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L'IMPRESSIONNISME

 

 

 

 

 

 

 

impressionnisme

Consulter aussi dans le dictionnaire : impressionnisme
Cet article fait partie du dossier consacré à l'impressionnisme et du dossier consacré au style.

ARTS PLASTIQUES

1. L'IMPRESSIONNISME : UN MOUVEMENT MODERNE

1.1. LE MOT D’UN CRITIQUE

Le terme d’« impressionnisme » vient d’un article du critique d’art Louis Leroy, paru dans le journal quotidien le Charivari en date du 25 avril 1874, et intitulé : « L’exposition des impressionnistes ». Moqueur, Leroy y raconte sa visite dans l’atelier parisien du photographe Nadar, boulevard des Capucines, où une « Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc. » présente pendant un mois plus de cent cinquante œuvres. Le critique s’acharne sur un tableau de Claude Monet, peint en 1872, et intitulé Impression, soleil levant : « Je me disais aussi, puisque je suis impressionné, il doit y avoir de l’impression là-dedans… »
Ce surnom encombrant d’« impressionnistes », Monet et ses amis de la Société anonyme vont non seulement l’accepter, mais le reprendre, dès 1877, à l’occasion de nouvelles manifestations qu’ils organisent. Ainsi, au total, huit expositions se succèdent à Paris, de 1874 à 1886 : chacune présente une approche nouvelle de la couleur et de la lumière, à travers une sensibilité de l’instant ; chacune est une étape vers la naissance de l’art moderne.


Le triomphe auprès du public est long à venir. Mais l’impressionnisme est soutenu dès ses débuts par le combat d’une partie de la critique, puis, plus tard, par l’influence de ce courant sur les artistes à l’étranger, dans de nombreux pays (→ l'impressionnisme à l'étranger).

1.2. PEINDRE L’EXTÉRIEUR ET LA VIE MODERNE

        Dès les années 1830, des artistes ouvrent la porte de leur atelier pour s’en aller peindre à l’extérieur : Théodore Rousseau, Charles François Daubigny, Narcisse Virgile Diaz de la Peña, Jean-François Millet, Jean-Baptiste Camille Corot séjournent à Barbizon, à la lisière de la forêt de Fontainebleau, où ils exécutent des toiles « sur le motif » – c’est-à-dire sans esquisse préalable, devant le « morceau de nature » qu’ils ont choisi.

Avec les paysagistes anglais de la fin du xviiie siècle (en particulier John Constable et William Turner), ces peintres sont, au début des années 1860, les maîtres de jeunes artistes nommés Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir, Frédéric Bazille, Alfred Sisley – qui vont devenir les premiers « impressionnistes ». Cette volonté de peindre en plein air n’est pas d’un phénomène isolé : dans les mêmes années, Eugène Boudin et Johan Barthold Jongkind pratiquent la peinture ou l’aquarelle sur la côte normande, au bord de la mer ; cela conforte Monet dans la voie qu’il emprunte.

Contrairement aux paysagistes classiques, qui peignaient une nature irréelle et idéalisée, les impressionnistes vont s'efforcer de rendre l'éphémère, la vision fugace. Selon l'heure du jour, la saison ou le temps qu’il fait, un même paysage connaît de sensibles variations. Pour fixer sur la toile les rapides sensations visuelles qui se modifient à chaque instant, ces jeunes peintres vont devoir renouveler leur méthode de travail, trouver une technique pour traduire avec sincérité ce qui s'offre à leurs yeux.

Le réalisme de Gustave Courbet, l’attention portée par Édouard Manet à la ville et au monde contemporain sont aussi des éléments essentiels. Pour cette jeune génération, en effet, la peinture ne peut plus se référer à l’idéal glacé du classicisme. Une révolte est amorcée, que ces artistes vont également exprimer en se rebellant contre les institutions artistiques, en créant leurs propres circuits pour se faire connaître.

1.3. LE REFUS DES INSTITUTIONS

En 1855, Gustave Courbet a montré l'exemple : dans son « pavillon du Réalisme », il expose l'Atelier du peintre, où il se met en scène en train de brosser un paysage, entouré d'une assemblée d'amis, de personnalités admirées ou haïes, de figures allégoriques. Ce faisant, Courbet bouscule doublement la tradition : en dédiant à un sujet trivial une toile dont l’immense format est habituellement réservé à la peinture d’histoire ; en s’adressant directement au public, en dehors des expositions officielles organisées par l’État.

Édouard Manet fait également figure de modèle révolutionnaire pour les jeunes peintres. En 1863, le jury du Salon annuel de peinture exclut de l’exposition son Déjeuner sur l'herbe. Puis l’œuvre est admise au Salon des refusés – manifestation autorisée par l’empereur Napoléon III afin de laisser les visiteurs seuls juges des œuvres rejetées par le jury du Salon officiel. C’est là que le jeune Paul Cézanne peut l’admirer, tout comme Renoir, Sisley ou Monet, reconnaissant en Manet le chef de file de la nouvelle école à laquelle ils souhaitent appartenir.

1.4. LA FORMATION D’UN GROUPE

Monet, Renoir, Bazille et Sisley vivent une première émancipation. L’école privée qu’ils fréquentent depuis le début des années 1860, tenue par le peintre et professeur à l’École des Beaux-Arts Charles Gleyre, va fermer. Monet, bientôt imité par ses camarades, en profite pour abandonner un apprentissage qui lui paraît décalé avec son idéal artistique. L’hospitalité de Bazillle, le moins impécunieux d’entre eux et qui possède un vaste atelier, leur permet d’affronter cette période difficile tout en continuant de travailler.
Ceux qu’on réunit parfois sous le nom de « groupe des Batignolles » parviennent alors à se rapprocher de Manet, dont ils reçoivent la leçon. Les rencontres ont souvent lieu au café Guerbois, un établissement du quartier de l’actuelle place Clichy, à Paris, fréquenté par des peintres mais aussi des écrivains et des critiques.

Devant l’incompréhension du jury du Salon annuel de peinture, l’appui des écrivains s’avère précieux. Et en particulier celui des écrivains journalistes qui, à l’instar d’Émile Zola, défendent la cause de la nouvelle école. Ami d’enfance de Cézanne, Zola restera perplexe sa vie durant devant la peinture impressionniste. Mais sa conviction est entière : les institutions artistiques doivent être refondées.
Et sa plume est virulente. Comparant le Salon à un « immense ragoût artistique qui nous est servi tous les ans », Zola s’enflamme dans les colonnes du quotidien l’Événement : qu’il s’agisse de Manet ou des autres, il exige « que les artistes qui seront à coup sûr les maîtres de demain ne soient pas les persécutés d’aujourd’hui » (l’Événement, 27-30 avril 1866).

1.5. LE CHOIX DE LA RUPTURE
Forts de leur entente et de leur volonté commune d’indépendance, ces habitués du café Guerbois imaginent vers 1867 de constituer une association afin d'organiser des expositions et des ventes. Mais les divergences sont encore trop nombreuses pour que le projet aboutisse, le point sensible restant la question du Salon, que Manet, Degas, Renoir, Sisley et Cézanne n’ont pas encore renoncé à investir.

Un assouplissement de son règlement, en 1869, rend un moment l'espoir aux artistes, différant leur projet. Tous les peintres ayant déjà exposé sont en effet admis à participer à l'élection du jury : Edgar Degas, Henri Fantin-Latour, Camille Pissarro, Renoir et Manet peuvent exposer leurs œuvres, mais Sisley, Cézanne et Monet sont refusés.
Pendant la guerre franco-prussienne et la Commune (1870-1871), Pissarro et Monet trouvent refuge à Londres, où ils rencontrent le marchand d’art et galeriste Paul Durand-Ruel (1831-1922) qui s’intéresse à leur peinture.
Les réunions parisiennes ne reprennent qu'en 1872, cette fois-ci à la Nouvelle-Athènes, un café de la rue Pigalle. Cette année-là, Durand-Ruel multiplie ses achats : 30 toiles de Manet, plusieurs de Renoir, Sisley et Monet. Ce soutien arrive à temps, car, en dépit des récents changements politiques, le milieu artistique officiel reste hostile à la nouvelle peinture.

Manet, Pissarro, Cézanne, Renoir, Fantin-Latour, Jongkind et de nombreux autres peintres adressent une pétition au ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts pour réclamer un nouveau Salon des refusés, qu’ils obtiennent. Mais, d'un commun accord, les artistes proches de Manet, à l'exception de Berthe Morisot, choisissent finalement de n’y rien présenter, ayant décidé d'organiser eux-mêmes leurs expositions : ainsi, le 27 décembre 1873, la Société anonyme coopérative des artistes peintres, sculpteurs, graveurs, etc. est fondée par Monet, Renoir, Pissarro, Sisley, Morisot, Cézanne et quelques autres. Cette société éphémère rassemble des artistes aux tempéraments très divers, décidés à défendre ensemble des principes esthétiques nouveaux.
Pour en savoir plus, voir l'article les expositions impressionnistes.

2. L'IMPRESSIONNISME : UNE TECHNIQUE RÉVOLUTIONNAIRE

2.1. THÈMES ET MOTIFS
AU BORD DE L'EAU

Travaillant volontiers par petits groupes de deux ou trois, les impressionnistes ont une prédilection pour les sites au bord de l'eau, les vues tranquilles de villages et les petites villes de la région parisienne – Louveciennes, Marly, Argenteuil, La Celle-Saint-Cloud, Bougival, Chatou – qui constituent le véritable berceau de leur mouvement.

Quelques sites leur doivent leur renommée, comme la Grenouillère, établissement de bains situé au bord de la Seine, à Bougival, très fréquenté par les Parisiens en fin de semaine. Profitant de la résidence de ses parents à Louveciennes, Renoir, accompagné de Monet, travaille à Bougival pendant tout l'été 1869. Sa guinguette, ses bains et ses canots sur le fleuve constituent autant de prétextes à des toiles scintillantes de couleurs.
À l'opposé des paysagistes classiques, qui réalisent des vues champêtres vides de présence humaine, ou parfois animées de nymphes ou de dieux, les impressionnistes se concentrent sur les frondaisons ombrageant la promenade, les reflets du fleuve, l'activité des nageurs et des canotiers, l'animation de la foule.

VUES URBAINES

Familiers de la campagne et des jardins, les artistes n'en négligent pas pour autant les aspects de la vie urbaine. Gustave Caillebotte, Pissarro, Renoir, Monet captent depuis des balcons d'immeubles la vue vertigineuse des boulevards et l'enfilade des façades, l'animation des piétons et des voitures caractéristiques du Paris du Second Empire, rénové par le préfet Georges Eugène Haussmann.

LES SPECTACLES ET LES PLAISIRS

Degas préfère l'atmosphère enfiévrée et secrète des coulisses de l'Opéra, les répétitions, le spectacle sur la scène, la masse compacte des instruments de l'orchestre. L'ambiance canaille du café-concert retient aussi son attention, parfois son ironie, tandis que Renoir s’applique à de grands tableaux où résonne la gaieté simple et populaire des bals de Montmartre.

LA VIE MODERNE

L’écrivain Louis Edmond Duranty livre en 1876 une première étude d’ensemble sur l’ancien groupe des Batignolles (La Nouvelle Peinture : à propos du groupe d’artistes qui expose dans les galeries Durand-Ruel), qui met l’accent, précisément, sur l’importance de la vie contemporaine dans leur art.
Les tableaux impressionnistes constituent, à leur manière, un hymne au modernisme et un témoignage sur le développement de la France au dernier tiers du xixe siècle.
Monet, qui habite Argenteuil, est un utilisateur assidu de la ligne des Chemins de fer de l'Ouest, dont le terminus est la gare Saint-Lazare. En 1877, il prend des croquis sous sa haute verrière et réalise une série de peintures sur l'arrivée des trains en gare, fixant les épais nuages de vapeur qui diffractent la lumière.

2.2. TOUCHE ET COMPOSITION
LA JUXTAPOSITION DE MASSES COLORÉES

Ces scènes mouvementées et joyeuses nécessitent une touche légère, rapide, pour être fixées sur la toile. La composition se réduit souvent à un équilibre entre de grandes masses juxtaposées, qui ne sont pas fondues.
La surface du tableau, de près, apparaît chaotique, mais elle trouve son harmonie à distance, donnant l'illusion d'une vue instantanée, d'un motif entrevu. Le traitement se fait flou sur les lointains ; les plans successifs s'étagent et se fondent par des passages lumineux.

L’INFLUENCE DES ESTAMPES JAPONAISES

Les estampes japonaises constituent à cet égard un modèle nouveau. En 1856, le graveur Félix Bracquemond, un ami de Manet, découvre un volume d'estampes d'Hokusai, qui passe de main en main parmi les artistes de son entourage. Après l'ouverture, en 1862, de la Porte chinoise, une boutique spécialisée, les estampes circulent encore plus largement à Paris ; à la fin de sa vie, Monet ne possède pas moins de 200  planches d'Utamaro, Hokusai et Hiroshige.
Avec leurs motifs simplifiés, souvent tronqués, leurs plans juxtaposés, ces créations exotiques aident les artistes à dépasser la vision occidentale traditionnelle.
2.3. LE TRAITEMENT DE LA LUMIÈRE

Les impressionnistes s’efforcent d’exprimer la lumière avec le plus de vérité possible.
À partir de 1874, Manet lui-même éclaircit ses toiles, délaisse les noirs profonds pour peindre des ombres colorées. Il passe l'été dans la maison familiale du Petit-Gennevilliers, non loin d'Argenteuil où réside Monet, avec qui il peint les mêmes sujets et qu’il représente sur son bateau-atelier.
Quelques kilomètres en aval, Sisley prend possession des rives herbeuses du fleuve, s'attachant à traduire les mouvements des barques, le passage du vent dans les arbres, les reflets changeants du ciel sur l'eau.

LES SAISONS

L’été, dont la vive luminosité engendre des contrastes violents, n’est pas la seule saison retenue par ces artistes, qui s'intéressent également aux teintes assourdies des demi-saisons. Sisley, en particulier, excelle dans les ciels pommelés et la suggestion des feuillages d'automne ; ses gris et ses beiges légers évoquent les délicates harmonies de Corot.

LA NEIGE COMME UN MIROIR
La neige, enfin, constitue un motif de choix pour tous les impressionnistes. Pour Monet, les rigueurs de l’hiver offrent un spectacle à la fois mélancolique et grandiose, en particulier en 1880 lorsqu’à la suite du dégel, la carapace de glace de la Seine se rompt brusquement. « Nous avons eu ici une débâcle terrible et naturellement j’ai essayé d’en faire quelque chose. », écrit l’artiste dans une lettre, annonçant plusieurs tableaux sur le thème des « Glaçons » qui sont autant de prétextes pour mêler le liquide et le solide, les tons de l’eau et ceux du ciel.
Chez Renoir, pour qui le blanc n'existe pas dans la nature, les champs immaculés sont comme un miroir où se reflète le ciel. Alors, la neige revêt diverses teintes selon le moment de la journée : vertes et jaunes le matin, rouges et jaunes le soir, bleues, parfois roses.

2.4. COULEUR PURE ET CONTRASTES

Les conditions du travail en plein air déterminent une technique particulière. Il s’agit de peindre vite, avec un matériel aisément transportable – et donc réduit. La palette des couleurs employées par les impressionnistes est limitée, et l’application de ces couleurs sur la toile est relativement grossière.

UNE PÂTE ÉPAISSE

Claude Monet, la Rue Montorgueil, fête du 30 juin 1878
Au mépris des conventions traditionnelles selon lesquelles le pinceau du peintre ne doit laisser aucune trace, aucune empreinte, Cézanne étend la pâte en épaisseur, Monet ou Renoir la déposent en « virgules » bien grasses.
Cette technique, qu’on explique parfois par l’invention contemporaine des tubes de peintures en métal mou (on conservait jusque-là la peinture fraîche dans des vessies de peau), suscite sur le moment une vive réprobation. Pourtant, les impressionnistes n'utilisent que rarement, çà et là, des teintes pures, sorties du tube.
MÉLANGE OPTIQUE

Avant tout, ils obtiennent l'intensité colorée de leurs tableaux en jouant sur la juxtaposition des couleurs. Deux teintes complémentaires placées côte à côte se renforçant, ils n'hésitent pas à rapprocher un rouge d'un vert, un jaune d'un violet, un bleu d'un orangé.
Les peintres connaissent le livre publié en 1839 par le chimiste Eugène Chevreul, qui faisait état de toutes les transformations subies par les couleurs selon leur voisinage. Pour éviter de salir leurs tonalités par des mélanges, ils préfèrent juxtaposer des teintes de nuances opposées, laissant l'œil recomposer à distance la combinaison. Ce phénomène est alors connu sous le nom de « mélange optique ».

3. L'HISTOIRE DE L'IMPRESSIONNISME

3.1. LES TEMPS DIFFICILES
LE RÔLE DE DURAND-RUEL

Les premières années de l’histoire de l’impressionnisme sont marquées par de très grandes difficultés. Économiques surtout ; car à l’exception de Degas, qui d’ailleurs est issu de la grande bourgeoisie, les peintres de la Société anonyme vendent très mal leurs œuvres. Il faut le courage et la ténacité du marchand d’art Durand-Ruel, qui prend de gros risques, pour constituer le réseau des premiers clients – parfois guère plus riches que les artistes – et réguler les cotes.

PREMIERS ACHETEURS

En s’éloignant du Salon officiel, les impressionnistes se coupent du circuit ordinaire des commandes. Or la vente d’un tableau à un collectionneur privé ne garantit pas à l’auteur une publicité comparable à celle d’un achat par l’État. De surcroît, un revers de fortune peut provoquer une catastrophe. C’est ce qui arrive lorsqu’Ernest Hoschedé (1837-1891), important négociant de tissu, est déclaré en faillite. En 1878, plus de cinquante tableaux impressionnistes lui appartenant sont mis en vente aux enchères, et l’effondrement des cours s’ensuit : « La vente Hoschedé m’a tué », résume Pissarro.
Mais la vente aux particuliers peut aussi asseoir les carrières, lorsque ces particuliers possèdent une « surface sociale », une visibilité importante. C’est le cas notamment du chanteur Jean-Baptiste Faure (1830-1915), propriétaire à un certain moment de pas moins de 67 Manet et 63 Monet, ou de Georges Charpentier (1846-1905), éditeur de Zola et de Guy de Maupassant, qui reçoit chez lui des hommes politiques, et dont les murs sont couverts de tableaux de Monet et, surtout, de Renoir.

3.2. VERS LA RECONNAISSANCE
DES RAILLERIES AU SOUTIEN

La critique elle aussi joue un rôle, à condition de porter son attention sur cette nouvelle peinture. Le pire ennemi des artistes est le silence : tout lui est préférable, et même les railleries et les moqueries, qui, au moins, attirent l’attention.
De fait, celles-ci sont prodiguées assez largement aux impressionnistes. Puis à partir des années 1880, un progrès est sensible. L’exemple des initiateurs commence à porter : après Zola, c’est Duranty ou Philippe Burty qui prennent la relève, puis Théodore Duret et, surtout, le romancier Joris-Karl Huysmans, dont les textes ciselés sont repris dans l’Art moderne (1883) puis dans Certains (1889).

L’ÉCLOSION DU NÉO-IMPRESSIONNISME

Dans les années 1880, Paul Gauguin rejoint Pissarro à Rouen. Doyen des impressionnistes, ce dernier est le plus ouvert aux innovations de ses confrères et apporte son soutien à Cézanne comme à Gauguin ; les jeunes peintres apprécient son affabilité et sa disponibilité légendaires. C'est vers lui que se tourne aussi Paul Signac en 1885.

Fervent admirateur des impressionnistes, et de Monet en particulier, Signac en adopte les touches fragmentées et les couleurs pures. Sa rencontre avec Georges Seurat marque les prémices d'un nouveau mouvement pictural, le néo-impressionnisme, dans lequel la touche morcelée des impressionnistes laisse place à de minces tirets, parfois à des points – d'où le nom de « pointillisme » bientôt donné à cette technique.
Dès 1885, Pissarro adopte le procédé dans ses toiles. Il peut ainsi retrouver une vigueur nouvelle dans ses compositions, que la touche floue et allusive de l'impressionnisme avait eu tendance à dissoudre. Signac s'engage à son tour dans cette voie, que Gauguin, lui, refuse de suivre.

3.3. SUCCÈS… ET FIN DU MOUVEMENT IMPRESSIONNISTE
Après de longues années de lutte, les impressionnistes commencent à connaître une certaine renommée, que Durand-Ruel tente d'élargir outre-Atlantique. Quelques semaines avant l'exposition de 1886, le marchand s'embarque à destination de New York avec plus de 300 toiles de ses peintres, bien décidé à ouvrir le Nouveau Monde à l'art moderne.
L'année 1886, avec la dernière exposition du groupe et l'avènement du néo-impressionnisme, marque la fin de l'aventure impressionniste.

RETOUR AUX INDIVIDUALITÉS

Certains artistes, comme Sisley ou Jean-Baptiste Armand Guillaumin, resteront fidèles à cette esthétique. D'autres, comme Monet, avec sa série des Cathédrales et celle de ses Nymphéas, la dépasseront. Ces toiles, où la lumière et la couleur deviennent le véritable sujet du tableau, le conduiront aux portes de l'abstraction.

Cézanne, pour qui l'impressionnisme ne fut qu'une brève aventure, poursuit ses recherches dans le Midi. À la touche fractionnée de l'impressionnisme il oppose une construction rigoureuse de la forme par la couleur, ouvrant la voie au cubisme.
Grand admirateur du maître d'Aix, Gauguin se tourne vers un art simplifié, traitant la forme en grandes masses colorées, cherchant à réaliser une synthèse entre le dessin et la couleur. Ses premières recherches, menées en Bretagne, le mèneront bientôt à Tahiti.
UN TOURNANT DE L’ART MODERNE

En moins de vingt ans, la peinture a réalisé l'une des révolutions les plus importantes de son histoire. Né sous le signe de Manet, l'impressionnisme annonce déjà, à la fin des années 1880, les grandes mutations du siècle suivant. En laissant l'artiste donner libre cours à l'interprétation de ses impressions et de son expérience intime, il transforme la peinture en un langage émotionnel contrôlé, soutenu par une théorie de la couleur et de la lumière.

À partir de 1890, la cote des Impressionnistes commence à grimper et son ascension ne s'arrêtera plus, témoignant de l'engouement constant des collectionneurs et du public des musées pour leurs toiles aux tonalités tantôt vives et gaies, tantôt douces et mélancoliques, qui fixent tout un monde de sensations et de visions éphémères.
L'influence des trouvailles impressionnistes (mélange optique, valeurs claires, vibration de la lumière artificielle ou solaire, souci non plus de la densité, mais de la légèreté des choses) servira de point de départ à des maîtres de génie comme Toulouse-Lautrec, Van Gogh et plus tard Bonnard.

3.4. QUELQUES PAGES CRITIQUES

« Disons pourtant que, s’il plaît à ces messieurs de se servir de la brosse par le manche, au lieu de la retourner à l’endroit, personne n’a rien à y voir ; mais alors c’est à la condition de justifier ce mode de réalisation, et de prouver qu’on peint mieux avec un couteau à palette qu’avec les crins d’un pinceau. Cela pourra venir ; pour le moment ce n’est pas encore venu. »

(Marc de Montifaud, « Exposition du Boulevard des Capucines », l’Artiste, 1er mai 1874).
- « Il est vrai qu’il est déjà honorable de déblayer le chemin pour l’avenir, pour peu qu’on soit tombé sur la bonne voie. Aussi rien de plus caractéristique que l’influence des peintres impressionnistes – refusés chaque année par le jury – lorsqu’elle s’exerce sur les peintres aux procédés adroits qui constituent chaque année l’ornement du Salon… »
(Émile Zola, « Nouvelles artistiques et littéraires », le Messager de l’Europe, juillet 1879).
- « L’impressionnisme n’est guère que la codification de l’ébauche. Nous sommes loin de le proscrire ou du moins de le dédaigner. […] Mais élever l’ébauche à la hauteur d’un système, c’est de la théorie sans portée, si même, le plus souvent, ce n’est pas de l’impuissance et une simple forme de l’escamotage. »
(Henry Trianon, « Sixième exposition de peinture par un groupe d’artistes : 35, boulevard des Capucines », le Constitutionnel, 24 avril 1881).
- « J’ai souvent pensé avec étonnement à la trouée que les impressionnistes et que Flaubert, de Goncourt et Zola ont fait dans l’art. L’école naturaliste a été révélée au public par eux ; l’art a été bouleversé du haut en bas, affranchi du ligotage officiel des Écoles. »
(Joris-Karl Huysmans, « Le salon de 1879 », l’Art moderne, 1883).

- « Depuis des milliers d’années, tous les gens qui se mêlent de peindre empruntent leurs procédés d’éclairage aux vieux maîtres. […] C’est au petit groupe des impressionnistes que revient l’honneur d’avoir balayé tous ces préjugés, culbuté toutes ces conventions. L’École nouvelle proclamait cette vérité scientifique : que la grande lumière décolore les tons, que la silhouette, que la couleur, par exemple, d’une maison ou d’un arbre, peints dans une chambre close, diffèrent absolument de la silhouette et de la couleur de la maison ou de l’arbre, peints sous le ciel même, dans le plein air. »

 

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ASIE

 


 

 

 

 

 

Asie

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L'Asie forme le plus vaste (30 % des terres émergées) et le plus peuplé (près de 60 % de la population mondiale) des continents. Les limites sont nettes au nord (océan Arctique), à l'est (océan Pacifique) et au sud (océan Indien). En revanche, elles le sont moins à l’ouest et au sud-ouest ; par convention, on considère que l'Oural sépare l'Asie de l'Europe (à l'ouest) et que l'isthme de Suez la sépare de l'Afrique (au sud-ouest). Toute la partie continentale est dans l'hémisphère Nord (entre 1° et 77° de latitude) ; seules des îles d'Indonésie sont situées au sud de l'équateur. De l'ouest à l'est, le continent s'étire sur 164° de longitude.
L’Asie peut être divisée en grands ensembles distincts :
– l'Asie occidentale (Proche-Orient et Moyen-Orient) ;
– l'Asie septentrionale (comprenant la partie asiatique de la Russie) ;
– l'Asie méridionale (ou Asie du Sud) ;
– l'Asie centrale ;
– l'Asie du Sud-Est ;
– l'Asie orientale (ou Extrême-Orient).
*         Superficie : 44 millions km2
*         Population : 4 298 723 000 hab. (estimation pour 2013)
*
GÉOGRAPHIE

1. LE MILIEU NATUREL

Comparée aux autres continents, l'Asie possède l'altitude moyenne (environ 950 m) la plus élevée, nonobstant la présence des dépressions les plus profondes du monde. Le centre du continent est en effet occupé par le plus important ensemble montagneux de la planète, qui s'étire du Taurus à l'archipel de la Sonde et qui englobe notamment l'Himalaya (8 848 m à l'Everest) ; cependant que le fond du lac Baïkal se situe à moins de 1 300 m au-dessous du niveau de la mer. Les forts contrastes de relief se retrouvent aussi le long des façades sud et est du continent, avec des grandes chaînes volcaniques qui bordent les fosses océaniques les plus profondes (fosses d'Indonésie, des Philippines, des Ryukyu, du Japon, des Kouriles, du Kamtchatka). Les montagnes se succèdent en chaînes orientées, pour l'essentiel, d'est en ouest (chaînes Pontique et du Taurus, du Caucase, de l'Hindu Kuch, de l'Himalaya, du Tian Shan, des Qinling) et s'infléchissent vers le sud dans la partie sud et orientale du continent (Arakan Yoma, Grand Khingan). Ces massifs, parfois volcaniques (surtout à l'est et dans le sud-est insulaire), enserrent des plaines ou des plateaux : Anatolie, plateau iranien, Tibet, Ordos, plaine de Mandchourie.
Les grands fleuves de l'Asie des moussons y ont trouvé les matériaux des plaines alluviales et deltaïques (plaine indo-gangétique, delta du Mékong, grandes plaines de Chine).


Au nord et au sud, de vastes régions de plaines et de plateaux correspondent à la présence de boucliers cristallins précambriens (Arabo-syrien, Deccan, Turkestan, Sibérie orientale), parfois recouverts d'épais sédiments (Sibérie occidentale).

2. LE CLIMAT

L'extension en latitude explique la diversité des climats. On y vit en effet sous un climat continental en Sibérie, aux hivers longs et froids et aux étés brefs et chauds. Le sol, constamment gelé en profondeur, porte une maigre végétation, la toundra (à laquelle succède, vers le sud, la taïga). Au sud, de la mer Caspienne jusqu'au Gobi, c'est un climat désertique ou du moins aride (avec une maigre steppe) aux forts contrastes thermiques. Également désertiques mais constamment chauds sont les climats de l'Arabie au Sind. Tout le Sud-Est, plus chaud, est affecté par la mousson, qui apporte des pluies d'été, essentielles pour l'agriculture. La forêt dense recouvre partiellement l'Insulinde (Bornéo et Sumatra notamment), constamment et abondamment arrosée.

3. LA POPULATION

L'Asie est une mosaïque de peuples, de cultures et de religions. L'étendue ainsi que le relief montagneux ou désertique qui compartimente le continent ont permis à des communautés humaines de développer des spécificités culturelles. Pourtant, les voies commerciales, spécialement les routes du thé, ont favorisé l'interpénétration de certains aspects des cultures. L'islam et le bouddhisme en sont les exemples les plus frappants, qui se sont répandus depuis leur foyer respectif (Arabie, Inde) jusqu'en Extrême-Orient. Ces échanges ont façonné l'Asie contemporaine, plus profondément et durablement que les bouleversements dus aux guerres, dont pourtant le continent a été le théâtre permanent dans son histoire.
La démographie de l'Asie est « excessive », avec à la fois des déserts et des steppes sous-peuplées et des zones de surpopulation extrême dans les deltas et les plaines alluviales. Ce continent est le plus peuplé de la planète, avec plus de 4 milliards d'habitants et deux États – la Chine et l'Inde – qui dépassent, chacun, le milliard d'habitants. Il serait absurde d'établir une densité moyenne de population tant les contrastes sont grands. Les États des steppes et des hauts plateaux, où l'on trouve de vastes déserts, sont en effet sous-peuplés (comme la Mongolie, avec une densité de 1,5 habitants par km2) tandis que les États de l'Asie des moussons sont surpeuplés (comme le Bangladesh, avec une densité de plus de 900 habitants par km2). La plupart des pays d'Asie ne connaissent pas le contrôle des naissances et ont un taux de croissance naturel de plus de 2 % l'an. La forte natalité (autour de 35 ‰) est compensée par une mortalité encore élevée (11 à 12 ‰), notamment la mortalité infantile (91 ‰ au Pakistan). À l'exception du Japon, déjà confronté au vieillissement de sa population, les pays les plus développés économiquement sont entrés dans la première phase de la transition démographique, liée à la baisse de la mortalité (5 ‰ en Malaisie, 11 ‰ pour la mortalité infantile). Mais la baisse du taux de croissance (autour de 1,5 ‰) est très lente en raison de la forte natalité des années passées, dont les conséquences démographiques s'étendent sur plusieurs générations ; c'est notamment le cas pour la Chine, où le contrôle des naissances est aujourd'hui rigoureux et, dans une moindre mesure, pour l'Inde.

4. L'ÉCONOMIE

4.1. L'AGRICULTURE, ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ

Le poids démographique global et l'existence d'une population encore massivement rurale expliquent que l'agriculture soit dominée par des productions vivrières, le riz, grande céréale de l'Asie des moussons – on parle de « civilisation du riz » – et le blé, le maïs et l'orge que l'on trouve au Proche-Orient et au Moyen-Orient. En Extrême-Orient, hors ceinture des moussons, blé, maïs et sorgho dominent (Chine centrale). Les vastes régions semi-arides sont consacrées pour l'essentiel à l'élevage. Dans la partie occidentale de l'Asie (y compris ici la partie ouest de la Chine), l'élevage demeure également une des bases de la subsistance, mais l'économie traditionnelle, fondée sur le nomadisme, est bouleversée par l'effort des États pour favoriser la sédentarisation (Arabie saoudite, Chine) ou par la modernisation des méthodes (Iran). S'y ajoutent les productions de fruits et légumes quand le climat s'y prête (l'Asie occidentale, l'Asie méridionale, et encore, dans une moindre mesure, la Mongolie).

4.2. L'EAU, DÉFI MAJEUR DU XXIe S.
Le problème capital de l'Asie est celui de l'eau, soit parce qu'elle manque (Proche- et Moyen-Orient, nord et nord-ouest de l'Asie orientale), soit en raison de son abondance (Asie méridionale). Si la maîtrise de l'eau a toujours constitué dans l'histoire de l'Asie une donne majeure dans le jeu du pouvoir, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours (barrage d'Assouan en Égypte, crues du Yangzi Jiang en Chine), ses enjeux contemporains apparaissent de plus en plus nettement (Israël/territoires palestiniens-Syrie, Turquie/Syrie-Iraq, etc.) en raison de l'augmentation spectaculaire du besoin généré par l'industrialisation des méthodes de culture (Arabie saoudite, Israël), mais aussi à cause de la pollution dont les effets s'aggravent dans les pays nouvellement industrialisés (Asie orientale et Asie du Sud-Est).

4.3. DES RESSOURCES ABONDANTES MAIS INÉGALEMENT RÉPARTIES

Les ressources énergétiques sont globalement très importantes, mais insuffisantes pour les grands centres industriels d'Asie orientale. Le Japon, la plus grande puissance industrielle de la région (et la deuxième du monde), dépend ainsi largement du reste du monde – et, notamment, du Moyen-Orient – pour son approvisionnement énergétique.
L'Asie produit en effet 40 % du pétrole mondial et même plus de la moitié si l'on ajoute la production russe (surtout en Sibérie occidentale, qui dispose aussi de gigantesques ressources en gaz naturel) à la production du Moyen-Orient, de l'Asie centrale, de la Chine et de l'Indonésie. Toutefois, la partie de l'Asie qui consomme le plus d'hydrocarbures, l'Asie orientale, doit importer l'essentiel de sa consommation ; elle produit en effet seulement 10 % des hydrocarbures de la planète et ses réserves sont évaluées, au mieux, à 5 % des réserves mondiales, alors qu'elle consomme le quart de la production mondiale.
Cela explique l'importance stratégique des exploitations offshore d'hydrocarbures en mer de Chine – jusqu'à ce jour très décevantes – et des lieux de passage obligés des pétroliers. Ceux-ci transportent chaque année quelque 500 millions de tonnes du précieux carburant, depuis le golfe Persique jusqu'au Japon et en Corée du Sud, par les détroits de Malacca et de Lombok, et, dans le sens Asie-Europe, des chargements de conteneurs ou d'automobiles (on compte 300 passages de navires par jour à la hauteur de Singapour).
En Asie, 53 % de l'énergie industrielle et 55 % de l'électricité proviennent encore du charbon ; la moitié de la production mondiale y est d'ailleurs extraite si l'on prend en considération le bassin sibérien du Kouzbass.
Enfin, l'hydroélectricité est très en retard sur les possibilités naturelles : si le barrage des Trois-Gorges, en Chine, sur le Yangzi Jiang, est opérationnel, l'aménagement du Mékong demeure à l'état de projet.

HISTOIRE
L'Asie offre un contraste extraordinaire entre les grandes unités territoriales et culturelles d'une part et le morcellement des populations, des traditions ou des langues d'autre part. À l'Inde et à la Chine densément peuplées, par exemple, s'opposent les États d'Asie occidentale du Proche- et du Moyen-Orient, situés à la jonction de trois continents (Europe, Afrique, Asie). Berceau des trois grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam), des deux grandes religions de l'Asie orientale (hindouisme et bouddhisme) et de nombreuses disciplines spirituelles (confucianisme, taoïsme, etc.), le continent est divisé entre de nombreuses ethnies et religions.

ASIE OCCIDENTALE, LA QUESTION DE L'IDENTITÉ
La conquête arabe et l'expansion islamique ont profondément marqué cette partie du monde. Notons cependant que l'islam s'est répandu bien au-delà des limites de l'Asie occidentale : en Chine, en Indonésie, au Pakistan et en Asie centrale.

UNE RÉGION CONVOITÉE, DÉCHIRÉE PAR LES CONFLITS
Après l'effondrement de l'Empire ottoman, les richesses pétrolières ont fait du Moyen-Orient l'enjeu de rivalités entre les grandes puissances, compliquées à la fois par l'accession de tous les États de la région à l'indépendance après la fin de la Seconde Guerre mondiale, puis par les effets de la renaissance islamique.
Mais l'histoire contemporaine de l'Asie occidentale est avant tout marquée par le conflit israélo-palestinien qui plonge ses racines dans la question plus fondamentale de cette région, celle des nationalités et, au-delà, celle de l'identité. Ce problème est issu à la fois de l'éclatement d'un grand empire multiethnique et multiculturel, l'Empire ottoman à la fin de la Première Guerre mondiale, et de la décolonisation.
En réaction à l'interférence occidentale par le biais de la colonisation s'est développée la recherche d'identité, sur laquelle est venue se greffer la résurgence de l'islam. La Turquie ne cesse d'osciller, par exemple, entre un pôle islamique traditionaliste et un pôle laïc progressiste. La question kurde, mais aussi et surtout l'écartèlement entre modernisme et traditionalisme, sont à l'origine de la révolution islamique en Iran (1979). La crainte de l'influence révolution islamique iranienne sur sa majorité chiite pousse l'Iraq à déclencher une guerre très meurtrière contre l'Iran en 1980 (→ guerre Iran-Iraq).
À ce schéma conflictuel sont venus s’ajouter les enjeux du pétrole. Ainsi, sorti puissamment armé mais fragile économiquement de sa guerre contre l'Iran, l'Iraq a envahi le Koweït en raison de la production de pétrole koweïtien qui menaçait ses revenus, déclenchant alors la réaction d'une coalition internationale (guerre du Golfe).

ISRAËL ET LES ARABES

Plus au sud, le Proche-Orient, qui fait partie du monde méditerranéen, entretient avec l'Europe des relations depuis toujours déterminantes. Son histoire renvoie à celle de l'expansion européenne. Elle est aussi marquée par la présence en son centre de Jérusalem, ville sacrée pour les Juifs, les chrétiens et les musulmans. La radicalisation contemporaine des conflits est le résultat combiné des décolonisations et du sort particulier du peuple juif. Après la fin du mandat britannique en Palestine, la proclamation d'indépendance de l'État d'Israël (1948) a entraîné quatre guerres israélo-arabes, qui se sont accompagnées de conquêtes territoriales au détriment de l'Égypte, de la Jordanie, de la Syrie et des Palestiniens.
La globalisation actuelle agit exactement comme à l'époque des empires centralisateurs et niveleurs (URSS comprise) : loin d'une uniformisation, elle favorise les singularités nationales comme les solidarités transnationales. Ainsi, à l'intérieur des États (Liban, par exemple), l'argument de la « menace israélienne », comme celui de la « subversion islamiste », ne parviennent plus à occulter la contestation latente des populations qui se paupérisent.
Quant aux solidarités transnationales naissantes, elles résultent de réactions à des événements extérieurs. Ainsi, le changement de stratégie des États-Unis, qui sont passés du containment (« endiguement ») de l'Iraq (guerre du Golfe) à une politique plus radicale visant à renverser le régime de Saddam Husayn, ne parvient pas à rallier le consentement du monde arabe, sensible à la question de la solidarité panarabique ou panislamique selon les cas.
Pour en savoir plus, voir les articles Orient arabe, Question palestinienne.

ASIE MÉRIDIONALE ET CENTRALE, L'AFFIRMATION DE SOUVERAINETÉ
L'ASIE MÉRIDIONALE ET LES RADICALISMES RELIGIEUX
En Asie méridionale et dans la majeure partie de l'Asie centrale, la notion d'identité prend tout son sens, spécialement sous l'impulsion de la renaissance de l'islam.
Au moment de l'indépendance de l'Inde, la scission de la partie traditionnellement musulmane (Bengale) de l'ancien empire donne naissance au Pakistan (1947), lui-même confronté par la suite à la scission de sa partie orientale, avec la fondation du Bangladesh en 1971. Guerres, massacres et transferts massifs de populations, en fonction des confessions religieuses, n'ont cessé d'attiser depuis l'hostilité entre ces États au sujet du Cachemire) et l'explosion sporadique d'affrontements interethniques ou confessionnels à l'intérieur de ceux-ci. Face au Pakistan qui bénéficie généralement du soutien des pays islamiques, l'Inde accentue l'affirmation de sa souveraineté sous la férule nationaliste hindoue. Elle poursuit en outre son installation dans le statut de grande puissance, comme en témoignent son intervention dans le conflit tamoul au Sri Lanka (1987-1990) et les essais nucléaires auxquels elle procède à partir de 1998 ; les menaces de conflit entre l’Inde et le Pakistan sont récurrentes, et réapparaissent à l'occasion de chaque nouvelle crise majeure. Le Bangladesh, pour sa part, se débat dans sa recherche d'identité.
En Afghanistan, enfin, après la campagne de frappes américaines et la chute des talibans fin 2001, un gouvernement intérimaire multiethnique, regroupant en son sein les adversaires d'hier, est mis en place. Le maintien de ce fragile équilibre est un défi de taille pour ce pays ravagé depuis plusieurs décennies par des guerres (notamment contre l’URSS dans les années 1980).

L'ASIE CENTRALE, À LA CONQUÊTE DIFFICILE DE SA LIBERTÉ

En Asie centrale, région longtemps placée sous l'influence soviétique, des États musulmans sont nés (Kirghizistan, Ouzbékistan, Tadjikistan, Turkménistan et Kazakhstan) après la dislocation de l'URSS en 1991. Le développement de la production de pétrole et de gaz naturel (mer Caspienne) ainsi que la construction ou l'agrandissement des oléoducs et des gazoducs vers la mer Noire, la Méditerranée, le golfe Persique et la Chine sont devenus le moteur essentiel de la puissance publique dans ces Républiques.
Identité nationale et réaction à la colonisation ont gouverné l'histoire récente de la région. Objet de la rivalité entre les Empires britannique et russe à la fin du xixe siècle, l'Asie centrale, au carrefour des civilisations perse, turque et mongole, reste un patchwork d'ethnies et de cultures. Avant que ne s'exerce la tutelle soviétique, qui a abouti à une division entre États linguistiquement distincts (persophones, turcophones, slavophones), ces peuples se pensaient turcs (Turkestan) sans se reconnaître dans une véritable identité nationale.
Sous le régime soviétique, le concept de nation a progressé en dépit du nivellement communiste, mais il manque encore de maturité. Aussi le vide laissé par l'URSS en 1991 n'a-t-il pas été comblé par la Communauté des États indépendants (CEI). L'affirmation de souveraineté pousse ces États, en réaction contre l'ancienne puissance tutélaire, à rechercher des alliances en direction de la Turquie, de l'Iran ou du Pakistan.
Mais, sans tradition d'organisation administrative, à la souveraineté encore mal assise et n'ayant pas encore entamé d'évolution démocratique, ils sont confrontés à l'émergence revendicatrice des particularismes. Aux questions ethniques s'ajoutent la multiplication des oppositions politiques et la poussée des mouvements islamistes fondamentaux.
Comme ailleurs en Asie, des signes de solidarité panasiatique et la globalisation (implication accentuée de l'Union européenne et des États-Unis, par exemple) peuvent laisser espérer l'intervention de facteurs d'apaisement dans les crises identitaires liées à la naissance d'États-nations (crise tadjike dans les années 1990).
Dans le cadre de leur campagne antiterroriste lancée au lendemain des attentats du 11 septembre, les États-Unis prennent pied durablement dans la région en déployant leurs troupes dans plusieurs États (Ouzbékistan, Kirghizistan), ou dans le Caucase (Géorgie, Azerbaïdjan), au grand dam de la Russie qui y voit cependant une remise en cause de sa domination dans son ancien pré carré.

ASIE DU SUD-EST, LE RETOUR À L'UNITÉ

L'Asie du Sud-Est, qui comprend la péninsule indochinoise et les États insulaires du Sud-Est, est en partie épargnée par les questions d'identité.

PAYS DE LA PÉNINSULE INDOCHINOISE
Influencés d'un côté par la civilisation indienne et de l'autre par la civilisation chinoise, les peuples de la péninsule indochinoise ont trouvé depuis longtemps leur propre voie culturelle, en général du côté de la symbiose des influences, dans des États fortement unitaires en raison des longues luttes que les populations locales ont dû mener pour survivre. Tous colonisés par l'Occident, ces pays ont hérité avec leur indépendance soit de problèmes de souveraineté avec leurs voisins (Thaïlande, Viêt Nam), soit de difficultés consécutives à l'adoption du modèle communiste (Laos, Cambodge).
La Thaïlande, dotée d'institutions mal adaptées, comme en témoignent les nombreux coups d'État de son histoire récente – malgré une identité forte cimentée par sa royauté –, a longtemps été confrontée à un voisinage difficile avec le Viêt Nam (afflux de réfugiés de la guerre du Viêt Nam, puis réfugiés du Cambodge et du Laos, et pression vietnamienne sur ses frontières). Mais sa marche vers la prospérité économique tend, malgré les crises, à l'asseoir dans une position régionale éminente.
Le Viêt Nam, dont l'unité et l'identité n'ont cessé de se forger dans les guerres, a su conquérir un statut de puissance régionale (renversement des Khmers rouges au Cambodge en 1979, résistance victorieuse à l'invasion chinoise de 1979) en dépit de contentieux de souveraineté qui perdurent avec la Chine (îles Spratly).
Le Cambodge tente difficilement de retrouver l'harmonie entre les factions issues de l'une des plus sanglantes guerres civiles de l'histoire, mais conserve son unité grâce notamment à la famille royale des Sihanouk.
Le Laos, quant à lui, est marqué par une dictature qui a du mal à assurer un décollage économique.

FRANGES INSULAIRES
La question de l'identité ne se retrouve plus que dans les franges insulaires de la zone (Malaisie, Indonésie, Philippines), où les mélanges de populations, dans des régions situées traditionnellement sur les grandes voies maritimes et commerciales, et la difficile coexistence des religions – de l'islam en particulier avec les autres religions (bouddhisme et christianisme) – reposent le problème de l'unité. Ces pays ont connu une forte progression économique, mais les crises de croissance récentes et la résurgence des problèmes ethniques compromettent leur prospérité naissante.
L'Indonésie en outre n'est pas épargnée par les questions de souveraineté (Timor oriental, Aceh, Irian Jaya ou Papouasie-Occidentale) et les Philippines sont confrontées à des mouvements indépendantistes.
Enfin, la Birmanie, divisée entre communautés ethniques et religieuses hostiles les unes aux autres, ne parvient pas encore à trouver une unité autrement que sous la poigne d'une junte militaire.

ASIE ORIENTALE, LA RIVALITÉ DES AMBITIONS
La crise identitaire est dépassée en Asie orientale (ou Extrême-Orient), grâce à la forte unité culturelle héritée de l'histoire, ainsi qu'à l'antériorité d'organisations politiques centralisées et hiérarchisées. Subsistent néanmoins des problèmes issus de la décolonisation et liés à l'affirmation de souveraineté et à la reconquête d'un prestige passé.

RÉUSSITE ÉCONOMIQUE ET TENSIONS PERSISTANTES
Une des singularités de l'Asie orientale, partagée dans une moindre mesure par l'Asie méridionale, par rapport à l'Asie occidentale, provient de ce qu'elles cumulent les records mondiaux. On y trouve en effet les deux États milliardaires en hommes (Chine et Inde) et quatre autres pays dépassant les cent millions d'habitants (Indonésie, Pakistan, Japon et Bangladesh). En outre, la Chine et le Japon occupent respectivement le 2e et 3e rang mondial pour leur PNB. La région du Pacifique, dont ces pays constituent la façade orientale, promet d'ailleurs de devenir le centre de gravité du xxie s.
Cette émergence illustre un mouvement d'oscillation caractéristique de l'histoire de l'Asie qui a vu alterner des périodes où les empires des steppes concentraient le pouvoir et d'autres où sa façade maritime dominait le continent.
Dans une perspective d'histoire contemporaine, la guerre froide a marqué la région en radicalisant des oppositions idéologiques qui ont agi à l'encontre de l'unité nationale (fondation de Taïwan, division mongole, partage de la péninsule coréenne en deux États distincts à l'issue de la guerre de Corée, invasion du Tibet).
Cet héritage de divisions internes, accentué par les rivalités entre souverainetés concurrentes, fait qu'en dépit des succès économiques, l'Asie orientale demeure un théâtre de tensions, où de nombreuses frontières sont l'objet de litiges, notamment autour des îles, dont on suppose que les sous-sols marins regorgent de richesses naturelles (îles Paracel et îles Spratly).

VERS LA MISE EN PLACE D'UNE AUTORITÉ RÉGIONALE, DIFFICILE MAIS NÉCESSAIRE
Conséquence de cette instabilité, on assiste à des tentatives pour organiser une autorité régionale, ou, au moins, pour jeter les bases d'un marché commun de la région du Pacifique, à l'instar de ce qui se passe en Europe et en Amérique. Mais ni l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et ni la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) ne parviennent à transcender les rivalités ou à résoudre les crises telles que celle qui a secoué cette partie du monde de 1997 à 1999 (→ crise asiatique).
Cette difficulté à mettre en place une coopération régionale est illustrée également par les tentatives infructueuses de neutralisation atomique de la région, la seule de la planète à avoir connu une utilisation militaire de l'arme nucléaire, en août 1945, à Hiroshima et à Nagasaki. En Asie du Sud, l'Inde et le Pakistan refusent d'adhérer au traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et procèdent à des essais nucléaires. En Extrême-Orient, la Corée du Nord exerce un chantage : l'abandon de ses projets d'armement nucléaire contre des aides alimentaires et techniques massives.

Dépourvue de regroupements régionaux, l'Asie orientale est à un moment clé de son histoire. Les décollages économiques réussis et ceux qui s'annoncent génèrent des malaises internes et des troubles sociaux (Indonésie, Corée du Sud, Chine) et des tensions régionales susceptibles de la faire dégénérer en zone à hauts risques diplomatiques et militaires, en raison notamment de la réticence du Japon à assumer ses responsabilités régionales en matière militaire depuis le désengagement américain intervenu à la fin des années 1990, de la montée en puissance de la Chine, ou des hésitations de la politique étrangère des États-Unis. Mais, en même temps, la globalisation agit plus nettement qu'en Asie occidentale en faveur d'une cohérence panasiatique, peut-être en raison de l'interdépendance économique des marchés locaux, de plus en plus marquée et vitale à la poursuite du développement.

 
 
 
 

ARCHIMÈDE

 

 

 

 

 

 

 

Archimède

Savant de l'Antiquité (Syracuse 287 avant J.-C.-Syracuse 212 avant J.-C.).
Figure emblématique de la science grecque antique, Archimède s'est illustré à la fois par d'importantes découvertes en mathématiques et en physique et par une série d'inventions très ingénieuses.

1. ARCHIMÈDE, DISCIPLE DE L'ÉCOLE D'ALEXANDRIE
Fils de l'astronome Phidias – qui avait calculé le rapport existant entre les dimensions du Soleil et de la Lune – et peut-être apparenté à Hiéron, tyran de Syracuse, Archimède est soumis dans sa jeunesse à l'influence, alors considérable, de l'école d'Alexandrie. Il est probable qu'il va lui-même séjourner dans cette ville d'Égypte et y suivre l'enseignement du mathématicien grec Euclide et de Conon de Samos. Peut-être se rend-il aussi en Espagne, mais il revient dans sa ville natale et ne va plus la quitter.

Il y vit dans l'entourage des souverains qui le protègent et, libre de tout souci matériel, il peut se consacrer entièrement à la recherche scientifique, exerçant ses talents dans des domaines aussi divers que la géométrie, la physique et la mécanique. On ne dispose pas de témoignages directs sur sa vie, mais seulement de récits ultérieurs, dont ceux de l'historien romain Tite-Live et du Grec Plutarque.

2. ARCHIMÈDE MATHÉMATICIEN
Archimède est d'abord un géomètre. Il est le premier, dans son ouvrage Sur la mesure du cercle, à donner une méthode permettant d'obtenir une approximation aussi grande que l'on désire du chiffre π, grâce à la mesure des polygones réguliers circonscrits à un cercle ou inscrits dans celui-ci ; utilisant les polygones à 96 côtés, il fournit une valeur de π comprise entre 22/7 et 223/71.
Dans son traité Sur la sphère et le cylindre, il prouve que le volume d'une sphère vaut les deux tiers du volume du cylindre circonscrit. Il accorde même à cette découverte une importance particulière, puisqu'il demande qu'une représentation d'un cylindre circonscrit à une sphère soit gravée sur sa tombe.

Dans l'Arénaire, Archimède cherche à calculer le nombre de grains de sable contenus dans l'Univers, tel qu'il se l'imagine ; pour représenter un nombre aussi grand (de l'ordre de 1063), il perfectionne le système numéral grec, qui utilise des lettres, en faisant appel aux exposants. Il trouve les formules d'addition et de soustraction des arcs, calcule l'aire d'un segment de parabole, d'un secteur de la spirale qui porte son nom, du cylindre, de la sphère, etc. Dans son traité Sur les sphéroïdes et sur les conoïdes, il étudie les ellipsoïdes, les paraboloïdes et les hyperboloïdes de révolution. Ses recherches sur les tangentes et les quadratures l'amènent à envisager le calcul différentiel et intégral, développé deux mille ans plus tard par l'Anglais Newton et l'Allemand Leibniz.
Pour en savoir plus, voir l'article analyse [mathématiques].

3. ARCHIMÈDE PHYSICIEN
MÉCANIQUE, OPTIQUE, HYDROSTATIQUE


En physique, Archimède est le fondateur de la statique du solide, avec sa règle de la composition des forces et sa théorie du centre de gravité. Dans son premier livre, De l'équilibre des plans, il donne une théorie du levier : par abstraction, il réduit cet instrument à un segment de droite, en trois points duquel sont appliquées des forces qui s'équilibrent ; il montre, par ailleurs, que la balance n'en constitue qu'un cas particulier.
Archimède pose aussi les bases de l'hydrostatique, dans son traité Sur les corps flottants. Il indique notamment que la surface d'une eau tranquille est une portion de sphère dont le centre coïncide avec celui de la Terre.

Réflexion d'un rayon lumineux
Outre ses œuvres déjà citées, on peut signaler la Catoptrique, étude de la réflexion de la lumière, les Polyèdres, la Méthode, lettre écrite à Ératosthène, ainsi que des ouvrages aujourd'hui perdus, la Sphéropée, qui traitait de mécanique appliquée, et les Principes, dédiés à un certain Zeuxippe.
En dépit des conseils du tyran de Syracuse Hiéron, qui l'engageait à orienter son activité vers les applications, Archimède, comme les autres savants grecs de son temps, s'intéressa surtout à la recherche fondamentale. Mais, à l'inverse de ses confrères, pour qui la valeur d'une théorie se mesurait selon des critères d'esthétique, il fut le premier à faire un constant appel au contrôle de l'expérience.
Pour en savoir plus, voir l'article science.

« EURÊKA ! » : LE PRINCIPE D'ARCHIMÈDE

L'architecte romain Vitruve rapporte les curieuses circonstances dans lesquelles Archimède aurait découvert le fameux principe qui porte son nom (→ principe d'Archimède). Le roi Hiéron II avait commandé à un artisan une couronne d'or et lui avait fourni le métal précieux nécessaire. Bien que l'objet achevé présentât le même poids que l'or, Hiéron soupçonnait l'homme d'avoir substitué de l'argent à une certaine quantité de métal jaune. Il fit part de son inquiétude à Archimède, lui demandant s'il pouvait découvrir la fraude, tout en conservant la couronne intacte.

       
Le savant, méditant sur ce problème, fut frappé, en prenant son bain, par la diminution de poids que subissaient ses membres plongés dans l'eau. Il comprit alors que cette perte de poids équivalait au poids de l'eau déplacée. Et, dans l'enthousiasme de cette découverte, il se serait élancé nu dans la rue, en s'écriant : « Eurêka, eurêka ! » (« J'ai trouvé, j'ai trouvé ! »). En plongeant simultanément dans l'eau la couronne et un lingot d'or de même masse, maintenus à l'équilibre grâce à une balance romaine, Archimède put mesurer la différence de poids apparent entre les deux objets et prouver ainsi que l'orfèvre avait commis une supercherie.

4. ARCHIMÈDE INGÉNIEUR
LA VIS D'ARCHIMÈDE

Éminent savant, à la fois théoricien et expérimentateur, Archimède est aussi un remarquable ingénieur. L'une de ses plus célèbres inventions est la vis sans fin, appelée aussi aujourd'hui vis d'Archimède, une hélice tournant autour de son axe et qui permet de déplacer des matériaux très divers, comme de l'eau ou de la pâte à papier.
L'historien grec Diodore de Sicile raconte qu'il conçut ce dispositif pour diriger les eaux du Nil sur les terrains que les inondations ne permettaient pas d'atteindre ; il semble qu'il l'utilisa également pour assurer la propulsion d'un vaisseau commandé par Hiéron.
Archimède a aussi introduit le boulon, formé d'une vis et d'un écrou, et la roue dentée.

LA DÉFENSE DE SYRACUSE

En 215 av. J.-C., Archimède organise la défense de Syracuse, attaquée par l'armée romaine. Pendant trois ans, il tient en échec les troupes du consul romain Marcellus. Il invente des catapultes capables de projeter d'énormes blocs rocheux à de grandes distances. Il réalise aussi une machine fonctionnant au moyen de leviers et de poulies et constituée de gros crochets en fer qui, lorsqu'un vaisseau ennemi s'avance jusqu'aux fortifications de la ville, s'en saisissent et le secouent violemment jusqu'à le briser. On raconte enfin – mais cela paraît plus douteux – qu'à l'aide de miroirs plans judicieusement disposés (miroirs ardents), il serait parvenu à concentrer sur les vaisseaux ennemis la lumière solaire et à les incendier.
Cependant, les Romains ayant pénétré par surprise dans la ville, Marcellus ordonne qu'on épargne Archimède, dont il admire le génie et qu'il espère gagner à la cause de Rome. Mais le savant, absorbé par la résolution d'un problème, est tué par un soldat qui, ne l'ayant pas reconnu, s'irrite de son refus de le suivre. Marcellus lui organisera de grandes funérailles et lui fera dresser un tombeau décoré de sculptures évoquant ses travaux. En 75 av. J.-C., Cicéron, questeur en Sicile, retrouvera cette tombe, envahie par les broussailles, et la fera restaurer.

CITATIONS

Donnez-moi un point d'appui et je soulèverai la Terre !
Archimède, cité par Pappus (ive siècle)
De tous les grands hommes de l'Antiquité, Archimède est celui qui mérite le plus d'être placé à côté d'Homère.
Jean d'Alembert
Ceux qui sont en état de comprendre Archimède admirent moins les découvertes des plus grands hommes modernes.
Gottfried Wilhelm Leibniz

Archimède (principe d').
Principe fondamental de l'hydrostatique qui énonce que : « Tout corps plongé dans un fluide éprouve une poussée verticale, dirigée de bas en haut, égale au poids du fluide qu'il déplace et appliquée au centre de gravité du fluide déplacé, ou centre de poussée. ».
cercle.
Ensemble...
conique.
Intersection d'un cône du second degré avec un plan ne...
église grecque.
Église orthodoxe autocéphale de Grèce.
ellipse.
Conique, ensemble des points d'un plan...
équilibre.
[PHYSIQUE] État de repos, position stable résultant de l'action de deux...
Euclide.
Mathématicien de la Grèce antique....
force.
[PHYSIQUE] Concept traduisant quantitativement les interactions entre objets...
Hiéron II.
Roi de Syracuse (265-215 avant J.-C.), chef de l'armée, refoula...
hydraulique.
Branche de la mécanique des fluides qui traite des liquides...
Voir plus


Chronologie
*         vers 287 avant J.-C. Naissance d'Archimède, à Syracuse.
*         213/212 avant J.-C. Le consul Marcellus entreprend le siège de Syracuse, dont Archimède dirige la défense.

 

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MOSCOU

 


 

 

 

 

 

Moscou
en russe Moskva


Capitale de la Russie, sur la Moskova.
*         Population : 11 514 330 hab. (recensement de 2010)
*         Nom des habitants : Moscovites
GÉOGRAPHIE

Moscou s'est développée à 156 m d'altitude sur la Moskova en position de carrefour par rapport aux grandes voies fluviales de la Russie d'Europe : Volga, Dvina, Dniepr, Don. La situation géographique reste privilégiée, valorisée par le rail et l'air (plusieurs aéroports). Le noyau historique (autour du Kremlin et de la place Rouge) est entouré d'une première couronne mêlant quartiers industriels et résidentiels, parcs de loisirs et stades. Une deuxième couronne est composée surtout de grands ensembles résidentiels. L'ensemble, ceinturé par une zone forestière de loisirs (maintenant « mitée » d'ensembles urbains et industriels), couvre 886 km2. Métropole, Moscou détient toutes les fonctions. La centralisation politique a entraîné le développement économique. La ville est un grand centre culturel (universités, musées, théâtres) et commercial. L'industrie est caractérisée par l'essor des industries à forte valeur ajoutée (constructions mécaniques et électriques, chimie s'ajoutant au textile, et à l'agroalimentaire). La ville a accueilli les jeux Olympiques d'été de 1980.

LA POSITION GÉOGRAPHIQUE : UNE VILLE DE CARREFOUR
La position géographique explique en partie la fortune de la ville. À plusieurs titres, elle est marquée par les avantages du contact et du carrefour. La ville est au centre de la vieille Russie. Elle commande de nos jours à deux rayons (grandes régions économiques) : le Centre-Industriel au nord, dans lequel elle est située, et le Centre-Terres Noires, plus agricole, au sud. Ces deux régions assurent une partie notable (environ les deux tiers dans le textile, plus du tiers dans la mécanique) de la valeur de la production industrielle de la Russie.
Les deux régions chevauchent deux grandes zones biogéographiques : la taïga, qui commence au nord des limites de l'agglomération contemporaine, et la forêt mixte, dans laquelle est située la ville. Il s'agit donc d'abord d'une position de contact entre les pays du Nord et les pays du Midi. On passe avec de nombreuses transitions des pays noirs de la grande forêt de conifères aux pays plus ouverts, plus clairs de la forêt mêlée d'essences caducifoliées où apparaissent le chêne et le tilleul. Au nord, on cultive sur des sols médiocres (les podzols) du lin-fibre, du seigle, de la pomme de terre avec de faibles rendements ; vers le sud apparaissent le blé, puis le maïs-fourrage et le maïs-grain, enfin le tournesol sur des sols plus riches, déjà caractérisés par les « terres noires » (le fameux tchernoziom), qui, dans les îlots de steppe, annoncent les plaines ukrainiennes. Ainsi s'opposent encore l'izba, maison de bois de la forêt au nord, et la khata, maison de pisé qui apparaissait autrefois dans les campagnes au sud.
Le contact et les transitions s'observent également d'ouest en est. À l'ouest de la ligne de Moscou au Don se disposent des arcs morainiques disséqués, atteignant par endroits 300 m d'altitude, formant le plateau du Valdaï, les « hauteurs » de Smolensk et de la Russie centrale. À l'est et au sud-est, les marques de la glaciation sont insignifiantes, les formes empâtées du relief disparaissent avec les marécages et l'hydrographie indécise. Les eaux s'écoulent en direction de la gouttière du Don, où la sécheresse s'accuse d'amont en aval, où les violents orages d'été creusent les premiers ravins qui annoncent les steppes du Don inférieur.
Ces contrastes sont accusés encore par les circonstances historiques et les traces qu'elles ont laissées. Les paysans russes réfugiés dans la forêt durant les invasions nomades qui déferlaient sur les steppes (et ont même atteint Moscou au cours de razzias) se sont protégés par des postes militaires, des forteresses entourées de palissades de bois. Les nomades s'efforçaient de dévaster, en l'incendiant, la forêt où les chevaux pénétraient difficilement. Ainsi la limite entre les deux zones est artificielle. Au sud du Moscou contemporain s'étendait une sorte de no man's land dans lequel la ligne des fortifications ne cessa de s'étendre jusqu'à la fin du danger, au début du xviiie s. Ainsi la frontière entre les deux « gouvernements » de Moscou (dans la forêt) et de Toula (découvert) avait été fixée sur la rivière Oka. La rivière Voronej est formée de deux tronçons, Voronej des forêts, Voronej des steppes.
Cette dualité explique le peuplement plus récent, sous une forme militaire et féodale, des plateaux et vallées au sud de l'agglomération actuelle, un type d'agriculture reposant sur l'existence de vastes domaines chargés de ravitailler la capitale. Or, la ville de Moscou a grandi à la limite même de ces zones, mais elle a exploité cette position de confins et de carrefour. De plus, elle est placée dans une situation de diffluence hydrographique. Non loin de là, le plateau du Valdaï est un château d'eau d'où les rivières se dispersent dans toutes les directions. Moscou se trouve sur la Moskova, rivière assez large, elle-même affluent de l'Oka qui va confluer dans la Volga. Le cours supérieur de la Volga passe à une cinquantaine de kilomètres plus au nord, et le port fluvial actuel lui est relié par la « mer de Moscou ». Enfin, le réseau de la Desna, affluent du Dniepr, et celui du Don confluent vers les mers du Sud. Tous ces fleuves étaient navigables ; les routes de terre unissaient, par l'organisation de « portages », les cours supérieurs des rivières du Nord et du Sud. Ainsi, des routes fluviales et de terre se croisaient aux environs de Moscou, les deux principales étant celle de la Volga à Novgorod et de Smolensk à Vladimir. Il faut ajouter que la pêche dans les rivières et les lacs était une activité essentielle au Moyen Âge, au même titre que la navigation et l'exploitation de la forêt ; les troncs d'arbres étaient flottés. Ainsi, quelque chemin qu'on empruntât, on passait presque toujours par la région de Moscou. Il faut remarquer que cette position de diffluence est devenue, grâce aux techniques modernes, une position de convergence : Moscou et son port sont, aujourd'hui, l'un des nœuds essentiels du système des cinq mers qui les relie à la mer Baltique, à la mer Blanche, à la Caspienne et à la mer Noire (et à la mer d'Azov).
Enfin, Moscou est au centre d'une des clairières les plus vastes, ouvertes dans la forêt lorsque succomba la Russie kiévienne et que des Russes vinrent s'y réfugier. L'agglomération est de nos jours, comme Paris, entourée de tous côtés par des bois. La forêt mixte cerne les aéroports ou les grandes localités séparées de l'agglomération. Cette clairière fournissait non seulement des produits agricoles, mais les matières premières d'un artisanat du cuir, de la laine, du bois, dont les produits, élaborés par les artisans locaux, les koustar, étaient vendus durant la mauvaise saison par des colporteurs. C'est l'origine des premières manufactures, de l'afflux de marchands, d'une tradition industrielle qui s'épanouit au cours du xixe s., en particulier le textile. Ces conditions favorables de la circulation et de l'économie régionale expliquent la faveur d'un gros village, puis d'un gorod, que les princes choisirent comme résidence.

LE SITE ET L'EXTENSION
À l'origine, Moscou est un simple kreml, fortin de terre et de bois, dominant de quelque 40 mètres la rive escarpée de la Moskova, sur laquelle est jeté un pont, tandis que la rive droite, basse et marécageuse, reste inoccupée. La dissymétrie fondamentale du site demeure dans toute l'histoire de l'extension de la ville, sans doute parce que, mal défendue, l'autre rive offrait un danger tant que menaçaient les invasions, parce que ses prairies étaient inondées au moment de la débâcle, mais encore parce que le terrain de la rive gauche offrait davantage de possibilités pour le développement d'une grande ville. La cité s'étend en partie sur un plateau de craie, masqué par d'épais dépôts glaciaires et disséqué par des affluents en pente forte de la Moskova, dessinant autant de ravins, de méandres encaissés, si bien que les pentes dont s'accidente la ville sont restées dans le folklore international sous le nom de montagnes russes. D'autres buttes ou éperons seront utilisés pour la défense, mais le kreml constitue le centre, le noyau à partir duquel se développent plusieurs villes concentriques. On reconnaît en effet distinctement dans le plan actuel de la ville les ceintures de remparts qui marquent à chaque époque les limites de l'extension.
Le Kremlin était une forteresse entourée de palissades au pied de laquelle s'étendait une petite bourgade de marchands et de soldats. La plupart des édifices du Kremlin actuel ont été construits aux xive et xve s. ; la ville de bois débordait la Moskova et formait un faubourg.
Kitaï-gorod (appelée à tort « Ville chinoise », le terme, d'origine tatare, signifiant plutôt « le fort ») s'étendit au nord-est dans la première moitié du xvie s. ; elle était à peine plus spacieuse que le Kremlin lui-même.
Bielyï-gorod (la « Ville blanche ») enveloppait le Kremlin et Kitaï-gorod sur une superficie beaucoup plus grande, à l'ouest, au nord et à l'est : elle fut entourée de fortifications à la fin du xvie s.
Zemlianoï-gorod (la « Ville de terre ») enfin, ceinte en 1742, engloba l'ensemble des villes précédentes et passa la Moskova sur l'autre rive, dessinant grossièrement un cercle de 4 à 5 km de diamètre.
Les deux rocades circulaires sont parfaitement visibles dans le dessin actuel : la ceinture des « boulevards » autour de Bielyï-gorod, et la ceinture des jardins, ou Sadovaïa, très large, autour de la Ville de terre ; tel est encore le noyau urbain à forte densité de construction et de population de l'agglomération actuelle.
Cette ville a été décrite par tous les voyageurs jusqu'au xxe s. comme un immense village, aux rues étroites, aux maisons de bois, les izbas, basses et entourées de jardinets ; il suffit d'un « cierge d'un kopeck » pour que se déchaînent les incendies. Au début du xixe s., Moscou n'a encore que 200 000 habitants. Cette ville correspond en gros aux quatre rayons (arrondissements) formant le centre. Depuis la Seconde Guerre mondiale, ils ont tendance à se dépeupler au profit de la périphérie et deviennent une city où sont concentrées l'administration et les affaires en même temps qu'une ville-musée visitée par les provinciaux et les étrangers. Son extension a bénéficié des conditions favorables offertes par le sol : vallée d'un affluent de la Moskova, la Iaouza, à l'est, terrasse étendue à l'ouest, sources nombreuses et possibilités de creusement de puits artésiens, abondance des matériaux de construction, argiles, bois et même pierre. C'est à partir de cette ville initiale que s'étend, dans toutes les directions, l'agglomération contemporaine : d'abord, sous la forme de faubourgs très allongés le long des routes radiales menant dans toutes les directions et qui, en raison du sol argileux et humide, sont pavées et portent le nom de « chaussées » ; ensuite, par l'insertion des gros villages de la clairière primitive, qui, peu à peu, reçoivent l'excédent de la population du centre et multiplient le nombre de leurs izbas ; enfin, par la construction, spontanée ou systématique, de quartiers nouveaux. Ainsi s'est modelé le « Grand Moscou », entouré de nos jours par une large rocade routière, future autoroute, ayant grossièrement la forme d'un ovale d'une trentaine de kilomètres du nord au sud et de plus de 20 km d'ouest en est.
Mais l'extension du Moscou des xixe et xxe s. doit tout à l'essor de la fonction industrielle et du carrefour de communications récentes.

LES FONCTIONS INDUSTRIELLES : LES GÉNÉRATIONS
La première génération d'ateliers et de manufactures de la ville est l'expression des activités de la Russie centrale. Moscou n'a pas d'industrie lourde, peu d'industrie chimique. L'industrie se développe à partir des matières premières locales (bois, cuir, lin et laine) ou des produits du négoce avec les pays du Nord (Novgorod) et de la Volga. Le choix de Moscou comme capitale a été en outre déterminant, le rôle dynastique ayant entraîné le développement de la fonction économique. Dès le xvie s., la ville vit de la Cour et accapare, même après la fondation de Saint-Pétersbourg, une partie des fonctions des autres villes de la Volga supérieure comme Iaroslavl ou la ville du textile, Ivanovo. Il s'agit donc de produits de qualité, voire de luxe, fabriqués par une main-d'œuvre experte, bénéficiant d'une longue tradition, disséminée dans des entreprises de petite ou moyenne taille. Même si certaines branches ont décliné après la Révolution, la plupart se sont maintenues, étoffées ou modernisées : ainsi la confiserie, les parfums, les jouets, les objets d'artisanat, qui connaissent avec les touristes étrangers un regain de faveur, ou les industries du cuir. Le textile, qui occupait encore à la fin du xixe s. plus des trois quarts de la main-d'œuvre industrielle, surtout féminine, en emploie encore environ le cinquième et vient au second rang des industries moscovites. Les manufactures utilisent des filés provenant d'autres régions, et leur production se situe en aval : tissages de la laine et du coton (dans la célèbre manufacture des Trois Montagnes), de la soie naturelle, de la rayonne et des textiles synthétiques, auxquels s'ajoutent la confection, le tricotage, la fourrure, la haute couture ; la branche textile a entraîné le développement du secteur des colorants et des machines.

La seconde génération d'industries date des chemins de fer et de l'abolition du servage. La première voie ferrée, venant de Saint-Pétersbourg, est achevée en 1851. Moscou est reliée au gros centre industriel de Kharkov en 1869, à la Biélorussie et à Varsovie en 1871, à la plupart des grandes villes de province en 1880. Les grandes gares se localisent à la périphérie de la Sadovaïa, portant le nom des villes qu'elles atteignent. Moscou devient un nœud de communications moderne, un carrefour commercial d'importance accrue, reçoit les produits lourds du Donbass. En même temps, les campagnes de la Russie centrale se dépeuplent à la suite de l'abolition du servage (1861). Des centaines de milliers de paysans viennent s'entasser autour des gares, le long des voies ferrées radiales qui pénètrent dans la ville, à proximité des usines nouvellement créées. Celles-ci sont fondées par d'autres capitaux, d'origine étrangère. C'est dans le dernier quart du xixe s. que naissent les premières entreprises métallurgiques : on en comptait 127, avant 1917, presque toutes de petite taille. Ce fut la base à partir de laquelle les premiers plans quinquennaux firent de Moscou le grand centre d'industrie mécanique, travaillant des métaux importés, se situant en aval de la production du Donbass et de l'Oural, livrant des produits finis de qualité, employant une main-d'œuvre qualifiée de cadres moyens et supérieurs formés dans de nombreuses écoles professionnelles. Ainsi, cette branche a ravi rapidement la première place à l'industrie textile et occupe actuellement plus de la moitié de la main-d'œuvre, concentrée dans des établissements de grande taille, fournissant plus du dixième de la valeur de la production mécanique de la Russie : machines-outils pour l'équipement des industries minière, chimique, automobile, textile, des roulements à billes ; électrotechnique, de plus en plus spécialisée dans les appareils électroménagers pour la large consommation urbaine et dans l'électronique (la plus connue est l'entreprise Dinamo, qui fabrique des moteurs et des transformateurs et exporte plus du dixième de sa production dans une trentaine de pays). L'automobile est concentrée depuis le premier plan quinquennal dans l'entreprise Likhatchev, qui a été rénovée et produit des voitures (mais aussi, dans les filiales situées dans l'agglomération, des camions, des autobus et du matériel de manutention). Enfin, la mécanique de précision (compteurs, horlogerie) est une vieille spécialité de Moscou.
À ces deux branches principales s'ajoutent les grandes industries urbaines, le combinat polygraphique (impression, édition) de la Pravda, des studios de cinéma, quelques usines de caoutchouc et de colorants. Au total, une main-d'œuvre de plus d'un million de salariés et de cadres, plus de 300 usines, le dixième du produit brut provenant de l'industrie en Russie.
Ces industries se localisent en fonction de l'origine de la matière première. Ainsi, en direction du bassin houiller de Toula et de Koursk, dans la banlieue sud, se trouvent une fonderie, l'usine de machines à coudre ex-Singer à Podolsk. Vers le sud-est, le long des voies ferrées, sont les usines Dinamo et Likhatchev ; vers le nord, près de Khimki, un chantier de constructions navales, des industries alimentaires ; vers l'est, en direction des villes de la Volga et du Second-Bakou, l'usine Elektrostal (aciers électriques), la chimie et les matières plastiques. Ainsi, l'agglomération s'est sans cesse avancée aux dépens de son oblast, où des villes de plus de 100 000 habitants concentrent une population industrielle et où les villes satellites ont été créées pour décentraliser la vieille ville. Moscou a ainsi construit sa zone d'attraction de main-d'œuvre.

MOSCOU, CAPITALE
Les fonctions de services liées au rôle grandissant de la capitale utilisent une main-d'œuvre plus nombreuse que l'industrie : ainsi, plus du quart de la main-d'œuvre est employé dans la santé publique, l'enseignement et la recherche. Le transfert du siège du gouvernement décidé par Lénine a accéléré l'évolution démographique par rapport à celle de Saint-Pétersbourg et multiplié les fonctions. Elle attire les cadres, les visiteurs, les touristes. Staline avait voulu exprimer cette prépondérance en construisant des gratte-ciel, laids et démodés de nos jours, mais d'autres constructions nouvelles symbolisent la volonté de prestige. Ainsi se sont édifiés la plus haute tour de télévision du monde, à Ostankino (plus de 500 m), le plus grand hôtel (6 000 lits), à côté du Kremlin. À des titres divers, le théâtre Bolchoï, l'Exposition permanente des réalisations de l'économie nationale, l'université Lomonossov, les parcs d'attraction et les stades rassemblent les visiteurs provinciaux et étrangers.
Cette fonction se traduit par la concentration, en régime de planification centralisée, des ministères, des représentations étrangères. L'université et les hautes écoles rassemblent le cinquième des effectifs de toute la Russie, et l'université est la plus réputée du pays. Près du cinquième des ingénieurs de Russie travaillent à Moscou. Les grandes académies et des instituts de recherche renommés dans le monde entier y ont leur siège. La proximité des centres travaillant pour la défense nationale, enfouis dans la ceinture de verdure, la fondation de centres de recherches nucléaires, comme l'accélérateur de particules de Serpoukhov au sud, le centre de recherches fondamentales de Doubna au nord, sur la mer de Moscou, ont encore accru la concentration de scientifiques sortant des hautes écoles.
Sur le plan international, l'université Lumumba, située au sud de la Moskova, a attiré, avec des succès d'ailleurs divers, les étudiants du tiers monde, notamment de l'Afrique.
La ville s'ouvre également aux autres pays et prend une importance mondiale. Elle est de plus en plus choisie comme centre de grands congrès internationaux. Elle accueille plusieurs centaines de milliers d'étrangers par an, hommes d'affaires, touristes, le plus souvent regroupés selon la formule des voyages organisés et guidés. L'aéroport international de Cheremetievo est construit à une trentaine de kilomètres au nord de Moscou.
EXPANSION ET RAYONNEMENT DE MOSCOU
La ville a ainsi forgé autour d'elle une région urbaine de grande taille et de densité à l'hectare encore relativement faible, par rapport aux grandes capitales mondiales (300 à l'intérieur de la Sadovaïa, moins de 100 à l'intérieur de la rocade). Le processus a été géométrique, sous la forme radio-concentrique, si bien qu'on peut facilement enfermer dans des cercles de rayon croissant les agglomérations successives, du Kremlin à l'oblast. Depuis le régime soviétique, cette extension a été planifiée, définie par des limites administratives. Pour la première fois au cours du premier plan quinquennal, un plan d'urbanisme se préoccupe d'organiser et de prévoir l'extension de la ville et la répartition de la population. Mais l'avant-guerre compta encore peu de réalisations. En 1948, Staline veut donner à la capitale de la Russie victorieuse une allure prestigieuse et fait construire les huit gratte-ciel, dont le plus élevé est l'université sur le mont des Oiseaux, puis les stations du métro, d'un luxe de goût discuté. Un plan datant de 1953 porte la superficie de la ville, marquée par la limite du pouvoir de son Conseil (Mossoviet), à 330 km2, contre 300 environ avant la guerre. En 1959, la superficie atteint, par annexion de quelques quartiers ou villages, 356 km2. Enfin, la dernière phase est marquée par le décret du 18 août 1960, qui porte le territoire à 875 km2 (886 aujourd'hui), enfermé par la rocade routière circulaire d'où partent dans toutes les directions les routes nationales (appelées « autoroutes ») à deux ou quatre voies. Autour, une autre enveloppe limite une « zone protégée » à faible densité où ne sont situées qu'une dizaine de localités de quelques milliers d'habitants chacune, où la construction est en principe interdite et qui doit être réservée au repos (forêt, parcs, prairies, plans d'eau, lacs et réservoirs sur les rivières, comme la Kliazma), s'étendant sur 1 800 km2, ce qui porte la superficie du « Grand Moscou » (Mossoviet, plus ceinture protégée) à plus de 2 650 km2. Les villes incluses sont Mytichtchi, Balachikha à l'est, Lioubertsyau sud-est, Vidnoïe au sud...
Enfin, la région suburbaine appelée Podmoskovie (« région autour de Moscou ») s'étend sur la majeure partie de la province (oblast) administrative. Elle comprend encore plusieurs millions d'habitants répartis dans plusieurs types d'agglomérations. Les localités rurales appartiennent à la zone de ravitaillement en produits agricoles de la ville, spécialisées dans la culture maraîchère (pommes de terre et choux), la production porcine et laitière (avec une densité d'une trentaine de têtes de gros bétail sur 100 ha), l'exploitation de serres, généralement chauffées par la vapeur des usines voisines, des vergers de pommiers. La vallée de la Kliazma au nord constitue en particulier une zone de cultures légumières très dense. Dans des localités mi-rurales, mi-urbanisées subsistent un artisanat ou des ateliers travaillant en vue du marché urbain (objets de bois, de cuir, poteries, textiles), où se sont décentralisées de petites entreprises de la vieille ville. Des localités de maisons de campagne (datcha) sont entourées de verdure, de terrains de chasse, de baignades, de parcs de récréation. Des vieilles villes industrielles ou des centres de recherche sont installés au milieu de la forêt (ainsi Serpoukhov au sud, Doubna au nord, Elektrostal à l'est, la file des usines allongées jalonnant le canal Volga-Moscou au nord-ouest). Des villes satellites, ou spoutnik, villes nouvelles à croissance rapide, sont chargées de décentraliser la population ou de retenir la population nouvelle à la périphérie de l'agglomération. Une partie de la main-d'œuvre travaille sur place, une autre à Moscou. Ainsi se sont développées une vingtaine de villes, dont la majorité se situe dans la partie occidentale de l'agglomération : Istra, Dedovsk, Troïtski, Naro-Fominsk...
Une vingtaine de grands ensembles, chacun d'eux pourvu d'un équipement scolaire et commercial, ont été construits : ainsi Tcheremouchki et Kountsevo au sud-ouest et à l'ouest ; Babouchkine et Medvedkovo au nord, Khimki-Khovrino au nord-ouest, etc. L'un des meilleurs exemples d'aménagement est celui du Iougo-Zapad, du sud-ouest, où de nouvelles avenues (prospekt) ont été tracées, où l'immense parc des sports Loujniki s'étend dans la boucle de la Moskova, avec un stade de 100 000 places.
UN URBANISME « VOLONTARISTE »
L'urbanisme soviétique reposait sur deux idées fondamentales qui déterminaient son originalité et son efficacité : le régime des droits de propriété élaboré depuis 1917 et l'intégration de l'aménagement du territoire dans le système de planification.
1924 : le plan de reconstruction et de développement de Moscou, par Chestakov, renforce le tracé radio-concentrique et la séparation sur le terrain des fonctions de la vie urbaine (zoning).
1929 : le plan d'« urbanisme socialiste » marque l'affrontement de deux grands courants de pensées : pour les « urbanistes », la création de maisons communes consacre la vie collective qui doit se dérouler dans un cadre urbain. Pour les « désurbanistes », la ville est historiquement et économiquement condamnée ; des cellules de vie collective doivent se créer sur tout le territoire et faire disparaître l'opposition ville-campagne. Les deux courants seront critiqués par le pouvoir, mais donneront cependant lieu à d'intéressantes réalisations.
1935 : le plan de reconstruction systématique amène la création de grandes artères radiales, la création du métro (son décor et son luxe témoignent de l'intérêt porté à l'aménagement de tous les lieux de vie collective), la délimitation stricte d'un périmètre d'extension. Si l'architecture proprement dite verse dans le monumentalisme (style « stalinien »), l'application de ce plan devait contribuer efficacement au développement de la capitale.

LE CLIMAT
Le climat de Moscou est continental, avec des précipitations moyennes (624 mm par an), qui tombent surtout en été, et des températures moyennes qui oscillent entre 19 °C en juillet (23 °C maximum et 13 °C minimum) et – 9 °C en janvier (– 9 °C maximum et – 16 °C minimum), soit 28 °C d'amplitude thermique, pour une moyenne annuelle de 4 °C. Les hivers sont longs (4 mois) et rigoureux (150 jours de gel), avec parfois des excès (les températures descendent jusqu'à − 30 °C).

L'HISTOIRE DE MOSCOU
Vers 1140, un boyard du nom de Koucha construit un petit village dans une clairière au milieu de la forêt près d'une rivière au cœur de la Russie, et il perçoit un péage pour le passage de cette rivière, la Moskova (Moskva). Le prince d'une ville voisine, Iouri Dolgorouki de Rostov-Souzdal, s'empare du village en 1147 et lui donne le nom de Moscou, d'après celui de la rivière (Moskva viendrait du finnois et signifierait « eaux troubles » en opposition à Oka, « eaux calmes »).
En 1156, ce prince décide de fortifier le village et il établit une citadelle sur la colline : le Kreml (ou Kremlin). Une ville (gorod) naît alors mais qui reste sans grande importance jusqu'à la seconde moitié du xiiie s. Le moment décisif, c'est en 1263 la fondation d'une principauté indépendante de Moscou par Alexandre Nevski, qui la confie à son fils cadet Daniel.
À partir d'un site géographique favorable, mais plutôt banal, le développement de Moscou s'explique par des raisons historiques. Daniel et ses successeurs mènent un jeu habile et utilisent la protection mongole pour agrandir leur territoire et abaisser les villes voisines. Capitale politique, Moscou devient en 1326 une capitale religieuse en raison de l'installation à l'intérieur du Kremlin du métropolite orthodoxe.
Derrière les palissades en bois du Kremlin, on trouve alors le palais du prince et la cathédrale de l'Assomption, mais la ville s'étend au-delà du Kremlin sur la rive gauche de la Moskova au xive et au xve s. Les succès des princes de Moscou qui en 1480 s'affranchissent définitivement du tribut mongol font de la ville le successeur de Byzance, conquise par les Turcs en 1453. Moscou prétend même être la troisième Rome.
La ville s'agrandit et devient une belle cité aux monuments en pierre à partir de la fin du xve s.
Au xvie s., Moscou est un grand centre commercial, en particulier grâce à ses relations asiatiques. Le centre commercial se trouve à l'est du Kremlin, c'est Kitaï-gorod, entourée elle-même d'une muraille. Plus loin s'étend Bielyï-gorod (la « Ville blanche »), également entourée d'une muraille, qui se développe au xviie s. Ce sera le quartier aristocratique et on y créera en 1755 la première université russe.
La ville s'étend également sur la rive droite, où se trouvent les quartiers populaires de la Zemlianoï-gorod (la Ville de terre). Avec 100 000 habitants au xvie s., près de 200 000 à la fin du xviie s., Moscou est une cité importante malgré les troubles et l'occupation polonaise.
En 1712, Pierre le Grand lui enlève cependant son titre de capitale au profit de Saint-Pétersbourg, qu'il vient de fonder. Néanmoins, l'importance de Moscou reste grande, car elle demeure la ville sainte où les tsars se font couronner, la capitale religieuse, la deuxième capitale de l'empire des tsars.
La ville est occupée par Napoléon en 1812 du 14 septembre au 19 octobre, et l'incendie de Moscou fait rage plusieurs jours après l'arrivée des troupes françaises.

Au xixe s., Moscou, malgré les progrès de Saint-Pétersbourg, connaît un développement certain dû à son rôle économique et à sa position centrale incontestablement plus favorable que celle de la métropole baltique. L'industrie textile, métallurgique et chimique apparaît dans les faubourgs, et Moscou compte plus d'un million d'habitants à la fin du xixe s. et plus d'un million et demi en 1917. Lors de la révolution de 1905, elle est une grande ville ouvrière, et c'est là que les socialistes russes déclenchent, en décembre, une insurrection, vaincue après quelques jours de violents combats.
En 1917, après la révolution d'Octobre victorieuse à Petrograd, le soviet de Moscou à majorité bolcheviste se heurte à la résistance acharnée des détachements d'élèves officiers, les junkers, qui réussissent à occuper le Kremlin et y massacrent plusieurs centaines de jeunes soldats rouges. Le soviet de Moscou doit donner l'ordre de bombarder les murailles du Kremlin pour reprendre la forteresse la nuit du 16 au 17 novembre.
Le 11 mars 1918, le Conseil des commissaires du peuple présidé par Lénine quitte Petrograd pour s'installer à Moscou, à l'intérieur du Kremlin.
Redevenue dès lors la capitale de la Russie, puis celle de l'Union des républiques socialistes soviétiques, fondée à la fin de 1922, Moscou va croître rapidement en raison même de la politique de centralisation suivie par Staline et par les dirigeants soviétiques. La ville se transforme rapidement et s'agrandit dans toutes les directions.

D'octobre à décembre 1941, les armées hitlériennes s'approchent jusque dans les faubourgs de Moscou, mais, malgré les 75 divisions (dont 14 blindées) et 1 000 avions mis en action par Hitler, elles ne peuvent s'emparer de Moscou, défendue par l'armée rouge et par un peuple dressé pour la défendre.
L'ART À MOSCOU
Moscou fut tout d'abord construite en bois ; elle reçut ses premiers bâtiments en pierre sous Ivan III (1462-1505), qui acheva le rassemblement des terres russes et voulut que la cité fût le symbole de sa puissance.
Ivan III confie tout d'abord à des architectes de Pskov la construction de la cathédrale de la Dormition (Ouspenski Sobor), à l'intérieur de l'enceinte fortifiée remontant au xiie s. (Kremlin) ; mais les Russes échouent, ayant oublié les techniques de construction en pierre sous le joug mongol. Le tsar fait alors appel à des Italiens, et c'est un architecte de Bologne, Aristotele Fieravanti (ou Fioravanti, vers 1415-vers 1486), qui en mène à bien la construction (1475-1479) en prenant pour modèle la cathédrale de la Dormition de Vladimir. Dans les années qui suivent, d'autres églises sont encore édifiées dans le Kremlin : la collégiale de l'Annonciation (Blagovechtchenski Sobor, 1484-1489), bâtie par des architectes de Pskov, se présente comme un cube entouré d'une haute galerie et coiffé de coupoles ; l'iconostase fut exécuté, semble-t-il, par Théophane le Grec (vers 1350-début du xve s.) et Andreï Roublev (vers 1360-1430). En face fut élevée la collégiale de l'Archange-Saint-Michel (Arkhangelski Sobor, 1505-1509), œuvre du Milanais Alevisio Novi ; cet édifice conserve la structure des églises russes, mais il est, en particulier, orné de coquilles de style Renaissance, motif décoratif qui sera un élément caractéristique de l'architecture moscovite. Ces grands édifices s'équilibrent avec des constructions plus modestes comme la petite église de la Déposition-du-Manteau-de-la-Vierge (1484-1486), derrière laquelle pointent les bulbes des églises intégrées au palais du Terem, construit en 1635-1636. Le palais à Facettes (Granovitaïa Palata, 1487-1491) fut bâti par Marco Ruffo (actif à Moscou à partir de 1480) et Pietro Antonio Solari (vers 1450-1493) ; l'intérieur fut, en 1668, décoré de fresques par Simon Fedorovitch Ouchakov (1626-1686). Au-dessus de tous ces édifices se dresse le clocher d'Ivan le Grand (Ivanovskaïa kolokolnia). Cette énorme tour, commencée au début du xvie s. et achevée en 1600 sous le règne de Boris Godounov, renferme trente et une cloches. L'une d'elles, la cloche Reine (Tsar kolokol), mesure 5,87 m de haut et pèse 218 t ; un fragment s'en détacha en 1737 et fut installé sur un socle de granit, au pied du clocher, en 1836. Résidence du tsar, mais aussi siège du métropolite, puis du patriarche, le Kremlin abrite encore le palais Patriarcal et la collégiale des Douze Apôtres (1655-1656), église privée du patriarche. Le Kremlin a été agrandi au cours des siècles, sa superficie est actuellement de près de 28 ha. Sous Dimitri Donskoï (1359-1389), l'enceinte de bois est remplacée par une enceinte en pierre. Elle est reconstruite en brique en 1485-1495 par Marco Ruffo et Pietro Antonio Solari, qui prennent pour modèle le château des Sforza de Milan. Les remparts, crénelés à l'italienne, sont flanqués de vingt tours : en 1485 est élevée la porte centrale, dite « porte secrète » (Taïnitskaïa vorota), d'où partait un souterrain conduisant à la rivière ; en 1487, on construit la tour de Beklemichev ; en 1490, la tour Borovitskaïa, par où Napoléon devait pénétrer dans le Kremlin ; en 1491, les portes Saint-Nicolas (Nikolskaïa vorota) et de Saint-Flor. Les couronnements actuels des tours sont du xviie s. ; ceux de la tour à horloge de la porte du Sauveur ont été conçus en 1625 par l'Anglais Christopher Galloway.
À l'extérieur du Kremlin, de l'autre côté de la place Rouge (Krasnaïa Plochtchad, « Belle Place » en vieux russe), la place principale de Moscou.
On élève l'église Saint-Basile-le-Bienheureux (1554-1560) sur ordre d'Ivan le Terrible, pour commémorer la prise de Kazan. Ce monument, constitué d'une église centrale entourée de huit chapelles coiffées de coupoles bariolées, est une curiosité pittoresque et non un édifice typique de l'architecture russe. Toutefois, la partie centrale est construite dans un style largement répandu au xvie s., le style pyramidal (en chater [chatior]). Les églises de ce modèle sont caractérisées par une flèche pyramidale coiffant un édifice très élancé et de section réduite. Les premières églises en chater avaient été construites dans les environs de Moscou : celle de Saint-Jean-Baptiste à Diakovo (1529), celle de l'Ascension à Kolomenskoïe (1532). Au xviie s., on élève surtout des églises paroissiales, presque toutes du même type : de plan carré, elles sont plus hautes que larges, souvent à deux étages et couronnées de cinq coupoles ; le sommet des façades se termine par des arcs en encorbellement. On accède à l'église par une longue galerie fermée dont l'entrée est surmontée d'un clocher en chater, comme dans l'église de la Nativité à Poutinki (1649-1652), celle de la Dormition-des-Potiers (1654) ou celle de Saint-Nicolas-des-Tisserands (1676-1682).

À la fin du xviie s. se répand un style nouveau, le baroque moscovite, ou style Narychkine, du nom du boyard Lev Kirillovitch Narychkine (1668-1705), beau-frère du tsar Alexis Mikhaïlovitch, qui fit bâtir en 1693 l'église de la Protection-de-la-Vierge à Fili. Celle-ci repose sur une haute galerie à arcades, et l'on y accède par des escaliers imposants. La partie inférieure de l'église est un cube flanqué sur chaque côté d'une construction semi-circulaire coiffée d'une coupole ; sur ce cube vient s'emboîter une première tour octogonale, surmontée d'une seconde, plus petite, elle-même couronnée d'une coupole. L'édifice, de couleur brique, est orné d'éléments décoratifs en chaux. Le style Narychkine se distingue en effet par la richesse du décor : les façades sont ornées de colonnettes, de chapiteaux, de corniches, de carreaux de faïence de couleurs vives ; les lignes architecturales sont soulignées par des moulures, les fenêtres sont encadrées de torsades et de volutes. On trouve de beaux exemples du baroque moscovite au monastère Novodevitchi ou au monastère Donskoï.
À partir des années1770-1780 et jusqu'au milieu du xixe s., le style classique remplace le baroque, en particulier dans l'architecture civile. Deux architectes, Vassili Ivanovitch Bajenov (1737 ou 1738-1799) et son élève Matveï Fedorovitch Kazakov (1738-1812), construisent pour de riches marchands ou pour des nobles une série d'hôtels particuliers, tous bâtis sur le même modèle : le corps central, décoré d'une imposante colonnade et d'un fronton, est flanqué de deux ailes ; l'ensemble de l'édifice est recouvert de stuc peint en couleurs pastel. Il en est ainsi de la maison Pachkov (1784-1786), œuvre de Bajenov, ou de la maison Demidov (1779-1791), due à Kazakov. C'est également sur ce modèle que Kazakov édifie dans les années 1780 l'ancien Sénat (avec sa vaste Salle à colonnes) et, en 1786-1793, le bâtiment de l'université, qui sera restauré après l'incendie de 1812. Une architecture semblable se retrouve dans les résidences que se font construire les nobles aux environs de Moscou : châteaux de Kouskovo des années 1770 et d'Ostankino des années 1790, appartenant aux comtes Cheremetev, château d'Arkhangelskoïe (vers 1780-1831), résidence des princes Galitzine (Golitsyn), puis Ioussoupov.
Après l'incendie de 1812, Alexandre Ier crée une commission pour la restauration de Moscou. L'architecte Ossip Ivanovitch Bovet (1784-1834) aménage le centre de la ville dans le style classique, notamment la place du Théâtre où il construit le théâtre Bolchoï (1821-1824). Près du Kremlin est édifié en 1817 le Manège (détruit par un incendie en 2004).
Au milieu du xixe s. se développe un style nouveau, inspiré par l'architecture russe médiévale, à laquelle il emprunte de nombreux éléments décoratifs. C'est dans ce style « vieux russe » qu'ont été édifiés par C. Thon (Konstantine Andreïevitch Ton [1794-1881] le, Grand Palais (1838-1849) et le palais des Armures (1849-1851), à l'intérieur du Kremlin ; de même, le Musée historique (1875-1881), dont la décoration extérieure est due à V. Sherwood (Vladimir Ossipovitch Chervoud [1833-1897]), les galeries marchandes (1888-1894), qui abritent aujourd'hui le magasin Goum, et la galerie de peinture Tretiakov, dont la façade a été dessinée par le peintre Viktor Mikhaïlovitch Vasnetsov (1848-1926).
Après la révolution d'Octobre, Moscou redevient la capitale. Comme dans les autres domaines de l'art, des tentatives se font jour pour créer une architecture rompant résolument avec celle du passé. Au début des années 1920, les architectes recherchent surtout des formes nouvelles, méprisant les aspects fonctionnels et les problèmes de construction. De nombreux projets, sans doute irréalisables, sont d'ailleurs dus à des peintres ou à des sculpteurs, tel celui de Tatline pour un monument à la IIIe Internationale. Par la suite, les architectes s'efforcent de concilier les recherches formelles et les nécessités d'une architecture fonctionnellement adaptée au nouveau genre de vie. C'est dans cet esprit, par exemple, que Konstantine Melnikov construit plusieurs clubs à Moscou, notamment le club Roussakov, auquel il applique le principe des volumes transformables (salle adaptable aux différents besoins).

Cette synthèse entre expression formelle et fonctionnalisme est parfaitement atteinte dans les projets d'Ivan Leonidov à la fin des années 1920. Cependant, ils ne furent pas pris en considération, car alors commençaient à s'imposer les partisans d'un style monumental empruntant ses éléments composites à l'architecture du passé. Ce style triomphera au milieu des années 1930. Qualifié parfois de « stalinien », il est caractérisé par la massivité et la surabondance des éléments décoratifs, colonnes, corniches, etc. Les gratte-ciel de Moscou, tel celui de l'université Lomonossov (1949-1953), en offrent un exemple typique. Après 1956, l'architecture devient beaucoup plus sobre. On édifie des bâtiments de verre et de béton aux formes parallélépipédiques, tels le palais des Congrès (1961) [dans l'ensemble du Kremlin], dont le projet a été établi sous la direction de Mikhaïl Vassilievitch Possokhine, le cinéma Russie sur la place Pouchkine, plus récemment l'hôtel Russie ou encore les immeubles du « nouvel Arbat ».
Un plan de rénovation du centre historique a été entrepris dans les années 1990 : reconstruction de la porte de la Résurrection, de la cathédrale Notre-Dame de Kazan, de l'ancienne cathédrale du Christ-Rédempteur, édifiée entre 1839 et 1883 pour célébrer la victoire de 1812 sur Napoléon (rasée par Staline en 1933 et aménagée en piscine en 1960) …

LES MUSÉES DE MOSCOU
La galerie Tretiakov, donnée à la ville de Moscou en 1892, présente un vaste panorama de l'art russe depuis le xie s. jusqu'à nos jours (Vierge de Vladimir, Andreï Roublev, Kandinski, etc.).
Le musée des Beaux-Arts Pouchkine est consacré à la peinture occidentale, des primitifs italiens à Picasso (collections Chtchoukine et Morozov), en passant par les écoles hollandaise (Rembrandt), flamande, espagnole, les impressionnistes, Van Gogh, Cézanne, Matisse, etc.
Le musée du palais des Armures est installé dans le palais construit pour lui de 1849 à 1851. L'institution a pour origine un dépôt d'armes créé dans les premières années du xvie s. Depuis 1917, le palais des Armures est devenu un grand et riche musée d'art : armes et armures, émaux des xvie et xviie s., orfèvrerie européenne, parures et broderies, pierres précieuses.
La ville et sa proche banlieue compte maints autres musées : le musée d'Histoire, le musée Pouchkine, le musée Andreï Roublev (dans l'ancien monastère Saint-Antoine), le musée d'architecture (à Kolomenskoïe), le musée d'Art et d'Histoire (à Serguiev Possad), le musée de la Céramique (dans le château de Kouskovo), etc.

 

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