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LE CORAIL |
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corail
Avec les anémones de mer auxquelles ils sont apparentés, les coraux font partie des premiers animaux à avoir peuplé les mers. Parmi les centaines d'espèces aux formes multiples qui existent, beaucoup construisent des récifs. Ces petits animaux fragiles, qui ont peu évolué, sont aujourd'hui menacés dans de nombreuses régions du monde.
1. LA VIE DES CORAUX
1.1. D'ÉTERNELS BÂTISSEURS VIVANT SUR LEUR SQUELETTE
Les coraux sont des organismes rudimentaires constitués d'un squelette calcaire, ou polypier, sur lequel pousse la partie vivante, ou polype.
Les coraux solitaires se rencontrent dans toutes les mers du globe et à toutes les profondeurs. Ils restent le plus souvent à l'endroit de leur premier développement, fixés sur un rocher ou sur un fond sableux. Quand ils se déplacent, ils le font très lentement, pour aller s'implanter sur un nouveau fond, plus favorable à leur croissance.
Les coraux coloniaux sont les plus nombreux. Ceux qui ne construisent pas de récifs peuvent vivre, comme les coraux solitaires, sous toutes les latitudes et à des profondeurs variables. En revanche, les coraux récifaux ont besoin, pour se développer, de luminosité et d'une eau pure, bien oxygénée et suffisamment salée, qui soit à température stable (entre 18 et 36 °C). Aussi ne les trouve-t-on que dans les régions tropicales et à faible profondeur (moins de 50 m), là où se fait encore sentir l'influence des marées qui remuent l'eau avec régularité. De façon générale, les coraux ne peuvent supporter l'émersion ; à marée basse, certains sécrètent un abondant mucus pour lutter contre la dessiccation.
À LA RECHERCHE DE LA LUMIÈRE
Le mode de vie des coraux semble rythmé par deux activités principales : se nourrir et construire leur squelette, ou participer à la construction du squelette commun à toute la colonie. Cette armature semble leur servir de moyen pour s'élever vers la surface, à la recherche de la lumière.
La plupart des espèces solitaires n'ont pas un squelette très important. En revanche, les coraux récifaux ont une armature qui s'élève très haut et s'étale largement, nécessitant de solides points d'ancrage tels les rochers.
LES RÉCIFS
Après avoir sécrété les premiers éléments de son squelette, chaque polype émet des bourgeons qui deviennent d'autres polypes. Par bourgeonnements successifs, la colonie grandit en hauteur et en largeur. L'accumulation de colonies serrées crée, dans certains cas, un biotope particulier, le récif corallien. On en distingue quatre types : le récif frangeant, qui borde la côte ; le récif-barrière, au large mais parallèle au rivage ; le récif plate-forme (ou banc récifal), entouré par des eaux de profondeur constante ; l'atoll, en anneau autour d'un lagon.
1.2. DES ALGUES SYMBIOTIQUES ET DU POISON
Les coraux présentent deux modes de nutrition distincts, qui ne sont pas utilisés dans la même mesure par les coraux bâtisseurs de récifs et par les coraux solitaires ou coloniaux non récifaux de profondeur.
Les coraux récifaux renferment dans leurs tissus des algues vertes qui vivent en étroite relation (symbiose) avec eux. Ces algues, les zooxanthelles, ont besoin, comme tous les végétaux, de la lumière solaire pour transformer ce qu'elles absorbent (photosynthèse). Elles doivent donc toujours être proches de la surface, ce qui explique que les coraux récifaux vivent à moins de 50 m sous la surface. Au cours de la photosynthèse, les algues éliminent des éléments nutritifs, qui sont absorbés au fur et à mesure par les tissus environnants du corail. De son côté, celui-ci produit également des déchets qui sont utilisés par les algues. L'union entre les partenaires est si performante que le corail récifal peut se passer, la plupart du temps, de nourriture extérieure. Pourtant, il dispose également du même système d'alimentation que les coraux non récifaux.
Ceux-ci ne bénéficient généralement pas d'une luminosité suffisante pour entretenir dans leurs tissus des algues symbiotiques. Ils se nourrissent donc de petites proies : larves de crustacés, œufs de poissons… tous éléments du zooplancton. Pour les capturer, ils déploient leur couronne de tentacules. Ceux-ci sont tapissés de milliers de cellules venimeuses (les cnidoblastes), qui paralysent les minuscules proies lorsqu'elles entrent en contact avec elles. Les proies sont ensuite conduites vers l'orifice buccal, soit par repliement des tentacules, soit par l'ondulation d'une série de cils vibratiles situés sur les tentacules, qui se relaient de proche en proche pour faire en quelque sorte office de tapis transporteur. La digestion s'effectue dans la cavité gastrique de l'animal.
LES CELLULES URTICANTES
Les cellules urticantes
Les cnidoblastes (cellules urticantes) sont situés sur les tentacules. Chacun ne sert qu'une fois, mais son renouvellement est assuré. À sa surface, un cil (cnidocil) a pour fonction de détecter les proies. La cellule est pourvue d'une vésicule emplie de venin, dans laquelle baigne un filament creux enroulé en spirale, hérissé d'épines et supporté par une hampe elle aussi épineuse. Lorsque le cnidocil perçoit une proie, la vésicule se contracte. Sa paroi cède, libérant le filament à la manière d'un harpon. Les épines s'ancrent dans la proie et le venin, évacué par les pores du filament, la paralyse.
1.3. NAISSANCES DE NUIT, PAR MILLIERS
La reproduction sexuée existe chez tous les coraux. Sur un récif ou dans une colonie non récifale, une espèce de corail peut posséder des polypes mâles et des polypes femelles vivant côte à côte. Certaines espèces solitaires ou coloniales ont des polypes hermaphrodites. Les cellules sexuelles mâles et femelles sont alors mélangées ou séparées à l'intérieur de la cavité du corail. Enfin, chez d'autres formes de coraux (à sexes séparés), chaque polype est soit mâle, soit femelle. Ces coraux, moins nombreux, sont solitaires pour la plupart.
Seuls les coraux coloniaux, récifaux ou non, possèdent aussi une autre forme de reproduction, sans fécondation : la reproduction asexuée, très liée aux bonnes conditions de vie du corail. En bourgeonnant, les polypes font croître et se multiplier les coraux.
LA PLANULATION
Lorsque les cellules sexuelles sont « mûres », la fécondation se produit à l'intérieur de la cavité centrale de chaque polype. Si l'espèce vit en symbiose avec des algues, ces dernières pénètrent dans l'œuf aussitôt après la fécondation. L'embryon qui se développe devient une larve appelée planula.
On appelle planulation l'expulsion dans la mer des jeunes larves, par la bouche des polypes ou, plus rarement, par des pores provisoires situés à l'extrémité des tentacules. Sur les récifs coralliens, la planulation est fréquemment liée aux phases de la lune, bien que cela ne soit ni général ni systématique. La libération des planulas par presque tous les coraux d'un récif, au même moment, est un phénomène spectaculaire qu'il est difficile d'observer. Chez les coraux solitaires et les espèces coloniales non récifales, la planulation semble moins liée aux phases de la Lune.
Une fois libre, la planula flotte de quelques heures à un an, si elle est transportée en haute mer par les courants. Puis elle se fixe sur un support et commence son développement de corail.
LA REPRODUCTION ASEXUÉE
La reproduction asexuée
Le jeune corail nouvellement fixé est appelé « oozoïte ». Il peut donner naissance à des individus qui vont se séparer de lui par scissiparité (très rare) ou bourgeonnement. Ces nouveaux polypes, qui restent attachés au corail, apparaissent à l'intérieur des tentacules du polype fondateur, ou à l'extérieur, sur son tissu externe. Le bourgeonnement apparaît au bout de 1 semaine à 4 mois.
En cas de bourgeonnement interne, il se produit un repli dans la cavité centrale du polype, et deux ou plusieurs « bouches » apparaissent, garnies de tentacules. En cas de bourgeonnement extra-tentaculaire, le tissu extérieur du polype mère développe un petit diverticule à partir duquel croît le nouveau polype.
1.4. MILIEU NATUREL ET ÉCOLOGIE
Les coraux peuplent toutes les mers du globe : la limite extrême de leur répartition se situe au large des cercles polaires. L'aspect du corail n'est pas fixe, il se modifie selon les qualités du milieu où il vit et selon la profondeur, les coraux non constructeurs de récifs étant souvent moins dépendants de la lumière pour leur survie.
TRIBUTAIRES DE LEURS ALGUES
Les coraux récifaux vivent en colonies et participent à la construction de récifs parfois très anciens, puisque les nouveaux individus poussent à partir de leurs parents. Ces coraux « hermatypiques » recherchent la lumière à cause de la présence dans leurs tissus d'algues symbiotiques photosynthétiques, les zooxanthelles. Dans l'obscurité, la plupart des coraux perdent leurs algues et ne peuvent donc plus croître. Ils meurent si ces conditions persistent. En effet, le gaz carbonique issu du métabolisme des algues leur est nécessaire pour construire leur squelette composé de carbonate de calcium CaCO3.
Toutefois, certains genres s'adaptent à une baisse de luminosité sur le récif en modifiant la forme de leur polypier.
La variété des formes diminue et les coraux développent des aspects tabulaires, en feuilles ou encore en formes branchues à structure légère, pour offrir la plus grande surface possible à la lumière et la capter au maximum.
Il existe pourtant quelques genres de coraux récifaux qui recherchent les zones faiblement éclairées, ce sont ceux qui vivent sur les parties les plus profondes du récif.
Les mouvements de l'eau de mer sont un facteur important. Ils doivent être suffisants pour assurer l'apport de nourriture, l'oxygénation, l'élimination des déchets, mais ne pas être trop violents pour ne pas gêner la croissance de la colonie. Les formes à branches grêles ne peuvent vivre dans une eau trop battue. De plus, une exposition trop prolongée à l'air libre provoque la mort des coraux. Là encore, les formes massives semblent les plus résistantes.
Généralement, les coraux hermatypiques vivent près de la surface, entre 18 et 36 °C selon les espèces, et supportent mal les variations. Il existe de rares exceptions : en Caroline du Nord, sous 20 à 40 m d'eau, deux espèces supportent 10,6 °C pendant le mois le plus froid, et la population corallienne de certains petits récifs du golfe Persique, uniquement représentée par Porites, résiste à 40 °C. Certains coraux s'accommodent même d'une profondeur allant de 300 à 500 m, mais leur aspect s'en trouve modifié.
UNE EAU PROPRE ET SUFFISAMMENT SALÉE
Les coraux hermatypiques supportent des taux de salinité variant généralement entre 28 et 40 ‰, la plupart acceptant un taux de 34 à 36 ‰. En Floride, ce taux diffère selon les espèces ; ainsi, Porites accepte 33 ‰ et Siderastraea, 21 ‰. Le long des côtes d'Arabie et dans le golfe d'Aqaba, deux espèces vivent avec une salinité de 48 ‰. Au-dessous de 17 ‰ et au-dessus de 54 ‰, aucune espèce ne résiste plus de 24 heures.
Le taux de sédiments en suspension dans l'eau est un facteur limitant la vie du corail. Ainsi, dans les mers tropicales, certaines régions, où l'eau est trop trouble, sont dépourvues de récifs, comme la côte indienne et la côte de Panamá. Une faible quantité de sédiments peut être repoussée par l'action des cils vibratiles de chaque polype. Mais des bouleversements trop importants, comme un apport boueux dû à un cyclone ou à un dragage, causent de graves préjudices à une communauté récifale et entraînent la mort de nombreuses espèces. Quelques genres résistent à la turbidité de l'eau, tels Porites et Fungia, mais d'autres, comme Acropora, sont au contraire très vulnérables.
LES CORAUX PLUS INDÉPENDANTS
Les coraux qui ne construisent pas de récifs (ahermatypiques) s'adaptent généralement à tous les milieux marins, encore qu'ils semblent, pour la plupart, ne pas supporter de températures trop basses, non plus que de trop grandes variations au cours de l'année. Certains, beaucoup plus résistants, vivent à toutes les profondeurs. Ainsi, Fungia cyathus peut vivre entre 60 et 6 000 m et supporte des températures allant de 0,5 °C à 26,5 °C, et Desmophyllum cristagalli vit entre 20 et 2 500 mètres.
Très répandus dans les eaux tropicales, les coraux coloniaux non constructeurs de récifs sont plus rares au fur et à mesure qu'on se rapproche des pôles, et la profondeur qu'ils supportent diminue. Mais la taille de leurs colonies croît jusqu'à former des bancs, compensant ainsi la raréfaction des espèces.
Dans les eaux tropicales, deux types de coraux non constructeurs de récifs peuvent cohabiter : certains côtoient à faible profondeur des espèces constructrices (hermatypiques) dans des récifs existants, comme Fungia, Oculina, Dendrophyllia, et d'autres, plus largement répandus, prospèrent en eau plus profonde.
La plupart des coraux ahermatypiques fuient la lumière. Dans les zones trop éclairées, ils se réfugient au plafond des grottes et sur les surplombs. Seules certaines espèces méditerranéennes vivent aussi bien à la lumière que dans l'obscurité. La forme des colonies peut varier, les mouvements de l'eau et la nature du fond marin contrôlant en partie le développement et la morphologie du polypier.
LA COMPÉTITION POUR L'ESPACE
Certains crabes, algues et bivalves s'associent avec les coraux, forant des loges dans leurs hôtes sans les léser. Mais, le plus souvent, les coraux sont attaqués par toutes sortes d'animaux qui vivent sur les récifs : mollusques, oursins, mais aussi éponges ou bien encore, dans les Caraïbes, des anémones de mer qui s'approchent du corail et, avec leurs tentacules, détruisent leur partie vivante pour occuper la place.
Les poissons-perroquets qui broient le squelette du corail et les poissons-coffres qui l'arrachent avec leurs dents sont ses pires ennemis, avec l'étoile de mer Acanthaster planci qui, vorace, se nourrit de polypes, détruisant les récifs. Elles font l'objet d'une prédation par les tritons, de gros gastéropodes, mais ceux-ci sont en train de disparaître, parce que trop récoltés par l'homme.
Des organismes vivant dans le récif limitent le développement des coraux, allant jusqu'à les détruire en modifiant leur milieu : ainsi les balanes, qui se fixent sur eux, d'autres gastéropodes, des vers annélides et de petits crustacés, qui les perforent.
Les autres espèces de corail vivant sur le récif ne sont pas les seuls concurrents pour l'occupation de l'espace. Certaines algues, les algues calcaires rouges, ont besoin pour vivre des mêmes conditions que les coraux, et elles les supplantent en zones de fortes turbulences, en particulier sur la crête des récifs exposés à la houle.
Les coraux sont également sujets à de nombreuses maladies, dues à de nombreux micro-organismes (bactéries, virus, protozoaires, etc), auxquelles les coraux sont d'autant plus sensibles que les conditions du milieu sont altérées. Dans ce cas, toutes les espèces de corail vivant sur le récif peuvent être atteintes et des portions entières mourir. Un récif malade montre des bandes de diverses couleurs : blanches (c'est la maladie dite des bandes blanches), noires (maladie des bandes noires), jaunes (maladie des bandes jaunes), etc.
2. ZOOM SUR... LES ACROPORES
2.1. ACROPORES (ACROPORA)
Les formes ancestrales des coraux du genre Acropora sont apparues à l'éocène il y a environ 54 millions d'années. On estime à environ 140 le nombre d'espèces d'Acropora qui existent ; elles vivent en colonies sur presque tous les récifs coralliens, peuplant parfois des champs sous-marins immenses. Comme tous les coraux, Acropora est composé d'un squelette calcaire, le polypier, sur lequel repose la partie vivante, le polype. À la jointure avec le squelette externe, le polype sécrète en permanence du carbonate de calcium qui constitue son squelette ; c'est ainsi qu'il croît en hauteur.
En sectionnant le squelette au niveau d'une ouverture, ou calice, de l'un des individus de la colonie, on trouve à la périphérie l'enveloppe externe, ou muraille, qui entoure une cavité générale divisée en chambres creuses, séparées les unes des autres par des éléments calcaires, les septes. Ces septes, toujours multiples de 6, se rejoignent généralement au centre, tels les rayons d'une bicyclette, pour former la columelle, qui peut être absente. Pour consolider cette structure radiaire composée de compartiments creux, de minces lames transversales, les dissépiments, ou planchers, cloisonnent les chambres, créant en quelque sorte des étages.
La partie vivante du corail, le polype, se compose d'une cavité buccale cylindrique qui ouvre sur l'extérieur par une bouche, entourée et protégée par des tentacules. Ceux-ci portent les cellules urticantes (cnidoblastes) nécessaires à l'animal pour chasser ses proies et des cils servant à son nettoyage.
Les appareils digestif, respiratoire et génital ne sont pas bien différenciés. Tout se passe dans la cavité bucale. Les acropores branchus ont des polypes apicaux qui assurent la croissance en hauteur et des polypes radiaux qui construisent les branches en épaisseur. Sur le récif, les coraux Acropora se développent beaucoup plus vite que leurs voisins d'autres espèces.
La reproduction asexuée, qui consiste en la formation de nouveaux polypes par bourgeonnement extratentaculaire du polype apical, est très répandue chez les acropores.
Ces derniers se nourrissent surtout des produits issus de la photosynthèse des algues symbiotiques (zooxanthelles) qui vivent dans leurs tissus. Ils sont photoautotrophes. Lorsqu'ils absorbent le microzooplancton (les plus petits organismes vivants qui existent dans le zooplancton), abondant sur les récifs la nuit, mais qui migre le jour vers les profondeurs, leurs minuscules polypes de 1 à 2 mm de diamètre sont tous épanouis.
Les coraux Acropora sont hermaphrodites ou ont des sexes séparés. Sur la Grande Barrière de corail australienne, le rejet massif des gamètes des deux sexes dans le milieu marin a lieu une seule fois par an, autour de la cinquième nuit suivant la dernière pleine lune de printemps (un phénomène qui n'a été découvert qu'en 1982).
ACROPORA
Nom
(genre)
: Acropora
Famille : Acroporidés
Ordre : Scléractiniaires
Classe : Anthozoaires
Identification : Souvent à branches ramifiées ou arborescentes, buissonnantes ou tabulaires, rarement encroûtantes ou submassives ; gradient de densité le long des branches
Taille : De quelques centimètres à 2 ou 3 m de haut
Habitat : Sur presque tous les récifs coralliens du globe
Répartition : Mer Rouge, océan indo-pacifique jusqu'aux îles Hawaii et aux îles Marquises à l'est ; aux Antilles et sur les côtes de Floride (États-Unis)
Régime alimentaire : Surtout des produits de la photosynthèse de ses algues, les zooxanthelles (photoautotrophes) ; microzooplancton
Structure sociale : En colonies, sur récifs
Reproduction : Sexuée par rejet massif des gamètes dans l'eau et asexuée par régénération des branches cassées et par bourgeonnement
Maturité sexuelle : Variable en fonction des facteurs du milieu
Saison de reproduction : Sexuée, par une nuit de pleine lune, 1 à 2 fois par an ; asexuée, toute l'année ; croissance : de 2 à 10 cm par an
Nombre de larves : Des milliers, appelées planulas
Longévité : Non déterminée ; larve : de quelques heures à quelques mois
Effectifs, tendances : Genre de corail fragile et particulièrement sensible à la pollution ; parfois localement décimé
Statut, protection : Non protégé en dehors des parcs et réserves
Remarque : Acropora cervicornis peut croître de 26 cm par an à la Jamaïque (record)
2.2. SIGNES PARTICULIERS
POLYPE ET POLYPIER
Les tentacules et la cavité buccale (ou cavité gastrique), constituent l'essentiel du polype, ou partie vivante du corail. À l'intérieur de la couronne de tentacules, l'ectoderme est couvert de cils. Sur la partie du polype en contact avec le squelette, ou polypier, une sécrétion alimente ce dernier en calcaire. Le squelette comporte généralement une muraille à la périphérie. Six (ou un multiple de 6) septes rayonnent, formant partiellement des cloisons verticales. Horizontalement, les planchers, ou dissépiments, consolident la structure.
POLYPES RADIAUX
Ils se situent autour de la branche dont ils assurent la croissance en épaisseur. Comme chez les polypes apicaux, seule leur ouverture est visible de l'extérieur. Chacun d'eux peut se transformer en polype apical si nécessaire.
MORPHOSES
Les transformations de la forme des coraux au cours de leur croissance, ou morphoses, sont dues surtout à la nécessité que ces animaux ont de s'adapter aux modifications du milieu. Les coraux du genre Acropora sont parmi ceux qui adoptent les formes les plus variées, la forme initiale étant branchue. Les morphoses les plus courantes sont : tabulaires (attachées au sol ou à la roche par un côté et ayant un pied central) ; arborescentes (branches verticales) ; en corymbe (petites branches courtes, verticales, issues de branches horizontales entrecroisées) ; buissonnantes (branches qui se réunissent selon des angles variés) ; digitées ; massives ; en goupillon (les polypes radiaux prennent l'aspect de petites branches courtes partant dans toutes les directions) ; encroûtantes (adhérant à une surface solide).
POLYPE APICAL
Un par branche. Il intervient dans l'élongation des branches et produit, par bourgeonnement, des polypes latéraux disposés de façon radiale. Les polypes apicaux des branches sans algues symbiotiques (zooxanthelles, blanches ou bleues) croissent plus vite.
3. LES AUTRES ESPÈCES DE CORAUX
Les coraux fréquentent tous les océans, des zones peu profondes aux grands fonds. Cependant, la plupart habitent les eaux chaudes des océans Indien et Pacifique.
La classe des anthozoaires – étymologiquement, « animaux-fleurs » – comporte deux sous-classes : les octocoralliaires et les hexacoralliaires. Les premiers ont 8 septes (ou un multiple de 8) plus ou moins développés ; on trouve dans ce groupe, entre autres, les « coraux mous », les gorgones et les « faux coraux » comme les coraux de feu ou le corail rouge. Les hexacoralliaires, à symétrie bilatérale, ont des polypes dont la cavité centrale est divisée en 6 loges (ou en un multiple de 6). Dans bien des cas, le nombre des loges correspond à celui des tentacules, qui en sont le prolongement. Les séparations, ou septes, sont plus ou moins nettes selon les espèces. Les hexacoralliaires regroupent les anémones de mer et les scléractiniaires, appelés aussi coraux vrais ou coraux durs.
Les coraux vrais, ou durs (ordre des scléractiniaires, 25 familles et environ 800 espèces) se divisent, en fonction de la structure du squelette (peu ou très perforé, compact, poreux), en 5 sous-ordres. Le bord des septes, plus ou moins lisse, est aussi un moyen d'identification.
Les 5 sous-ordres sont les suivants :
3.1. ASTROCOENIINA
3 familles.
Ce sont ceux qui ressemblent le plus aux formes de l'ère primaire.
Identification : coraux coloniaux ; squelette peu développé ; éléments radiaires souvent rudimentaires.
La plus importante famille constructrice de récifs, les acroporidés (genre type : Acropora), fait partie de ce sous-ordre.
Principaux représentants : Acropora, Montipora, Astraepora.
3.2. FUNGIINA
7 familles au total.
Identification : coraux solitaires ou coloniaux, à squelette poreux, et dont les calices sont souvent liés les uns aux autres par leurs septes.
Principaux représentants : la famille des poritidés représente la seconde famille par ordre d'importance pour la construction récifale avec Porites, Goniopora, Alveopora. La famille des fungiidés regroupe des formes solitaires aplaties, inféodées aux milieux récifaux avec Fungia et Cycloseris.
3.3. FAVIINA
9 familles.
Corail type de récif, bien que certaines formes soient solitaires. C'est le plus abondant en individus, bien qu'aucun des genres ne construise de récifs à lui seul.
Identification : formes le plus souvent récifales ; squelette compact bien développé.
Principaux représentants : parmi les formes récifales, Favia, Favites, Diploria, Leptoria, Manicina, Platygyra, Oulophyllia (famille des faviidés), Meandrina et Dendrogyra (famille des méandrinidés), très fréquents sur les récifs de la mer des Caraïbes ; parmi les genres non récifaux, Oculina (famille des oculinidés) est fréquent dans l'Atlantique est et ouest.
3.4. CARYOPHYLLIINA
5 familles.
Identification : formes solitaires pour la plupart, certaines coloniales. Une seule sous-famille récifale. Coraux souvent très petits, à squelette entièrement compact.
Habitat : dans tous les milieux et à toutes les profondeurs. Seules formes que l'on puisse rencontrer sur les côtes françaises.
Principaux représentants : Caryophyllia (famille des caryophylliidés) et Flabellum (famille des flabellidés).
3.5. DENDROPHYLLIINA
1 famille.
Identification : squelette souvent très poreux.
Les dendrophylliidés sont solitaires comme Balanophyllia, Leptopsammia ou coloniaux comme Dendrophyllia. Les éléments radiaires de ces derniers ne sont pas disposés en rayons de roue de bicyclette comme chez les autres coraux, mais souvent par bouquets de 3, s'écartant les uns des autres depuis la muraille vers le centre de la cavité. Entre chaque bouquet, d'autres septes s'intercalent. Partant eux aussi de la muraille vers le centre, ils s'incurvent pour fusionner par leur autre extrémité avec les septes en bouquet de 3. On appelle cette disposition « plan de Pourtalès », du nom du naturaliste (Louis François de Pourtalès, 1824-1880) qui fut le premier à l'avoir décrite en 1860.
4. LES FAUX CORAUX
L'embranchement des cnidaires (ou cœlentérés) comprend, outre les coraux vrais ou durs, de nombreuses formes appelées également coraux dans le langage courant. Ces faux coraux se différencient notamment des coraux vrais par le nombre de leurs septes (8 ou multiples de 8 – ce sont des octocoralliaires –, alors que les coraux vrais en ont 6 – hexacoralliaires).
Ainsi les coraux de feu, comme Millepora, nommés de la sorte parce qu'ils provoquent des brûlures lorsqu'on les touche, qui vivent sur les récifs de l'océan indo-pacifique et de la mer des Antilles, ne ressemblent aux vrais coraux que par leur aspect extérieur. Ils possèdent des polypes spécialisés chacun dans une fonction particulière (alimentation, reproduction...).
Le « corail » rouge (Corallium rubrum) est le premier à avoir été découvert et baptisé corail. Seule espèce du genre Corallium, il se rencontre dans toutes les mers. Comme le « corail » bleu (Heliopora) qui a une répartition exclusivement tropicale, son nom vient de la couleur de son squelette. Le corail noir (ordre des antipathaires, genre type Antipathes), au squelette noir, compte de nombreuses espèces qui vivent surtout dans les récifs. C'est le faux corail le plus proche des coraux vrais et des anémones de mer.
Le groupe des « coraux mous » (ordre des alcyonaires) ne présente pas de squelette rigide, d'où leur nom de mous ; leur structure est maintenue par de simples spicules (petits bâtonnets) calcaires. Leurs couleurs comme leurs formes sont très diversifiées : en forme de champignon (Sarcophyton ou corail cuir), de coupe, de cerveau… Les Alcyon forment des colonies soyeuses appelées « mains de mer » ou « doigts de mort » en raison de leur aspect digitiforme.
Les gorgones (ordre des gorgonaires), qui sont aussi des octocoralliaires, ne ressemblent pas aux coraux. Ce sont des masses arborescentes charnues aux polypes nombreux, dont le squelette est en corne souple et non en calcaire, mais qui contient des particules calcaires.
5. ORIGINE ET ÉVOLUTION DES CORAUX
Il y a environ 800 millions d'années apparaît le règne animal dans l'océan. Dans un milieu favorable, par suite de l'épanouissement des végétaux, la vie animale, 230 millions d'années plus tard, à la fin du précambrien, se diversifie de façon considérable (avant d'exploser littéralement au début du cambrien, il y a environ 545 millions d'années). Les mers, plus chaudes alors, sont peuplées de vers annélides, d'êtres ressemblant à des larves de mollusques, d'arthropodes et surtout de cnidaires (ou cœlentérés), ces animaux qui piquent leurs proies pour les paralyser, tels que les méduses, les hydres ou les coraux. Les fossiles retrouvés dans les terrains calcaires du paléozoïque (ère primaire) attestent l'existence de récifs coralliens à cette époque, en Amérique du Nord, en Russie, en Scandinavie et en Angleterre, notamment.
D'origine fort ancienne, les coraux ont peu évolué au cours des âges. Leurs organes sont disposés symétriquement par rapport à un axe ou à un plan central autour duquel leur corps est lui-même constitué. Fixés par leur squelette au rocher ou posés sur le fond marin, ils sont généralement incapables de se déplacer par leurs propres moyens et déploient autour d'eux leur frange de tentacules.
À l'origine, les coraux primitifs sont le plus souvent solitaires. Très tôt cependant, au cours de l'ère primaire (il y a entre 670 et 250 millions d'années), ils sont de plus en plus nombreux à former des colonies et à construire des récifs. On distingue alors les tabulés, aujourd'hui disparus, des tétracoralliaires. Les coraux durs actuels, qui forment l'ordre des scléractiniaires, apparaissent dès le début de l'ère secondaire. Il est très difficile d'établir le lien entre les coraux du primaire et les scléractiniaires du secondaire (de - 250 à - 65 millions d'années), car les rares vestiges de terrains marins de cette époque charnière de la fin du primaire ont été décapés par l'érosion ou broyés par des mouvements tectoniques.
Au moins 400 genres et 4 000 espèces de coraux peuplaient les mers du tertiaire, mais les glaciations du début du quaternaire et la dégradation générale du climat ont entraîné de nombreuses disparitions. On estime qu'il existe actuellement dans le monde 800 espèces de coraux et environ 200 genres.
6. LES CORAUX ET L'HOMME
Par sa méconnaissance de la fragilité de l'équilibre écologique des récifs coralliens, l'homme a provoqué, depuis le xixe siècle, la dégradation, puis la disparition de nombreux récifs.
6.1. LA PÊCHE SUR LES RÉCIFS EN OCÉANIE
Une foule d'espèces végétales et animales utilisent l'environnement créé par les coraux ; l'homme n'étant que le dernier maillon d'une longue chaîne alimentaire qui commence avec le zooplancton, nourriture des coraux.
L'un des groupes d'animaux récifaux les plus abondants et les plus importants économiquement sont les poissons, nombreux, variés, souvent comestibles. Ils ont donné lieu à l'invention de techniques de pêche spécialisées. Ainsi, les Alifuriens, population de pêcheurs des îles Maldives, emploient les restes de la pêche précédente pour attraper des crabes qu'ils écrasent. Avec cette bouillie, ils appâtent des carrelets, ces grands filets carrés, dans lesquels ils capturent des poissons de petite taille, conservés vivants dans le fond des barques. Ces poissons jetés par poignées sur le banc corallien attirent les bonites que les hommes pèchent avec une ligne munie d'un simple crochet galvanisé.
Sur les bancs de coraux, d'autres pratiquent la pêche avec des harpons de bois, l'eau limpide leur offrant une parfaite visibilité. Dans de nombreuses îles, comme à Wallis-et-Futuna, au nord-est des Fidji, sans les récifs, les populations de pêcheurs seraient privées de ressources alimentaires et leur survie deviendrait impossible.
6.2. DIVERSES UTILISATIONS DU CORAIL
Le corail fait partie intégrante de la vie quotidienne et spirituelle des populations vivant près des récifs et a donné naissance à de nombreux rites. Ainsi, aux îles Samoa, dans la maison du chef, le sol est souvent en corail pilé. On le recouvre ensuite de petits cailloux et de nattes. En Océanie, lors des rites d'initiation, dans les îles de la Société, il faut marcher pieds nus sur des squelettes de corail rougis au feu.
Les pêcheurs plongent et récoltent des colonies de coraux qui sont ensuite vendues brutes ou travaillées en bijoux.
L'arrivée des Occidentaux dans ces régions a transformé l'activité artisanale locale en activité industrielle. Rien n'est négligé pour exploiter à fond les récifs coralliens. Ils sont brisés, à coups d'explosifs notamment, pour alimenter un commerce fort lucratif.
Un débouché beaucoup plus intéressant réside dans l'utilisation chirurgicale du squelette de corail réduit en poudre. Il a en effet été démontré que cette poudre est tout à fait compatible avec les os humains et peut ressouder des os fracturés sans qu'il y ait rejet.
6.3. FLUORESCENCE DES RÉCIFS
Dans la mer Rouge, l'océan Indien et le Pacifique tropical, les récifs couvrent encore aujourd'hui des surfaces considérables.
Émettant en permanence certaines radiations, les coraux de récifs sont visibles dans l'obscurité. Dans les zones les plus superficielles du récif, le corail bloque ainsi les radiations ultraviolettes transformant leur longueur d'onde pour les rendre utilisables par leurs algues symbiotiques. Dans les zones peu éclairées, la fluorescence change les radiations bleues, les seules à subsister en profondeur, en radiations rouges, là aussi pour la photosynthèse.
6.4. LA GRANDE BARRIÈRE DE CORAIL AUSTRALIENNE
La Grande Barrière, qui s'étire sur plus de 2 000 km au large de la côte nord-est de l'Australie, est le plus long complexe corallien du monde et l'une des merveilles naturelles du monde. Elle ne forme pas une muraille continue, mais consiste en une collection de récifs-barrières, de récifs frangeants et d'atolls. Ce paradis tropical, habité par des milliers d'espèces, aurait environ 500 000 ans d'âge. Il est malheureusement menacé aujourd'hui dans son existence même par toutes sortes de pollutions et par l'exploitation touristique intense dont il est l'objet.
6.5. DES RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET ÉCONOMIQUES INTENSIVES
Jusqu'au xviiie siècle, les coraux solitaires étaient inconnus et les coraux récifaux connus des seuls navigateurs à cause des dangers qu'ils représentaient. Il semble bien que le capitaine James Cook (1728-1779) soit l'un des premiers Occidentaux à avoir découvert les récifs de l'océan indo-pacifique, qu'il décrit avec minutie dans son journal de bord. Ce n'est qu'à la fin du xviiie siècle que ces organismes commencent à intéresser les naturalistes.
En 1801, Lamarck publie son Système des animaux sans vertèbres, dans lequel il traite des coraux fossiles et actuels. Mais les études écologiques sur les récifs ne commencent qu'au xxe siècle. En 1928, sous la direction de Charles Maurice Yonge, a lieu la première expédition pluridisciplinaire sur la Grande Barrière d'Australie. Et, en 1969, sont organisés les premiers symposiums internationaux sur les récifs coralliens. La mer Rouge et l'océan Indien ont été notamment explorés par le commandant Jacques-Yves Cousteau, à bord de la Calypso, les récifs de Madagascar par les chercheurs français de la station marine d'Endoume (Marseille), qui ont créé la station marine de Tuléar. L'O.R.S.T.O.M. (Office de la recherche scientifique outre-mer ; devenu en 1998 l'IRD, Institut de recherche pour le développement) développe son laboratoire de Nossi-Bé, au nord-ouest de Madagascar. La Nouvelle-Calédonie et les îles Loyauté sont explorées grâce au financement de la Fondation Singer-Polignac, puis dans le cadre d'une convention O.R.S.T.O.M.-C.N.R.S. La Polynésie française est étudiée par l'École pratique des hautes études et le Muséum national d'histoire naturelle.
Aujourd'hui, la recherche se poursuit dans toutes les régions du monde abritant des récifs coralliens. L'ensemble de la communauté internationale a pris conscience de la richesse des récifs coralliens, et des nombreuses menaces qui pèsent sur elles.
Dans un autre domaine, des recherches sont actuellement en cours pour déterminer ce qui compose le sous-sol des récifs coralliens fossiles. Ceux-ci affleurent parfois la surface, comme ceux existant au large de l'Inde. Ils sont riches en matières organiques et pourraient recéler du pétrole.
6.6. LE CORAIL ROUGE
C'est au corail rouge (Corallium rubrum), qui n'est pas un corail vrai, que les coraux doivent leur nom, car il est le premier à avoir été découvert. Dans l'Antiquité, les Anciens le regardent comme une pierre précieuse et lui attribuent de merveilleuses vertus. Les Romains le portent en amulettes. Cet ornement réputé agréable aux dieux est attaché en collier au cou des nouveau-nés pour les préserver des maladies contagieuses. Le corail rouge entre dans la composition de diverses préparations destinées à conjurer le malheur. Pour les Gaulois, qui en décorent leurs casques et boucliers, le corail rouge broyé et mélangé à de l'eau ou du vin est un remède miracle.
Le corail provient actuellement des côtes occidentales de la Méditerranée, du golfe de Biscaye, des Canaries, de Malaisie, du Japon, d'Australie et des îles Hawaï. Le grand centre européen de diffusion se trouve en Italie, à Torre del Greco, dans la région de Naples. Le corail est travaillé à la scie, au couteau, à la lime, au foret. Aujourd'hui, il est rarement facetté comme autrefois, mais taillé en cabochon et sculpté en objets d'art. Mais sa rareté a fait monter les prix à des hauteurs vertigineuses. C'est pourquoi il est de plus en plus souvent remplacé par du plastique rouge, du verre coloré, de la corne, du corozo (noix d'un palmier d'Amérique tropicale), du gypse, du marbre pulvérisé coloré par du cinabre ou du rouge de plomb, et aggloméré par de la colle de poisson. Souvent, il est réduit en poudre qu'on lie ensuite avec de la résine.
En France, le corail rouge est récolté en plongée autonome. Les autres techniques, qui consistent à racler les fonds à l'aide de barres ou de poutres attachées à des bateaux (comme la technique dite de la croix de Saint-André), provoquant des dégâts considérables sur les écosystèmes, sont interdites (de même que dans de nombreux autres pays).
Le corail rouge est fertile à petite taille (2 à 3 cm à peine), mais sa croissance est très lente. Pour cette raison, la surpêche entrave son renouvellement ; sur certains sites trop exploités, il a totalement disparu. Cependant, le corail rouge n'est pas une espèce menacée, mais ses stocks doivent être gérés.
6.7. CORAUX EN AQUARIUM
Les coraux sont des organismes difficiles à maintenir en milieu artificiel. Pour survivre, il leur faut des conditions, notamment de salinité et de luminosité, très précises. Pendant longtemps, il était impossible de les élever. Ce n'est que dans les années 1980, à la faculté des Sciences de l'université de Nice, qu'un Français, M. Jaubert, découvre le premier procédé permettant de faire vivre et croître les coraux en aquarium ; en 1989, il recrée le premier massif corallien grandeur nature (qui prospère encore aujourd'hui), dans un aquarium de 40 000 litres au Musée océanographique de Monaco.
D'autres techniques ont depuis été mises au point et, aujourd'hui, plus de 150 espèces de coraux durs (scléractiniaires) peuvent être maintenues en aquarium. Il est aussi possible de reproduire les colonies de façon asexuée. Des chercheurs sont également parvenus à reproduire certaines espèces de façon sexuée.
L'amélioration des techniques devrait permettre, dans un futur proche, la reproduction de nombreux coraux en aquarium, ce qui permettra de limiter les prélèvements dans la nature.
6.8. LES CORAUX EN DANGER
Certains coraux croissent en hauteur de 30 à 50 mm par an et d'autres de 10 à 30 mm seulement, lorsqu'ils vivent dans de bonnes conditions. Avec l'augmentation du tourisme, ces animaux, très sensibles à la pollution, sont, depuis quelques années, menacés.
L'accroissement des littoraux (routes, remblais…), la construction de complexes hôteliers polluants, la présence de plongeurs et de touristes non informés qui piétinent et détruisent les coraux par inadvertance s'ajoutent à l'exploitation industrielle des récifs pour menacer leur survie. Les marées noires sont également fatales au corail si le pétrole se dépose sur ses polypes. La déforestation constitue elle aussi, de façon indirecte, une menace : laissant les sols à nus, elle provoque une érosion qui entraîne le dépôt de sédiments sur les récifs, rendant les eaux troubles et diminuant la luminosité.
Autre danger, et non des moindres : le réchauffement climatique. En effet, l'augmentation de la température globale des eaux affecte de nombreuses espèces de coraux récifaux, qui ne peuvent vivre que dans des fourchettes de température très précises. Des eaux de température légèrement trop élevées provoquent la mort des algues symbiotiques des coraux (les zooxanthelles), entraînant un phénomène connu sous le nom de blanchiment corallien. Si la situation se poursuit, la portion de récif touchée finit par mourir. Selon le P.N.U.E. (Programme des Nations unies pour l'environnement), un tiers des coraux auraient déjà disparu à cause du réchauffement des eaux tropicales.
Il est difficile de prévoir avec précision l'avenir des récifs coralliens, mais quelque 10 % des récifs mondiaux pourraient d'ores et déjà être condamnés, et 30 % menacés de façon sérieuse. Les conséquences écologiques globales de la disparition complète de la surface du globe des récifs coralliens, qui comptent parmi les écosystèmes les plus riches de la planète, sont inconnues, mais pourraient être dramatiques.
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L'IMPRESSIONNISME |
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impressionnisme
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Cet article fait partie du dossier consacré à l'impressionnisme et du dossier consacré au style.
ARTS PLASTIQUES
1. L'IMPRESSIONNISME : UN MOUVEMENT MODERNE
1.1. LE MOT D’UN CRITIQUE
Le terme d’« impressionnisme » vient d’un article du critique d’art Louis Leroy, paru dans le journal quotidien le Charivari en date du 25 avril 1874, et intitulé : « L’exposition des impressionnistes ». Moqueur, Leroy y raconte sa visite dans l’atelier parisien du photographe Nadar, boulevard des Capucines, où une « Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc. » présente pendant un mois plus de cent cinquante œuvres. Le critique s’acharne sur un tableau de Claude Monet, peint en 1872, et intitulé Impression, soleil levant : « Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans… »
Ce surnom encombrant d’« impressionnistes », Monet et ses amis de la Société anonyme vont non seulement l’accepter, mais le reprendre, dès 1877, à l’occasion de nouvelles manifestations qu’ils organisent. Ainsi, au total, huit expositions se succèdent à Paris, de 1874 à 1886 : chacune présente une approche nouvelle de la couleur et de la lumière, à travers une sensibilité de l’instant ; chacune est une étape vers la naissance de l’art moderne.
Le triomphe auprès du public est long à venir. Mais l’impressionnisme est soutenu dès ses débuts par le combat d’une partie de la critique, puis, plus tard, par l’influence de ce courant sur les artistes à l’étranger, dans de nombreux pays (→ l'impressionnisme à l'étranger).
1.2. PEINDRE L’EXTÉRIEUR ET LA VIE MODERNE
Dès les années 1830, des artistes ouvrent la porte de leur atelier pour s’en aller peindre à l’extérieur : Théodore Rousseau, Charles François Daubigny, Narcisse Virgile Diaz de la Peña, Jean-François Millet, Jean-Baptiste Camille Corot séjournent à Barbizon, à la lisière de la forêt de Fontainebleau, où ils exécutent des toiles « sur le motif » – c’est-à-dire sans esquisse préalable, devant le « morceau de nature » qu’ils ont choisi.
Avec les paysagistes anglais de la fin du xviiie siècle (en particulier John Constable et William Turner), ces peintres sont, au début des années 1860, les maîtres de jeunes artistes nommés Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Frédéric Bazille, Alfred Sisley – qui vont devenir les premiers « impressionnistes ». Cette volonté de peindre en plein air n’est pas d’un phénomène isolé : dans les mêmes années, Eugène Boudin et Johan Barthold Jongkind pratiquent la peinture ou l’aquarelle sur la côte normande, au bord de la mer ; cela conforte Monet dans la voie qu’il emprunte.
Contrairement aux paysagistes classiques, qui peignaient une nature irréelle et idéalisée, les impressionnistes vont s'efforcer de rendre l'éphémère, la vision fugace. Selon l'heure du jour, la saison ou le temps qu’il fait, un même paysage connaît de sensibles variations. Pour fixer sur la toile les rapides sensations visuelles qui se modifient à chaque instant, ces jeunes peintres vont devoir renouveler leur méthode de travail, trouver une technique pour traduire avec sincérité ce qui s'offre à leurs yeux.
Le réalisme de Gustave Courbet, l’attention portée par Édouard Manet à la ville et au monde contemporain sont aussi des éléments essentiels. Pour cette jeune génération, en effet, la peinture ne peut plus se référer à l’idéal glacé du classicisme. Une révolte est amorcée, que ces artistes vont également exprimer en se rebellant contre les institutions artistiques, en créant leurs propres circuits pour se faire connaître.
1.3. LE REFUS DES INSTITUTIONS
En 1855, Gustave Courbet a montré l'exemple : dans son « pavillon du Réalisme », il expose l'Atelier du peintre, où il se met en scène en train de brosser un paysage, entouré d'une assemblée d'amis, de personnalités admirées ou haïes, de figures allégoriques. Ce faisant, Courbet bouscule doublement la tradition : en dédiant à un sujet trivial une toile dont l’immense format est habituellement réservé à la peinture d’histoire ; en s’adressant directement au public, en dehors des expositions officielles organisées par l’État.
Édouard Manet fait également figure de modèle révolutionnaire pour les jeunes peintres. En 1863, le jury du Salon annuel de peinture exclut de l’exposition son Déjeuner sur l'herbe. Puis l’œuvre est admise au Salon des refusés – manifestation autorisée par l’empereur Napoléon III afin de laisser les visiteurs seuls juges des œuvres rejetées par le jury du Salon officiel. C’est là que le jeune Paul Cézanne peut l’admirer, tout comme Renoir, Sisley ou Monet, reconnaissant en Manet le chef de file de la nouvelle école à laquelle ils souhaitent appartenir.
1.4. LA FORMATION D’UN GROUPE
Monet, Renoir, Bazille et Sisley vivent une première émancipation. L’école privée qu’ils fréquentent depuis le début des années 1860, tenue par le peintre et professeur à l’École des Beaux-Arts Charles Gleyre, va fermer. Monet, bientôt imité par ses camarades, en profite pour abandonner un apprentissage qui lui paraît décalé avec son idéal artistique. L’hospitalité de Bazillle, le moins impécunieux d’entre eux et qui possède un vaste atelier, leur permet d’affronter cette période difficile tout en continuant de travailler.
Ceux qu’on réunit parfois sous le nom de « groupe des Batignolles » parviennent alors à se rapprocher de Manet, dont ils reçoivent la leçon. Les rencontres ont souvent lieu au café Guerbois, un établissement du quartier de l’actuelle place Clichy, à Paris, fréquenté par des peintres mais aussi des écrivains et des critiques.
Devant l’incompréhension du jury du Salon annuel de peinture, l’appui des écrivains s’avère précieux. Et en particulier celui des écrivains journalistes qui, à l’instar d’Émile Zola, défendent la cause de la nouvelle école. Ami d’enfance de Cézanne, Zola restera perplexe sa vie durant devant la peinture impressionniste. Mais sa conviction est entière : les institutions artistiques doivent être refondées.
Et sa plume est virulente. Comparant le Salon à un « immense ragoût artistique qui nous est servi tous les ans », Zola s’enflamme dans les colonnes du quotidien l’Événement : qu’il s’agisse de Manet ou des autres, il exige « que les artistes qui seront à coup sûr les maîtres de demain ne soient pas les persécutés d’aujourd’hui » (l’Événement, 27-30 avril 1866).
1.5. LE CHOIX DE LA RUPTURE
Forts de leur entente et de leur volonté commune d’indépendance, ces habitués du café Guerbois imaginent vers 1867 de constituer une association afin d'organiser des expositions et des ventes. Mais les divergences sont encore trop nombreuses pour que le projet aboutisse, le point sensible restant la question du Salon, que Manet, Degas, Renoir, Sisley et Cézanne n’ont pas encore renoncé à investir.
Un assouplissement de son règlement, en 1869, rend un moment l'espoir aux artistes, différant leur projet. Tous les peintres ayant déjà exposé sont en effet admis à participer à l'élection du jury : Edgar Degas, Henri Fantin-Latour, Camille Pissarro, Renoir et Manet peuvent exposer leurs œuvres, mais Sisley, Cézanne et Monet sont refusés.
Pendant la guerre franco-prussienne et la Commune (1870-1871), Pissarro et Monet trouvent refuge à Londres, où ils rencontrent le marchand d’art et galeriste Paul Durand-Ruel (1831-1922) qui s’intéresse à leur peinture.
Les réunions parisiennes ne reprennent qu'en 1872, cette fois-ci à la Nouvelle-Athènes, un café de la rue Pigalle. Cette année-là, Durand-Ruel multiplie ses achats : 30 toiles de Manet, plusieurs de Renoir, Sisley et Monet. Ce soutien arrive à temps, car, en dépit des récents changements politiques, le milieu artistique officiel reste hostile à la nouvelle peinture.
Manet, Pissarro, Cézanne, Renoir, Fantin-Latour, Jongkind et de nombreux autres peintres adressent une pétition au ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts pour réclamer un nouveau Salon des refusés, qu’ils obtiennent. Mais, d'un commun accord, les artistes proches de Manet, à l'exception de Berthe Morisot, choisissent finalement de n’y rien présenter, ayant décidé d'organiser eux-mêmes leurs expositions : ainsi, le 27 décembre 1873, la Société anonyme coopérative des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc. est fondée par Monet, Renoir, Pissarro, Sisley, Morisot, Cézanne et quelques autres. Cette société éphémère rassemble des artistes aux tempéraments très divers, décidés à défendre ensemble des principes esthétiques nouveaux.
Pour en savoir plus, voir l'article les expositions impressionnistes.
2. L'IMPRESSIONNISME : UNE TECHNIQUE RÉVOLUTIONNAIRE
2.1. THÈMES ET MOTIFS
AU BORD DE L'EAU
Travaillant volontiers par petits groupes de deux ou trois, les impressionnistes ont une prédilection pour les sites au bord de l'eau, les vues tranquilles de villages et les petites villes de la région parisienne – Louveciennes, Marly, Argenteuil, La Celle-Saint-Cloud, Bougival, Chatou – qui constituent le véritable berceau de leur mouvement.
Quelques sites leur doivent leur renommée, comme la Grenouillère, établissement de bains situé au bord de la Seine, à Bougival, très fréquenté par les Parisiens en fin de semaine. Profitant de la résidence de ses parents à Louveciennes, Renoir, accompagné de Monet, travaille à Bougival pendant tout l'été 1869. Sa guinguette, ses bains et ses canots sur le fleuve constituent autant de prétextes à des toiles scintillantes de couleurs.
À l'opposé des paysagistes classiques, qui réalisent des vues champêtres vides de présence humaine, ou parfois animées de nymphes ou de dieux, les impressionnistes se concentrent sur les frondaisons ombrageant la promenade, les reflets du fleuve, l'activité des nageurs et des canotiers, l'animation de la foule.
VUES URBAINES
Familiers de la campagne et des jardins, les artistes n'en négligent pas pour autant les aspects de la vie urbaine. Gustave Caillebotte, Pissarro, Renoir, Monet captent depuis des balcons d'immeubles la vue vertigineuse des boulevards et l'enfilade des façades, l'animation des piétons et des voitures caractéristiques du Paris du Second Empire, rénové par le préfet Georges Eugène Haussmann.
LES SPECTACLES ET LES PLAISIRS
Degas préfère l'atmosphère enfiévrée et secrète des coulisses de l'Opéra, les répétitions, le spectacle sur la scène, la masse compacte des instruments de l'orchestre. L'ambiance canaille du café-concert retient aussi son attention, parfois son ironie, tandis que Renoir s’applique à de grands tableaux où résonne la gaieté simple et populaire des bals de Montmartre.
LA VIE MODERNE
L’écrivain Louis Edmond Duranty livre en 1876 une première étude d’ensemble sur l’ancien groupe des Batignolles (La Nouvelle Peinture : à propos du groupe d’artistes qui expose dans les galeries Durand-Ruel), qui met l’accent, précisément, sur l’importance de la vie contemporaine dans leur art.
Les tableaux impressionnistes constituent, à leur manière, un hymne au modernisme et un témoignage sur le développement de la France au dernier tiers du xixe siècle.
Monet, qui habite Argenteuil, est un utilisateur assidu de la ligne des Chemins de fer de l'Ouest, dont le terminus est la gare Saint-Lazare. En 1877, il prend des croquis sous sa haute verrière et réalise une série de peintures sur l'arrivée des trains en gare, fixant les épais nuages de vapeur qui diffractent la lumière.
2.2. TOUCHE ET COMPOSITION
LA JUXTAPOSITION DE MASSES COLORÉES
Ces scènes mouvementées et joyeuses nécessitent une touche légère, rapide, pour être fixées sur la toile. La composition se réduit souvent à un équilibre entre de grandes masses juxtaposées, qui ne sont pas fondues.
La surface du tableau, de près, apparaît chaotique, mais elle trouve son harmonie à distance, donnant l'illusion d'une vue instantanée, d'un motif entrevu. Le traitement se fait flou sur les lointains ; les plans successifs s'étagent et se fondent par des passages lumineux.
L’INFLUENCE DES ESTAMPES JAPONAISES
Les estampes japonaises constituent à cet égard un modèle nouveau. En 1856, le graveur Félix Bracquemond, un ami de Manet, découvre un volume d'estampes d'Hokusai, qui passe de main en main parmi les artistes de son entourage. Après l'ouverture, en 1862, de la Porte chinoise, une boutique spécialisée, les estampes circulent encore plus largement à Paris ; à la fin de sa vie, Monet ne possède pas moins de 200 planches d'Utamaro, Hokusai et Hiroshige.
Avec leurs motifs simplifiés, souvent tronqués, leurs plans juxtaposés, ces créations exotiques aident les artistes à dépasser la vision occidentale traditionnelle.
2.3. LE TRAITEMENT DE LA LUMIÈRE
Les impressionnistes s’efforcent d’exprimer la lumière avec le plus de vérité possible.
À partir de 1874, Manet lui-même éclaircit ses toiles, délaisse les noirs profonds pour peindre des ombres colorées. Il passe l'été dans la maison familiale du Petit-Gennevilliers, non loin d'Argenteuil où réside Monet, avec qui il peint les mêmes sujets et qu’il représente sur son bateau-atelier.
Quelques kilomètres en aval, Sisley prend possession des rives herbeuses du fleuve, s'attachant à traduire les mouvements des barques, le passage du vent dans les arbres, les reflets changeants du ciel sur l'eau.
LES SAISONS
L’été, dont la vive luminosité engendre des contrastes violents, n’est pas la seule saison retenue par ces artistes, qui s'intéressent également aux teintes assourdies des demi-saisons. Sisley, en particulier, excelle dans les ciels pommelés et la suggestion des feuillages d'automne ; ses gris et ses beiges légers évoquent les délicates harmonies de Corot.
LA NEIGE COMME UN MIROIR
La neige, enfin, constitue un motif de choix pour tous les impressionnistes. Pour Monet, les rigueurs de l’hiver offrent un spectacle à la fois mélancolique et grandiose, en particulier en 1880 lorsqu’à la suite du dégel, la carapace de glace de la Seine se rompt brusquement. « Nous avons eu ici une débâcle terrible et naturellement j’ai essayé d’en faire quelque chose. », écrit l’artiste dans une lettre, annonçant plusieurs tableaux sur le thème des « Glaçons » qui sont autant de prétextes pour mêler le liquide et le solide, les tons de l’eau et ceux du ciel.
Chez Renoir, pour qui le blanc n'existe pas dans la nature, les champs immaculés sont comme un miroir où se reflète le ciel. Alors, la neige revêt diverses teintes selon le moment de la journée : vertes et jaunes le matin, rouges et jaunes le soir, bleues, parfois roses.
2.4. COULEUR PURE ET CONTRASTES
Les conditions du travail en plein air déterminent une technique particulière. Il s’agit de peindre vite, avec un matériel aisément transportable – et donc réduit. La palette des couleurs employées par les impressionnistes est limitée, et l’application de ces couleurs sur la toile est relativement grossière.
UNE PÂTE ÉPAISSE
Claude Monet, la Rue Montorgueil, fête du 30 juin 1878
Au mépris des conventions traditionnelles selon lesquelles le pinceau du peintre ne doit laisser aucune trace, aucune empreinte, Cézanne étend la pâte en épaisseur, Monet ou Renoir la déposent en « virgules » bien grasses.
Cette technique, qu’on explique parfois par l’invention contemporaine des tubes de peintures en métal mou (on conservait jusque-là la peinture fraîche dans des vessies de peau), suscite sur le moment une vive réprobation. Pourtant, les impressionnistes n'utilisent que rarement, çà et là, des teintes pures, sorties du tube.
MÉLANGE OPTIQUE
Avant tout, ils obtiennent l'intensité colorée de leurs tableaux en jouant sur la juxtaposition des couleurs. Deux teintes complémentaires placées côte à côte se renforçant, ils n'hésitent pas à rapprocher un rouge d'un vert, un jaune d'un violet, un bleu d'un orangé.
Les peintres connaissent le livre publié en 1839 par le chimiste Eugène Chevreul, qui faisait état de toutes les transformations subies par les couleurs selon leur voisinage. Pour éviter de salir leurs tonalités par des mélanges, ils préfèrent juxtaposer des teintes de nuances opposées, laissant l'œil recomposer à distance la combinaison. Ce phénomène est alors connu sous le nom de « mélange optique ».
3. L'HISTOIRE DE L'IMPRESSIONNISME
3.1. LES TEMPS DIFFICILES
LE RÔLE DE DURAND-RUEL
Les premières années de l’histoire de l’impressionnisme sont marquées par de très grandes difficultés. Économiques surtout ; car à l’exception de Degas, qui d’ailleurs est issu de la grande bourgeoisie, les peintres de la Société anonyme vendent très mal leurs œuvres. Il faut le courage et la ténacité du marchand d’art Durand-Ruel, qui prend de gros risques, pour constituer le réseau des premiers clients – parfois guère plus riches que les artistes – et réguler les cotes.
PREMIERS ACHETEURS
En s’éloignant du Salon officiel, les impressionnistes se coupent du circuit ordinaire des commandes. Or la vente d’un tableau à un collectionneur privé ne garantit pas à l’auteur une publicité comparable à celle d’un achat par l’État. De surcroît, un revers de fortune peut provoquer une catastrophe. C’est ce qui arrive lorsqu’Ernest Hoschedé (1837-1891), important négociant de tissu, est déclaré en faillite. En 1878, plus de cinquante tableaux impressionnistes lui appartenant sont mis en vente aux enchères, et l’effondrement des cours s’ensuit : « La vente Hoschedé m’a tué », résume Pissarro.
Mais la vente aux particuliers peut aussi asseoir les carrières, lorsque ces particuliers possèdent une « surface sociale », une visibilité importante. C’est le cas notamment du chanteur Jean-Baptiste Faure (1830-1915), propriétaire à un certain moment de pas moins de 67 Manet et 63 Monet, ou de Georges Charpentier (1846-1905), éditeur de Zola et de Guy de Maupassant, qui reçoit chez lui des hommes politiques, et dont les murs sont couverts de tableaux de Monet et, surtout, de Renoir.
3.2. VERS LA RECONNAISSANCE
DES RAILLERIES AU SOUTIEN
La critique elle aussi joue un rôle, à condition de porter son attention sur cette nouvelle peinture. Le pire ennemi des artistes est le silence : tout lui est préférable, et même les railleries et les moqueries, qui, au moins, attirent l’attention.
De fait, celles-ci sont prodiguées assez largement aux impressionnistes. Puis à partir des années 1880, un progrès est sensible. L’exemple des initiateurs commence à porter : après Zola, c’est Duranty ou Philippe Burty qui prennent la relève, puis Théodore Duret et, surtout, le romancier Joris-Karl Huysmans, dont les textes ciselés sont repris dans l’Art moderne (1883) puis dans Certains (1889).
L’ÉCLOSION DU NÉO-IMPRESSIONNISME
Dans les années 1880, Paul Gauguin rejoint Pissarro à Rouen. Doyen des impressionnistes, ce dernier est le plus ouvert aux innovations de ses confrères et apporte son soutien à Cézanne comme à Gauguin ; les jeunes peintres apprécient son affabilité et sa disponibilité légendaires. C'est vers lui que se tourne aussi Paul Signac en 1885.
Fervent admirateur des impressionnistes, et de Monet en particulier, Signac en adopte les touches fragmentées et les couleurs pures. Sa rencontre avec Georges Seurat marque les prémices d'un nouveau mouvement pictural, le néo-impressionnisme, dans lequel la touche morcelée des impressionnistes laisse place à de minces tirets, parfois à des points – d'où le nom de « pointillisme » bientôt donné à cette technique.
Dès 1885, Pissarro adopte le procédé dans ses toiles. Il peut ainsi retrouver une vigueur nouvelle dans ses compositions, que la touche floue et allusive de l'impressionnisme avait eu tendance à dissoudre. Signac s'engage à son tour dans cette voie, que Gauguin, lui, refuse de suivre.
3.3. SUCCÈS… ET FIN DU MOUVEMENT IMPRESSIONNISTE
Après de longues années de lutte, les impressionnistes commencent à connaître une certaine renommée, que Durand-Ruel tente d'élargir outre-Atlantique. Quelques semaines avant l'exposition de 1886, le marchand s'embarque à destination de New York avec plus de 300 toiles de ses peintres, bien décidé à ouvrir le Nouveau Monde à l'art moderne.
L'année 1886, avec la dernière exposition du groupe et l'avènement du néo-impressionnisme, marque la fin de l'aventure impressionniste.
RETOUR AUX INDIVIDUALITÉS
Certains artistes, comme Sisley ou Jean-Baptiste Armand Guillaumin, resteront fidèles à cette esthétique. D'autres, comme Monet, avec sa série des Cathédrales et celle de ses Nymphéas, la dépasseront. Ces toiles, où la lumière et la couleur deviennent le véritable sujet du tableau, le conduiront aux portes de l'abstraction.
Cézanne, pour qui l'impressionnisme ne fut qu'une brève aventure, poursuit ses recherches dans le Midi. À la touche fractionnée de l'impressionnisme il oppose une construction rigoureuse de la forme par la couleur, ouvrant la voie au cubisme.
Grand admirateur du maître d'Aix, Gauguin se tourne vers un art simplifié, traitant la forme en grandes masses colorées, cherchant à réaliser une synthèse entre le dessin et la couleur. Ses premières recherches, menées en Bretagne, le mèneront bientôt à Tahiti.
UN TOURNANT DE L’ART MODERNE
En moins de vingt ans, la peinture a réalisé l'une des révolutions les plus importantes de son histoire. Né sous le signe de Manet, l'impressionnisme annonce déjà, à la fin des années 1880, les grandes mutations du siècle suivant. En laissant l'artiste donner libre cours à l'interprétation de ses impressions et de son expérience intime, il transforme la peinture en un langage émotionnel contrôlé, soutenu par une théorie de la couleur et de la lumière.
À partir de 1890, la cote des Impressionnistes commence à grimper et son ascension ne s'arrêtera plus, témoignant de l'engouement constant des collectionneurs et du public des musées pour leurs toiles aux tonalités tantôt vives et gaies, tantôt douces et mélancoliques, qui fixent tout un monde de sensations et de visions éphémères.
L'influence des trouvailles impressionnistes (mélange optique, valeurs claires, vibration de la lumière artificielle ou solaire, souci non plus de la densité, mais de la légèreté des choses) servira de point de départ à des maîtres de génie comme Toulouse-Lautrec, Van Gogh et plus tard Bonnard.
3.4. QUELQUES PAGES CRITIQUES
« Disons pourtant que, s’il plaît à ces messieurs de se servir de la brosse par le manche, au lieu de la retourner à l’endroit, personne n’a rien à y voir ; mais alors c’est à la condition de justifier ce mode de réalisation, et de prouver qu’on peint mieux avec un couteau à palette qu’avec les crins d’un pinceau. Cela pourra venir ; pour le moment ce n’est pas encore venu. »
(Marc de Montifaud, « Exposition du Boulevard des Capucines », l’Artiste, 1er mai 1874).
- « Il est vrai qu’il est déjà honorable de déblayer le chemin pour l’avenir, pour peu qu’on soit tombé sur la bonne voie. Aussi rien de plus caractéristique que l’influence des peintres impressionnistes – refusés chaque année par le jury – lorsqu’elle s’exerce sur les peintres aux procédés adroits qui constituent chaque année l’ornement du Salon… »
(Émile Zola, « Nouvelles artistiques et littéraires », le Messager de l’Europe, juillet 1879).
- « L’impressionnisme n’est guère que la codification de l’ébauche. Nous sommes loin de le proscrire ou du moins de le dédaigner. […] Mais élever l’ébauche à la hauteur d’un système, c’est de la théorie sans portée, si même, le plus souvent, ce n’est pas de l’impuissance et une simple forme de l’escamotage. »
(Henry Trianon, « Sixième exposition de peinture par un groupe d’artistes : 35, boulevard des Capucines », le Constitutionnel, 24 avril 1881).
- « J’ai souvent pensé avec étonnement à la trouée que les impressionnistes et que Flaubert, de Goncourt et Zola ont fait dans l’art. L’école naturaliste a été révélée au public par eux ; l’art a été bouleversé du haut en bas, affranchi du ligotage officiel des Écoles. »
(Joris-Karl Huysmans, « Le salon de 1879 », l’Art moderne, 1883).
- « Depuis des milliers d’années, tous les gens qui se mêlent de peindre empruntent leurs procédés d’éclairage aux vieux maîtres. […] C’est au petit groupe des impressionnistes que revient l’honneur d’avoir balayé tous ces préjugés, culbuté toutes ces conventions. L’École nouvelle proclamait cette vérité scientifique : que la grande lumière décolore les tons, que la silhouette, que la couleur, par exemple, d’une maison ou d’un arbre, peints dans une chambre close, diffèrent absolument de la silhouette et de la couleur de la maison ou de l’arbre, peints sous le ciel même, dans le plein air. »
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Asie
Cet article fait partie du dossier consacré à l'Asie.
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L'Asie forme le plus vaste (30 % des terres émergées) et le plus peuplé (près de 60 % de la population mondiale) des continents. Les limites sont nettes au nord (océan Arctique), à l'est (océan Pacifique) et au sud (océan Indien). En revanche, elles le sont moins à l’ouest et au sud-ouest ; par convention, on considère que l'Oural sépare l'Asie de l'Europe (à l'ouest) et que l'isthme de Suez la sépare de l'Afrique (au sud-ouest). Toute la partie continentale est dans l'hémisphère Nord (entre 1° et 77° de latitude) ; seules des îles d'Indonésie sont situées au sud de l'équateur. De l'ouest à l'est, le continent s'étire sur 164° de longitude.
L’Asie peut être divisée en grands ensembles distincts :
– l'Asie occidentale (Proche-Orient et Moyen-Orient) ;
– l'Asie septentrionale (comprenant la partie asiatique de la Russie) ;
– l'Asie méridionale (ou Asie du Sud) ;
– l'Asie centrale ;
– l'Asie du Sud-Est ;
– l'Asie orientale (ou Extrême-Orient).
* Superficie : 44 millions km2
* Population : 4 298 723 000 hab. (estimation pour 2013)
*
GÉOGRAPHIE
1. LE MILIEU NATUREL
Comparée aux autres continents, l'Asie possède l'altitude moyenne (environ 950 m) la plus élevée, nonobstant la présence des dépressions les plus profondes du monde. Le centre du continent est en effet occupé par le plus important ensemble montagneux de la planète, qui s'étire du Taurus à l'archipel de la Sonde et qui englobe notamment l'Himalaya (8 848 m à l'Everest) ; cependant que le fond du lac Baïkal se situe à moins de 1 300 m au-dessous du niveau de la mer. Les forts contrastes de relief se retrouvent aussi le long des façades sud et est du continent, avec des grandes chaînes volcaniques qui bordent les fosses océaniques les plus profondes (fosses d'Indonésie, des Philippines, des Ryukyu, du Japon, des Kouriles, du Kamtchatka). Les montagnes se succèdent en chaînes orientées, pour l'essentiel, d'est en ouest (chaînes Pontique et du Taurus, du Caucase, de l'Hindu Kuch, de l'Himalaya, du Tian Shan, des Qinling) et s'infléchissent vers le sud dans la partie sud et orientale du continent (Arakan Yoma, Grand Khingan). Ces massifs, parfois volcaniques (surtout à l'est et dans le sud-est insulaire), enserrent des plaines ou des plateaux : Anatolie, plateau iranien, Tibet, Ordos, plaine de Mandchourie.
Les grands fleuves de l'Asie des moussons y ont trouvé les matériaux des plaines alluviales et deltaïques (plaine indo-gangétique, delta du Mékong, grandes plaines de Chine).
Au nord et au sud, de vastes régions de plaines et de plateaux correspondent à la présence de boucliers cristallins précambriens (Arabo-syrien, Deccan, Turkestan, Sibérie orientale), parfois recouverts d'épais sédiments (Sibérie occidentale).
2. LE CLIMAT
L'extension en latitude explique la diversité des climats. On y vit en effet sous un climat continental en Sibérie, aux hivers longs et froids et aux étés brefs et chauds. Le sol, constamment gelé en profondeur, porte une maigre végétation, la toundra (à laquelle succède, vers le sud, la taïga). Au sud, de la mer Caspienne jusqu'au Gobi, c'est un climat désertique ou du moins aride (avec une maigre steppe) aux forts contrastes thermiques. Également désertiques mais constamment chauds sont les climats de l'Arabie au Sind. Tout le Sud-Est, plus chaud, est affecté par la mousson, qui apporte des pluies d'été, essentielles pour l'agriculture. La forêt dense recouvre partiellement l'Insulinde (Bornéo et Sumatra notamment), constamment et abondamment arrosée.
3. LA POPULATION
L'Asie est une mosaïque de peuples, de cultures et de religions. L'étendue ainsi que le relief montagneux ou désertique qui compartimente le continent ont permis à des communautés humaines de développer des spécificités culturelles. Pourtant, les voies commerciales, spécialement les routes du thé, ont favorisé l'interpénétration de certains aspects des cultures. L'islam et le bouddhisme en sont les exemples les plus frappants, qui se sont répandus depuis leur foyer respectif (Arabie, Inde) jusqu'en Extrême-Orient. Ces échanges ont façonné l'Asie contemporaine, plus profondément et durablement que les bouleversements dus aux guerres, dont pourtant le continent a été le théâtre permanent dans son histoire.
La démographie de l'Asie est « excessive », avec à la fois des déserts et des steppes sous-peuplées et des zones de surpopulation extrême dans les deltas et les plaines alluviales. Ce continent est le plus peuplé de la planète, avec plus de 4 milliards d'habitants et deux États – la Chine et l'Inde – qui dépassent, chacun, le milliard d'habitants. Il serait absurde d'établir une densité moyenne de population tant les contrastes sont grands. Les États des steppes et des hauts plateaux, où l'on trouve de vastes déserts, sont en effet sous-peuplés (comme la Mongolie, avec une densité de 1,5 habitants par km2) tandis que les États de l'Asie des moussons sont surpeuplés (comme le Bangladesh, avec une densité de plus de 900 habitants par km2). La plupart des pays d'Asie ne connaissent pas le contrôle des naissances et ont un taux de croissance naturel de plus de 2 % l'an. La forte natalité (autour de 35 ‰) est compensée par une mortalité encore élevée (11 à 12 ‰), notamment la mortalité infantile (91 ‰ au Pakistan). À l'exception du Japon, déjà confronté au vieillissement de sa population, les pays les plus développés économiquement sont entrés dans la première phase de la transition démographique, liée à la baisse de la mortalité (5 ‰ en Malaisie, 11 ‰ pour la mortalité infantile). Mais la baisse du taux de croissance (autour de 1,5 ‰) est très lente en raison de la forte natalité des années passées, dont les conséquences démographiques s'étendent sur plusieurs générations ; c'est notamment le cas pour la Chine, où le contrôle des naissances est aujourd'hui rigoureux et, dans une moindre mesure, pour l'Inde.
4. L'ÉCONOMIE
4.1. L'AGRICULTURE, ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ
Le poids démographique global et l'existence d'une population encore massivement rurale expliquent que l'agriculture soit dominée par des productions vivrières, le riz, grande céréale de l'Asie des moussons – on parle de « civilisation du riz » – et le blé, le maïs et l'orge que l'on trouve au Proche-Orient et au Moyen-Orient. En Extrême-Orient, hors ceinture des moussons, blé, maïs et sorgho dominent (Chine centrale). Les vastes régions semi-arides sont consacrées pour l'essentiel à l'élevage. Dans la partie occidentale de l'Asie (y compris ici la partie ouest de la Chine), l'élevage demeure également une des bases de la subsistance, mais l'économie traditionnelle, fondée sur le nomadisme, est bouleversée par l'effort des États pour favoriser la sédentarisation (Arabie saoudite, Chine) ou par la modernisation des méthodes (Iran). S'y ajoutent les productions de fruits et légumes quand le climat s'y prête (l'Asie occidentale, l'Asie méridionale, et encore, dans une moindre mesure, la Mongolie).
4.2. L'EAU, DÉFI MAJEUR DU XXIe S.
Le problème capital de l'Asie est celui de l'eau, soit parce qu'elle manque (Proche- et Moyen-Orient, nord et nord-ouest de l'Asie orientale), soit en raison de son abondance (Asie méridionale). Si la maîtrise de l'eau a toujours constitué dans l'histoire de l'Asie une donne majeure dans le jeu du pouvoir, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours (barrage d'Assouan en Égypte, crues du Yangzi Jiang en Chine), ses enjeux contemporains apparaissent de plus en plus nettement (Israël/territoires palestiniens-Syrie, Turquie/Syrie-Iraq, etc.) en raison de l'augmentation spectaculaire du besoin généré par l'industrialisation des méthodes de culture (Arabie saoudite, Israël), mais aussi à cause de la pollution dont les effets s'aggravent dans les pays nouvellement industrialisés (Asie orientale et Asie du Sud-Est).
4.3. DES RESSOURCES ABONDANTES MAIS INÉGALEMENT RÉPARTIES
Les ressources énergétiques sont globalement très importantes, mais insuffisantes pour les grands centres industriels d'Asie orientale. Le Japon, la plus grande puissance industrielle de la région (et la deuxième du monde), dépend ainsi largement du reste du monde – et, notamment, du Moyen-Orient – pour son approvisionnement énergétique.
L'Asie produit en effet 40 % du pétrole mondial et même plus de la moitié si l'on ajoute la production russe (surtout en Sibérie occidentale, qui dispose aussi de gigantesques ressources en gaz naturel) à la production du Moyen-Orient, de l'Asie centrale, de la Chine et de l'Indonésie. Toutefois, la partie de l'Asie qui consomme le plus d'hydrocarbures, l'Asie orientale, doit importer l'essentiel de sa consommation ; elle produit en effet seulement 10 % des hydrocarbures de la planète et ses réserves sont évaluées, au mieux, à 5 % des réserves mondiales, alors qu'elle consomme le quart de la production mondiale.
Cela explique l'importance stratégique des exploitations offshore d'hydrocarbures en mer de Chine – jusqu'à ce jour très décevantes – et des lieux de passage obligés des pétroliers. Ceux-ci transportent chaque année quelque 500 millions de tonnes du précieux carburant, depuis le golfe Persique jusqu'au Japon et en Corée du Sud, par les détroits de Malacca et de Lombok, et, dans le sens Asie-Europe, des chargements de conteneurs ou d'automobiles (on compte 300 passages de navires par jour à la hauteur de Singapour).
En Asie, 53 % de l'énergie industrielle et 55 % de l'électricité proviennent encore du charbon ; la moitié de la production mondiale y est d'ailleurs extraite si l'on prend en considération le bassin sibérien du Kouzbass.
Enfin, l'hydroélectricité est très en retard sur les possibilités naturelles : si le barrage des Trois-Gorges, en Chine, sur le Yangzi Jiang, est opérationnel, l'aménagement du Mékong demeure à l'état de projet.
HISTOIRE
L'Asie offre un contraste extraordinaire entre les grandes unités territoriales et culturelles d'une part et le morcellement des populations, des traditions ou des langues d'autre part. À l'Inde et à la Chine densément peuplées, par exemple, s'opposent les États d'Asie occidentale du Proche- et du Moyen-Orient, situés à la jonction de trois continents (Europe, Afrique, Asie). Berceau des trois grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam), des deux grandes religions de l'Asie orientale (hindouisme et bouddhisme) et de nombreuses disciplines spirituelles (confucianisme, taoïsme, etc.), le continent est divisé entre de nombreuses ethnies et religions.
ASIE OCCIDENTALE, LA QUESTION DE L'IDENTITÉ
La conquête arabe et l'expansion islamique ont profondément marqué cette partie du monde. Notons cependant que l'islam s'est répandu bien au-delà des limites de l'Asie occidentale : en Chine, en Indonésie, au Pakistan et en Asie centrale.
UNE RÉGION CONVOITÉE, DÉCHIRÉE PAR LES CONFLITS
Après l'effondrement de l'Empire ottoman, les richesses pétrolières ont fait du Moyen-Orient l'enjeu de rivalités entre les grandes puissances, compliquées à la fois par l'accession de tous les États de la région à l'indépendance après la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis par les effets de la renaissance islamique.
Mais l'histoire contemporaine de l'Asie occidentale est avant tout marquée par le conflit israélo-palestinien qui plonge ses racines dans la question plus fondamentale de cette région, celle des nationalités et, au-delà, celle de l'identité. Ce problème est issu à la fois de l'éclatement d'un grand empire multiethnique et multiculturel, l'Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale, et de la décolonisation.
En réaction à l'interférence occidentale par le biais de la colonisation s'est développée la recherche d'identité, sur laquelle est venue se greffer la résurgence de l'islam. La Turquie ne cesse d'osciller, par exemple, entre un pôle islamique traditionaliste et un pôle laïc progressiste. La question kurde, mais aussi et surtout l'écartèlement entre modernisme et traditionalisme, sont à l'origine de la révolution islamique en Iran (1979). La crainte de l'influence révolution islamique iranienne sur sa majorité chiite pousse l'Iraq à déclencher une guerre très meurtrière contre l'Iran en 1980 (→ guerre Iran-Iraq).
À ce schéma conflictuel sont venus s’ajouter les enjeux du pétrole. Ainsi, sorti puissamment armé mais fragile économiquement de sa guerre contre l'Iran, l'Iraq a envahi le Koweït en raison de la production de pétrole koweïtien qui menaçait ses revenus, déclenchant alors la réaction d'une coalition internationale (guerre du Golfe).
ISRAËL ET LES ARABES
Plus au sud, le Proche-Orient, qui fait partie du monde méditerranéen, entretient avec l'Europe des relations depuis toujours déterminantes. Son histoire renvoie à celle de l'expansion européenne. Elle est aussi marquée par la présence en son centre de Jérusalem, ville sacrée pour les Juifs, les chrétiens et les musulmans. La radicalisation contemporaine des conflits est le résultat combiné des décolonisations et du sort particulier du peuple juif. Après la fin du mandat britannique en Palestine, la proclamation d'indépendance de l'État d'Israël (1948) a entraîné quatre guerres israélo-arabes, qui se sont accompagnées de conquêtes territoriales au détriment de l'Égypte, de la Jordanie, de la Syrie et des Palestiniens.
La globalisation actuelle agit exactement comme à l'époque des empires centralisateurs et niveleurs (URSS comprise) : loin d'une uniformisation, elle favorise les singularités nationales comme les solidarités transnationales. Ainsi, à l'intérieur des États (Liban, par exemple), l'argument de la « menace israélienne », comme celui de la « subversion islamiste », ne parviennent plus à occulter la contestation latente des populations qui se paupérisent.
Quant aux solidarités transnationales naissantes, elles résultent de réactions à des événements extérieurs. Ainsi, le changement de stratégie des États-Unis, qui sont passés du containment (« endiguement ») de l'Iraq (guerre du Golfe) à une politique plus radicale visant à renverser le régime de Saddam Husayn, ne parvient pas à rallier le consentement du monde arabe, sensible à la question de la solidarité panarabique ou panislamique selon les cas.
Pour en savoir plus, voir les articles Orient arabe, Question palestinienne.
ASIE MÉRIDIONALE ET CENTRALE, L'AFFIRMATION DE SOUVERAINETÉ
L'ASIE MÉRIDIONALE ET LES RADICALISMES RELIGIEUX
En Asie méridionale et dans la majeure partie de l'Asie centrale, la notion d'identité prend tout son sens, spécialement sous l'impulsion de la renaissance de l'islam.
Au moment de l'indépendance de l'Inde, la scission de la partie traditionnellement musulmane (Bengale) de l'ancien empire donne naissance au Pakistan (1947), lui-même confronté par la suite à la scission de sa partie orientale, avec la fondation du Bangladesh en 1971. Guerres, massacres et transferts massifs de populations, en fonction des confessions religieuses, n'ont cessé d'attiser depuis l'hostilité entre ces États au sujet du Cachemire) et l'explosion sporadique d'affrontements interethniques ou confessionnels à l'intérieur de ceux-ci. Face au Pakistan qui bénéficie généralement du soutien des pays islamiques, l'Inde accentue l'affirmation de sa souveraineté sous la férule nationaliste hindoue. Elle poursuit en outre son installation dans le statut de grande puissance, comme en témoignent son intervention dans le conflit tamoul au Sri Lanka (1987-1990) et les essais nucléaires auxquels elle procède à partir de 1998 ; les menaces de conflit entre l’Inde et le Pakistan sont récurrentes, et réapparaissent à l'occasion de chaque nouvelle crise majeure. Le Bangladesh, pour sa part, se débat dans sa recherche d'identité.
En Afghanistan, enfin, après la campagne de frappes américaines et la chute des talibans fin 2001, un gouvernement intérimaire multiethnique, regroupant en son sein les adversaires d'hier, est mis en place. Le maintien de ce fragile équilibre est un défi de taille pour ce pays ravagé depuis plusieurs décennies par des guerres (notamment contre l’URSS dans les années 1980).
L'ASIE CENTRALE, À LA CONQUÊTE DIFFICILE DE SA LIBERTÉ
En Asie centrale, région longtemps placée sous l'influence soviétique, des États musulmans sont nés (Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan et Kazakhstan) après la dislocation de l'URSS en 1991. Le développement de la production de pétrole et de gaz naturel (mer Caspienne) ainsi que la construction ou l'agrandissement des oléoducs et des gazoducs vers la mer Noire, la Méditerranée, le golfe Persique et la Chine sont devenus le moteur essentiel de la puissance publique dans ces Républiques.
Identité nationale et réaction à la colonisation ont gouverné l'histoire récente de la région. Objet de la rivalité entre les Empires britannique et russe à la fin du xixe siècle, l'Asie centrale, au carrefour des civilisations perse, turque et mongole, reste un patchwork d'ethnies et de cultures. Avant que ne s'exerce la tutelle soviétique, qui a abouti à une division entre États linguistiquement distincts (persophones, turcophones, slavophones), ces peuples se pensaient turcs (Turkestan) sans se reconnaître dans une véritable identité nationale.
Sous le régime soviétique, le concept de nation a progressé en dépit du nivellement communiste, mais il manque encore de maturité. Aussi le vide laissé par l'URSS en 1991 n'a-t-il pas été comblé par la Communauté des États indépendants (CEI). L'affirmation de souveraineté pousse ces États, en réaction contre l'ancienne puissance tutélaire, à rechercher des alliances en direction de la Turquie, de l'Iran ou du Pakistan.
Mais, sans tradition d'organisation administrative, à la souveraineté encore mal assise et n'ayant pas encore entamé d'évolution démocratique, ils sont confrontés à l'émergence revendicatrice des particularismes. Aux questions ethniques s'ajoutent la multiplication des oppositions politiques et la poussée des mouvements islamistes fondamentaux.
Comme ailleurs en Asie, des signes de solidarité panasiatique et la globalisation (implication accentuée de l'Union européenne et des États-Unis, par exemple) peuvent laisser espérer l'intervention de facteurs d'apaisement dans les crises identitaires liées à la naissance d'États-nations (crise tadjike dans les années 1990).
Dans le cadre de leur campagne antiterroriste lancée au lendemain des attentats du 11 septembre, les États-Unis prennent pied durablement dans la région en déployant leurs troupes dans plusieurs États (Ouzbékistan, Kirghizistan), ou dans le Caucase (Géorgie, Azerbaïdjan), au grand dam de la Russie qui y voit cependant une remise en cause de sa domination dans son ancien pré carré.
ASIE DU SUD-EST, LE RETOUR À L'UNITÉ
L'Asie du Sud-Est, qui comprend la péninsule indochinoise et les États insulaires du Sud-Est, est en partie épargnée par les questions d'identité.
PAYS DE LA PÉNINSULE INDOCHINOISE
Influencés d'un côté par la civilisation indienne et de l'autre par la civilisation chinoise, les peuples de la péninsule indochinoise ont trouvé depuis longtemps leur propre voie culturelle, en général du côté de la symbiose des influences, dans des États fortement unitaires en raison des longues luttes que les populations locales ont dû mener pour survivre. Tous colonisés par l'Occident, ces pays ont hérité avec leur indépendance soit de problèmes de souveraineté avec leurs voisins (Thaïlande, Viêt Nam), soit de difficultés consécutives à l'adoption du modèle communiste (Laos, Cambodge).
La Thaïlande, dotée d'institutions mal adaptées, comme en témoignent les nombreux coups d'État de son histoire récente – malgré une identité forte cimentée par sa royauté –, a longtemps été confrontée à un voisinage difficile avec le Viêt Nam (afflux de réfugiés de la guerre du Viêt Nam, puis réfugiés du Cambodge et du Laos, et pression vietnamienne sur ses frontières). Mais sa marche vers la prospérité économique tend, malgré les crises, à l'asseoir dans une position régionale éminente.
Le Viêt Nam, dont l'unité et l'identité n'ont cessé de se forger dans les guerres, a su conquérir un statut de puissance régionale (renversement des Khmers rouges au Cambodge en 1979, résistance victorieuse à l'invasion chinoise de 1979) en dépit de contentieux de souveraineté qui perdurent avec la Chine (îles Spratly).
Le Cambodge tente difficilement de retrouver l'harmonie entre les factions issues de l'une des plus sanglantes guerres civiles de l'histoire, mais conserve son unité grâce notamment à la famille royale des Sihanouk.
Le Laos, quant à lui, est marqué par une dictature qui a du mal à assurer un décollage économique.
FRANGES INSULAIRES
La question de l'identité ne se retrouve plus que dans les franges insulaires de la zone (Malaisie, Indonésie, Philippines), où les mélanges de populations, dans des régions situées traditionnellement sur les grandes voies maritimes et commerciales, et la difficile coexistence des religions – de l'islam en particulier avec les autres religions (bouddhisme et christianisme) – reposent le problème de l'unité. Ces pays ont connu une forte progression économique, mais les crises de croissance récentes et la résurgence des problèmes ethniques compromettent leur prospérité naissante.
L'Indonésie en outre n'est pas épargnée par les questions de souveraineté (Timor oriental, Aceh, Irian Jaya ou Papouasie-Occidentale) et les Philippines sont confrontées à des mouvements indépendantistes.
Enfin, la Birmanie, divisée entre communautés ethniques et religieuses hostiles les unes aux autres, ne parvient pas encore à trouver une unité autrement que sous la poigne d'une junte militaire.
ASIE ORIENTALE, LA RIVALITÉ DES AMBITIONS
La crise identitaire est dépassée en Asie orientale (ou Extrême-Orient), grâce à la forte unité culturelle héritée de l'histoire, ainsi qu'à l'antériorité d'organisations politiques centralisées et hiérarchisées. Subsistent néanmoins des problèmes issus de la décolonisation et liés à l'affirmation de souveraineté et à la reconquête d'un prestige passé.
RÉUSSITE ÉCONOMIQUE ET TENSIONS PERSISTANTES
Une des singularités de l'Asie orientale, partagée dans une moindre mesure par l'Asie méridionale, par rapport à l'Asie occidentale, provient de ce qu'elles cumulent les records mondiaux. On y trouve en effet les deux États milliardaires en hommes (Chine et Inde) et quatre autres pays dépassant les cent millions d'habitants (Indonésie, Pakistan, Japon et Bangladesh). En outre, la Chine et le Japon occupent respectivement le 2e et 3e rang mondial pour leur PNB. La région du Pacifique, dont ces pays constituent la façade orientale, promet d'ailleurs de devenir le centre de gravité du xxie s.
Cette émergence illustre un mouvement d'oscillation caractéristique de l'histoire de l'Asie qui a vu alterner des périodes où les empires des steppes concentraient le pouvoir et d'autres où sa façade maritime dominait le continent.
Dans une perspective d'histoire contemporaine, la guerre froide a marqué la région en radicalisant des oppositions idéologiques qui ont agi à l'encontre de l'unité nationale (fondation de Taïwan, division mongole, partage de la péninsule coréenne en deux États distincts à l'issue de la guerre de Corée, invasion du Tibet).
Cet héritage de divisions internes, accentué par les rivalités entre souverainetés concurrentes, fait qu'en dépit des succès économiques, l'Asie orientale demeure un théâtre de tensions, où de nombreuses frontières sont l'objet de litiges, notamment autour des îles, dont on suppose que les sous-sols marins regorgent de richesses naturelles (îles Paracel et îles Spratly).
VERS LA MISE EN PLACE D'UNE AUTORITÉ RÉGIONALE, DIFFICILE MAIS NÉCESSAIRE
Conséquence de cette instabilité, on assiste à des tentatives pour organiser une autorité régionale, ou, au moins, pour jeter les bases d'un marché commun de la région du Pacifique, à l'instar de ce qui se passe en Europe et en Amérique. Mais ni l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et ni la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) ne parviennent à transcender les rivalités ou à résoudre les crises telles que celle qui a secoué cette partie du monde de 1997 à 1999 (→ crise asiatique).
Cette difficulté à mettre en place une coopération régionale est illustrée également par les tentatives infructueuses de neutralisation atomique de la région, la seule de la planète à avoir connu une utilisation militaire de l'arme nucléaire, en août 1945, à Hiroshima et à Nagasaki. En Asie du Sud, l'Inde et le Pakistan refusent d'adhérer au traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et procèdent à des essais nucléaires. En Extrême-Orient, la Corée du Nord exerce un chantage : l'abandon de ses projets d'armement nucléaire contre des aides alimentaires et techniques massives.
Dépourvue de regroupements régionaux, l'Asie orientale est à un moment clé de son histoire. Les décollages économiques réussis et ceux qui s'annoncent génèrent des malaises internes et des troubles sociaux (Indonésie, Corée du Sud, Chine) et des tensions régionales susceptibles de la faire dégénérer en zone à hauts risques diplomatiques et militaires, en raison notamment de la réticence du Japon à assumer ses responsabilités régionales en matière militaire depuis le désengagement américain intervenu à la fin des années 1990, de la montée en puissance de la Chine, ou des hésitations de la politique étrangère des États-Unis. Mais, en même temps, la globalisation agit plus nettement qu'en Asie occidentale en faveur d'une cohérence panasiatique, peut-être en raison de l'interdépendance économique des marchés locaux, de plus en plus marquée et vitale à la poursuite du développement. |
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ARCHIMÈDE |
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Archimède
Savant de l'Antiquité (Syracuse 287 avant J.-C.-Syracuse 212 avant J.-C.).
Figure emblématique de la science grecque antique, Archimède s'est illustré à la fois par d'importantes découvertes en mathématiques et en physique et par une série d'inventions très ingénieuses.
1. ARCHIMÈDE, DISCIPLE DE L'ÉCOLE D'ALEXANDRIE
Fils de l'astronome Phidias – qui avait calculé le rapport existant entre les dimensions du Soleil et de la Lune – et peut-être apparenté à Hiéron, tyran de Syracuse, Archimède est soumis dans sa jeunesse à l'influence, alors considérable, de l'école d'Alexandrie. Il est probable qu'il va lui-même séjourner dans cette ville d'Égypte et y suivre l'enseignement du mathématicien grec Euclide et de Conon de Samos. Peut-être se rend-il aussi en Espagne, mais il revient dans sa ville natale et ne va plus la quitter.
Il y vit dans l'entourage des souverains qui le protègent et, libre de tout souci matériel, il peut se consacrer entièrement à la recherche scientifique, exerçant ses talents dans des domaines aussi divers que la géométrie, la physique et la mécanique. On ne dispose pas de témoignages directs sur sa vie, mais seulement de récits ultérieurs, dont ceux de l'historien romain Tite-Live et du Grec Plutarque.
2. ARCHIMÈDE MATHÉMATICIEN
Archimède est d'abord un géomètre. Il est le premier, dans son ouvrage Sur la mesure du cercle, à donner une méthode permettant d'obtenir une approximation aussi grande que l'on désire du chiffre π, grâce à la mesure des polygones réguliers circonscrits à un cercle ou inscrits dans celui-ci ; utilisant les polygones à 96 côtés, il fournit une valeur de π comprise entre 22/7 et 223/71.
Dans son traité Sur la sphère et le cylindre, il prouve que le volume d'une sphère vaut les deux tiers du volume du cylindre circonscrit. Il accorde même à cette découverte une importance particulière, puisqu'il demande qu'une représentation d'un cylindre circonscrit à une sphère soit gravée sur sa tombe.
Dans l'Arénaire, Archimède cherche à calculer le nombre de grains de sable contenus dans l'Univers, tel qu'il se l'imagine ; pour représenter un nombre aussi grand (de l'ordre de 1063), il perfectionne le système numéral grec, qui utilise des lettres, en faisant appel aux exposants. Il trouve les formules d'addition et de soustraction des arcs, calcule l'aire d'un segment de parabole, d'un secteur de la spirale qui porte son nom, du cylindre, de la sphère, etc. Dans son traité Sur les sphéroïdes et sur les conoïdes, il étudie les ellipsoïdes, les paraboloïdes et les hyperboloïdes de révolution. Ses recherches sur les tangentes et les quadratures l'amènent à envisager le calcul différentiel et intégral, développé deux mille ans plus tard par l'Anglais Newton et l'Allemand Leibniz.
Pour en savoir plus, voir l'article analyse [mathématiques].
3. ARCHIMÈDE PHYSICIEN
MÉCANIQUE, OPTIQUE, HYDROSTATIQUE
En physique, Archimède est le fondateur de la statique du solide, avec sa règle de la composition des forces et sa théorie du centre de gravité. Dans son premier livre, De l'équilibre des plans, il donne une théorie du levier : par abstraction, il réduit cet instrument à un segment de droite, en trois points duquel sont appliquées des forces qui s'équilibrent ; il montre, par ailleurs, que la balance n'en constitue qu'un cas particulier.
Archimède pose aussi les bases de l'hydrostatique, dans son traité Sur les corps flottants. Il indique notamment que la surface d'une eau tranquille est une portion de sphère dont le centre coïncide avec celui de la Terre.
Réflexion d'un rayon lumineux
Outre ses œuvres déjà citées, on peut signaler la Catoptrique, étude de la réflexion de la lumière, les Polyèdres, la Méthode, lettre écrite à Ératosthène, ainsi que des ouvrages aujourd'hui perdus, la Sphéropée, qui traitait de mécanique appliquée, et les Principes, dédiés à un certain Zeuxippe.
En dépit des conseils du tyran de Syracuse Hiéron, qui l'engageait à orienter son activité vers les applications, Archimède, comme les autres savants grecs de son temps, s'intéressa surtout à la recherche fondamentale. Mais, à l'inverse de ses confrères, pour qui la valeur d'une théorie se mesurait selon des critères d'esthétique, il fut le premier à faire un constant appel au contrôle de l'expérience.
Pour en savoir plus, voir l'article science.
« EURÊKA ! » : LE PRINCIPE D'ARCHIMÈDE
L'architecte romain Vitruve rapporte les curieuses circonstances dans lesquelles Archimède aurait découvert le fameux principe qui porte son nom (→ principe d'Archimède). Le roi Hiéron II avait commandé à un artisan une couronne d'or et lui avait fourni le métal précieux nécessaire. Bien que l'objet achevé présentât le même poids que l'or, Hiéron soupçonnait l'homme d'avoir substitué de l'argent à une certaine quantité de métal jaune. Il fit part de son inquiétude à Archimède, lui demandant s'il pouvait découvrir la fraude, tout en conservant la couronne intacte.
Le savant, méditant sur ce problème, fut frappé, en prenant son bain, par la diminution de poids que subissaient ses membres plongés dans l'eau. Il comprit alors que cette perte de poids équivalait au poids de l'eau déplacée. Et, dans l'enthousiasme de cette découverte, il se serait élancé nu dans la rue, en s'écriant : « Eurêka, eurêka ! » (« J'ai trouvé, j'ai trouvé ! »). En plongeant simultanément dans l'eau la couronne et un lingot d'or de même masse, maintenus à l'équilibre grâce à une balance romaine, Archimède put mesurer la différence de poids apparent entre les deux objets et prouver ainsi que l'orfèvre avait commis une supercherie.
4. ARCHIMÈDE INGÉNIEUR
LA VIS D'ARCHIMÈDE
Éminent savant, à la fois théoricien et expérimentateur, Archimède est aussi un remarquable ingénieur. L'une de ses plus célèbres inventions est la vis sans fin, appelée aussi aujourd'hui vis d'Archimède, une hélice tournant autour de son axe et qui permet de déplacer des matériaux très divers, comme de l'eau ou de la pâte à papier.
L'historien grec Diodore de Sicile raconte qu'il conçut ce dispositif pour diriger les eaux du Nil sur les terrains que les inondations ne permettaient pas d'atteindre ; il semble qu'il l'utilisa également pour assurer la propulsion d'un vaisseau commandé par Hiéron.
Archimède a aussi introduit le boulon, formé d'une vis et d'un écrou, et la roue dentée.
LA DÉFENSE DE SYRACUSE
En 215 av. J.-C., Archimède organise la défense de Syracuse, attaquée par l'armée romaine. Pendant trois ans, il tient en échec les troupes du consul romain Marcellus. Il invente des catapultes capables de projeter d'énormes blocs rocheux à de grandes distances. Il réalise aussi une machine fonctionnant au moyen de leviers et de poulies et constituée de gros crochets en fer qui, lorsqu'un vaisseau ennemi s'avance jusqu'aux fortifications de la ville, s'en saisissent et le secouent violemment jusqu'à le briser. On raconte enfin – mais cela paraît plus douteux – qu'à l'aide de miroirs plans judicieusement disposés (miroirs ardents), il serait parvenu à concentrer sur les vaisseaux ennemis la lumière solaire et à les incendier.
Cependant, les Romains ayant pénétré par surprise dans la ville, Marcellus ordonne qu'on épargne Archimède, dont il admire le génie et qu'il espère gagner à la cause de Rome. Mais le savant, absorbé par la résolution d'un problème, est tué par un soldat qui, ne l'ayant pas reconnu, s'irrite de son refus de le suivre. Marcellus lui organisera de grandes funérailles et lui fera dresser un tombeau décoré de sculptures évoquant ses travaux. En 75 av. J.-C., Cicéron, questeur en Sicile, retrouvera cette tombe, envahie par les broussailles, et la fera restaurer.
CITATIONS
Donnez-moi un point d'appui et je soulèverai la Terre !
Archimède, cité par Pappus (ive siècle)
De tous les grands hommes de l'Antiquité, Archimède est celui qui mérite le plus d'être placé à côté d'Homère.
Jean d'Alembert
Ceux qui sont en état de comprendre Archimède admirent moins les découvertes des plus grands hommes modernes.
Gottfried Wilhelm Leibniz
Archimède (principe d').
Principe fondamental de l'hydrostatique qui énonce que : « Tout corps plongé dans un fluide éprouve une poussée verticale, dirigée de bas en haut, égale au poids du fluide qu'il déplace et appliquée au centre de gravité du fluide déplacé, ou centre de poussée. ».
cercle.
Ensemble...
conique.
Intersection d'un cône du second degré avec un plan ne...
église grecque.
Église orthodoxe autocéphale de Grèce.
ellipse.
Conique, ensemble des points d'un plan...
équilibre.
[PHYSIQUE] État de repos, position stable résultant de l'action de deux...
Euclide.
Mathématicien de la Grèce antique....
force.
[PHYSIQUE] Concept traduisant quantitativement les interactions entre objets...
Hiéron II.
Roi de Syracuse (265-215 avant J.-C.), chef de l'armée, refoula...
hydraulique.
Branche de la mécanique des fluides qui traite des liquides...
Voir plus
Chronologie
* vers 287 avant J.-C. Naissance d'Archimède, à Syracuse.
* 213/212 avant J.-C. Le consul Marcellus entreprend le siège de Syracuse, dont Archimède dirige la défense.
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