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FRANCO

 

 

 

 

 

 

 

FRANCO

PLAN
*        
    *         1. UNE CARRIÈRE MILITAIRE
    *         2. LE VAINQUEUR DE LA GUERRE CIVILE
    *         3. ENTRE SOUTIEN AUX RÉGIMES NAZI ET FASCISTE, ET NEUTRALITÉ
    *         4. LA CONSOLIDATION DU POUVOIR
    *         5. FIN DE L'ISOLEMENT AU PLAN INTERNATIONAL
    *         6. LE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE
    *         7. UN RÉGIME CONTESTÉ


Francisco Franco
Cet article fait partie du dossier consacré à la Seconde Guerre mondiale.
Général et homme d'État espagnol (El Ferrol 1892-Madrid 1975).
1. UNE CARRIÈRE MILITAIRE
Ce Galicien est le second des cinq enfants de Nicolás Franco, trésorier de marine, et de Pilar Bahamonde, femme effacée et pieuse issue d'une famille de marins. En 1907, ne pouvant s'inscrire à l'école navale à laquelle il se destinait, Francisco Franco Bahamonde entre à l'école d'infanterie de Tolède, où il reste jusqu'en 1910. Deux ans plus tard, il réussit à se faire envoyer au Maroc, où il est nommé lieutenant des troupes indigènes. En 1916, il est promu au grade de commandant et reçoit la médaille militaire. Rentré dans la Péninsule, il participe, sous les ordres du général Burguete, à la répression de la grève des mineurs asturiens (1917).


En 1923, il épouse Carmen Polo, fille d'un riche commerçant d'Oviedo, qui lui donnera un enfant, la future marquise de Villaverde. Jusqu'en 1926, Franco commande la Légion étrangère contre Abd el-Krim et met fin à la guerre du Rif. Un décret royal fait de lui le plus jeune général espagnol (1926).
Sous la dictature du général Miguel Primo de Rivera, Franco est placé à la tête de l'école militaire de Saragosse, mais, cet établissement ayant été supprimé par la seconde République (1931), il doit aller assumer le commandement aux Baléares (1933). Il joue encore un rôle actif dans la seconde répression de la grève des mineurs asturiens (octobre 1934), que lui a confiée le ministre de la Guerre Diego Hidalgo. En 1935, José Gil Robles, détenteur du portefeuille de la Guerre, veut renforcer l'armée et choisit alors Franco comme chef d'état-major. Toutefois, celui-ci ne conserve pas longtemps ces fonctions, car l'élection du Front populaire (février 1936) le relègue au poste de commandant général des troupes aux Canaries.

2. LE VAINQUEUR DE LA GUERRE CIVILE
Les 17 et 18 juillet 1936 éclate un coup d'État nationaliste. Franco publie aussitôt un manifeste en sa faveur à Las Palmas et, à la suite de l'accident d'avion qui coûte la vie au général José Sanjurjo, promoteur du soulèvement militaire, il prend la tête des opérations. Il s'envole pour Tétouan, s'assure le contrôle du Maroc espagnol, puis regagne la Péninsule.
À la fin du mois de juillet, l'Espagne est coupée en deux : le Nord et l'Ouest, dominés par les nationalistes, le Sud et l'Est (hormis quelques villes comme Séville et Cordoue et la région de Cadix), aux mains des républicains.
Tandis que l'armée du Nord est confiée au général Emilio Mola (qui se tue en avion neuf mois plus tard), la Junte de défense militaire, créée par les insurgés à Burgos, nomme Franco généralissime et chef du gouvernement (29 septembre), décisions rendues publiques le 1er octobre 1936. Quelques mois plus tard, Franco est proclamé Caudillo, et le décret du 30 janvier 1938 en fait le chef de l'État, du gouvernement et de l'armée.
Soutenu par la Phalange de José Antonio Primo de Rivera et par les forces de l'Allemagne hitlérienne (→ Guernica), Franco entre à Madrid le 28 mars 1939 et obtient la reddition sans condition des chefs républicains. Il parvient à réunir sous sa coupe monarchistes, phalangistes, carlistes (→ carlisme) et militaires. L'opposition est bannie et la répression sévère.
Pour en savoir plus, voir l'article guerre civile d'Espagne.

3. ENTRE SOUTIEN AUX RÉGIMES NAZI ET FASCISTE, ET NEUTRALITÉ
Considérant l'épuisement de l'Espagne au lendemain de la guerre civile, Franco préfère se maintenir dans la neutralité au début de la Seconde Guerre mondiale, bien qu'il croie, à cette époque, à la victoire des régimes nazi et fasciste – l'Allemagne et l'Italie ont été les premières à reconnaître son gouvernement (1936).
En 1940, il rencontre Hitler à Hendaye et occupe Tanger. En février 1941, il est l'hôte de Pétain. En 1941 il envoie une division de volontaires – la Division bleue (División azul) – combattre sur le front oriental contre les Soviétiques.
Mais il revient bientôt à la neutralité et évacue Tanger. Ce revirement ne suffit pas à lui gagner la faveur des Alliés, et, le 12 décembre 1946, à l'instigation des Soviétiques, l'assemblée générale des Nations unies recommande aux pays membres de rappeler leurs ambassadeurs en poste à Madrid.
4. LA CONSOLIDATION DU POUVOIR
Fragilisé tant sur la scène extérieure qu'intérieure, le Caudillo concentre tous les pouvoirs dans ses mains, soutenu par un parti unique aux composantes disparates – le Movimiento Nacional (Mouvement national). Il gouverne avec l'appui de l'armée, de l'Église catholique d'Espagne, de la Phalange et des grands propriétaires.
En 1942, il met en place les Cortes, assemblée dont les représentants sont nommés par le gouvernement ou élus par les corporations.
Le 26 juillet 1947, la loi de succession, stipulant que l'Espagne est une monarchie dont Franco est le chef habilité à nommer son successeur quand il le jugera opportun, est approuvée par référendum. Le général Franco choisit ses ministres en appliquant un habile système de bascule entre les différents groupes qui l'appuient.

5. FIN DE L'ISOLEMENT AU PLAN INTERNATIONAL

Cherchant à rompre l'isolement de l'Espagne sur la scène internationale, Franco profite du déclenchement de la guerre froide, au tournant des années 1950, pour la réintégrer dans le concert des nations.
En effet, les États-Unis et la Grande-Bretagne considèrent que l'Espagne, dont la stabilité politique est garantie par la ferme autorité de Franco, constitue le meilleur rempart contre le communisme. Cette conviction débouche sur la signature d'un accord hispano-américain : en 1953, le Caudillo accepte l'établissement sur le sol espagnol de bases nord-américaines et reçoit en contrepartie une aide substantielle des États-Unis. Cet accord est renouvelé en 1958, puis en 1969, et suivi d'un « accord d'amitié » en 1970.
En 1953, Franco signe avec le Vatican un concordat qui rétablit ce qui avait été aboli par la République et resserre donc les liens entre l'Église et l'État. En 1955, l'Organisation des Nations unies (ONU) accueille l'Espagne parmi ses membres, suivie, en 1958, par l'Organisation européenne de coopération économique (OECE).
En 1956, devant le nationalisme grandissant au Maroc, Franco renonce au protectorat espagnol sur ce pays et ne conserve que Ceuta, Melilla, la Guinée équatoriale (indépendante en 1968), et l'enclave d'Ifni (rendue aux Marocains en 1969).

6. LE REDRESSEMENT ÉCONOMIQUE
Face à la contestation qui gagne, à partir du milieu des années 1950, la société espagnole contrainte au rationnement et à l'émigration pour bénéficier du bien-être dont jouissent les pays voisins, Franco met un terme à l'autarcie et au dirigisme d'État en vigueur depuis près de vingt ans et promeut l'industrialisation rapide du pays.
À partir de 1965 environ, le développement économique – rendu possible par des années de paix, la participation à la vie internationale et l'apport des capitaux étrangers – commence à se faire sentir. L'émigration a tendance à se stabiliser, et l'afflux des touristes joue un rôle non négligeable.
Franco fait de plus en plus appel, au détriment de la Phalange, qui a légalement disparu en 1967, aux technocrates de l'Opus Dei, dont les objectifs essentiels sont précisément l'expansion et l'ouverture sur l'Europe (signature avec le Marché commun d'un accord commercial préférentiel, 1970).

7. UN RÉGIME CONTESTÉ
Sur le plan politique, Franco ne consent qu'à une timide libéralisation.
En 1959, il fait preuve d'un certain esprit de conciliation en déclarant que les exilés et réfugiés politiques peuvent rentrer s'ils le désirent.
La loi organique de l'État du 22 novembre 1966 (promulguée en janvier 1967) institue la séparation des fonctions de chef de l'État et de chef de gouvernement, augmente le nombre de députés aux Cortes, renforce l'institution monarchique, crée le poste de député local et envisage la possibilité de créer des associations politiques.
La loi sur la presse de 1966 supprime la censure préalable. Le 22 juillet 1969, les Cortes approuvent à une majorité écrasante la désignation du prince don Juan Carlos de Bourbon comme futur successeur de Franco en qualité de roi.
Le régime incarné par le Caudillo est alors l'un des plus contestés qui soient, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur : Franco est, en effet, considéré par les uns comme un dictateur pérennisant des méthodes condamnées par les démocraties modernes, par les autres comme étant le seul homme capable d'assurer à l'Espagne, encore marquée par les séquelles d'une atroce guerre civile, son intégration dans l'Europe.
En juin 1973, Franco laisse à l'amiral Carrero Blanco le titre de chef du gouvernement et garde pour lui celui de chef de l'État. Après l'assassinat de l'amiral en décembre, Franco nomme Carlos Arias Navarro chef du gouvernement. Le Caudillo meurt le 20 novembre 1975 après un longue maladie, Juan Carlos ayant été investi des pouvoirs de chef de l'État le 30 octobre.

 

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ASSYRIE

 

 

 

 

 

 

 

Assyrie

Cet article fait partie du dossier consacré à la Mésopotamie.

Empire mésopotamien qui, aux xive-xiiie siècles et aux ixe-viie siècles avant J.-C., domine l'Orient ancien.

HISTOIRE

L'histoire de l'Assyrie commence avec celle de la cité d'Assour. Le terme d'Assyrie est la dénomination grecque du « pays d'Assour ». État guerrier, célébrant ses mythes et ses conquêtes dans une architecture colossale, l'Assyrie a laissé le souvenir d'un régime prédateur.

1. LA PREMIÈRE CAPITALE ASSYRIENNE : ASSOUR
On ignore à peu près tout des origines de la cité d'Assour ; les vestiges les plus anciens qui y ont été découverts sont deux temples de la déesse Ishtar datant du xxvie siècle avant J.-C.

1.1. UNE CITÉ-ÉTAT
Les scribes assyriens ont laissé une liste royale qui prétend remonter aux origines, mais ces textes, en l'absence de synchronismes sûrs avec les rois d'Akkad et de Sumer, ne peuvent être – tout au moins dans leur partie la plus ancienne (et notamment pour ce qui concerne les « dix-sept rois qui ont habité sous la tente ») – exploités à des fins chronologiques. Parce qu'elle commandait la route la plus directe entre la basse et la haute Mésopotamie, entre Sumer et Akkad et les riches régions minières du Kurdistan, de l'Arménie et de l'Anatolie, Assour fut assez tôt l'objet de la convoitise des royaumes et empires mésopotamiens. Conquise par les Akkadiens, dévastée par les Goutis (envahisseurs originaires des monts Zagros), dominée par la IIIe dynastie d'Our (une des plus importantes cités fondées par les Sumériens), elle s'émancipe seulement après 2025 avant J.-C., lorsque l'Empire néosumérien se désagrège. Ses princes, qui portent alors le titre de « vicaire » de la divinité Assour ou de « chef de l'assemblée » des citoyens, œuvrent activement à son redressement ; les inscriptions qu'ils ont laissées mentionnent la construction et la restauration de temples, l'érection de murailles ainsi que des travaux d'adduction d'eau.

1.2. UNE MÉTROPOLE COMMERCIALE
Aussitôt affranchie de toute allégeance envers le Sud mésopotamien, Assour met à profit sa position de port fluvial et de carrefour routier dans un commerce à longue distance. Assez rapidement, elle surclasse les cités-États concurrentes – Isin et Larsa, Eshnounna et Mari – et s'impose comme la principale organisatrice des échanges commerciaux entre le Zagros, le Kurdistan, l'Anatolie et la Mésopotamie.

LES « KARU » ASSYRIENS DE CAPPADOCE
Les marchands assyriens s'implantent massivement sur le plateau anatolien et créent des comptoirs commerciaux, les karu (au singulier karum), dans une quinzaine de villes d'Anatolie centrale. Tous ces comptoirs ou associations autonomes de marchands assyriens relèvent du karum de Kanesh, établi dans la ville basse de l’actuelle Kültepe, à proximité de la citadelle abritant le palais du roi local. Cet organisme central, dépendant à son tour du Quai d'Assour, agit pour le compte de l'État assyrien : il a pour charge de contrôler et de taxer toutes les transactions, de juger de tous les litiges et de défendre les intérêts des marchands assyriens auprès des dynastes locaux. Cependant, quoique lié à l'État, le karum a ses propres activités commerciales : il dispose de magasins et d'entrepôts, s'adonne à l'importation et à l'exportation de marchandises et réalise des opérations bancaires en consentant des prêts ou en contractant des emprunts.

LES ÉCHANGES
Les activités des karu nous sont connues par des milliers de tablettes dites « cappadociennes », véritables archives économiques et juridiques en écriture cunéiforme trouvées sur les sites turcs de Kültepe (près de l'actuelle Kayseri), d'Alisar (Ankouwaa) et Boğazköy (Hattousha). Assour échangeait le cuivre et la laine en provenance d'Anatolie contre de l'étain (annakum) – indispensable à la métallurgie locale du bronze –, des étoffes et des ânes. L'étain, importé de l'Iran ou du Bélouchistan, avait une valeur marchande sept fois supérieure à celle du cuivre anatolien et son commerce assura pendant près d'un siècle la prospérité de la capitale assyrienne.

1.3. LA DYNASTIE DE SHAMSHI-ADAD Ier
Vers 1850 avant J.-C., une guerre entre populations anatoliennes interrompt ce trafic lucratif. Assour, à nouveau appauvrie, doit encore faire face aux tentatives d'hégémonie des rois mésopotamiens. Finalement, v. 1816 avant J.-C., elle tombe entre les mains d'un Amorrite, Shamshi-Adad Ier, qui régnait à Shoubat-Enlil, cité de la région du Khabur.
LES CONQUÊTES DE SHAMSHI-ADAD Ier
Shamshi-Adad Ier, après avoir détrôné le souverain légitime, Erishoum II, prend Ninive puis étend son pouvoir sur une partie du Kurdistan irakien et sur la grande ville de l'Euphrate, Mari, où il installe son fils Iasmah-Adad. Poursuivant d'autres conquêtes, il s'érige en maître de toute la haute Mésopotamie et impose sa suzeraineté aux cités d'Eshnounna et de Babylone. Sous son règne, Assour, qui n'est plus capitale du royaume, retrouve néanmoins sa vocation de port commercial et ses marchands (tamkaru) refont leur apparition en Anatolie.

LES PROBLÈMES DE SUCCESSION
Toutefois, cet embryon d'empire ne survit pas à son fondateur. Les colonies assyriennes de Cappadoce périclitent à nouveau et les fils de Shamshi-Adad ne peuvent conserver les domaines paternels : Iasmah-Adad se fait évincer de Mari par le roi d'Alep ; Ishme-Dagan, son frère, dépossédé d'Assour par le roi d'Eshnounna, doit se mettre sous la protection de Hammourabi, roi de Babylone et nouveau maître de la Mésopotamie. Après ce pseudo-règne d'Ishme-Dagan (1783-1743 avant J.-C.), l'Assyrie, passée entre les mains de plusieurs usurpateurs, est reléguée à l'arrière-plan de la scène politique proche-orientale. Pendant plus de trois siècles, elle fait figure de petite principauté, successivement contrôlée par les Babyloniens, les Kassites et les Mitanniens.
2. LE PREMIER EMPIRE ASSYRIEN (XIVe-XIIe SIÈCLES AVANT J.-C.)
2.1. LA LUTTE CONTRE LES MITANNIENS
Le roi Eriba-Adad Ier (v. 1383-1356 avant J.-C.) réussit à rejeter la tutelle mitannienne et, dès 1370, récupère la cité de Ninive ainsi que les territoires situés aux abords du Tigre. Assour-Ouballit Ier (1366-1330 avant J.-C.), aussi entreprenant, guerroie contre les Mitanniens et intervient même dans les affaires du royaume kassite de Babylone. Ses successeurs, maintenant la même politique belliqueuse, se heurtent à nouveau aux Mitanniens passés sous la protection des Hittites, combattent les montagnards du Zagros et du Kurdistan et disputent aux Babyloniens le contrôle des routes commerciales menant en Iran.
Pour en savoir plus, voir l'article Mitanni.

2.2. LA POLITIQUE BELLIQUEUSE DES ASSYRIENS
Au xiiie siècle, les Assyriens ne cessent de lutter contre les vagues d'invasions ou contre leurs voisins. Leur ardeur belliqueuse affecte alors jusqu'à leurs conceptions religieuses : Assour, leur dieu national, prend désormais un caractère guerrier et prétend à la domination universelle. La guerre est perçue comme un acte de piété. De défensive, elle devient offensive. Adad-Nirari Ier (1307-1275 avant J.-C.), Salmanasar Ier (v. 1266-1236 avant J.-C.) et Toukoulti-Ninourta Ier (1245-1208 avant J.-C.) mènent des campagnes le plus loin possible de leurs frontières. Les Égyptiens et les Hittites, alarmés, se coalisent en vain (1269). De campagne en campagne, les Assyriens finissent par imposer leur puissance. À la haute Mésopotamie annexée par Salmanasar Ier, Toukoulti-Ninourta Ier ajoute la Babylonie, les pays d'Akkad et de Sumer, ce qui lui permet, à l'instar des rois sumériens et akkadiens d'autrefois, de se proclamer « roi de l'univers ». Pour commémorer son triomphe sur Babylone, il fonde près d'Assour une nouvelle ville portant son nom.

2.3. LA POUSSÉE ARAMÉENNE
L'empire, comme jadis celui de Shamshi-Adad Ier, ne survit pas à son souverain. La grandeur de Toukoulti-Ninourta et peut-être aussi sa mégalomanie lui valent la suspicion de la noblesse, qui finit par l'emprisonner puis l'assassiner. Or, à la fin de son règne, la carte politique du Proche-Orient s'est sensiblement modifiée. La Babylonie kassite s'est reconstituée dès 1214 avant J.-C., et les Assyriens doivent désormais compter avec de nouveaux venus : au nord-ouest, les nomades Moushki (des Phrygiens) et Kaskas (originaires des montagnes du Pont) et, au sud-ouest, des Sémites, qui vont bientôt former la confédération araméenne. Au milieu du xiie siècle avant J.-C., l'Assyrie, ainsi assiégée, subit en outre l'attaque des Élamites, auxquels elle concède la région du Petit Zab. Malgré les réactions d'Assourresh-Ishi Ier (1133-1115 avant J.-C.) et l'exploit de Toukoultiapil-Esharra Ier (1116-1077 avant J.-C.) – qui s'aventure jusqu'au-delà du lac de Van et intervient en Méditerranée où il rançonne les villes phéniciennes –, l'Assyrie ne peut résister à la formidable poussée de ses adversaires. Les Araméens, après avoir pris la Babylonie, s'installent en plein cœur du pays assyrien, dévastent les campagnes et massacrent les populations.

3. LA PÉRIODE NÉO-ASSYRIENNE OU LE SECOND EMPIRE (IXe-VIIe SIÈCLES AVANT J.-C.)
Même menacée dans son intégrité nationale, l'Assyrie n'a pas beaucoup perdu de sa puissance.

3.1. LE RENOUVEAU DE L'EMPIRE
Le potentiel militaire des Assyriens est toujours intact ; la lignée dynastique, ininterrompue depuis près de deux siècles, assure à l'Empire une solide continuité politique et, malgré les intrigues de la noblesse, le pouvoir bénéficie encore d'une relative stabilité.

LA CONJONCTURE EXTÉRIEURE
Ni la Babylonie – sa rivale de toujours – ni l'Égypte ne sont en mesure de réduire l'Assyrie ; la première, elle aussi, a fort à faire avec les Araméens ; la seconde, retirée d'Asie depuis longtemps, est désunie, partagée entre pharaons libyens sur le delta du Nil et grands prêtres d'Amon en Haute-Égypte. Cette conjoncture favorable est exploitée par Assournazirpal II (883-859 avant J.-C.), auquel ses prédécesseurs, Adad-Nirari II (912-889 avant J.-C.) et Toukoulti-Ninourta II (889-883 avant J.-C.), avaient déjà frayé le chemin en effaçant la menace araméenne. Dès lors, les nomades, les Babyloniens, les Hittites et les Phéniciens font les frais d'une puissance assyrienne retrouvée.

LES TRAVAUX D'ASSOURNAZIRPAL
En un demi-siècle de guerres impitoyables, l'Empire retrouve sa grandeur passée. Les villes, enrichies, s'ornent à nouveau de monuments. Assournazirpal ressuscite la cité de Kalhou (l'actuelle Nimroud), fondée au xiiie siècle avant J.-C. par son aïeul Salmanasar Ier mais depuis lors tombée en ruine. Il se fait construire un palais sur plus de deux hectares : l'inauguration de cette nouvelle capitale donne lieu à dix jours de festivités auxquelles sont conviées 69 574 personnes, dont 47 074 venant de différentes parties du royaume.

SALMANASAR III
L'expansion et la prospérité assyriennes se poursuivent sous Salmanasar III (858-823 avant J.-C.), qui, comme son père, fait de la guerre son activité principale ; ses expéditions, plus hardies, le mènent en Cilicie, en Arménie, en Palestine, au-delà du Zagros et même sur les rives du golfe Arabo-Persique.

3.2. L'HÉGÉMONIE ASSYRIENNE
À l'issue du grand règne de Salmanasar III, l'Assyrie, secouée par des révolutions intérieures et gouvernée par des rois de plus en plus effacés, finit par perdre une grande partie de sa zone d'influence. Les cités phéniciennes, les royaumes d'Israël, de Juda et le Naïri lui échappent totalement. De surcroît, elle est menacée, à sa porte même, par l'émergence du puissant royaume d'Ourartou (Arménie).

3.3. TÉGLATH-PHALASAR III
Toukoultiapil-Esharra III (745-727 avant J.-C.), le Téglath-Phalasar III de la Bible, porté au trône par une révolte, entreprend de restaurer la puissance assyrienne. Ce monarque intelligent et méthodique rétablit le pouvoir royal et réorganise l'armée ; en quelques années, il chasse les Ourartéens de la Syrie du Nord (743 avant J.-C.) et redonne ainsi à l'Assyrie un accès à la Méditerranée ; de même, il annexe le royaume de Damas (732 avant J.-C.), pénètre dans le pays des Mèdes, occupe la Palestine et, tenté par la richesse de la Babylonie, s'y fait proclamer roi sous le nom de Poulou.

SARGON II
La domination de l'Assyrie, vainement contrecarrée par une coalition égypto-élamite, se confirme encore sous Sargon II (722-705 avant J.-C.) ; l'Empire s'étend désormais sur tout le Croissant fertile, ainsi que sur une partie de l'Iran et de l'Anatolie ; il dispose de deux fenêtres maritimes, l'une sur la Méditerranée, l'autre sur le golfe Arabo-Persique, et contrôle la majeure partie des cours du Tigre et de l'Euphrate. Désireux d'affirmer sa puissance, Sargon délaisse Kalhou pour une nouvelle capitale, Dour-Sharroukên (→ Khursabad).

SENNACHÉRIB

Le fils de Sargon, Sin-ahhe-eriba (705-680 avant J.-C.), le Sennachérib de la Bible, célèbre pour avoir détruit la cité de Babylone (689 avant J.-C.), fait de même en donnant à l'Assyrie une métropole encore plus splendide : Ninive. Pour alimenter sa nouvelle capitale en eau, le souverain fait capter les eaux du Gomel et du Khosr dans un canal long de près de 50 kilomètres, qui traverse une vallée sur un aqueduc de 200 mètres supporté par des arches de 5 mètres de hauteur.

3.4. LA CHUTE DE L'EMPIRE ASSYRIEN
En 667 avant J.-C., la conquête de l'Égypte par Assourbanipal (669-vers 627 avant J.-C.) donne à l'Empire son extension maximale : tout le Proche-Orient, de Thèbes à la Syrie, de la Palestine jusqu'aux collines isolant la Perse de la plaine mésopotamienne. Cependant, cette Assyrie dominatrice n'a plus longtemps à vivre. Le reflux commence dès avant la fin du règne d'Assourbanipal par la perte de l'Égypte, reconquise en 653 avant J.-C. par Psammétique Ier. Peu après, la Babylonie se révolte. Plus grave encore sont les attaques concertées des Scythes et des Mèdes. L'armée assyrienne cède Assour en 614 avant J.-C., Ninive en 612 avant J.-C., puis se réfugie à Harran (ville de la Syrie ancienne, célèbre pour son temple du dieu-Lune Sin), où, malgré la rescousse égyptienne, elle finit par s'incliner définitivement devant les Mèdes (609 avant J.-C.).
Lorsque Nabuchodonosor II monte sur le trône de Babylone en 605 avant J.-C., l'Assyrie n'est plus une puissance, mais elle laisse le souvenir de guerres cruelles suivies de lourds tributs.

4. LA CIVILISATION ASSYRIENNE

4.1. LA SOCIÉTÉ
La société assyrienne est composée d'hommes libres (awilou), de serfs et d'esclaves.
Les citoyens libres se partagent en trois catégories : les grands propriétaires fonciers, la bourgeoisie urbaine et les petits paysans. Les deux premières ont profité de l'élargissement de l'Empire en mettant la main sur des terres de plus en plus étendues et en se livrant au commerce à longue distance. En outre, le pouvoir, conscient de leur importance économique et politique, s'est montré attentif à leurs doléances : les bourgeois – et par extension, les villes – ont régulièrement obtenu des chartes qui souvent les exemptent de l'impôt et du service militaire.
L'expansion de l'Empire s'est faite au détriment de la classe des paysans. Ceux-ci, assujettis à l'impôt et aux corvées, astreints au devoir militaire, supportent seuls le poids des guerres incessantes. De même, leur importance économique s'est ressentie de l'existence d'une noblesse foncière employant une abondante main-d'œuvre servile (esclaves et serfs).
Souvent endettés et insolvables, les petits cultivateurs tombent en servitude et vont grossir les rangs des esclaves. Ceux-ci – dont chaque guerre augmente le nombre avec de nouveaux prisonniers et déportés – constituent des biens qu'on peut vendre et échanger ou dont on hérite ; cependant, ils conservent une personnalité juridique. Ils peuvent contracter mariage avec des personnes de condition libre, posséder des biens et ester en justice. Leur condition, surtout quand ils sont nés dans le pays, peut parfois être moins dégradée que celle des serfs qui, attachés à la terre, achetés et vendus avec elle, dépendent étroitement de leur propriétaire.

4.2. L'ÉCONOMIE
La documentation assyrienne, principalement tournée vers les événements militaires, ne fournit que de maigres informations relatives à l'état matériel du pays. L'économie, semble-t-il, a très peu évolué depuis la formation de l'Empire et ses fondements sont restés ruraux.

L'AGRICULTURE
L'agriculture au début du Ier millénaire apparaît comme l'une des préoccupations majeures du pouvoir. Depuis Assour-Dan II (vers 934-912 avant J.-C.), les souverains assyriens appellent à l'amélioration des techniques et des rendements. Certains essayent d'introduire les charrues à semoir, d'autres se lancent dans des travaux hydrauliques, d'autres encore, au retour de leurs expéditions guerrières, introduisent de nouvelles espèces animales (chameaux bactrien et arabe) et végétales (coton de l'Indus).

LE COMMERCE EXTÉRIEUR
Le commerce extérieur, qui ne retrouve pas sa vitalité du temps de l'ancienne Assyrie, paraît néanmoins prospère et diversifié. Encouragé par les souverains, il s'est développé en direction de l'Égypte, du golfe Arabo-Persique, des pays de l'Égée et, vraisemblablement par l'intermédiaire des Phéniciens, a touché les pays de la Méditerranée occidentale. Il porte exclusivement sur les métaux et sur les produits rares tels que le lin, le coton, les teintures, les pierres précieuses et l'ivoire. Il faut aussi noter que les Assyriens, grâce à leurs différentes conquêtes, avaient libre accès à de nombreux gisements de minerais, notamment le fer au Liban et l'argent en Anatolie.

4.3. LA BIBLIOTHÈQUE D'ASSOURBANIPAL
On désigne ainsi près de 30 000 tablettes et fragments de tablette portant des inscriptions cunéiformes, découverts de 1851 à 1876 sur le site assyrien de Ninive. Ces documents, qui correspondent à quelque 5 000 ouvrages, proviennent en grande partie de bibliothèques babyloniennes et sumériennes, où ils ont été recopiés à la demande du roi Assourbanipal. Certains se rapportent à la divination ; d'autres sont des textes conjuratoires, consignent des prières ou narrent des épopées (épopée de Gilgamesh et épopée de la Création).
Dûment enregistrés à leur entrée dans la bibliothèque, les documents recopiés étaient classés par ouvrages et par thèmes puis rangés sur des planches. Les tablettes, pour la plupart, portent au bas un « colophon » mentionnant, entre autres détails, le nom du scribe. Celles qui font partie d'une série sont numérotées, ou leur dernière phrase est reprise en tête de la tablette suivante.

BEAUX-ARTS

C'est entre le xiiie et le viie s. avant J.-C. que l'art assyrien connaît sa pleine expansion. Les moyens techniques sont ceux de Sumer et des autres civilisations de l'ancienne Mésopotamie, avec la brique pour matériau essentiel ; grands travaux (installations hydrauliques de Ninive), villes (Assour, Ninive, Khursabad [Dour-Sharroukên]) et ziggourats en témoignent. Les palais sont formés par de simples parallélépipèdes où se juxtaposent les quartiers (sanctuaires, salle d'apparat, appartements royaux et communs). Briques émaillées et alternance de redans et de saillants constituent le décor extérieur de ces énormes façades. L'intérieur est orné d'un décor plaqué : grands orthostates sculptés en léger relief illustrant les récits mythologiques ou les exploits du souverain. Perspective hiérarchique et représentation de profil n'excluent pas un talent certain d'animalier. On distingue entre le ixe et le viie s. une évolution vers l'aisance et la sensibilité (Lionne blessée, British Museum). Des fragments de peinture murale, proches de ceux de Dour-Kourigalzou (aujourd'hui Aqarquf), ont été recueillis à Til Barsip sur le haut Euphrate. Glyptique, ivoires, reliefs de bronze (porte de Balawat, British Museum) attestent l'épanouissement des arts appliqués.


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LE PAPIER

 

 

 

 

 

 

 

papier

(latin papyrus, du grec papuros, roseau d'Égypte)

Consulter aussi dans le dictionnaire : papier
Matière se présentant en feuilles minces et sèches composée essentiellement de fibres ou de morceaux de fibres adhérant les uns aux autres. (Le papier a un grammage inférieur à 224 g. Au-dessus de cette valeur il s'agit de carton.)

INTRODUCTION
Indissociable de la culture, le papier reste le véhicule par excellence de la communication. Il est aussi un outil de conditionnement indispensable à l'activité industrielle et à la distribution. Papiers et cartons ont en commun leur structure fibreuse, d'origine végétale. Les technologies de fabrication, qui ne cessent d'évoluer, se divisent en deux étapes : la production de la pâte et la confection du papier.
Jusqu'à la première moitié du xixe s., les pâtes étaient obtenues à partir de chiffons mis à fermenter, puis découpés en lanières et pilés. Par la suite, ce matériau venant à manquer, une matière première de rechange a été trouvée, la pâte de bois, et la fabrication des papiers et des cartons est entrée dans l'ère industrielle. La papeterie a, de préférence, recours aux bois résineux qui donnent une pâte à fibres longues (3 à 4 mm), assurant une bonne résistance mécanique. Mais il est aussi possible d'utiliser des bois feuillus, dont les fibres sont plus courtes, en particulier les bois tendres à croissance rapide (peuplier, eucalyptus, bouleau).

Les régions productrices de papier sont naturellement celles où poussent des forêts abondantes, homogènes et riches en résineux : Scandinavie, Canada, États-Unis, Russie. Mais, dans la plupart des pays, l'industrie papetière contribue à rentabiliser l'exploitation des forêts destinées au bois d'œuvre par l'utilisation des bois d'éclaircie, puisqu'elle se satisfait de bois de petits diamètres tels que des chutes et des délignures des scieries. Une évolution marquante des années 1980 a été l'entrée d'une portion de plus en plus importante de fibres de récupération et de vieux papiers dans la composition des papiers et cartons pour l'emballage, ainsi que dans celle du papier journal.
Biodégradable et recyclable, le papier est un matériau naturel. Sa fabrication est fort complexe ; elle fait intervenir des techniques mécaniques et hydrauliques et implique la maîtrise de procédés physico-chimiques. Automatisées et informatisées, les usines actuelles de production en continu requièrent de très gros investissements. Leur capacité est de l'ordre de 1 000 tonnes par jour en pâtes et en bandes de papier, qui sont embobinées à la vitesse de 90 km/h.

DATES CLÉS DU PAPIER
         
DATES CLÉS DU PAPIER
Vers 2500 avant J.-C.    Les Égyptiens découpent des tiges de papyrus en tranches fines, assemblées et séchées.
105 après J.-C.    Le ministre et poète chinois Cai Lun est considéré comme l'inventeur mythique du papier, bien que sa fabrication semble antérieure.
751    Après la bataille de Samarkand, des prisonniers chinois livrent aux Arabes le secret de la fabrication du papier. À Damas et à Bagdad, la technique est perfectionnée par utilisation de coton, de lin et de chanvre.
XIIe siècle    Des marchands italiens introduisent le papier en Europe.
Début du XIVe siècle    L'un des premiers moulins à papier français est construit à Ambert. La matière première est du chiffon.
Vers 1450    Invention de l'imprimerie. Les besoins en papier font un bond.
1719    Réaumur propose d'utiliser la cellulose du bois.
1798    Louis Nicolas Robert met au point la machine de production rapide en continu.
Milieu du XIXe siècle    Des industries papetières naissent dans toutes les régions forestières d'Europe.
1860    Première fabrication de pâte mécanique par défibrage du bois à l'aide de meules.
1880    Première fabrication de pâte chimique par le procédé kraft.
 
FABRICATION DE LA PÂTE

Après avoir été écorcé et lavé, le bois est finement broyé dans des défibreurs. Tous les constituants du végétal sont conservés avec leurs propriétés chimiques : réceptivité à l'encre, tendance à jaunir en vieillissant. Ces procédés mécaniques donnent une pâte mécanique qui sert de base pour la fabrication de papier journal, de papier couché pour les magazines et de cartons plats. De nombreuses variantes résultent de différents procédés : les pâtes thermomécaniques sont obtenues par application d'eau chaude ou de vapeur, les pâtes mécanochimiques par trempage préalable des copeaux dans la soude. Une nouvelle génération de pâtes à haut rendement a été mise au point par optimisation de l'équilibre performances/prix. Pour les procédés chimiques, les copeaux de bois sont introduits dans des lessiveurs cylindriques de 70 m de haut, où ils sont traités sous haute pression, à température élevée (de l'ordre de 170 °C), en présence de réactifs chimiques, afin d'éliminer les incrustants, lignine et hémicellulose. Deux procédés sont en concurrence, l'un acide, l'autre alcalin. Le premier est dit au bisulfite : son élément actif est l'anhydride sulfureux SO2. Le second, ou procédé kraft, est dit au sulfate : son élément actif est un mélange de sulfure de sodium et de soude caustique. Après quelque six heures de cuisson, la pâte est refroidie et lavée. De couleur écrue, elle peut être utilisée telle quelle pour le papier kraft. Généralement, elle est ensuite décolorée (blanchie) par différents produits à base de chlore ou d'oxygène. Lors de leur utilisation pour la fabrication des papiers et cartons, les pâtes sont mélangées entre elles pour des raisons à la fois économiques et techniques. Quant aux vieux papiers remis en pâte, ils doivent être préalablement désencrés par cuisson légère en présence de soude ou de carbonate de sodium. Cette opération hydrolyse les liants des encres qui se solubilisent et se détachent du papier par lavage en présence d'agents tensioactifs.

FABRICATION DES PAPIERS ET CARTONS

        Très fluide (1 à 2 grammes de matière sèche par litre d'eau), la pâte à papier est d'abord raffinée. Le raffinage a pour effets de couper, d'hydrater et de modifier la surface des fibres où apparaissent des fibrilles. À ce stade de la fabrication sont introduits des composants annexes et des adjuvants dans la cuve des mélanges. Au premier groupe appartiennent les charges minérales et les poudres fines, comme le talc ou le kaolin, qui augmentent l'imprimabilité, l'opacité et la stabilité dimensionnelle, mais affectent la solidité du papier ; au second groupe appartiennent les colorants et les amidons, qui renforcent la cohésion interne de la feuille, les résines synthétiques, qui modifient son comportement électrostatique et améliorent la rétention des charges, et les agents de collage, qui diminuent l'affinité de la cellulose pour l'eau.
Dans un premier temps (partie humide), la pâte s'écoule des lèvres de la caisse de tête sur la table de fabrication, constituée par une toile sans fin tendue entre deux rouleaux et qui avance sur des lames intermédiaires. L'homogénéité peut encore être améliorée dans la version « double toile », où la pâte circule entre deux toiles. Peu à peu, l'eau est éliminée et les fibres fibrillées s'enchevêtrent jusqu'à ce qu'elles forment une structure. Sur les machines qui produisent des papiers de belle qualité, à vitesse relativement lente, un rouleau égoutteur peut imprimer un filigrane en exerçant une certaine pression. En fin de parcours, l'égouttage naturel est renforcé par des caisses aspirantes. (L'eau résiduelle est récupérée pour diluer la pâte.) Le matelas fibreux, reposant sur un « feutre coucheur » sans fin, arrive alors à la section des presses, une succession de deux à cinq presses, dont chacune est formée par un couple de cylindres entre lesquels passe la pâte, de plus en plus amincie, perdant jusqu'à 60 % de sa teneur en eau.
Le deuxième temps (partie sèche) peut commencer. Homogénéisée par la dernière des presses, appelée presse offset, la feuille déjà bien formée n'a plus besoin de support pour entrer dans la sécherie, où elle passe sur une succession de cylindres en fonte, chauffés intérieurement par de la vapeur. Avant le dernier séchoir, une presse, dite encolleuse, associant un rouleau de laiton et un rouleau revêtu de caoutchouc, applique une couche superficielle de solution d'amidon. La lisse, ou ensemble vertical de rouleaux en fonte polie, régularise l'épaisseur et parfait le lissé de la surface. De plus en plus, des procédés mécaniques, tels que la friction-compression sur calandre, sont utilisés pour modifier l'état de surface du papier. Ils peuvent être ou non associés à des méthodes d'enduction, comme le couchage, qui consiste à déposer sur la feuille un véritable revêtement minéral pour réduire la porosité et éliminer les irrégularités de surface. Terminée, la bande de papier est enroulée sur une bobine mère qui sera éventuellement refendue en bobines filles, la difficulté étant de les bobiner avec une tension identique en tous points de la laize, ou sens travers de la feuille. Ces opérations sont conduites sur des machines à papier impressionnantes : certaines font 100 m de long et 10 m de large.

TOUTES SORTES DE PAPIERS ET CARTONS
Le papier satisfait à des usages aussi variés que le sont sa composition fibreuse et le mélange d'agents chimiques et d'adjuvants introduits en cours de fabrication. Les papiers à usage graphique sont couchés ; ils se développent au même rythme que l'impression couleurs. Les papiers de presse proviennent pour moitié de pâtes mécaniques blanchies. Ils sont produits à de grandes vitesses, allant jusqu'à 1 000 m/min. Les meilleurs contiennent davantage de pâtes chimiques et de charges, et sont légèrement couchés. Les papiers pour impression et écriture (livres, revues, brochures, cahiers, papier à lettres) forment un secteur économique important. Ils ne contiennent pas plus de 20 % de pâtes mécaniques, généralement blanchies. Les papiers sans bois, fabriqués exclusivement à partir de pâtes chimiques, éventuellement filigranés, font partie de la gamme supérieure. Ils contiennent toujours des charges minérales. Les papiers et cartons pour l'emballage et le conditionnement assurent la protection et la présentation des produits. En tonnage, ils forment le secteur le plus important. Ils peuvent éventuellement être associés à des plastiques. Pour le carton, la proportion de pâte mécanique est élevée. Après couchage, il se prête à la confection de boîtes imprimées, même dans le cas du carton ondulé. Le papier kraft, d'une remarquable résistance mécanique, est fabriqué à base de pâtes au sulfate écrues ou blanchies. Les papiers à usage sanitaire et domestique, utilisés pour des articles d'hygiène, mouchoirs jetables, essuie-mains, couches en cellulose, vaisselle en carton plat, sont fabriqués à partir de pâte et aussi de papier récupéré. Les non-tissés, utilisés en chirurgie, sont confectionnés selon un procédé à sec, sur une machine spéciale qui mélange fibres cellulosiques et fibres synthétiques, ces dernières étant parfois employées seules. Les papiers industriels et spéciaux ont des caractéristiques particulières ; ils sont très minces ou très compacts, d'un lissé de surface exceptionnel, résistants à l'humidité, aux graisses ou au feu. Les papiers photographiques sont chimiquement neutres, ils subissent une enduction superficielle de gélatine. Sur le papier autocollant sont disposées des microcapsules entre le support et la couche. Enfin, les papiers pour billets de banque sont de qualité 100 % chiffon : ils doivent résister à l'usure et au vieillissement. Vers la fin des années 1980 sont apparus les papiers pour stérilisation, pour chèques infalsifiables ou encore, pour la décoration, les tissus muraux en fil de papier.

 

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L'ANCIEN RÉGIME

 

 

 

 

 

 

 

Ancien Régime

Cet article fait partie du dossier consacré à la Révolution française.

Régime social et politique de la France depuis le règne de François Ier (1515-1547) jusqu'à la proclamation de l'Assemblée nationale le 17 juin 1789 et l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août, lors de la Révolution. Certains historiens réservent l’expression à la période 1661-1789, période de stabilisation relative de l’absolutisme.

1. DÉFINITION DE L’ANCIEN RÉGIME
1.1. DES PERCEPTIONS VARIABLES
L'expression « Ancien Régime » s'est longtemps appliquée aux seules institutions politiques et sociales de la monarchie française, renversées par la Révolution et symbolisées par l'absolutisme royal et l'existence de privilèges, fondements d'une société juridiquement établie sur l'inégalité naturelle et le régime du privilège. Pour la paysannerie, alors largement majoritaire, l'Ancien Régime s'identifie au « temps des seigneurs », des droits féodaux et de l'oppression fiscale. Pour la noblesse « éclairée » et la bourgeoisie, c'est le temps de l'arbitraire, de la coutume et de l'obscurantisme, reliques de l'époque médiévale qu'il fallait extirper de la loi, du gouvernement et des mœurs.

1.2. UNE LENTE STRATIFICATION
L'acte de naissance de l'Ancien Régime est difficile à dater : comme l'écrivait Alexis de Tocqueville dans l'Ancien Régime et la Révolution (1856), il s'agit d'un très vieil édifice, composite, encombré d'institutions féodales et aristocratiques de tous âges. C'est peut-être par cela que l'Ancien Régime se définit le mieux : une organisation qui ajoutait toujours sans jamais supprimer, qui superposait ou alignait des lois et des coutumes séculaires ou récentes jusqu'à se trouver devant d'indissolubles contradictions. À ce titre, l'Ancien Régime s'identifie à la monarchie bureaucratique érigée par les Bourbons et dont l'apogée se situe sous le règne personnel de Louis XIV (1661-1715), mais se rattache tout autant à la monarchie féodale et capétienne dont il subsiste de larges pans.


1.3. PLUSIEURS « ANCIEN RÉGIME »
Les progrès de la science historique contemporaine ont donné à l'analyse de l'Ancien Régime une autre dimension et ont fait apparaître l'existence de plusieurs « Ancien Régime ».
UN ANCIEN  RÉGIME  ÉCONOMIQUE
À dominante agricole, avec ses conjonctures et ses fluctuations, ses crises de subsistance et son indigence technique, ses échanges limités et son autoconsommation, c'est la véritable antithèse de l'économie de marché. La révolution qui y a mis fin commence avec la loi sur les chemins de fer (1842) et triomphe sous le second Empire (1852-1870) avec la grande industrie, les banques de dépôts, les sociétés anonymes .

UN ANCIEN RÉGIME DÉMOGRAPHIQUE
Il possède sa fécondité et sa mortalité propres, sa sensibilité à la conjoncture économique. La révolution libératrice se situerait assez tôt dans le xviiie siècle, qui ne connaît plus de grandes poussées épidémiques de peste après 1750 et qui s'initie au contrôle des naissances.

UN ANCIEN RÉGIME MENTAL ET CULTUREL
Il se caractérise par son ignorance, ses croyances, ses sorcières, ses langues, qui font des Français des « peuples » désunis et étrangers les uns aux autres. La religion catholique, religion de l'« État et couronne de France » est celle de tous les fidèles sujets du roi. Si l'intolérance religieuse agonise dès le début du règne de Louis XVI, il n'y aura d'unité linguistique que tardivement, à partir des lois scolaires de François Guizot (1833) et surtout de Jules Ferry (1880-1882).
2. L'ANCIEN RÉGIME ÉCONOMIQUE
2.1. UNE ÉCONOMIE AGRICOLE
UNE AGRICULTURE PRÉDOMINANTE

L'Ancien Régime englobe le mode de production antérieur à la révolution industrielle. L'économie française est essentiellement agricole. Les céréales constituent la part la plus importante de la production agricole. Les rendements sont médiocres (4 grains récoltés en moyenne pour 1 semé). Les techniques agricoles restent rudimentaires : on utilise l'araire dans le Sud, la charrue à un soc dans le Nord, mais beaucoup de terres sont cultivées à la houe et à la bêche. En dernier ressort, la terre détermine à peu près tout et pas seulement la production alimentaire, l'outillage du paysan ou de l'artisan et l'habitat. L'« industrie », jusqu'au xviiie siècle, est une activité tout autant rurale qu'urbaine, et le paysan est artisan autant qu'agriculteur. L'agriculture lui fournit l'essentiel de ses matières premières (laine, lin). Le commerce consiste essentiellement dans l'échange des produits du monde rural (céréales, vin, sel, draps, toiles). 85 % des Français sont des ruraux.

UN FAIT URBAIN TRÈS MINORITAIRE
Au xviiie siècle, hormis Paris (600 000 habitants), Lyon (140 000 habitants), Marseille, Rouen, Bordeaux, Nantes, Lille et Toulouse, qui ont entre 30 000 et 100 000 habitants, et une cinquantaine de villes de 10 000 à 30 000 habitants, la plupart des villes ne rassemblent que de 2 000 à 4 500 habitants. Encore la ville est-elle en étroite symbiose avec la campagne. Capitaux et revenus proviennent essentiellement de la terre, qu'il s'agisse des ressources du Trésor royal, de la fortune des Grands, des spéculations des grains et des maigres ressources du peuple.

LES CRISES ÉCONOMIQUES
Les crises économiques de l'Ancien Régime sont, en premier lieu, des crises de sous-production agricole, déterminées par l'insuffisance des techniques et la sensibilité aux aléas climatiques, et, en second lieu, des crises de sous-consommation industrielle. Quand, à la suite d'accidents météorologiques (excès de sécheresse ou d'humidité, gel tardif), la récolte des céréales fléchit brusquement, les prix flambent et provoquent, pour les paysans, une perte terrible de revenus : c'est la crise de subsistance (ainsi en 1565, 1592, 1660-1661, 1693-1694, 1709, 1770, 1788). Cette crise perturbe la vie industrielle, provoque la chute de la production, de l'emploi et des profits ; le chômage et la mendicité s'étendent à tout le royaume ; des révoltes populaires éclatent (« grande rébeyne » [émeute de la faim] de Lyon, 1529).

2.2. UNE INDUSTRIE SECONDAIRE

DES ACTIVITÉS MARGINALES ET DISPERSÉES

C'est une activité marginale et subordonnée aux secteurs agricoles et marchands. La ville manufacturière existe, où se groupe une main-d'œuvre vivant du salariat : ainsi Lille, Amiens, Beauvais, Lyon, Caen, Reims, Rouen. Mais le prolétariat urbain ne dépasse pas 100 000 individus au début du xviiie siècle. L'entreprise industrielle consiste en une foule de petits ateliers, et le chef d'entreprise est un marchand-fabricant qui fournit la matière première et parfois l'outillage à des artisans dispersés.
L'industrie par excellence est le textile, qui emploie un million de travailleurs environ au xviie siècle et qui se place très loin devant la métallurgie, très dispersée et faible. Cette dernière produit essentiellement pour la guerre et le bâtiment. Au xviiie siècle, la filature et le tissage de la laine sont installés dans le Nord (autour d'Amiens, première ville drapière), en Normandie, en Champagne (autour de Reims, seconde ville drapière, et Troyes), dans les Causses et le Languedoc, tandis que les forges sont disséminées dans le Nivernais, le Dauphiné, le Maine et la Normandie, le Périgord, l'Angoumois et l'Est, au-delà d'une ligne Lons-le-Saunier-Dijon-Chaumont-Charleville.

DES ACTIVITÉS RÉGLEMENTÉES
En matière industrielle, l'Ancien Régime s'identifie à une certaine conception du travail et de la politique économique. L'industrie est enserrée dans un étroit réseau de surveillance et de réglementation de métiers, ou corporations, possédant leurs statuts, leur discipline et leur police. C'est néanmoins par l'industrie que l'économie française, dont le taux d'expansion atteint 60 % au xviiie siècle, prépare son « décollage ».

2.3. DES MOYENS DE TRANSPORT INSUFFISANTS
L'autoconsommation domine largement, et ce en raison de l'insuffisance des moyens de transport. La France de l'Ancien Régime est un monde cloisonné, où les hommes et les produits circulent difficilement. Jusqu'à l'œuvre routière de Trudaine (1703-1769) et de Perronet (1708-1794), et jusqu'à la naissance de l'administration des Ponts et Chaussées au début du xviiie siècles, les routes ne sont que de larges « chemins » de terre (4 à 5 m au xvie siècle), chers en raison des péages. La voie d'eau, essentielle pour le transport des produits lourds, domine : en 1789, la France a environ 1 000 km de canaux qui se greffent sur 7 000 km de voies navigables.

2.4. LA COMPLEXITÉ DU SYSTÈME MONÉTAIRE

À la différence des Provinces-Unies ou de l'Italie, la France de l'Ancien Régime se caractérise par la pénurie des moyens monétaires, au moins jusqu'en 1760. La monnaie réelle d'argent ou d'or (écu, louis) est rare. Le roi fixe par ordonnance royale le poids en argent de l'unité de monnaie de compte, la livre tournois, qui supplante définitivement la livre parisis en 1667. L'Ancien Régime pratique couramment, jusqu'en 1726, des dévaluations en cascade. La complexité du système monétaire favorise la spéculation sur les espèces. La France ne possède ni banque d'État ni Bourse. C'est là, principalement, le résultat d'un état d'esprit : tous les « trafics d'argent » sont assimilés à l'usure condamnée par l'Église. Le troc règne partout, organisé selon un vrai code coutumier, et sert à couvrir les besoins courants.

2.5. L’INTERVENTIONNISME ROYAL : LE MERCANTILISME

La monarchie n'est pas indifférente à l'économie, mais ses préoccupations sont exclusivement celles du maintien de l'ordre et des nécessités de la puissance. Le mercantilisme, de Barthélemy de Laffemas à Colbert, exprime les conceptions étroites de l'époque : la richesse d'une nation trouve sa source dans un strict protectionnisme, dans une économie autarcique et dans la guerre monétaire entre États. Par son attachement au système corporatiste et aux divers monopoles, l'Ancien Régime est interventionniste, réglementariste et étranger à la notion de liberté d'entreprise qui d'ailleurs, se développe au xviiie siècle, parallèlement à son déclin. En ce sens, les réformes de Turgot (liberté du commerce des grains [1774], suppression des corporations et abolition de la corvée royale [1776]) apparaissent comme l'antithèse des conceptions de l'Ancien Régime. Son renvoi en 1776 n'en est pas moins hautement significatif.

3. LA SOCIÉTÉ D’ANCIEN RÉGIME

3.1. LA DÉMOGRAPHIE
UNE POPULATION NOMBREUSE MAIS FRAGILE

Sur un territoire qui, vers 1700, atteint un demi-million de km2, la population de la France oscille autour de 20 millions d'habitants entre 1550 et 1750. Elle fait ensuite un bond jusqu’à 28 millions d’habitants environ vers 1789 : c'est le pays le plus peuplé d'Europe. Le taux de natalité est d'environ 40 %. Il y a en moyenne 6 à 8 naissances par foyer. La mortalité infantile élimine un enfant sur deux. 50 % des survivants n'atteignent pas l'âge adulte. La vieillesse commence à quarante ans. Les raisons de la mortalité, dont le taux est rarement inférieur à 30 %, résident dans l'absence d'hygiène, la sous-alimentation et une médecine rudimentaire.

LES CRISES DÉMOGRAPHIQUES

Tout autant que celle des règnes et des guerres civiles, la conjoncture de l'Ancien Régime est celle des crises démographiques (ou de mortalité), qui déferlent sur des provinces entières (en 1597, 1630, 1662, 1694, 1710, 1741), multipliant les décès par 4 ou 5 et provoquant une chute des mariages et des naissances (souvent plus de 50 %), d'où des « classes creuses ». Ces crises proviennent de la conjonction entre disette, misère extrême et épidémie de « peste », ce terme recouvrant toutes les maladies épidémiques, depuis la rougeole jusqu'à la vraie peste bubonique ou pulmonaire, endémique jusque vers 1670 et qui disparaît après l'épidémie à Marseille en 1720 (→ peste). Ces crises sont dues aussi à l'enchaînement de la guerre et de l'épidémie. La guerre tue beaucoup plus par les maladies qu'elle propage par l'intermédiaire des troupes ou des populations en fuite que par les massacres qu'elle provoque.

3.2. L'ORGANISATION SOCIALE ET ADMINISTRATIVE
UNE SOCIÉTÉ D’ORDRES

La société de l'Ancien Régime est fondée sur l'existence de « corps », d'ordres, d'états ou encore de « communautés » qui situent la position sociale de l'individu qui y appartient. Il y a ainsi les ordres privilégiés (clergé et noblesse, dont l’exemption fiscale constitue le principal avantage) ou non (→ tiers état), les communautés d'habitants au niveau du village, les corps de métiers, le corps des officiers, etc. La société est régie par le droit coutumier, et chacun des corps a ses « libertés », ou « franchises », ou encore « privilèges ». Juridiquement, la hiérarchie sociale est fonction de la naissance ou de l'appartenance à tel « état » qui détermine l'importance du privilège. Pour certains historiens (Roland Mousnier), il s'agit d'une « société d'ordres », en ce sens que la stratification se fait non d'après le niveau des revenus, mais d'après l'estime, l'honneur et la dignité qui est attribuée par la société à telle fonction sociale. Ainsi, juridiquement, le clergé passe avant la noblesse en raison de sa fonction sacrée, bien que, socialement, la noblesse demeure prééminente.

DE FORTS CONTRASTES SOCIO-ÉCONOMIQUES
À l'intérieur des ordres intervient une nouvelle subdivision : la noblesse d'épée (ou de lignage) précède la noblesse dite « de robe » (ou parlementaire) ; dans le tiers état, le négociant cède le pas à l'officier de justice ou de finance ; en bas de l'échelle, se tiennent les brassiers (ou manouvriers) des villes et des campagnes, puis les vagabonds et les mendiants. Deux ou trois millions de familles paysannes (métayers, manouvriers, etc.), misérables, sans capitaux et, le plus souvent, analphabètes, vivent dans une totale dépendance sociale, économique, juridique et culturelle, à la différence des laboureurs et fermiers des riches familles, qui, généralement alphabétisés, pourvus d'un capital d'exploitation et appartenant au corps politique de l'assemblée des habitants, sont indépendants.
Au xviiie siècle, le développement de la richesse mobilière et du capitalisme marchand fait éclater les cadres juridiques désuets : la « finance bourgeoise » s'impose aux premiers rangs et traite d'égal à égal avec les gentilshommes. L'argent tend à supplanter le privilège de la naissance, et l'ordre social est renversé dans les mœurs.

RÉSISTANCES DE LA NOBLESSE
La noblesse « ancienne », qui se dit d'épée, a sa vocation – la profession des armes –, qui la ruine tout autant que les dépenses nécessaires au maintien de son rang. Au xviie siècle, la gentilhommerie rurale dont les revenus en argent (cens) sont fixes, est en voie d'appauvrissement rapide. Cette noblesse ancienne perd ses prérogatives politiques, administratives et judiciaires avec le renforcement de la monarchie, et sa prééminence économique avec l'enrichissement de la bourgeoisie marchande au xvie siècle. Elle est investie par ces négociants enrichis, acheteurs des terres mises en vente par les nobles ruinés (« embourgeoisement du sol ») et par les robins. Elle méprise cette noblesse « nouvelle », acquise par lettres patentes ou par l'achat et l'exercice de certaines charges (offices) de gouvernement, de justice et de finance.
Mais, ne pouvant se livrer à des activités roturières sous peine de dérogeance, les nobles ne rétablissent leur situation économique que par des mésalliances : la robe et l'épée fusionnent par mariage, et les privilèges achèvent de les rapprocher. Ainsi, bien que mise à l'écart du gouvernement, et en partie domestiquée à la Cour sous Louis XIV, la noblesse se renforce et se livre, au xviiie siècle, à une réaction aristocratique, accaparant toutes les hautes charges dans l'armée, le clergé, l'administration et la magistrature.
Pour en savoir plus, voir l'article noblesse.

AFFIRMATION DE LA BOURGEOISIE

Quant à la bourgeoisie – jusqu'à la Révolution, on conserve l'acception courante de ce terme issu du Moyen Âge –, en font partie ceux qui ont obtenu les privilèges attachés à ce titre, les honneurs, mais aussi les charges financières. Si la bourgeoisie dispose de privilèges, c’est aussi souvent le cas des villes où elle réside : les villes sont le plus souvent exemptées du paiement de la taille, en échange du versement de dons au roi. Elles échappent aussi assez tôt à la justice du seigneur pour relever directement de celle du roi, plus lointaine et plus équitable. De nombreux privilèges corporatifs caractérisent la vie économique urbaine : les maîtres de métiers jurés et certains négociants reçoivent le privilège, c'est-à-dire le monopole, d'exercer une activité commerciale ou artisanale particulière, avec la possibilité de transmettre leur métier à des apprentis et à des compagnons salariés. Enfin, les groupes intellectuels, universités et académies qui animent la vie culturelle de l'élite urbaine, sont autant de corps privilégiés.

DIVERSITÉ DE LA BOURGEOISIE

Exerçant sur la société urbaine une incontestable autorité par la prise en charge de l’administration locale, le bourgeois est souvent un rentier. À ses côtés, se trouve la bourgeoisie d'offices, qui commence au greffier et à l'huissier pour s'élever jusqu'au seuil de la noblesse de robe. Jaloux de leurs prérogatives, ces bourgeois font corps avec ce régime qui permet à des roturiers de bénéficier de privilèges et de disposer d'une parcelle de puissance, donc d'être distingués du peuple.
Au sommet règne la haute bourgeoisie de finance, c'est-à-dire l'ensemble des receveurs de rentes chargés de gérer et de faire fructifier les biens des grands propriétaires fonciers, nobles ou ecclésiastiques, des traitants et collecteurs chargés de la collecte des impôts royaux, fermiers généraux, fournisseurs aux armées et banquiers. C'est cette haute bourgeoisie, représentée par Samuel Bernard, les Crozat ou les frères Pâris, qui s'impose d'abord comme rouage économique ou financier indispensable, avant de se faire accepter par les Grands et de se mêler socialement à eux. Au xviie siècle, la bourgeoisie a, dans l'État monarchique, un rôle de premier plan : le règne de Louis XIV marque son apogée. Mais au xviiie siècle, si elle est majeure économiquement, « elle est plus que jamais mineure sur le plan politique » (J. Sentou), en raison de la réaction aristocratique.

RÉVOLTES ET CONTESTATIONS
L'Ancien Régime, loin d'être une société immobile, connaît tout au long de son existence une agitation permanente. Il est ainsi la proie de révoltes populaires endémiques, rurales et urbaines. Les plus graves de ces « émotions » sont les révoltes dues à la misère et à l'oppression fiscale : insurrections des croquants du Poitou (1636), du Périgord (1637) et du Rouergue (1643), des va-nu-pieds de Normandie (1639-40) ; émeutes urbaines antifiscales à Rennes, Bordeaux, Amiens (1636) ; révolte du papier timbré en Bretagne (1675). D'autres ont pour origine des problèmes de salaire et la législation antigrève formulée dans l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) : émeutes ouvrières de Lyon et de Paris (1539-1541), d'Aix et de Dijon (1630-1632). Ces accès de colère et de désespoir, sans finalité politique ou sociale propre, sont parfois encadrés d'éléments nobiliaires (ainsi en Guyenne en 1629) ou bourgeois.
Si les révoltes populaires paraissent assagies après 1675, les manifestations de mécontentement et de résistance passive restent multiples, de manière latente, jusqu’à l’explosion sociale de l’été 1789.

3.3. LA MOSAÏQUE DES CADRES ADMINISTRATIFS
LA PYRAMIDE JUDICIAIRE

L'enchevêtrement et la superposition de cadres administratifs qui ne coïncident pas rend la gestion du royaume peu efficace. Source de toute justice, le roi délègue son exercice aux tribunaux. Les prévôtés, chargées de délits mineurs, sont à la base de cette pyramide judiciaire. Au-dessus, 450 bailliages et sénéchaussées sont regroupés, après 1552, en présidiaux, qui servent de tribunaux d'appel mais aussi de première instance pour certaines affaires civiles et criminelles.
Au sommet, ultime juridiction d'appel avant le Conseil du roi, treize parlements composés d'officiers rendent la justice et élaborent des règlements administratifs. Les parlements, notamment celui de Paris, ont acquis un droit de remontrances consistant à vérifier la conformité des édits et ordonnances royales avec les lois fondamentales. Cette prérogative politique est à l'origine de nombreuses tensions avec la monarchie pendant la Fronde (1648-1653) ou sous le règne de Louis XV.

LES CIRCONSCRIPTIONS FISCALES

La perception des impôts donne naissance à des circonscriptions différentes. Pour lever la taille, principal impôt direct essentiellement acquitté par les paysans – véritables « baudets de l'État » (Richelieu) –, le royaume est divisé en paroisses, elles-mêmes regroupées en élections (186 en 1789) administrées par un élu, puis en généralités (34 en 1789) régies par un général des finances. Dans la paroisse, le collecteur désigné par la communauté d'habitants (assemblée des « chefs de feux », hommes de plus de 25 ans payant l'impôt) rassemble la somme exigée par les élus, qui la versent ensuite aux généraux des finances (encore appelés « trésoriers de France »). Élus et trésoriers sont des officiers qui se heurtent dans leur circonscription, surtout à partir du règne de Louis XIII, à l'activité incessante de l'intendant. Celui-ci devient le principal représentant de l’État, à partir du règne personnel de Louis XIV.

LES GOUVERNEMENTS
Le royaume est aussi divisé en circonscriptions militaires, les gouvernements (circonscription territoriale embrassant plusieurs bailliages ou sénéchaussées et placée sous l'autorité d'un gouverneur), peu à peu tombés en désuétude après les troubles du xviie siècle. Créés à partir de la fin du xiiie siècle, les gouvernements recouvraient l'ensemble du royaume à la fin du xvie siècle. Leurs limites et leur nombre ont beaucoup varié sous l'Ancien Régime. La France comptait 11 gouvernements au xvie siècle, et 39 à la veille de la Révolution, qui les supprima le 22 décembre 1789.

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES
Enfin, l'Église a ses propres divisions géographiques : la paroisse, cellule de base de la vie quotidienne, les diocèses (évêchés), au nombre de 136 en 1789, et les 18 archevêchés.

4. MONARCHIE ET ABSOLUTISME

4.1. NATURE DE L’ABSOLUTISME
UN RÉGIME TEMPÉRÉ PAR LA COUTUME
L'Ancien Régime, s'il s'est identifié avec l'absolutisme, procède, quant à ses assises politiques, d'une structure plus complexe. Le roi doit respecter certains principes irrévocables, comme la loi salique (la couronne ne peut se transmettre que par les héritiers mâles) et l'inaliénabilité de la couronne et du domaine royal (il ne peut disposer de ceux-ci comme d'un bien patrimonial ou familial). Les juristes de l'époque distinguent bien ces lois fondamentales du royaume, les « antiques coutumes », ensemble de règles coutumières que le roi ne peut modifier, et les lois des rois, édits et ordonnances, réformables et révocables. En ce sens, la monarchie absolue est tempérée par la loi coutumière.

UNE SUPERPOSITION DE TRADITIONS
L'absolutisme de droit divin lui-même provient de la superposition de trois éléments : le droit impérial romain, la tradition de la monarchie féodale – qui aboutissent au solennel principe « Le roi de France ne tient que de Dieu immédiatement », et qui donnent au souverain la qualité de « seigneur fieffeux suprême » – et l'absolutisme récent, système de gouvernement propre à établir pleinement et partout l'autorité royale et dont la monarchie bureaucratique de Louis XIV a été le modèle.

L’ORGANISATION DES POUVOIRS
En théorie, autour du roi, le gouvernement est constitué de différents conseils spécialisés, héritiers de l'ancienne Curia regis (« cour du roi »). Le souverain préside les « séances de gouvernement », c'est-à-dire le Conseil d'État, ou Conseil d'en haut, chargé de la diplomatie et des affaires extérieures, le Conseil des dépêches, consacré à l'administration du royaume et aux affaires intérieures, et le Conseil royal des finances, qui élabore le budget. Seuls les conseillers appelés au Conseil d'État ont le titre officiel de « ministre d'État ». Le roi siège plus rarement au Conseil des parties, qui exerce la justice retenue du monarque et constitue le laboratoire des lois et des règlements (édits et ordonnances). Le chancelier, chef de la justice nommé à vie, deuxième personnage du royaume, le remplace alors.

UN RÉGIME EN CONSTANTE ÉVOLUTION
Dans la réalité, l'absolutisme n'a jamais constitué un système achevé et stable, et la crise institutionnelle de l'Ancien Régime est congénitale. La monarchie hésite entre les diverses formules de délégation de pouvoir. Après le gouvernement par conseils du xvie siècle, le xviie siècle connaît un régime bicéphale, avec, à côté du roi, d'abord un favori (→ Concini, 1613-1617 ; le duc de Luynes, 1617-1621), puis le régime du ministériat (→ Richelieu, 1624-1642 ; Mazarin, 1642-1661), avec un principal ministre d'État, qui reçoit une délégation révocable d'autorité royale. Après 1661, Louis XIV impose une nouvelle formule, qui joue à la fois sur les ministres et sur les conseils, sans accepter la primauté d'un ministre. C'est ce système de gouvernement qui prévaut au xviiie s.siècle après l’expérience sans lendemain de gouvernement par conseils de la polysynodie (1715-1718) et le ministériat du cardinal de Fleury (1726-1743).

4.4. UNE CONCEPTION INABOUTIE DE L’ÉTAT
Le régime n'est, en fait, qu'une juxtaposition d'institutions, de privilèges antagonistes et de compétences contradictoires, et cet héritage séculaire forme écran entre la loi du souverain et la masse des sujets. L'œuvre législative de Louis XIV, en aboutissant aux grands codes (ordonnances civile [1667] et criminelle [1670], des Eaux et Forêts [1669], du Commerce [1673], de la Marine [1681]), constitue un effort pour restaurer l'État, qui est d'abord unification, arbitrage, clarification (→ ordonnance).

4.5. UN RÉGIME EN CRISE PERPÉTUELLE
LA DÉFENSE DES PRIVILÈGES
Or, la conception traditionnelle restreint le rôle de l'État au maintien des privilèges et particularismes de chaque corps, à la défense des franchises et des coutumes. Toute réforme, toute intervention de la puissance royale visant à modifier le cours des choses, n'apparaît alors que comme une manifestation du despotisme.
C'est au nom de cette conception que les magistrats des cours souveraines se révoltent, lancent l'insurrection (→ la Fronde, 1648-1653) ou la grève de la justice (contre les réformes du chancelier de Maupeou en 1771). La puissance des magistrats est considérable dans ce régime d'administration très décentralisée. Dans les villes, le conflit des compétences est permanent entre les officiers royaux et les magistrats municipaux (échevins, consuls ou capitouls). Et le Parlement, cour souveraine, qui exerce la justice au nom du roi et dispose du droit de remontrances et de vérification des ordonnances royales, peut bloquer l'exécution d'une loi par le refus d'enregistrement.
Pour en savoir plus, voir l'article le parlement français au Moyen äge et sous l'Ancien Régime.

L’OPPOSITION PARLEMENTAIRE

L'histoire de l'Ancien Régime, plus que le règne des Bourbons, est celle des grandes rébellions parlementaires (1648-1771, avec une longue pause de 1673 à 1715). Contre les officiers qui s'interposent entre la loi et les sujets, la monarchie tente de développer le rôle des intendants. Contre les parlementaires devenus, au xviiie siècle, sous couvert de lutte contre le despotisme, le rempart des privilèges, elle use de lits de justice pour imposer l'enregistrement d'office des ordonnances. L'échec de Maupeou, qui tente de supprimer la vénalité des offices et de réformer les parlements (1771), sonne le glas du despotisme éclairé, dernier système de gouvernement d'un régime qui n'avait plus que deux décennies à vivre.
Pour en savoir plus, voir l'article France : histoire.

 

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