissent les mêmes écrits que les juifs mais, ne procédant pas à la même découpe, dénombrent 39 livres. Pour leur part, les catholiques, qui ont admis dans leur canon les livres ajoutés par la version grecque des Septante, en reconnaissent 45. Quant au Nouveau Testament, ses 27 livres sont généralement admis par les diverses confessions chrétiennes.
LA BIBLE
Sauf mention spéciale (catholique, protestant), les livres cités sont acceptés dans les trois canons (juif, catholique, protestant) pour l'Ancien Testament, dans les canons catholique et protestant pour le Nouveau Testament.
Ancien Testament
Pentateuque (ou Torah)
Genèse ; Exode ; Lévitique ; Nombres ; Deutéronome
Livres historiques (premiers prophètes)
Josué ; Juges ; I et II Samuel ; I et II Rois ; I et II Chroniques ; Esdras ; Néhémie ; I et II Maccabées (catholique)
Livres prophétiques (derniers prophètes)
Isaïe ; Jérémie ; Lamentations (catholique, protestant) ; Baruch (catholique) ; Ezéchiel ; Daniel (catholique, protestant) ; Osée ; Joël ; Amos ; Abdias ; Jonas ; Michée ; Nahum ; Habacuc ; Sophonie ; Aggée ; Zacharie ; Malachie
Livres poétiques et sapientiaux
(ou hagiographes)
Psaumes ; Proverbes ; Job ; Cantique des cantiques ; Ecclésiaste ; Sagesse (catholique) ; Ecclésiastique (catholique) ; Tobie (catholique) ; Judith (catholique) ; Esther ; Ruth
Nouveau Testament
Évangiles
Matthieu ; Marc ; Luc ; Jean
Actes des Apôtres
Épîtres de saint Paul
aux Romains ; I et II aux Corinthiens ; aux Galates ; aux Éphésiens ; aux Philippiens ; aux Colossiens ; I et II aux Thessaloniciens ; I et II à Timothée ; à Tite ; à Philémon ; aux Hébreux
Épîtres « catholiques »
de saint Jacques ; I et II de saint Pierre ; I, II et III de saint Jean ; de saint Jude
Livre prophétique
Apocalypse de saint Jean
La majeure partie des livres de l'Ancien Testament a été écrite en hébreu, tandis que le grec est la langue du Nouveau Testament.
L’Ancien Testament ou Bible hébraïque
Introduction
La Torah
L'Ancien Testament, ou Ancienne Alliance, comprend tous les écrits se rapportant à l'Alliance de Dieu (Yahvé) avec les Hébreux. L’Ancien Testament, correspondant à la Bible hébraïque des juifs, est constitué de trois grandes parties : le Pentateuque (ou Torah), les Prophètes (ou Nebiim) et les Écrits (ou Ketoubim).
Le Pentateuque
Le Pentateuque (« livre en cinq volumes ») des chrétiens, ou la Torah (« Loi ») des juifs, correspond aux cinq premiers livres de l’Ancien Testament : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome. Ils couvrent l'histoire religieuse depuis la création du monde jusqu'à l'entrée des Hébreux en Terre promise. Leur unité de sens tient à un auteur (Moïse, selon la tradition juive) et à une histoire (celle d'une Terre promise).
Pour les croyants, le récit de la révélation du vrai Dieu à Moïse sur le mont du Sinaï (Exode, XX) constitue l'originalité de la Torah. De cette expérience va sortir tout le Pentateuque : l'Exode, livre clé du passage de la servitude vers le service de Dieu, et les livres qui le complètent, comme le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome. Les commencements et le parcours des patriarches font l'objet de la Genèse, qui a été écrite sous l'éclairage de l'expérience historique de l'Exode. En un mot, l'expérience du Sinaï permet de remonter en amont à la naissance des patriarches et au commencement du monde, et de suivre en aval toute l'histoire postérieure d'Israël fécondée par cette expérience.
Les Prophètes
La Bible hébraïque divise les prophètes en trois catégories : les prophètes antérieurs (Josué, Juges, I et II Samuel, I et II Rois), les prophètes postérieurs (Isaïe, Jérémie et Ézéchiel) et les petits prophètes (l'épithète renvoyant au faible calibrage de leurs écrits). Les chrétiens n'adoptent que les deux dernières catégories.
Les prophètes ont bénéficié d'un statut institutionnel en Israël. Mais déjà en Mésopotamie existaient des « voyants » qui vivaient près des temples et annonçaient l'avenir en pratiquant la divination par l'huile ou l'examen des entrailles d'animaux. En Phénicie, près d'Israël, des prophètes puisaient leur inspiration dans la musique, la danse, et parfois recouraient même à des mutilations physiques.
En Israël, ce type de prophétisme donne lieu très vite à l'émergence des figures charismatiques, chargées de veiller au message du Sinaï dans sa pureté. Appelés par Dieu, ces prophètes en deviennent les porte-parole. « Dieu dit », telle est la formule qui revient souvent dans leur bouche. Ce sont des témoins de leur temps, hommes de Dieu, habités par l'Esprit, qui apparaissent en général en période de crise. Leur parole, souvent mal reçue mais conservée par les écrits de leurs disciples, a résisté au temps et est devenue parole de Dieu grâce aux communautés juives et chrétiennes, qui n'ont cessé de les lire et de s'en inspirer.
Les autres écrits ou littérature de la sagesse
Regroupés sous l'appellation de « littérature de sagesse », les livres de Job, du Cantique des cantiques, de l'Ecclésiaste (ou Qohelet), des Proverbes, de l'Ecclésiastique (ou Siracide) et de la Sagesse (les deux derniers absents de la Bible hébraïque) portent sur l'art de conduire sa vie vers le bonheur, sans perdre de vue le destin limité de l'homme et les normes tirées des expériences des anciens et des siennes propres.
Les livres bibliques dits de sagesse, à l'exception de quelques passages, sont tous postérieurs à l’Exil. Les réflexions et recommandations qui y sont rassemblées se nourrissent à la fois des traditions sapientielles de l'Israël ancien et d'autres littératures non bibliques, notamment égyptienne et babylonienne.
Les Psaumes
Les Psaumes correspondent à un ensemble de 150 poèmes, divisé en cinq parties, qui évoque la foi d'Israël et son rapport à Dieu. Le recueil des psaumes – du mot grec psalmoi (« pincer une corde de lyre ou d'arc »), traduction du terme hébreu tehillim (louange) – a une longue histoire qui se termine au cours du iiie s. avant J.-C., au moment où il a été traduit en grec dans la Septante. Il est difficile de dater les psaumes non seulement à cause de l'absence d'indications chronologiques, mais aussi parce que leur rédaction s'est parfois étendue sur une longue période et qu'ils ont connu des adaptations successives. Certains remontent au roi David, mais le rattachement de la plupart des psaumes à cette époque reculée, qui relève d'une pratique courante dans l'Antiquité (la pseudépigraphie), serait abusif. En réalité, beaucoup d'entre eux ont été écrits pendant et après l'Exil. Les psaumes sont la trace de la prière d'Israël. Parmi les genres littéraires les plus importants, notons les hymnes, les lamentations ou supplications collectives, les psaumes royaux, les lamentations individuelles ou les actions de grâce individuelle.
Le Nouveau Testament
Introduction
Le Nouveau Testament est le recueil des écrits concernant l'Alliance établie par Jésus-Christ. Livre chrétien, le Nouveau Testament est formé de 27 écrits : les quatre Évangiles, les Actes des Apôtres, treize Lettres de Paul, la Lettre aux Hébreux, sept lettres appelées « Épîtres catholiques », et l'Apocalypse.
Les Évangiles
Les Évangiles sont tous centrés sur le personnage de Jésus et sur son enseignement, mais chacun avec son empreinte. Sur leur origine, qui demeure obscure, les hypothèses sont multiples. Les trois Évangiles de Matthieu, Marc et Luc – appelés Évangiles synoptiques parce que leur ressemblance permet de les lire sous « un même regard » – se distinguent cependant de l'Évangile de Jean.
L'Évangile de Marc, avec 661 versets, est le plus court de tous. Il ne contient que 30 versets qui lui soient personnels. Celui de Matthieu a presque 1 100 versets (dont 300 lui sont propres). Celui de Luc est formé de 1 150 versets, dont 600 sont absents de tous les autres Évangiles. Les trois suivent une trame identique : la préparation de la mission de Jésus ; le ministère en Galilée ; la montée vers Jérusalem ; la passion ; la résurrection.
Jean eut à sa disposition des documents propres. En dehors de la Passion/Résurrection, où il suit la même trame que les autres évangélistes, il fait œuvre très personnelle à partir de récits connus pour la plupart de lui seul. Clément d'Alexandrie désigne son Évangile comme « spirituel » par opposition aux trois autres, déclarés « matériels ». Cependant, la prétention historique n'y est pas complètement absente. La critique actuelle admet de plus en plus que Jean est bien informé, qu'il connaît la géographie de la Palestine, et qu'il dispose, pour ce qui concerne les séjours de Jésus en Judée, de renseignements de première main. Mais le Jésus qu'il met en scène est un Jésus glorieux, maître des événements et des personnages, conduisant son destin avec la liberté souveraine d'un seigneur. Entre le Jésus aux accents très humains de Marc et le Christ glorieux de Jean, on mesure l'écart entre deux christologies. On peut voir là l'effet de la relecture créatrice de l'évangéliste voulant offrir à sa communauté une référence fondatrice.
Créations uniques dans leur genre, les Évangiles ne sont pas des documents d'histoire à proprement parler. Nés de la foi des disciples en la résurrection de leur maître, ils contiennent d'authentiques souvenirs de Jésus, mais sélectionnés et décrits pour répondre aux besoins des communautés chrétiennes, en particulier dans le domaine de l'enseignement et de la liturgie. De plus, en écrivain authentique, chaque évangéliste a fait œuvre de création personnelle.
Les Actes des Apôtres
Attribué à l’évangéliste Luc, le livre des Actes des Apôtres prolonge l'histoire de Jésus par celle de l'Église naissante. Il retrace ainsi les origines des communautés chrétiennes de Palestine et d'Asie Mineure, l'activité missionnaire de Pierre et de Paul, les débuts de l'Église chrétienne et l'annonce de l'Évangile aux païens (jusqu'à l'arrivée de Paul à Rome).
Les Épîtres
Sur les 27 livres du Nouveau Testament, 21 sont constitués de lettres (épître vient du grec épistolè, « lettre importante »). Treize lettres ont été rédigées par Paul. La lettre aux Hébreux, dont l'attribution à Paul reste incertaine, est plutôt considérée comme une homélie. Les sept suivantes sont appelées « catholiques » parce qu'elles n'ont pas de destinataires particuliers, mais s'adressent aux chrétiens en général (le grec katholikos signifiant « universel ») : ce sont les lettres de Pierre, Jacques, Jean et Jude. L'ordre de présentation dans la Bible se fait en fonction de la longueur : la plus longue, la lettre aux Romains, ouvre les épîtres ; la lettre à Philémon, plus courte, clôt l'ensemble des lettres de Paul ; vient ensuite la lettre aux Hébreux, suivie des lettres catholiques.
On connaît surtout les treize lettres de Paul, qui constituent un véritable traité théologique, même si tout son enseignement n'est pas entièrement exposé. Paul, passé du judaïsme au christianisme à la suite d'une expérience spirituelle survenue sur la route de Jérusalem à Damas, a joué un rôle décisif dans l'expansion de la religion nouvelle. De 52 à 67, c'est-à-dire durant les quinze ans qui séparent sa première lettre et son martyre à Rome, Paul multiplie ses écrits, dont seulement une partie a été conservée. En dehors de la Lettre à Philémon, aucune ne ressemble aux lettres privées que l'Antiquité romaine a léguées à la postérité par milliers. Il est possible que les trois dernières lettres, dites « pastorales » (les deux Lettres à Timothée et celle à Tite), soient des pseudépigraphes. Les lettres de Paul sont plutôt des prédications qui s'adressent à des cercles assez larges et abordent des sujets de doctrine et de morale chrétiennes. Pour la plupart, elles sont écrites à des Églises particulières (Églises de Rome, de Galatie, de Corinthe, etc.). Mais cette correspondance privée est très vite devenue une référence pour l'Église tout entière.
Le Livre de l’Apocalypse
L'Apocalypse est le dernier livre du Nouveau Testament. Il a sans doute été écrit par saint Jean l'Évangéliste – vers 95, lors de son exil sur l'île de Patmos pendant la sanglante persécution ordonnée par Domitien – pour ranimer la foi des chrétiens d'Asie, terrifiés par les massacres dont ils faisaient l'objet. Ce livre d'interprétation ésotérique a eu une influence considérable sur l'art du Moyen Âge ; l'Apocalypse a souvent été figurée sur les tympans des églises.
Les Apocryphes
Les Apocryphes, écrits dès le ier s., imitent les Écritures saintes. Ils sont nés de la piété populaire désireuse d'en savoir plus sur la vie et l'entourage du Christ (cycle de l'enfance du Christ) mais aussi sur les apôtres. Ils ont été composés dans un but d'édification. Leur authenticité ayant été mise en doute, l'Église les a rejetés. Le canon catholique inclut certains livres, appelés deutérocanoniques (livre de la Sagesse ou livres des Maccabées) que rejette le canon protestant.
Les manuscrits de la Bible
Alors qu'on a recensé au total environ 15 000 variantes dans les manuscrits de l'Ancien Testament, il en existe plus de 50 000 pour le Nouveau. Deux raisons expliquent cette différence : la fidélité des scribes hébreux dans leur transmission du texte, et le nombre limité des manuscrits pour la Bible hébraïque. Pour la Bible hébraïque, il existe des témoins antérieurs au ier s. avant J.-C., et pour le Nouveau Testament, des copies du iie s. après J.-C.
Les découvertes, au xxe s., des manuscrits de la mer Morte ont permis de mettre au jour des textes bibliques antérieurs à l'ère chrétienne. Le document le plus impressionnant est un rouleau complet d'Isaïe, daté du ier s. avant J.-C.
Outre les quelque 8 000 copies de la Vulgate – la traduction latine la plus connue depuis le haut Moyen Âge –, le texte du Nouveau Testament nous est parvenu à travers des papyrus (85 environ), des parchemins anciens appelés « majuscules » (268) et près de 2 800 parchemins plus récents dits « minuscules » (ces noms viennent de l'usage de lettres majuscules ou minuscules) ainsi que 2 193 lectionnaires, destinés à être lus à la messe. La plupart de ces manuscrits ne contiennent que des fragments ; c'est le cas de tous les papyrus. Quelques-uns datent du iie s. après J.-C., le plus ancien étant daté de 120. Parmi les manuscrits, plus de 50 contiennent la totalité du Nouveau Testament. Quatre parchemins majuscules des ive et ve s. contenaient à l'origine toute la Bible grecque. Le plus célèbre est le Vaticanus, à partir duquel la plupart des traductions ont été établies.
Les traductions de la Bible
La Bible complète (Ancien et Nouveau Testament) a été traduite en 310 langues ; le seul Nouveau Testament en 695 langues ; la Bible, sous forme de morceaux choisis, en 902 langues.
Cette pratique de traduire les Écritures saintes est ancienne, puisque dès le iiie s. avant J.-C. les Juifs d'Alexandrie ont pour la première fois osé quitter la langue sacrée pour d'autres univers linguistiques en traduisant la Bible en grec. Au cours du iie s. après J.-C., trois autres traductions grecques de la Bible hébraïque ont été réalisées par des Juifs. Il existe également une traduction de la Bible hébraïque en syriaque. Les chrétiens ont eu tendance à utiliser la version grecque dite des Septante, au point d’en oublier les originaux hébreux. Saint Jérôme, à partir de l'an 389, s’est laissé saisir par « la vérité hébraïque » et a entrepris une traduction latine du texte hébreu. L'ensemble de son travail, appelé Vulgate, s'est imposé comme la référence obligée pour tous les chrétiens d'Occident jusqu'au xvie s., et pour les catholiques jusqu'au xxe s.
Aux xvie et xviie s., les traductions sont surtout le fait des protestants ; entre 1520 et 1525, Luther traduit la Bible en allemand, et en 1611 paraît en anglais la Bible autorisée du roi Jacques. Des pays scandinaves jusqu'à la Hongrie, ces traductions de la Bible ont souvent été la première manifestation d'une littérature nationale. Enfin, il est à noter la première traduction œcuménique de la Bible en français, publiée à partir de 1972 : pour la première fois en France, catholiques et protestants se sont mis d'accord sur une traduction commune, conduite par des équipes mixtes.
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LES GRANDES SÉCHERESSES |
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LES GRANDES SÉCHERESSES
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IRAN - HISTOIRE |
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Iran : histoire
Darios Ier
1. Les migrations et l'arrivée des Aryens (jusqu'au viie siècle avant J.-C.)
1.1. Les Aryens
Vers la fin du IIIer millénaire avant J.-C., l'aridité croissante ruine un certain nombre d'oasis et de cités, puis l'effondrement de la civilisation de l'Indus (xviiie siècle avant J.-C.) amène une diminution du grand commerce dans l'est de l'Iran. Mais la culture iranienne bénéficie des apports des populations caractérisées par leur poterie grise et en qui on voit généralement les Aryens.
Au cours du IIe millénaire avant J.-C., les nouveaux venus progressent du nord-est vers l'ouest de l'Iran, où apparaissent de brillantes cultures régionales qui mêlent la tradition indigène, les techniques de la Mésopotamie et l'apport des aristocraties guerrières venues du nord-est. Les réalisations les plus brillantes sont celles de l'art d'Amlach ou de Marlik (à partir du xive siècle avant J.-C., dans l'actuel Gilan), puis de Hasanlu (en Azerbaïdjan) et du Lorestan. Les maîtres des districts de l'Iran se font bâtir des forteresses et adoptent l'équitation, qui accroît leur puissance guerrière.
1.2. Première mention des Perses et des Mèdes
L'identité de ces conquérants n'est révélée qu'au ixe siècle avant J.-C., lorsque les Assyriens signalent, pour la première fois, les Perses et les Mèdes, qui atteignent alors le rebord occidental du Zagros, au milieu de populations qui vont bientôt adopter les langues des nouveaux venus. Morcelés en petits royaumes, les Mèdes et les Perses subissent la domination ou les exactions de l'Assyrie, de l'Élam ou des Scythes installés dans le Zagros.
2. L'Empire mède (612-550 avant J.-C.)
L'Assyrie, qui a détruit l'Élam (vers 646 avant J.-C.), s'effondre à son tour (612 avant J.-C.) sous les coups de la coalition des Babyloniens et des Mèdes. Le roi de ces derniers, Cyaxare, auteur ou bénéficiaire de l'unification du peuple mède, étend alors son empire à l'ouest, jusqu'à l'Halys, mais nous ne savons rien sur l'étendue de sa domination en Iran.
3. L'Empire perse de la dynastie achéménide (550-330 avant J.-C.)
3.1. Les Achéménides
L'Empire mède tombe intégralement aux mains du roi perse achéménide Cyrus II lorsqu'il vainc et capture le roi des Mèdes, Astyage (vers 550 avant J.-C.). Les Achéménides vont dominer tout l'Iran géographique et déborder même sur l'Asie centrale, où ils trouveront des populations parlant des langues du groupe aryen, les Bactriens et les Sogdiens, qui s'intégreront alors à l'ensemble iranien, les Chorasmiens et les Sakas, qui seront moins marqués par la domination perse.
Darios IerDarios Ier
Cambyse II (530-522 avant J.-C.) s'empare de l'Égypte ; Darios Ier (522-486 avant J.-C.) porte les frontières de l'empire au fleuve Iaxarte (aujourd'hui Syr-Daria), à l'Indus et au Danube.
3.2. Les guerres médiques
Mais les Athéniens l'emportent sur l'armée perse, lors de la première guerre médique (→ Marathon, 490 avant J.-C.) et, dans la seconde guerre médique, l'expédition, dirigée par Xerxès Ier (roi de 486 à 465 avant J.-C.), est vaincue à Salamine (480 avant J.-C.) et à Platées (479 avant J.-C.). Ces défaites marquent les limites de la puissance achéménide, qui ira peu à peu s'amenuisant sous les successeurs de Xerxès Ier.
L'Iran est la partie la plus étendue de l'Empire achéménide et celle qui fournit les meilleures troupes et les cadres de l'administration et de l'armée. Mais à l'est de la Médie et de la Perside (pays perse) il n'y a que des régions pauvres en villes et qui semblent encore ignorer l'écriture.
Pour en savoir plus, voir l'article Achéménides
4. La domination gréco-macédonienne (ive-iie siècle avant J.-C.)
Les satrapies de l'Iran oriental manifestent leur esprit belliqueux lors de l'expédition d'Alexandre qui est arrêté quatre ans (330-327 avant J.-C.) par leur résistance ou leurs révoltes. Mais le conquérant macédonien a l'habileté de faire appel à la noblesse guerrière de l'Iran tout entier pour administrer ces régions et renforcer son armée.
Sa politique est reprise, semble-t-il, par les premiers rois de la dynastie macédonienne des Séleucides, qui, depuis 309 avant J.-C., domine l'Iran : comme Alexandre, ils multiplient les fondations de villes à statut de cité grecque autonome et à décor grec, où la noblesse iranienne vient s'helléniser sans perdre ses qualités guerrières.
Mais la royauté séleucide, dont le domaine s'étire sur 4 000 km d'ouest en est, et qui se préoccupe en priorité de sa façade méditerranéenne, néglige l'Iran, où des dissidences se produisent à partir du iiie siècle avant J.-C. : ainsi en Médie Atropatène (Azerbaïdjan) et en Perside, où des dynasties perses s'appuient sur la religion mazdéenne et le souvenir des Achéménides, dans l'Élymaïde, qui garde une part de la tradition élamite, en Bactriane, où, pour résister aux peuples de la Grande Steppe, des rois grecs constituent un puissant État (vers 239 avant J.-C.).
À la même époque, un peuple scythe, qui prend le nom de Parthes de la Parthiène (ou Parthie, aujourd'hui Khorasan), où il s'installe, y forme, sous la dynastie des Arsacides, un royaume indépendant. Lors de sa grande expédition (212-204 avant J.-C.), le Séleucide Antiochos III doit se contenter de faire reconnaître sa souveraineté par les rois des Parthes et de Bactriane.
5. La domination parthe (iie siècle avant J.-C.-iiie siècle après J.-C.)
Les tentatives des Séleucides pour établir leur souveraineté sur les rois et dynastes locaux ne donnent que des résultats éphémères. Au milieu du iie siècle avant J.-C., l'Arsacide Mithridate Ier met la main sur la majeure partie de l'Iran et transforme la domination de sa horde en un véritable État conçu sur le modèle hellénistique.
Mais dans cet empire, l'hellénisation ne progresse plus guère, l'iranisme reprend le dessus et les principautés locales abondent. Cependant, si les Parthes ont dû abandonner l'extrémité orientale de l'Iran aux Tokhariens, maîtres de la Bactriane et de la vallée de l'Indus, ils ont étendu leur domination à la Mésopotamie, à partir de laquelle ils tenteront plus d'une fois de rééditer l'expansion achéménide vers l'ouest.
L'évolution politique et culturelle n'influe guère sur la civilisation matérielle. Malgré l'importance du commerce qui traverse l'Iran (dès l'époque parthe, au moins, la soie de Chine s'ajoute aux denrées traditionnelles), les villes et les monuments restent, en gros, cantonnés dans l'ouest de l'Iran. Les Séleucides se contentent de changer les noms des cités, et les Parthes placent leurs capitales de préférence en Mésopotamie.
6. L'Iran sassanide (224-651 après J.-C.)
6.1. Des Parthes Arsacides aux Perses Sassanides : une transition en douceur
L'époque sassanideL'époque sassanide
Comme les Achéménides, les Sassanides savent profiter de l'expérience de leurs devanciers, qu'ils n'écartent pas à tout prix des postes de responsabilité. Il n'y a pas rupture avec le passé, ainsi que l'atteste, tout au long du iiie siècle, la présence de la langue parthe, à côté du moyen perse. La grande inscription du roi Narsès (293-302) est encore rédigée dans les deux dialectes, parthe et moyen perse, et les Parthes y sont cités à de multiples reprises en compagnie des Perses. Aussi bien, dans le passage des Parthes Arsacides aux Perses Sassanides, il n'y a pas eu révolution, mais seulement changement de personnalités et de tendances. Le nouveau parti sait profiter d'une conjoncture exceptionnelle : désagrégation de la monarchie résultant de la sécession des satrapies (province gouvernée par un satrape) et de l'insoumission d'une partie de la noblesse, et faiblesse des Romains. Ainsi s'explique le succès des deux premiers Sassanides, Ardachêr (vers 226-241) et Châhpuhr Ier (241-272), dont les noms, au demeurant, sont parthes.
6.2. L'évolution religieuse : la domination du mazdéisme
Cependant, la Perse de cette époque fait partie d'un monde nouveau depuis que s'est étendu le christianisme, en Mésopotamie particulièrement, et que de nouvelles religions voient le jour en Iran, comme le manichéisme, ou y pénètrent, comme le bouddhisme à l'est, en Asie centrale. Il se produit là un fait nouveau, capital pour l'histoire religieuse de l'Iran : ce foisonnement de religions concurrentes et prétendant à l'universalisme conduira le zoroastrisme, ou mazdéisme, à s'organiser en une religion d'État puissante et hiérarchisée, et à se faire le persécuteur de ces religions étrangères. C'est la fin du monde iranien où la cohabitation des croyances était possible.
6.3. L'évolution culturelle : le passage de la tradition orale à la tradition écrite
Mais, au plan de la culture profane, l'Iran demeure toujours perméable aux apports étrangers. En dépit des persécutions religieuses inaugurées par le grand mage Kirdîr et poursuivies officiellement par l'appareil politico-religieux aux ive et ve siècles, on assiste en Iran, dans le domaine des lettres, à un phénomène d'importance majeure qui a pu se produire très probablement vers la fin de l'époque sassanide, aux vie et viie siècles, mais qui se prolongera bien au-delà dans les siècles suivants. Il s'agit du passage de la culture orale à la culture écrite. On sait, en effet, combien les Iraniens de l'Antiquité croyaient à la force des traditions orales. La rareté des documents historiques ou religieux, jusqu'à la fin de la période sassanide, en est la preuve. L'histoire de la Perse antique ne nous est connue qu'à travers les sources étrangères.
Mais, sous la pression des religions à écritures, et par l'effet du brassage des cultures au cœur même de l'Iran sassanide, qu'il s'agisse de la culture gréco-latine, arménienne, chrétienne (syriaque) ou indienne, les Iraniens, au cours d'une lente évolution, ont compris la nécessité de consigner par écrit leurs traditions, religieuses ou profanes. Ainsi la codification des textes sacrés de l'Avesta et la mise par écrit des commentaires en pahlavi ne se sont faites qu'à cette époque tardive, où les grands Khosrô encourageaient les lettres et les arts, voire plus tard. De même, la rédaction des premières épopées (Livre des Rois) en pahlavi, qui seront utilisées dans la littérature persane naissante, ou des recueils sapientiels (andarz), appartient à cette même époque. Cette transformation a conditionné tout l'avenir de la culture persane islamisée.
7. L'Iran arabe et turc
L'histoire des premiers siècles de l'Iran islamique est particulièrement mal connue. L'islam dut être, lentement, imposé par la force et par les contraintes économiques. La conquête systématique de l'Iran est entreprise sous le règne du deuxième calife Umar (634-644). La première révolte réussie est celle d'Abu Muslim du Khorasan.
7.1. Des Omeyyades aux Abbassides
La politique omeyyade (principe dynastique, domination d'une aristocratie arabe, système fiscal écrasant) avait mécontenté les Iraniens et une partie des Arabes. La révolte aboutit, en 750, à la chute des Omeyyades et à l'accession au trône d'Abu al-Abbas, fondateur de la dynastie abbasside.
Au contraire des Omeyyades de Damas, dont l'empire était centré sur d'anciennes provinces byzantines, les Abbassides de Bagdad subiront l'influence de la civilisation sassanide.
Pour en savoir plus, voir l'article Omeyyades
7.2. Des dynasties indépendantes
Mais, bien qu'ils aient régné nominalement cinq siècles sur Bagdad, les Abbassides n'ont dominé l'Iran que peu de temps, car, dès les premiers signes de faiblesse des califes, après la mort d'Harun al-Rachid en 809, des mouvements séparatistes s'y développent. C'est ainsi que dans l'Iran oriental se succèdent des dynasties indigènes pratiquement indépendantes : Tahirides(820-873), Saffarides (863-902), Samanides enfin (874-vers 999), qui, depuis Boukhara, dominent la Médie et dont l'importance est capitale dans l'histoire de la civilisation iranienne. Dans l'Iran occidental, plus proche de Bagdad, les califes conservent une certaine influence sur une mosaïque de dynasties locales, jusqu'à ce qu'au xe siècle la contrée soit unifiée par les Buwayhides (932-1055), qui seront assez puissants en 945 pour imposer leur suzeraineté aux Abbassides.
7.3. L'influence turque
C'est entre le viiie et le xe siècle que les Turcs sont progressivement islamisés, au contact des Iraniens musulmans avec lesquels ils commercent, et dont les dynasties les plus puissantes leur imposent parfois leur tutelle. À partir de la seconde moitié du xe siècle, la situation commence à se retourner : en 962, une tribu turque s'empare du royaume afghan de Ghazni ; elle se développe rapidement à l'est vers l'Inde, ainsi qu'à l'ouest.
Plus au nord, à la même époque, d'autres Turcs, les Seldjoukides, commencent à s'étendre, et bientôt occupent le Khorasan. Ils rejettent les Ghaznévides vers l'Inde en 1040, détruisent l'État buwayhide, entrent à Bagdad, où le calife les accueille en libérateurs (1055), et battent les Byzantins (→ bataille de Mantzikert, 1071). Après la débâcle byzantine, les Turcs s'engouffrent dans la brèche, et un nouveau royaume de culture turco-iranienne est fondé en Anatolie (Seldjoukides du sultanat de Rum).
Les croisades et la constitution d'États latins en Orient (→ États latins du Levant) provoquent le reflux, puis le déclin des Seldjoukides au profit des forces centrifuges de leur empire. C'est ainsi qu'au nord-est de l'Iran les Turcs iranisés du Kharezm, aidés par les Mongols Kara Kitay, se révoltent et, finalement, écrasent en 1194 les Seldjoukides, qui sont d'autre part rejetés en Asie Mineure par la dynastie ayyubide fondée par Saladin, et devenue la championne de l'islam contre les Francs.
Pour en savoir plus, voir l'article Seldjoukides.
8. L'Iran sous l'occupation des Mongols
8.1. Les Ilkhans
Au début du xiiie siècle, les Mongols de Gengis Khan, ayant écrasé les Kara Kitay, puis le Kharezm à la suite de l'assassinat des 450 marchands qu'il avait envoyés dans ce pays, occupent l'Iran à partir de 1220, détruisent le califat de Bagdad en 1258, mais sont arrêtés deux ans plus tard par les nouveaux sultans mamelouks d'Égypte.
Après la mort de Gengis Khan (1227), la partie centre-occidentale de son empire, de l'Amou-Daria et de l'Afghanistan à la Mésopotamie et à l'Asie Mineure, revient à Hulagu et à ses descendants (1251, en fait 1256-1258 à 1335), les Ilkhans.
Bien que convertie à l'islam à la fin du xiiie siècle, la dynastie des Ilkhans demeure plus subie qu'acceptée ; par ailleurs leur domination a de graves conséquences sociales et économiques : anéantissant villes et villages, ils accélèrent le processus de nomadisation, déjà amorcé depuis l'arrivée des Turcs, et portent ainsi un coup mortel à l'agriculture ; leurs rivalités avec les autres branches des descendants de Gengis Khan et bientôt leurs morcellements les affaiblissent au xive siècle. Le seul État solide est alors celui des Djalayirides, qui tiennent l'Iraq et le sud-ouest de la Perse, tandis qu'une dynastie indigène, celle des Mozaffarides, se rend indépendante au sud du pays.
8.2. Les Timurides et la « Renaissance timuride »
C'est alors qu'apparaît Timur Lang (Tamerlan). En quarante-cinq ans, de 1360 à 1405, il constitue, par la terreur, avec ses hordes turco-mongoles, un immense empire dont le centre est Samarkand, et qui ne lui survivra guère. Refoulés à l'ouest, une dizaine d'années après sa mort, les Timurides ne se maintiendront, en fait, que sur le centre et le nord de l'Iran, tandis que dans l'est diverses tribus luttent d'influence pour dominer l'ensemble du pays.
Si les Turco-Mongols, et spécialement les Timurides, n'ont jamais su bâtir en Perse un État relativement durable, ils ont joué un grand rôle dans l'élaboration d'une civilisation perse musulmane originale par rapport au reste de l'islam en matière littéraire (usage exclusif de la langue nationale dans la documentation) et surtout en matière d'art, par l'introduction de techniques et de thèmes extrême-orientaux. C'est ainsi que l'ornementation et l'enluminure s'ouvrent à un délicat art animalier et à mille représentations de la nature, sans équivalents dans le monde du Coran.
9. Les Séfévides
L'État séfévideL'État séfévide
Après la mort de Timur Lang, les tribus turkmènes de l'Azerbaïdjan et de l'Anatolie s'affranchissent du joug timuride et fondent, dès la première moitié du xve siècle, la confédération des Karakoyunlu (« Mouton noir »). Mais, au milieu du xve siècle, Uzun Hasan, chef de la confédération rivale des Akkoyunlu (« Mouton Blanc ») [au nord du lac de Van], supplante le Mouton Noir (1468), impose sa domination à la Perse occidentale, sa sujétion à la Géorgie, et noue des relations avec les Italiens en mer Noire. Il est cependant battu par les Ottomans, qu'il menaçait, et ne peut résister à la montée rapide des Séfévides.
9.1. L'affirmation du chiisme
Depuis le xive siècle, la région d'Ardabil, en Azerbaïdjan, était soumise à des descendants du calife Ali, les Séfévides. À la fin du xve siècle, un de ceux-ci, le chah Ismaïl, élimine les Akkoyunlu, prend le titre de chah de Perse (1501) et constitue un vaste empire, s'étendant, vers 1510, de l'Iraq au Khorasan et de Bakou au golfe Persique, et dont la prospérité est grande (commerce de Tabriz, armes de Chiraz). Comme les Sassanides 1 250 ans avant lui, il s'appuie sur un véritable nationalisme iranien ; ne disposant pas, comme eux, d'une religion spécifiquement perse, il fait du chiisme la religion nationale.
9.2. Le péril ottoman
Mais la prospérité de la Perse, le caractère hérétique de sa religion incitent les Ottomans à attaquer les Séfévides, menacés d'autre part sur leur frontière du Nord-Ouest par les émirats turcomans. Vainqueur à Tchaldiran, Selim Ier enlève le Kurdistan (1514) au chah Ismaïl, qui s'empare, en revanche, de la Géorgie, peu avant sa mort en 1524. Sous son successeur, Tahmasp Ier (1524-1576), la lutte se poursuit dans un cadre élargi à la scène internationale, car les Habsbourg, aussi menacés que les Perses par le péril ottoman (défaite de Mohács, 1526), cherchent à prendre les Turcs à revers pour échapper à l'étreinte franco-turque, conséquence du rapprochement entre François Ier et Soliman le Magnifique. Ce dernier réussit d'ailleurs à s'emparer de la Mésopotamie (Bagdad, 1534), dont Tahmasp reconnaît la perte (paix d'Amasya, 1555) ; la Géorgie et l'Azerbaïdjan, berceau des Séfévides, sont à leur tour occupés par les Turcs. La Perse est désormais cantonnée sur le plateau iranien, sauf période exceptionnelle et de peu de durée.
9.3. Abbas Ier et l'apogée de la Perse séfévide
Ispahan, la Mosquée royale
Ispahan, la Mosquée royale
Ispahan, la Mosquée royaleMausolée dans les environs de Kerman
L'apogée de la Perse séfévide se situe pourtant au début du xviie siècle sous Abbas Ier (1587-1629). Après quelques revers initiaux, ce dernier renonce temporairement à lutter contre les Ottomans (traité de Constantinople, 1590), puis s'étend au nord-est, rejetant les Ouzbeks au-delà de l'Amou-Daria (1598) ; enfin, il va même jusqu'aux îles du golfe Persique. Il réorganise son armée avec l'aide de deux Anglais, Anthony et Robert Sherley, et y instaure un corps de renégats, à l'exemple des janissaires chez les Turcs. Il passe alors à la contre-offensive (1620-1621), prend Kandahar à l'est, et chasse les Portugais d'Ormuz au sud. Il s'attaque ensuite aux Ottomans et reconquiert l'Iraq avec Bagdad (1623-1624), mais pour peu de temps, car, dès 1638, le sultan Murad IV récupère définitivement la Mésopotamie.
Partout, Abbas Ier restaure l'ordre, reconstruit les ouvrages d'art, rétablit la sécurité sur les routes et réorganise les caravansérails aux étapes. Sédentarisant la dynastie, il est à l'origine de la splendeur d'Ispahan, dont il fait sa capitale.
9.4. Le déclin
La médiocrité de ses successeurs, Safi (1629-1642) et Abbas II (1642-1667), entraîne le déclin politique de l'Empire. Ceux-ci s'épuisent en vain en luttes stériles contre l'empire rénové des Köprülü, dans l'espoir de reprendre pied en Mésopotamie ou de s'étendre dans le Caucase. À l'autre extrémité de l'Iran, ils résistent difficilement aux entreprises des Afghans sunnites. Ces derniers progressent de façon décisive au début du xviiie siècle. L'émir Mir Mahmud de Kandahar, attaquant l'Empire séfévide dès 1709, s'empare d'Ispahan (1722) et prend le titre royal, mettant fin, en fait, à la dynastie séfévide.
10. Nader Chah, les Zends
La domination afghane sur la Perse ne dure guère. Un chef de bande des confins du Khorasan, Nader, occupe tout le Khorasan, s'empare de la Perse et, entrant à Ispahan, affecte d'y rétablir Tahmasp II (1730-1731), avant de déposer, en 1736, le dernier Séfévide, Abbas III (1732-1736), et de prendre la couronne pour lui, devenant ainsi Nader Chah (ou Nadir Chah) [1736-1747].
Les conquêtes de Nader Chah sont foudroyantes ; en quelques années, il récupère sur les Ottomans toute la Mésopotamie, l'Azerbaïdjan (1738) et l'Arménie. Au nord, il reprend aux Russes les provinces caspiennes, dont ils s'étaient emparés à la faveur de l'invasion afghane. À l'est, il soumet les Afghans (1738), après les avoir refoulés chez eux. Victorieux à Panipat (mars 1738), il pénètre en Inde, qu'il parcourt jusqu'à Delhi, rançonnant le Grand Moghol, et rapportant son trône en Perse sans annexer son empire. Il envahit alors le Turkestan et fait du khan de Boukhara un vassal. Mais il est assassiné (1747), et son État ne lui survivra pas.
Son neveu, Adel Chah (ou Adil Chah), perd l'Afghanistan, et son petit-fils, Chah Rokh, n'est plus que l'un des nombreux dynastes d'origines ethniques variées se disputant le territoire perse : descendants de Nader Chah dans le Khorasan, Turcs aux confins caucasiens, chefs de tribu iraniens dans le Lorestan et le Fars. L'un de ces derniers, Karem Khan (1750-1779), de la tribu zend, rétablit quelque temps l'unité de la majeure partie de l'Empire perse, de la Caspienne au golfe Persique. Il ne prend pourtant pas le titre de chah, mais celui, plus modeste, de wakil (régent). Bien que maître d'Ispahan, Karem Khan fixe sa capitale à Chiraz. Après lui, les Zends perdent toute puissance en quelques années.
11. Les Qadjars (1794-1925)
11.1. Agha Mohammad Chah et la fin de la puissance perse
L'un des chefs des Qadjars, tribu turco-mongole iranisée, Agha Mohammad Chah, les unifie et fonde la dynastie du même nom, qui subsistera jusqu'en 1925. Il fait de Téhéran sa capitale (1786) et se fait proclamer chah (1796). Vainqueur des Zends (1794), il s'empare d'Ispahan et de Chiraz (1795) ; en quelques mois, il ravage la Géorgie – coupable de soumission à Catherine IIde Russie – et conquiert le Khorasan, dont il élimine les successeurs de Nader.
Contre-attaqué par les Russes, il est assassiné alors qu'il se portait à leur rencontre (1797). Cet événement marque la fin de la puissance perse ; le pays va désormais être livré aux ambitions et aux convoitises rivales des Européens, notamment des Russes et des Anglais, dont le représentant, Malcolm, obtient pour son pays la liberté de commercer le long des côtes de Perse (1801). La rivalité des deux puissances préservera d'ailleurs le pays de la conquête coloniale, mais non de la dépendance politique et économique, jusqu'au xxe siècle.
11.2. Babisme, béhaïsme
En fait, la Perse qadjar, au xixe siècle, est un État en régression, où, à quelques exceptions près, les souverains ne jouent qu'un rôle sans grandeur, en face de l'aristocratie quasi féodale des seigneurs ruraux et de la classe sacerdotale des mollahs.
Les abus de ces derniers et le ritualisme formaliste qu'ils tendent à donner à l'islam favorisent, sous le règne de Mohammad Chah (1834-1848), les progrès rapides du babisme, que prêche le Bab à partir de 1843. Sa prédication appelle une religion épurée, dont les implications sociales, notamment une libération égalitaire de la femme, inquiètent vite les musulmans stricts. Aussi ses disciples, insurgés contre le jeune chah Naser al-Din (1848-1896), sont-ils écrasés et fusillés (1850). Le babisme n'en continue pas moins à s'étendre jusqu'à la répression de 1852.
Les survivants sont alors déportés en Mésopotamie ottomane, où leur prosélytisme reprend sous la forme neuve du bahaïsme : un nouveau prophète, disciple du précédent, Mirza Husayn Ali Nuri, dit Baha Allah, élabore en effet une nouvelle doctrine syncrétiste, se réclamant « des deux Testaments et des deux Corans », appelant en particulier à une sorte de pacifisme fraternel universel.
11.3. La pénétration européenne
Par ailleurs, l'histoire de l'Iran est dominée, au cours du xixe siècle, par le problème de la pénétration européenne. Sous le règne de Fath Ali Chah (1797-1834), la Russie se fera céder, après deux guerres (1804-1813 et 1826-1828), Bakou, le Daguestan, la Géorgie (1813) et l'Arménie (1828). L'Iran a fait appel à l'intervention de la France napoléonienne, qui prend le pays sous sa protection (accord du 4 mai 1807). Cependant, face à la Russie menaçante, l'Iran se rapproche de l'Angleterre, dont le représentant, Malcolm, revient à Téhéran (1808), fait fermer le pays aux Français (1809), mais garantit son intégrité contre la Russie (1809). L'Angleterre s'installe ainsi dans le golfe Persique et commence à regarder vers l'Afghanistan.
À plusieurs reprises, l'Iran tente d'exploiter l'affaiblissement de ce dernier pays pour s'y réimplanter ; chaque fois, notamment en 1837 et en 1856 (prise de Harat par les Perses), l'Angleterre l'arrête. Mais la Russie, à son tour, s'oppose aux entreprises anglaises. C'est ainsi qu'est signé l'accord de 1844, dit « de désintéressement », entre les deux puissances. En 1856, la Russie est paralysée par sa défaite de Crimée, et l'Iran de Naser al-Din(ou Nasir al-Din) se tourne de nouveau, à partir de 1860, vers la France pour contrebalancer l'influence britannique.
La rivalité anglo-russe s'exaspère à la fin du siècle, au fur et à mesure que s'étendent la domination des Anglais sur le nord-ouest de l'Inde et le Baloutchistan (1876), et celle des Russes sur le Turkestan (entre 1860 et 1884). La solution n'est trouvée que sous le règne de Mozaffar al-Din (ou Muzaffar al-Din) [1896-1907], dans le cadre de l'Entente cordiale franco-anglaise, qui nécessite un rapprochement anglo-russe : l'accord colonial du 31 août 1907 délimite les frontières de l'Iran et partage le pays en deux zones d'influence (Nord-Ouest aux Russes, Sud-Est aux Anglais) et une zone neutre centrale et occidentale.
À l'intérieur, Mozaffar al-Din a dû instituer, à la fin de son règne, un nouveau régime constitutionnel afin de satisfaire une opposition nationaliste mécontente de la pénétration étrangère, de l'arbitraire monarchique et de la corruption des fonctionnaires qui ruinent le pays. La politique absolutiste de son successeur, Mohammad Ali (1907-1909), provoque une révolution nationaliste qui contraint le roi à l'exil. Un enfant de 11 ans, Ahmad, lui succède, qui ne peut stopper l'invasion économique étrangère, britannique et russe surtout.
12. Les Pahlavis (1925-1979)
12.1. Reza Chah Pahlavi
Le créateur de la dynastie qui succède aux Qadjars est Reza Khan, chef d'un régiment de cosaques, qui, en se révoltant le 21 février 1921, impose d'abord un nouveau gouvernement, puis un nouveau régime en 1925 et se fait finalement couronner le 25 avril 1926 sous le nom de Reza Chah Pahlavi.
Sous son impulsion autoritaire, l'unité du pays est consolidée – la population est sédentarisée par la force –, des réformes sont entreprises grâce à l'augmentation des profits pétroliers, négociée en 1933 avec l'Anglo-Iranian Oil Company. Reza Chah choisit de donner une orientation pro-allemande à sa politique étrangère, mais, en 1941, l'URSS et la Grande-Bretagne occupant l'Iran, le chah est contraint d'abdiquer au profit de son fils, Mohammad Reza. L'influence russe et anglaise rappelle de fâcheux précédents historiques et suscite des troubles en 1945-1946, notamment au Kurdistan.
12.2. Mohammad Reza : nationalisme et occidentalisation
Mohammad RezaMohammad Reza
La renaissance d'un courant nationaliste est concrétisée par la fondation, en 1949, du Front national de Mossadegh (de son vrai nom Mohammad Hedayat), le clergé chiite et le parti Tudeh (communiste, créé en 1941) participant également à ce renouveau national.
En 1951, après l'assassinat du Premier ministre Razmara, Mossadegh est porté au pouvoir. En 1953, la nationalisation de l'industrie pétrolière provoquant des protestations anglaises, le chah démet son Premier ministre, recule un temps face à l'émeute mais, après un bref exil, fait juger et emprisonner Mossadegh, qui ne recouvrera la liberté qu'en 1956. Au terme d'un nouvel accord pétrolier, le consortium des compagnies rétrocède au chah 50 % des droits de la production. Avec la manne ainsi amassée, le souverain lance une politique de modernisation autoritaire et d'occidentalisation forcée, génératrice de bouleversements sociaux et économiques. Ses ambitions régionales, appuyées par une politique ambitieuse d'armement, provoquent l'opposition de ses voisins arabes.
En 1963, la « révolution blanche » – réforme agraire, nationalisation des forêts et des pâturages, vente des usines de l'État, distribution de 20 % des bénéfices aux ouvriers, droit de vote pour les femmes, lutte contre l'analphabétisme, pour l'hygiène et la reconstruction – suscite la colère du Bazar (la bourgeoisie commerçante), du clergé chiite et des grands propriétaires terriens. L'accaparement de la manne pétrolière par une minorité, la corruption, le libéralisme sauvage et l'urbanisation rapide favorisent l'opposition de gauche, rassemblée autour du parti communiste Tudeh, du mouvement des Moudjahidin du peuple (Moudjahidine-e Khalq, MEK, créé en 1965, et des libéraux du Mouvement pour la libération de l'Iran (MLI), créé en 1964 par Mehdi Bazargan.
12.3. L'orientation autoritaire du régime
Le régime se durcit alors : la Savak, police politique créée en 1958, et l'armée deviennent des instruments de gouvernement à part entière. Des révoltes éclatent dans le Fars, un embryon de guérilla urbaine s'installe, l'ayatollah Ruhollah Khomeyni, porte-parole d'un clergé qui se considère de plus en plus comme un contre-pouvoir, est emprisonné puis exilé (1964).
Malgré l'assassinat de son Premier ministre Ali Mansur en 1965, le chah maintient ses orientations. Fort de sa politique pro-américaine, ayant amélioré ses relations avec son ennemi traditionnel irakien (accord de 1967 sur l'exploitation conjointe de ressources en pétrole et en eau), s'étant également rapproché de l'URSS et des pays du Golfe, ayant amélioré ses richesses pétrolières grâce à de nouvelles négociations avec le consortium, le chah fait de l'Iran une puissance régionale. Il est solennellement couronné le 26 octobre 1967 : c'est l'apogée de la dynastie Pahlavi, dans un contexte cependant gros de tensions sociales, économiques – l'inflation est de 25 % – et politiques.
Alors que l'Iran confirme sa puissance dans la région – la frontière avec l'Iraq est modifiée unilatéralement en 1969, trois îlots du golfe Persique sont occupés en 1971 –, sur la scène intérieure, les tensions se multiplient. Des troubles agitent le Kurdistan ; des dirigeants du MEK sont exécutés ; en mai et en juillet 1972, des grèves et des affrontements opposent la police et les manifestants. Cependant, en 1973, le régime conclut de nouveaux accords encore plus avantageux avec le consortium pétrolier et poursuit, imperturbable, sa politique d'industrialisation et de modernisation, tandis que l'audience des religieux s'accroît.
Sourd à la contestation, le chah instaure, en mars 1975, un régime de parti unique, dit de la Résurrection nationale, et resserre l'étau politique. Deux ans après, en 1977-1978, l'Iran entre en ébullition. Les trois courants de l'opposition s'unissent : les partis marxistes, autour du Tudeh et des MEK, les libéraux, qui se réclament de l'héritage de Mossadegh, et les religieux, exaltés par les prêches sur cassettes de l'ayatollah Khomeyni, alors exilé en Iraq. Le 7 janvier 1978, c'est un article injurieux publié contre ce dernier qui met le feu aux poudres. Une marche de protestation, sévèrement réprimée, se solde par une centaine de morts. Dès lors, les manifestations, qui réunissent de plus en plus de protestataires, se déroulent rituellement tous les 40 jours, durée du deuil chiite. Parti de province, le mouvement gagne finalement Téhéran. L'ayatollah Khomeyni, expulsé d'Iraq, se réfugie alors en France. Le 8 septembre 1978, la loi martiale est proclamée, mais les manifestations, bien que très sévèrement réprimées, ne cessent pas. Le chah tente de sauver son régime en promettant des réformes et des mesures d'apaisement (libération des prisonniers, levée de la censure, augmentation des salaires). En vain. En novembre, l'émeute est générale, le départ du chah inévitable.
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