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ASSYRIE

 

 

 

 

 

 

 

Assyrie

Cet article fait partie du dossier consacré à la Mésopotamie.

Empire mésopotamien qui, aux xive-xiiie siècles et aux ixe-viie siècles avant J.-C., domine l'Orient ancien.

HISTOIRE

L'histoire de l'Assyrie commence avec celle de la cité d'Assour. Le terme d'Assyrie est la dénomination grecque du « pays d'Assour ». État guerrier, célébrant ses mythes et ses conquêtes dans une architecture colossale, l'Assyrie a laissé le souvenir d'un régime prédateur.

1. LA PREMIÈRE CAPITALE ASSYRIENNE : ASSOUR
On ignore à peu près tout des origines de la cité d'Assour ; les vestiges les plus anciens qui y ont été découverts sont deux temples de la déesse Ishtar datant du xxvie siècle avant J.-C.

1.1. UNE CITÉ-ÉTAT
Les scribes assyriens ont laissé une liste royale qui prétend remonter aux origines, mais ces textes, en l'absence de synchronismes sûrs avec les rois d'Akkad et de Sumer, ne peuvent être – tout au moins dans leur partie la plus ancienne (et notamment pour ce qui concerne les « dix-sept rois qui ont habité sous la tente ») – exploités à des fins chronologiques. Parce qu'elle commandait la route la plus directe entre la basse et la haute Mésopotamie, entre Sumer et Akkad et les riches régions minières du Kurdistan, de l'Arménie et de l'Anatolie, Assour fut assez tôt l'objet de la convoitise des royaumes et empires mésopotamiens. Conquise par les Akkadiens, dévastée par les Goutis (envahisseurs originaires des monts Zagros), dominée par la IIIe dynastie d'Our (une des plus importantes cités fondées par les Sumériens), elle s'émancipe seulement après 2025 avant J.-C., lorsque l'Empire néosumérien se désagrège. Ses princes, qui portent alors le titre de « vicaire » de la divinité Assour ou de « chef de l'assemblée » des citoyens, œuvrent activement à son redressement ; les inscriptions qu'ils ont laissées mentionnent la construction et la restauration de temples, l'érection de murailles ainsi que des travaux d'adduction d'eau.

1.2. UNE MÉTROPOLE COMMERCIALE
Aussitôt affranchie de toute allégeance envers le Sud mésopotamien, Assour met à profit sa position de port fluvial et de carrefour routier dans un commerce à longue distance. Assez rapidement, elle surclasse les cités-États concurrentes – Isin et Larsa, Eshnounna et Mari – et s'impose comme la principale organisatrice des échanges commerciaux entre le Zagros, le Kurdistan, l'Anatolie et la Mésopotamie.

LES « KARU » ASSYRIENS DE CAPPADOCE
Les marchands assyriens s'implantent massivement sur le plateau anatolien et créent des comptoirs commerciaux, les karu (au singulier karum), dans une quinzaine de villes d'Anatolie centrale. Tous ces comptoirs ou associations autonomes de marchands assyriens relèvent du karum de Kanesh, établi dans la ville basse de l’actuelle Kültepe, à proximité de la citadelle abritant le palais du roi local. Cet organisme central, dépendant à son tour du Quai d'Assour, agit pour le compte de l'État assyrien : il a pour charge de contrôler et de taxer toutes les transactions, de juger de tous les litiges et de défendre les intérêts des marchands assyriens auprès des dynastes locaux. Cependant, quoique lié à l'État, le karum a ses propres activités commerciales : il dispose de magasins et d'entrepôts, s'adonne à l'importation et à l'exportation de marchandises et réalise des opérations bancaires en consentant des prêts ou en contractant des emprunts.

LES ÉCHANGES
Les activités des karu nous sont connues par des milliers de tablettes dites « cappadociennes », véritables archives économiques et juridiques en écriture cunéiforme trouvées sur les sites turcs de Kültepe (près de l'actuelle Kayseri), d'Alisar (Ankouwaa) et Boğazköy (Hattousha). Assour échangeait le cuivre et la laine en provenance d'Anatolie contre de l'étain (annakum) – indispensable à la métallurgie locale du bronze –, des étoffes et des ânes. L'étain, importé de l'Iran ou du Bélouchistan, avait une valeur marchande sept fois supérieure à celle du cuivre anatolien et son commerce assura pendant près d'un siècle la prospérité de la capitale assyrienne.

1.3. LA DYNASTIE DE SHAMSHI-ADAD Ier
Vers 1850 avant J.-C., une guerre entre populations anatoliennes interrompt ce trafic lucratif. Assour, à nouveau appauvrie, doit encore faire face aux tentatives d'hégémonie des rois mésopotamiens. Finalement, v. 1816 avant J.-C., elle tombe entre les mains d'un Amorrite, Shamshi-Adad Ier, qui régnait à Shoubat-Enlil, cité de la région du Khabur.
LES CONQUÊTES DE SHAMSHI-ADAD Ier
Shamshi-Adad Ier, après avoir détrôné le souverain légitime, Erishoum II, prend Ninive puis étend son pouvoir sur une partie du Kurdistan irakien et sur la grande ville de l'Euphrate, Mari, où il installe son fils Iasmah-Adad. Poursuivant d'autres conquêtes, il s'érige en maître de toute la haute Mésopotamie et impose sa suzeraineté aux cités d'Eshnounna et de Babylone. Sous son règne, Assour, qui n'est plus capitale du royaume, retrouve néanmoins sa vocation de port commercial et ses marchands (tamkaru) refont leur apparition en Anatolie.

LES PROBLÈMES DE SUCCESSION
Toutefois, cet embryon d'empire ne survit pas à son fondateur. Les colonies assyriennes de Cappadoce périclitent à nouveau et les fils de Shamshi-Adad ne peuvent conserver les domaines paternels : Iasmah-Adad se fait évincer de Mari par le roi d'Alep ; Ishme-Dagan, son frère, dépossédé d'Assour par le roi d'Eshnounna, doit se mettre sous la protection de Hammourabi, roi de Babylone et nouveau maître de la Mésopotamie. Après ce pseudo-règne d'Ishme-Dagan (1783-1743 avant J.-C.), l'Assyrie, passée entre les mains de plusieurs usurpateurs, est reléguée à l'arrière-plan de la scène politique proche-orientale. Pendant plus de trois siècles, elle fait figure de petite principauté, successivement contrôlée par les Babyloniens, les Kassites et les Mitanniens.
2. LE PREMIER EMPIRE ASSYRIEN (XIVe-XIIe SIÈCLES AVANT J.-C.)
2.1. LA LUTTE CONTRE LES MITANNIENS
Le roi Eriba-Adad Ier (v. 1383-1356 avant J.-C.) réussit à rejeter la tutelle mitannienne et, dès 1370, récupère la cité de Ninive ainsi que les territoires situés aux abords du Tigre. Assour-Ouballit Ier (1366-1330 avant J.-C.), aussi entreprenant, guerroie contre les Mitanniens et intervient même dans les affaires du royaume kassite de Babylone. Ses successeurs, maintenant la même politique belliqueuse, se heurtent à nouveau aux Mitanniens passés sous la protection des Hittites, combattent les montagnards du Zagros et du Kurdistan et disputent aux Babyloniens le contrôle des routes commerciales menant en Iran.
Pour en savoir plus, voir l'article Mitanni.

2.2. LA POLITIQUE BELLIQUEUSE DES ASSYRIENS
Au xiiie siècle, les Assyriens ne cessent de lutter contre les vagues d'invasions ou contre leurs voisins. Leur ardeur belliqueuse affecte alors jusqu'à leurs conceptions religieuses : Assour, leur dieu national, prend désormais un caractère guerrier et prétend à la domination universelle. La guerre est perçue comme un acte de piété. De défensive, elle devient offensive. Adad-Nirari Ier (1307-1275 avant J.-C.), Salmanasar Ier (v. 1266-1236 avant J.-C.) et Toukoulti-Ninourta Ier (1245-1208 avant J.-C.) mènent des campagnes le plus loin possible de leurs frontières. Les Égyptiens et les Hittites, alarmés, se coalisent en vain (1269). De campagne en campagne, les Assyriens finissent par imposer leur puissance. À la haute Mésopotamie annexée par Salmanasar Ier, Toukoulti-Ninourta Ier ajoute la Babylonie, les pays d'Akkad et de Sumer, ce qui lui permet, à l'instar des rois sumériens et akkadiens d'autrefois, de se proclamer « roi de l'univers ». Pour commémorer son triomphe sur Babylone, il fonde près d'Assour une nouvelle ville portant son nom.

2.3. LA POUSSÉE ARAMÉENNE
L'empire, comme jadis celui de Shamshi-Adad Ier, ne survit pas à son souverain. La grandeur de Toukoulti-Ninourta et peut-être aussi sa mégalomanie lui valent la suspicion de la noblesse, qui finit par l'emprisonner puis l'assassiner. Or, à la fin de son règne, la carte politique du Proche-Orient s'est sensiblement modifiée. La Babylonie kassite s'est reconstituée dès 1214 avant J.-C., et les Assyriens doivent désormais compter avec de nouveaux venus : au nord-ouest, les nomades Moushki (des Phrygiens) et Kaskas (originaires des montagnes du Pont) et, au sud-ouest, des Sémites, qui vont bientôt former la confédération araméenne. Au milieu du xiie siècle avant J.-C., l'Assyrie, ainsi assiégée, subit en outre l'attaque des Élamites, auxquels elle concède la région du Petit Zab. Malgré les réactions d'Assourresh-Ishi Ier (1133-1115 avant J.-C.) et l'exploit de Toukoultiapil-Esharra Ier (1116-1077 avant J.-C.) – qui s'aventure jusqu'au-delà du lac de Van et intervient en Méditerranée où il rançonne les villes phéniciennes –, l'Assyrie ne peut résister à la formidable poussée de ses adversaires. Les Araméens, après avoir pris la Babylonie, s'installent en plein cœur du pays assyrien, dévastent les campagnes et massacrent les populations.

3. LA PÉRIODE NÉO-ASSYRIENNE OU LE SECOND EMPIRE (IXe-VIIe SIÈCLES AVANT J.-C.)
Même menacée dans son intégrité nationale, l'Assyrie n'a pas beaucoup perdu de sa puissance.

3.1. LE RENOUVEAU DE L'EMPIRE
Le potentiel militaire des Assyriens est toujours intact ; la lignée dynastique, ininterrompue depuis près de deux siècles, assure à l'Empire une solide continuité politique et, malgré les intrigues de la noblesse, le pouvoir bénéficie encore d'une relative stabilité.

LA CONJONCTURE EXTÉRIEURE
Ni la Babylonie – sa rivale de toujours – ni l'Égypte ne sont en mesure de réduire l'Assyrie ; la première, elle aussi, a fort à faire avec les Araméens ; la seconde, retirée d'Asie depuis longtemps, est désunie, partagée entre pharaons libyens sur le delta du Nil et grands prêtres d'Amon en Haute-Égypte. Cette conjoncture favorable est exploitée par Assournazirpal II (883-859 avant J.-C.), auquel ses prédécesseurs, Adad-Nirari II (912-889 avant J.-C.) et Toukoulti-Ninourta II (889-883 avant J.-C.), avaient déjà frayé le chemin en effaçant la menace araméenne. Dès lors, les nomades, les Babyloniens, les Hittites et les Phéniciens font les frais d'une puissance assyrienne retrouvée.

LES TRAVAUX D'ASSOURNAZIRPAL
En un demi-siècle de guerres impitoyables, l'Empire retrouve sa grandeur passée. Les villes, enrichies, s'ornent à nouveau de monuments. Assournazirpal ressuscite la cité de Kalhou (l'actuelle Nimroud), fondée au xiiie siècle avant J.-C. par son aïeul Salmanasar Ier mais depuis lors tombée en ruine. Il se fait construire un palais sur plus de deux hectares : l'inauguration de cette nouvelle capitale donne lieu à dix jours de festivités auxquelles sont conviées 69 574 personnes, dont 47 074 venant de différentes parties du royaume.

SALMANASAR III
L'expansion et la prospérité assyriennes se poursuivent sous Salmanasar III (858-823 avant J.-C.), qui, comme son père, fait de la guerre son activité principale ; ses expéditions, plus hardies, le mènent en Cilicie, en Arménie, en Palestine, au-delà du Zagros et même sur les rives du golfe Arabo-Persique.

3.2. L'HÉGÉMONIE ASSYRIENNE
À l'issue du grand règne de Salmanasar III, l'Assyrie, secouée par des révolutions intérieures et gouvernée par des rois de plus en plus effacés, finit par perdre une grande partie de sa zone d'influence. Les cités phéniciennes, les royaumes d'Israël, de Juda et le Naïri lui échappent totalement. De surcroît, elle est menacée, à sa porte même, par l'émergence du puissant royaume d'Ourartou (Arménie).

3.3. TÉGLATH-PHALASAR III
Toukoultiapil-Esharra III (745-727 avant J.-C.), le Téglath-Phalasar III de la Bible, porté au trône par une révolte, entreprend de restaurer la puissance assyrienne. Ce monarque intelligent et méthodique rétablit le pouvoir royal et réorganise l'armée ; en quelques années, il chasse les Ourartéens de la Syrie du Nord (743 avant J.-C.) et redonne ainsi à l'Assyrie un accès à la Méditerranée ; de même, il annexe le royaume de Damas (732 avant J.-C.), pénètre dans le pays des Mèdes, occupe la Palestine et, tenté par la richesse de la Babylonie, s'y fait proclamer roi sous le nom de Poulou.

SARGON II
La domination de l'Assyrie, vainement contrecarrée par une coalition égypto-élamite, se confirme encore sous Sargon II (722-705 avant J.-C.) ; l'Empire s'étend désormais sur tout le Croissant fertile, ainsi que sur une partie de l'Iran et de l'Anatolie ; il dispose de deux fenêtres maritimes, l'une sur la Méditerranée, l'autre sur le golfe Arabo-Persique, et contrôle la majeure partie des cours du Tigre et de l'Euphrate. Désireux d'affirmer sa puissance, Sargon délaisse Kalhou pour une nouvelle capitale, Dour-Sharroukên (→ Khursabad).

SENNACHÉRIB

Le fils de Sargon, Sin-ahhe-eriba (705-680 avant J.-C.), le Sennachérib de la Bible, célèbre pour avoir détruit la cité de Babylone (689 avant J.-C.), fait de même en donnant à l'Assyrie une métropole encore plus splendide : Ninive. Pour alimenter sa nouvelle capitale en eau, le souverain fait capter les eaux du Gomel et du Khosr dans un canal long de près de 50 kilomètres, qui traverse une vallée sur un aqueduc de 200 mètres supporté par des arches de 5 mètres de hauteur.

3.4. LA CHUTE DE L'EMPIRE ASSYRIEN
En 667 avant J.-C., la conquête de l'Égypte par Assourbanipal (669-vers 627 avant J.-C.) donne à l'Empire son extension maximale : tout le Proche-Orient, de Thèbes à la Syrie, de la Palestine jusqu'aux collines isolant la Perse de la plaine mésopotamienne. Cependant, cette Assyrie dominatrice n'a plus longtemps à vivre. Le reflux commence dès avant la fin du règne d'Assourbanipal par la perte de l'Égypte, reconquise en 653 avant J.-C. par Psammétique Ier. Peu après, la Babylonie se révolte. Plus grave encore sont les attaques concertées des Scythes et des Mèdes. L'armée assyrienne cède Assour en 614 avant J.-C., Ninive en 612 avant J.-C., puis se réfugie à Harran (ville de la Syrie ancienne, célèbre pour son temple du dieu-Lune Sin), où, malgré la rescousse égyptienne, elle finit par s'incliner définitivement devant les Mèdes (609 avant J.-C.).
Lorsque Nabuchodonosor II monte sur le trône de Babylone en 605 avant J.-C., l'Assyrie n'est plus une puissance, mais elle laisse le souvenir de guerres cruelles suivies de lourds tributs.

4. LA CIVILISATION ASSYRIENNE

4.1. LA SOCIÉTÉ
La société assyrienne est composée d'hommes libres (awilou), de serfs et d'esclaves.
Les citoyens libres se partagent en trois catégories : les grands propriétaires fonciers, la bourgeoisie urbaine et les petits paysans. Les deux premières ont profité de l'élargissement de l'Empire en mettant la main sur des terres de plus en plus étendues et en se livrant au commerce à longue distance. En outre, le pouvoir, conscient de leur importance économique et politique, s'est montré attentif à leurs doléances : les bourgeois – et par extension, les villes – ont régulièrement obtenu des chartes qui souvent les exemptent de l'impôt et du service militaire.
L'expansion de l'Empire s'est faite au détriment de la classe des paysans. Ceux-ci, assujettis à l'impôt et aux corvées, astreints au devoir militaire, supportent seuls le poids des guerres incessantes. De même, leur importance économique s'est ressentie de l'existence d'une noblesse foncière employant une abondante main-d'œuvre servile (esclaves et serfs).
Souvent endettés et insolvables, les petits cultivateurs tombent en servitude et vont grossir les rangs des esclaves. Ceux-ci – dont chaque guerre augmente le nombre avec de nouveaux prisonniers et déportés – constituent des biens qu'on peut vendre et échanger ou dont on hérite ; cependant, ils conservent une personnalité juridique. Ils peuvent contracter mariage avec des personnes de condition libre, posséder des biens et ester en justice. Leur condition, surtout quand ils sont nés dans le pays, peut parfois être moins dégradée que celle des serfs qui, attachés à la terre, achetés et vendus avec elle, dépendent étroitement de leur propriétaire.

4.2. L'ÉCONOMIE
La documentation assyrienne, principalement tournée vers les événements militaires, ne fournit que de maigres informations relatives à l'état matériel du pays. L'économie, semble-t-il, a très peu évolué depuis la formation de l'Empire et ses fondements sont restés ruraux.

L'AGRICULTURE
L'agriculture au début du Ier millénaire apparaît comme l'une des préoccupations majeures du pouvoir. Depuis Assour-Dan II (vers 934-912 avant J.-C.), les souverains assyriens appellent à l'amélioration des techniques et des rendements. Certains essayent d'introduire les charrues à semoir, d'autres se lancent dans des travaux hydrauliques, d'autres encore, au retour de leurs expéditions guerrières, introduisent de nouvelles espèces animales (chameaux bactrien et arabe) et végétales (coton de l'Indus).

LE COMMERCE EXTÉRIEUR
Le commerce extérieur, qui ne retrouve pas sa vitalité du temps de l'ancienne Assyrie, paraît néanmoins prospère et diversifié. Encouragé par les souverains, il s'est développé en direction de l'Égypte, du golfe Arabo-Persique, des pays de l'Égée et, vraisemblablement par l'intermédiaire des Phéniciens, a touché les pays de la Méditerranée occidentale. Il porte exclusivement sur les métaux et sur les produits rares tels que le lin, le coton, les teintures, les pierres précieuses et l'ivoire. Il faut aussi noter que les Assyriens, grâce à leurs différentes conquêtes, avaient libre accès à de nombreux gisements de minerais, notamment le fer au Liban et l'argent en Anatolie.

4.3. LA BIBLIOTHÈQUE D'ASSOURBANIPAL
On désigne ainsi près de 30 000 tablettes et fragments de tablette portant des inscriptions cunéiformes, découverts de 1851 à 1876 sur le site assyrien de Ninive. Ces documents, qui correspondent à quelque 5 000 ouvrages, proviennent en grande partie de bibliothèques babyloniennes et sumériennes, où ils ont été recopiés à la demande du roi Assourbanipal. Certains se rapportent à la divination ; d'autres sont des textes conjuratoires, consignent des prières ou narrent des épopées (épopée de Gilgamesh et épopée de la Création).
Dûment enregistrés à leur entrée dans la bibliothèque, les documents recopiés étaient classés par ouvrages et par thèmes puis rangés sur des planches. Les tablettes, pour la plupart, portent au bas un « colophon » mentionnant, entre autres détails, le nom du scribe. Celles qui font partie d'une série sont numérotées, ou leur dernière phrase est reprise en tête de la tablette suivante.

BEAUX-ARTS

C'est entre le xiiie et le viie s. avant J.-C. que l'art assyrien connaît sa pleine expansion. Les moyens techniques sont ceux de Sumer et des autres civilisations de l'ancienne Mésopotamie, avec la brique pour matériau essentiel ; grands travaux (installations hydrauliques de Ninive), villes (Assour, Ninive, Khursabad [Dour-Sharroukên]) et ziggourats en témoignent. Les palais sont formés par de simples parallélépipèdes où se juxtaposent les quartiers (sanctuaires, salle d'apparat, appartements royaux et communs). Briques émaillées et alternance de redans et de saillants constituent le décor extérieur de ces énormes façades. L'intérieur est orné d'un décor plaqué : grands orthostates sculptés en léger relief illustrant les récits mythologiques ou les exploits du souverain. Perspective hiérarchique et représentation de profil n'excluent pas un talent certain d'animalier. On distingue entre le ixe et le viie s. une évolution vers l'aisance et la sensibilité (Lionne blessée, British Museum). Des fragments de peinture murale, proches de ceux de Dour-Kourigalzou (aujourd'hui Aqarquf), ont été recueillis à Til Barsip sur le haut Euphrate. Glyptique, ivoires, reliefs de bronze (porte de Balawat, British Museum) attestent l'épanouissement des arts appliqués.


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LE PAPIER

 

 

 

 

 

 

 

papier

(latin papyrus, du grec papuros, roseau d'Égypte)

Consulter aussi dans le dictionnaire : papier
Matière se présentant en feuilles minces et sèches composée essentiellement de fibres ou de morceaux de fibres adhérant les uns aux autres. (Le papier a un grammage inférieur à 224 g. Au-dessus de cette valeur il s'agit de carton.)

INTRODUCTION
Indissociable de la culture, le papier reste le véhicule par excellence de la communication. Il est aussi un outil de conditionnement indispensable à l'activité industrielle et à la distribution. Papiers et cartons ont en commun leur structure fibreuse, d'origine végétale. Les technologies de fabrication, qui ne cessent d'évoluer, se divisent en deux étapes : la production de la pâte et la confection du papier.
Jusqu'à la première moitié du xixe s., les pâtes étaient obtenues à partir de chiffons mis à fermenter, puis découpés en lanières et pilés. Par la suite, ce matériau venant à manquer, une matière première de rechange a été trouvée, la pâte de bois, et la fabrication des papiers et des cartons est entrée dans l'ère industrielle. La papeterie a, de préférence, recours aux bois résineux qui donnent une pâte à fibres longues (3 à 4 mm), assurant une bonne résistance mécanique. Mais il est aussi possible d'utiliser des bois feuillus, dont les fibres sont plus courtes, en particulier les bois tendres à croissance rapide (peuplier, eucalyptus, bouleau).

Les régions productrices de papier sont naturellement celles où poussent des forêts abondantes, homogènes et riches en résineux : Scandinavie, Canada, États-Unis, Russie. Mais, dans la plupart des pays, l'industrie papetière contribue à rentabiliser l'exploitation des forêts destinées au bois d'œuvre par l'utilisation des bois d'éclaircie, puisqu'elle se satisfait de bois de petits diamètres tels que des chutes et des délignures des scieries. Une évolution marquante des années 1980 a été l'entrée d'une portion de plus en plus importante de fibres de récupération et de vieux papiers dans la composition des papiers et cartons pour l'emballage, ainsi que dans celle du papier journal.
Biodégradable et recyclable, le papier est un matériau naturel. Sa fabrication est fort complexe ; elle fait intervenir des techniques mécaniques et hydrauliques et implique la maîtrise de procédés physico-chimiques. Automatisées et informatisées, les usines actuelles de production en continu requièrent de très gros investissements. Leur capacité est de l'ordre de 1 000 tonnes par jour en pâtes et en bandes de papier, qui sont embobinées à la vitesse de 90 km/h.

DATES CLÉS DU PAPIER
         
DATES CLÉS DU PAPIER
Vers 2500 avant J.-C.    Les Égyptiens découpent des tiges de papyrus en tranches fines, assemblées et séchées.
105 après J.-C.    Le ministre et poète chinois Cai Lun est considéré comme l'inventeur mythique du papier, bien que sa fabrication semble antérieure.
751    Après la bataille de Samarkand, des prisonniers chinois livrent aux Arabes le secret de la fabrication du papier. À Damas et à Bagdad, la technique est perfectionnée par utilisation de coton, de lin et de chanvre.
XIIe siècle    Des marchands italiens introduisent le papier en Europe.
Début du XIVe siècle    L'un des premiers moulins à papier français est construit à Ambert. La matière première est du chiffon.
Vers 1450    Invention de l'imprimerie. Les besoins en papier font un bond.
1719    Réaumur propose d'utiliser la cellulose du bois.
1798    Louis Nicolas Robert met au point la machine de production rapide en continu.
Milieu du XIXe siècle    Des industries papetières naissent dans toutes les régions forestières d'Europe.
1860    Première fabrication de pâte mécanique par défibrage du bois à l'aide de meules.
1880    Première fabrication de pâte chimique par le procédé kraft.
 
FABRICATION DE LA PÂTE

Après avoir été écorcé et lavé, le bois est finement broyé dans des défibreurs. Tous les constituants du végétal sont conservés avec leurs propriétés chimiques : réceptivité à l'encre, tendance à jaunir en vieillissant. Ces procédés mécaniques donnent une pâte mécanique qui sert de base pour la fabrication de papier journal, de papier couché pour les magazines et de cartons plats. De nombreuses variantes résultent de différents procédés : les pâtes thermomécaniques sont obtenues par application d'eau chaude ou de vapeur, les pâtes mécanochimiques par trempage préalable des copeaux dans la soude. Une nouvelle génération de pâtes à haut rendement a été mise au point par optimisation de l'équilibre performances/prix. Pour les procédés chimiques, les copeaux de bois sont introduits dans des lessiveurs cylindriques de 70 m de haut, où ils sont traités sous haute pression, à température élevée (de l'ordre de 170 °C), en présence de réactifs chimiques, afin d'éliminer les incrustants, lignine et hémicellulose. Deux procédés sont en concurrence, l'un acide, l'autre alcalin. Le premier est dit au bisulfite : son élément actif est l'anhydride sulfureux SO2. Le second, ou procédé kraft, est dit au sulfate : son élément actif est un mélange de sulfure de sodium et de soude caustique. Après quelque six heures de cuisson, la pâte est refroidie et lavée. De couleur écrue, elle peut être utilisée telle quelle pour le papier kraft. Généralement, elle est ensuite décolorée (blanchie) par différents produits à base de chlore ou d'oxygène. Lors de leur utilisation pour la fabrication des papiers et cartons, les pâtes sont mélangées entre elles pour des raisons à la fois économiques et techniques. Quant aux vieux papiers remis en pâte, ils doivent être préalablement désencrés par cuisson légère en présence de soude ou de carbonate de sodium. Cette opération hydrolyse les liants des encres qui se solubilisent et se détachent du papier par lavage en présence d'agents tensioactifs.

FABRICATION DES PAPIERS ET CARTONS

        Très fluide (1 à 2 grammes de matière sèche par litre d'eau), la pâte à papier est d'abord raffinée. Le raffinage a pour effets de couper, d'hydrater et de modifier la surface des fibres où apparaissent des fibrilles. À ce stade de la fabrication sont introduits des composants annexes et des adjuvants dans la cuve des mélanges. Au premier groupe appartiennent les charges minérales et les poudres fines, comme le talc ou le kaolin, qui augmentent l'imprimabilité, l'opacité et la stabilité dimensionnelle, mais affectent la solidité du papier ; au second groupe appartiennent les colorants et les amidons, qui renforcent la cohésion interne de la feuille, les résines synthétiques, qui modifient son comportement électrostatique et améliorent la rétention des charges, et les agents de collage, qui diminuent l'affinité de la cellulose pour l'eau.
Dans un premier temps (partie humide), la pâte s'écoule des lèvres de la caisse de tête sur la table de fabrication, constituée par une toile sans fin tendue entre deux rouleaux et qui avance sur des lames intermédiaires. L'homogénéité peut encore être améliorée dans la version « double toile », où la pâte circule entre deux toiles. Peu à peu, l'eau est éliminée et les fibres fibrillées s'enchevêtrent jusqu'à ce qu'elles forment une structure. Sur les machines qui produisent des papiers de belle qualité, à vitesse relativement lente, un rouleau égoutteur peut imprimer un filigrane en exerçant une certaine pression. En fin de parcours, l'égouttage naturel est renforcé par des caisses aspirantes. (L'eau résiduelle est récupérée pour diluer la pâte.) Le matelas fibreux, reposant sur un « feutre coucheur » sans fin, arrive alors à la section des presses, une succession de deux à cinq presses, dont chacune est formée par un couple de cylindres entre lesquels passe la pâte, de plus en plus amincie, perdant jusqu'à 60 % de sa teneur en eau.
Le deuxième temps (partie sèche) peut commencer. Homogénéisée par la dernière des presses, appelée presse offset, la feuille déjà bien formée n'a plus besoin de support pour entrer dans la sécherie, où elle passe sur une succession de cylindres en fonte, chauffés intérieurement par de la vapeur. Avant le dernier séchoir, une presse, dite encolleuse, associant un rouleau de laiton et un rouleau revêtu de caoutchouc, applique une couche superficielle de solution d'amidon. La lisse, ou ensemble vertical de rouleaux en fonte polie, régularise l'épaisseur et parfait le lissé de la surface. De plus en plus, des procédés mécaniques, tels que la friction-compression sur calandre, sont utilisés pour modifier l'état de surface du papier. Ils peuvent être ou non associés à des méthodes d'enduction, comme le couchage, qui consiste à déposer sur la feuille un véritable revêtement minéral pour réduire la porosité et éliminer les irrégularités de surface. Terminée, la bande de papier est enroulée sur une bobine mère qui sera éventuellement refendue en bobines filles, la difficulté étant de les bobiner avec une tension identique en tous points de la laize, ou sens travers de la feuille. Ces opérations sont conduites sur des machines à papier impressionnantes : certaines font 100 m de long et 10 m de large.

TOUTES SORTES DE PAPIERS ET CARTONS
Le papier satisfait à des usages aussi variés que le sont sa composition fibreuse et le mélange d'agents chimiques et d'adjuvants introduits en cours de fabrication. Les papiers à usage graphique sont couchés ; ils se développent au même rythme que l'impression couleurs. Les papiers de presse proviennent pour moitié de pâtes mécaniques blanchies. Ils sont produits à de grandes vitesses, allant jusqu'à 1 000 m/min. Les meilleurs contiennent davantage de pâtes chimiques et de charges, et sont légèrement couchés. Les papiers pour impression et écriture (livres, revues, brochures, cahiers, papier à lettres) forment un secteur économique important. Ils ne contiennent pas plus de 20 % de pâtes mécaniques, généralement blanchies. Les papiers sans bois, fabriqués exclusivement à partir de pâtes chimiques, éventuellement filigranés, font partie de la gamme supérieure. Ils contiennent toujours des charges minérales. Les papiers et cartons pour l'emballage et le conditionnement assurent la protection et la présentation des produits. En tonnage, ils forment le secteur le plus important. Ils peuvent éventuellement être associés à des plastiques. Pour le carton, la proportion de pâte mécanique est élevée. Après couchage, il se prête à la confection de boîtes imprimées, même dans le cas du carton ondulé. Le papier kraft, d'une remarquable résistance mécanique, est fabriqué à base de pâtes au sulfate écrues ou blanchies. Les papiers à usage sanitaire et domestique, utilisés pour des articles d'hygiène, mouchoirs jetables, essuie-mains, couches en cellulose, vaisselle en carton plat, sont fabriqués à partir de pâte et aussi de papier récupéré. Les non-tissés, utilisés en chirurgie, sont confectionnés selon un procédé à sec, sur une machine spéciale qui mélange fibres cellulosiques et fibres synthétiques, ces dernières étant parfois employées seules. Les papiers industriels et spéciaux ont des caractéristiques particulières ; ils sont très minces ou très compacts, d'un lissé de surface exceptionnel, résistants à l'humidité, aux graisses ou au feu. Les papiers photographiques sont chimiquement neutres, ils subissent une enduction superficielle de gélatine. Sur le papier autocollant sont disposées des microcapsules entre le support et la couche. Enfin, les papiers pour billets de banque sont de qualité 100 % chiffon : ils doivent résister à l'usure et au vieillissement. Vers la fin des années 1980 sont apparus les papiers pour stérilisation, pour chèques infalsifiables ou encore, pour la décoration, les tissus muraux en fil de papier.

 

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L'ANCIEN RÉGIME

 

 

 

 

 

 

 

Ancien Régime

Cet article fait partie du dossier consacré à la Révolution française.

Régime social et politique de la France depuis le règne de François Ier (1515-1547) jusqu'à la proclamation de l'Assemblée nationale le 17 juin 1789 et l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août, lors de la Révolution. Certains historiens réservent l’expression à la période 1661-1789, période de stabilisation relative de l’absolutisme.

1. DÉFINITION DE L’ANCIEN RÉGIME
1.1. DES PERCEPTIONS VARIABLES
L'expression « Ancien Régime » s'est longtemps appliquée aux seules institutions politiques et sociales de la monarchie française, renversées par la Révolution et symbolisées par l'absolutisme royal et l'existence de privilèges, fondements d'une société juridiquement établie sur l'inégalité naturelle et le régime du privilège. Pour la paysannerie, alors largement majoritaire, l'Ancien Régime s'identifie au « temps des seigneurs », des droits féodaux et de l'oppression fiscale. Pour la noblesse « éclairée » et la bourgeoisie, c'est le temps de l'arbitraire, de la coutume et de l'obscurantisme, reliques de l'époque médiévale qu'il fallait extirper de la loi, du gouvernement et des mœurs.

1.2. UNE LENTE STRATIFICATION
L'acte de naissance de l'Ancien Régime est difficile à dater : comme l'écrivait Alexis de Tocqueville dans l'Ancien Régime et la Révolution (1856), il s'agit d'un très vieil édifice, composite, encombré d'institutions féodales et aristocratiques de tous âges. C'est peut-être par cela que l'Ancien Régime se définit le mieux : une organisation qui ajoutait toujours sans jamais supprimer, qui superposait ou alignait des lois et des coutumes séculaires ou récentes jusqu'à se trouver devant d'indissolubles contradictions. À ce titre, l'Ancien Régime s'identifie à la monarchie bureaucratique érigée par les Bourbons et dont l'apogée se situe sous le règne personnel de Louis XIV (1661-1715), mais se rattache tout autant à la monarchie féodale et capétienne dont il subsiste de larges pans.


1.3. PLUSIEURS « ANCIEN RÉGIME »
Les progrès de la science historique contemporaine ont donné à l'analyse de l'Ancien Régime une autre dimension et ont fait apparaître l'existence de plusieurs « Ancien Régime ».
UN ANCIEN  RÉGIME  ÉCONOMIQUE
À dominante agricole, avec ses conjonctures et ses fluctuations, ses crises de subsistance et son indigence technique, ses échanges limités et son autoconsommation, c'est la véritable antithèse de l'économie de marché. La révolution qui y a mis fin commence avec la loi sur les chemins de fer (1842) et triomphe sous le second Empire (1852-1870) avec la grande industrie, les banques de dépôts, les sociétés anonymes .

UN ANCIEN RÉGIME DÉMOGRAPHIQUE
Il possède sa fécondité et sa mortalité propres, sa sensibilité à la conjoncture économique. La révolution libératrice se situerait assez tôt dans le xviiie siècle, qui ne connaît plus de grandes poussées épidémiques de peste après 1750 et qui s'initie au contrôle des naissances.

UN ANCIEN RÉGIME MENTAL ET CULTUREL
Il se caractérise par son ignorance, ses croyances, ses sorcières, ses langues, qui font des Français des « peuples » désunis et étrangers les uns aux autres. La religion catholique, religion de l'« État et couronne de France » est celle de tous les fidèles sujets du roi. Si l'intolérance religieuse agonise dès le début du règne de Louis XVI, il n'y aura d'unité linguistique que tardivement, à partir des lois scolaires de François Guizot (1833) et surtout de Jules Ferry (1880-1882).
2. L'ANCIEN RÉGIME ÉCONOMIQUE
2.1. UNE ÉCONOMIE AGRICOLE
UNE AGRICULTURE PRÉDOMINANTE

L'Ancien Régime englobe le mode de production antérieur à la révolution industrielle. L'économie française est essentiellement agricole. Les céréales constituent la part la plus importante de la production agricole. Les rendements sont médiocres (4 grains récoltés en moyenne pour 1 semé). Les techniques agricoles restent rudimentaires : on utilise l'araire dans le Sud, la charrue à un soc dans le Nord, mais beaucoup de terres sont cultivées à la houe et à la bêche. En dernier ressort, la terre détermine à peu près tout et pas seulement la production alimentaire, l'outillage du paysan ou de l'artisan et l'habitat. L'« industrie », jusqu'au xviiie siècle, est une activité tout autant rurale qu'urbaine, et le paysan est artisan autant qu'agriculteur. L'agriculture lui fournit l'essentiel de ses matières premières (laine, lin). Le commerce consiste essentiellement dans l'échange des produits du monde rural (céréales, vin, sel, draps, toiles). 85 % des Français sont des ruraux.

UN FAIT URBAIN TRÈS MINORITAIRE
Au xviiie siècle, hormis Paris (600 000 habitants), Lyon (140 000 habitants), Marseille, Rouen, Bordeaux, Nantes, Lille et Toulouse, qui ont entre 30 000 et 100 000 habitants, et une cinquantaine de villes de 10 000 à 30 000 habitants, la plupart des villes ne rassemblent que de 2 000 à 4 500 habitants. Encore la ville est-elle en étroite symbiose avec la campagne. Capitaux et revenus proviennent essentiellement de la terre, qu'il s'agisse des ressources du Trésor royal, de la fortune des Grands, des spéculations des grains et des maigres ressources du peuple.

LES CRISES ÉCONOMIQUES
Les crises économiques de l'Ancien Régime sont, en premier lieu, des crises de sous-production agricole, déterminées par l'insuffisance des techniques et la sensibilité aux aléas climatiques, et, en second lieu, des crises de sous-consommation industrielle. Quand, à la suite d'accidents météorologiques (excès de sécheresse ou d'humidité, gel tardif), la récolte des céréales fléchit brusquement, les prix flambent et provoquent, pour les paysans, une perte terrible de revenus : c'est la crise de subsistance (ainsi en 1565, 1592, 1660-1661, 1693-1694, 1709, 1770, 1788). Cette crise perturbe la vie industrielle, provoque la chute de la production, de l'emploi et des profits ; le chômage et la mendicité s'étendent à tout le royaume ; des révoltes populaires éclatent (« grande rébeyne » [émeute de la faim] de Lyon, 1529).

2.2. UNE INDUSTRIE SECONDAIRE

DES ACTIVITÉS MARGINALES ET DISPERSÉES

C'est une activité marginale et subordonnée aux secteurs agricoles et marchands. La ville manufacturière existe, où se groupe une main-d'œuvre vivant du salariat : ainsi Lille, Amiens, Beauvais, Lyon, Caen, Reims, Rouen. Mais le prolétariat urbain ne dépasse pas 100 000 individus au début du xviiie siècle. L'entreprise industrielle consiste en une foule de petits ateliers, et le chef d'entreprise est un marchand-fabricant qui fournit la matière première et parfois l'outillage à des artisans dispersés.
L'industrie par excellence est le textile, qui emploie un million de travailleurs environ au xviie siècle et qui se place très loin devant la métallurgie, très dispersée et faible. Cette dernière produit essentiellement pour la guerre et le bâtiment. Au xviiie siècle, la filature et le tissage de la laine sont installés dans le Nord (autour d'Amiens, première ville drapière), en Normandie, en Champagne (autour de Reims, seconde ville drapière, et Troyes), dans les Causses et le Languedoc, tandis que les forges sont disséminées dans le Nivernais, le Dauphiné, le Maine et la Normandie, le Périgord, l'Angoumois et l'Est, au-delà d'une ligne Lons-le-Saunier-Dijon-Chaumont-Charleville.

DES ACTIVITÉS RÉGLEMENTÉES
En matière industrielle, l'Ancien Régime s'identifie à une certaine conception du travail et de la politique économique. L'industrie est enserrée dans un étroit réseau de surveillance et de réglementation de métiers, ou corporations, possédant leurs statuts, leur discipline et leur police. C'est néanmoins par l'industrie que l'économie française, dont le taux d'expansion atteint 60 % au xviiie siècle, prépare son « décollage ».

2.3. DES MOYENS DE TRANSPORT INSUFFISANTS
L'autoconsommation domine largement, et ce en raison de l'insuffisance des moyens de transport. La France de l'Ancien Régime est un monde cloisonné, où les hommes et les produits circulent difficilement. Jusqu'à l'œuvre routière de Trudaine (1703-1769) et de Perronet (1708-1794), et jusqu'à la naissance de l'administration des Ponts et Chaussées au début du xviiie siècles, les routes ne sont que de larges « chemins » de terre (4 à 5 m au xvie siècle), chers en raison des péages. La voie d'eau, essentielle pour le transport des produits lourds, domine : en 1789, la France a environ 1 000 km de canaux qui se greffent sur 7 000 km de voies navigables.

2.4. LA COMPLEXITÉ DU SYSTÈME MONÉTAIRE

À la différence des Provinces-Unies ou de l'Italie, la France de l'Ancien Régime se caractérise par la pénurie des moyens monétaires, au moins jusqu'en 1760. La monnaie réelle d'argent ou d'or (écu, louis) est rare. Le roi fixe par ordonnance royale le poids en argent de l'unité de monnaie de compte, la livre tournois, qui supplante définitivement la livre parisis en 1667. L'Ancien Régime pratique couramment, jusqu'en 1726, des dévaluations en cascade. La complexité du système monétaire favorise la spéculation sur les espèces. La France ne possède ni banque d'État ni Bourse. C'est là, principalement, le résultat d'un état d'esprit : tous les « trafics d'argent » sont assimilés à l'usure condamnée par l'Église. Le troc règne partout, organisé selon un vrai code coutumier, et sert à couvrir les besoins courants.

2.5. L’INTERVENTIONNISME ROYAL : LE MERCANTILISME

La monarchie n'est pas indifférente à l'économie, mais ses préoccupations sont exclusivement celles du maintien de l'ordre et des nécessités de la puissance. Le mercantilisme, de Barthélemy de Laffemas à Colbert, exprime les conceptions étroites de l'époque : la richesse d'une nation trouve sa source dans un strict protectionnisme, dans une économie autarcique et dans la guerre monétaire entre États. Par son attachement au système corporatiste et aux divers monopoles, l'Ancien Régime est interventionniste, réglementariste et étranger à la notion de liberté d'entreprise qui d'ailleurs, se développe au xviiie siècle, parallèlement à son déclin. En ce sens, les réformes de Turgot (liberté du commerce des grains [1774], suppression des corporations et abolition de la corvée royale [1776]) apparaissent comme l'antithèse des conceptions de l'Ancien Régime. Son renvoi en 1776 n'en est pas moins hautement significatif.

3. LA SOCIÉTÉ D’ANCIEN RÉGIME

3.1. LA DÉMOGRAPHIE
UNE POPULATION NOMBREUSE MAIS FRAGILE

Sur un territoire qui, vers 1700, atteint un demi-million de km2, la population de la France oscille autour de 20 millions d'habitants entre 1550 et 1750. Elle fait ensuite un bond jusqu’à 28 millions d’habitants environ vers 1789 : c'est le pays le plus peuplé d'Europe. Le taux de natalité est d'environ 40 %. Il y a en moyenne 6 à 8 naissances par foyer. La mortalité infantile élimine un enfant sur deux. 50 % des survivants n'atteignent pas l'âge adulte. La vieillesse commence à quarante ans. Les raisons de la mortalité, dont le taux est rarement inférieur à 30 %, résident dans l'absence d'hygiène, la sous-alimentation et une médecine rudimentaire.

LES CRISES DÉMOGRAPHIQUES

Tout autant que celle des règnes et des guerres civiles, la conjoncture de l'Ancien Régime est celle des crises démographiques (ou de mortalité), qui déferlent sur des provinces entières (en 1597, 1630, 1662, 1694, 1710, 1741), multipliant les décès par 4 ou 5 et provoquant une chute des mariages et des naissances (souvent plus de 50 %), d'où des « classes creuses ». Ces crises proviennent de la conjonction entre disette, misère extrême et épidémie de « peste », ce terme recouvrant toutes les maladies épidémiques, depuis la rougeole jusqu'à la vraie peste bubonique ou pulmonaire, endémique jusque vers 1670 et qui disparaît après l'épidémie à Marseille en 1720 (→ peste). Ces crises sont dues aussi à l'enchaînement de la guerre et de l'épidémie. La guerre tue beaucoup plus par les maladies qu'elle propage par l'intermédiaire des troupes ou des populations en fuite que par les massacres qu'elle provoque.

3.2. L'ORGANISATION SOCIALE ET ADMINISTRATIVE
UNE SOCIÉTÉ D’ORDRES

La société de l'Ancien Régime est fondée sur l'existence de « corps », d'ordres, d'états ou encore de « communautés » qui situent la position sociale de l'individu qui y appartient. Il y a ainsi les ordres privilégiés (clergé et noblesse, dont l’exemption fiscale constitue le principal avantage) ou non (→ tiers état), les communautés d'habitants au niveau du village, les corps de métiers, le corps des officiers, etc. La société est régie par le droit coutumier, et chacun des corps a ses « libertés », ou « franchises », ou encore « privilèges ». Juridiquement, la hiérarchie sociale est fonction de la naissance ou de l'appartenance à tel « état » qui détermine l'importance du privilège. Pour certains historiens (Roland Mousnier), il s'agit d'une « société d'ordres », en ce sens que la stratification se fait non d'après le niveau des revenus, mais d'après l'estime, l'honneur et la dignité qui est attribuée par la société à telle fonction sociale. Ainsi, juridiquement, le clergé passe avant la noblesse en raison de sa fonction sacrée, bien que, socialement, la noblesse demeure prééminente.

DE FORTS CONTRASTES SOCIO-ÉCONOMIQUES
À l'intérieur des ordres intervient une nouvelle subdivision : la noblesse d'épée (ou de lignage) précède la noblesse dite « de robe » (ou parlementaire) ; dans le tiers état, le négociant cède le pas à l'officier de justice ou de finance ; en bas de l'échelle, se tiennent les brassiers (ou manouvriers) des villes et des campagnes, puis les vagabonds et les mendiants. Deux ou trois millions de familles paysannes (métayers, manouvriers, etc.), misérables, sans capitaux et, le plus souvent, analphabètes, vivent dans une totale dépendance sociale, économique, juridique et culturelle, à la différence des laboureurs et fermiers des riches familles, qui, généralement alphabétisés, pourvus d'un capital d'exploitation et appartenant au corps politique de l'assemblée des habitants, sont indépendants.
Au xviiie siècle, le développement de la richesse mobilière et du capitalisme marchand fait éclater les cadres juridiques désuets : la « finance bourgeoise » s'impose aux premiers rangs et traite d'égal à égal avec les gentilshommes. L'argent tend à supplanter le privilège de la naissance, et l'ordre social est renversé dans les mœurs.

RÉSISTANCES DE LA NOBLESSE
La noblesse « ancienne », qui se dit d'épée, a sa vocation – la profession des armes –, qui la ruine tout autant que les dépenses nécessaires au maintien de son rang. Au xviie siècle, la gentilhommerie rurale dont les revenus en argent (cens) sont fixes, est en voie d'appauvrissement rapide. Cette noblesse ancienne perd ses prérogatives politiques, administratives et judiciaires avec le renforcement de la monarchie, et sa prééminence économique avec l'enrichissement de la bourgeoisie marchande au xvie siècle. Elle est investie par ces négociants enrichis, acheteurs des terres mises en vente par les nobles ruinés (« embourgeoisement du sol ») et par les robins. Elle méprise cette noblesse « nouvelle », acquise par lettres patentes ou par l'achat et l'exercice de certaines charges (offices) de gouvernement, de justice et de finance.
Mais, ne pouvant se livrer à des activités roturières sous peine de dérogeance, les nobles ne rétablissent leur situation économique que par des mésalliances : la robe et l'épée fusionnent par mariage, et les privilèges achèvent de les rapprocher. Ainsi, bien que mise à l'écart du gouvernement, et en partie domestiquée à la Cour sous Louis XIV, la noblesse se renforce et se livre, au xviiie siècle, à une réaction aristocratique, accaparant toutes les hautes charges dans l'armée, le clergé, l'administration et la magistrature.
Pour en savoir plus, voir l'article noblesse.

AFFIRMATION DE LA BOURGEOISIE

Quant à la bourgeoisie – jusqu'à la Révolution, on conserve l'acception courante de ce terme issu du Moyen Âge –, en font partie ceux qui ont obtenu les privilèges attachés à ce titre, les honneurs, mais aussi les charges financières. Si la bourgeoisie dispose de privilèges, c’est aussi souvent le cas des villes où elle réside : les villes sont le plus souvent exemptées du paiement de la taille, en échange du versement de dons au roi. Elles échappent aussi assez tôt à la justice du seigneur pour relever directement de celle du roi, plus lointaine et plus équitable. De nombreux privilèges corporatifs caractérisent la vie économique urbaine : les maîtres de métiers jurés et certains négociants reçoivent le privilège, c'est-à-dire le monopole, d'exercer une activité commerciale ou artisanale particulière, avec la possibilité de transmettre leur métier à des apprentis et à des compagnons salariés. Enfin, les groupes intellectuels, universités et académies qui animent la vie culturelle de l'élite urbaine, sont autant de corps privilégiés.

DIVERSITÉ DE LA BOURGEOISIE

Exerçant sur la société urbaine une incontestable autorité par la prise en charge de l’administration locale, le bourgeois est souvent un rentier. À ses côtés, se trouve la bourgeoisie d'offices, qui commence au greffier et à l'huissier pour s'élever jusqu'au seuil de la noblesse de robe. Jaloux de leurs prérogatives, ces bourgeois font corps avec ce régime qui permet à des roturiers de bénéficier de privilèges et de disposer d'une parcelle de puissance, donc d'être distingués du peuple.
Au sommet règne la haute bourgeoisie de finance, c'est-à-dire l'ensemble des receveurs de rentes chargés de gérer et de faire fructifier les biens des grands propriétaires fonciers, nobles ou ecclésiastiques, des traitants et collecteurs chargés de la collecte des impôts royaux, fermiers généraux, fournisseurs aux armées et banquiers. C'est cette haute bourgeoisie, représentée par Samuel Bernard, les Crozat ou les frères Pâris, qui s'impose d'abord comme rouage économique ou financier indispensable, avant de se faire accepter par les Grands et de se mêler socialement à eux. Au xviie siècle, la bourgeoisie a, dans l'État monarchique, un rôle de premier plan : le règne de Louis XIV marque son apogée. Mais au xviiie siècle, si elle est majeure économiquement, « elle est plus que jamais mineure sur le plan politique » (J. Sentou), en raison de la réaction aristocratique.

RÉVOLTES ET CONTESTATIONS
L'Ancien Régime, loin d'être une société immobile, connaît tout au long de son existence une agitation permanente. Il est ainsi la proie de révoltes populaires endémiques, rurales et urbaines. Les plus graves de ces « émotions » sont les révoltes dues à la misère et à l'oppression fiscale : insurrections des croquants du Poitou (1636), du Périgord (1637) et du Rouergue (1643), des va-nu-pieds de Normandie (1639-40) ; émeutes urbaines antifiscales à Rennes, Bordeaux, Amiens (1636) ; révolte du papier timbré en Bretagne (1675). D'autres ont pour origine des problèmes de salaire et la législation antigrève formulée dans l'ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) : émeutes ouvrières de Lyon et de Paris (1539-1541), d'Aix et de Dijon (1630-1632). Ces accès de colère et de désespoir, sans finalité politique ou sociale propre, sont parfois encadrés d'éléments nobiliaires (ainsi en Guyenne en 1629) ou bourgeois.
Si les révoltes populaires paraissent assagies après 1675, les manifestations de mécontentement et de résistance passive restent multiples, de manière latente, jusqu’à l’explosion sociale de l’été 1789.

3.3. LA MOSAÏQUE DES CADRES ADMINISTRATIFS
LA PYRAMIDE JUDICIAIRE

L'enchevêtrement et la superposition de cadres administratifs qui ne coïncident pas rend la gestion du royaume peu efficace. Source de toute justice, le roi délègue son exercice aux tribunaux. Les prévôtés, chargées de délits mineurs, sont à la base de cette pyramide judiciaire. Au-dessus, 450 bailliages et sénéchaussées sont regroupés, après 1552, en présidiaux, qui servent de tribunaux d'appel mais aussi de première instance pour certaines affaires civiles et criminelles.
Au sommet, ultime juridiction d'appel avant le Conseil du roi, treize parlements composés d'officiers rendent la justice et élaborent des règlements administratifs. Les parlements, notamment celui de Paris, ont acquis un droit de remontrances consistant à vérifier la conformité des édits et ordonnances royales avec les lois fondamentales. Cette prérogative politique est à l'origine de nombreuses tensions avec la monarchie pendant la Fronde (1648-1653) ou sous le règne de Louis XV.

LES CIRCONSCRIPTIONS FISCALES

La perception des impôts donne naissance à des circonscriptions différentes. Pour lever la taille, principal impôt direct essentiellement acquitté par les paysans – véritables « baudets de l'État » (Richelieu) –, le royaume est divisé en paroisses, elles-mêmes regroupées en élections (186 en 1789) administrées par un élu, puis en généralités (34 en 1789) régies par un général des finances. Dans la paroisse, le collecteur désigné par la communauté d'habitants (assemblée des « chefs de feux », hommes de plus de 25 ans payant l'impôt) rassemble la somme exigée par les élus, qui la versent ensuite aux généraux des finances (encore appelés « trésoriers de France »). Élus et trésoriers sont des officiers qui se heurtent dans leur circonscription, surtout à partir du règne de Louis XIII, à l'activité incessante de l'intendant. Celui-ci devient le principal représentant de l’État, à partir du règne personnel de Louis XIV.

LES GOUVERNEMENTS
Le royaume est aussi divisé en circonscriptions militaires, les gouvernements (circonscription territoriale embrassant plusieurs bailliages ou sénéchaussées et placée sous l'autorité d'un gouverneur), peu à peu tombés en désuétude après les troubles du xviie siècle. Créés à partir de la fin du xiiie siècle, les gouvernements recouvraient l'ensemble du royaume à la fin du xvie siècle. Leurs limites et leur nombre ont beaucoup varié sous l'Ancien Régime. La France comptait 11 gouvernements au xvie siècle, et 39 à la veille de la Révolution, qui les supprima le 22 décembre 1789.

LES CIRCONSCRIPTIONS ECCLÉSIASTIQUES
Enfin, l'Église a ses propres divisions géographiques : la paroisse, cellule de base de la vie quotidienne, les diocèses (évêchés), au nombre de 136 en 1789, et les 18 archevêchés.

4. MONARCHIE ET ABSOLUTISME

4.1. NATURE DE L’ABSOLUTISME
UN RÉGIME TEMPÉRÉ PAR LA COUTUME
L'Ancien Régime, s'il s'est identifié avec l'absolutisme, procède, quant à ses assises politiques, d'une structure plus complexe. Le roi doit respecter certains principes irrévocables, comme la loi salique (la couronne ne peut se transmettre que par les héritiers mâles) et l'inaliénabilité de la couronne et du domaine royal (il ne peut disposer de ceux-ci comme d'un bien patrimonial ou familial). Les juristes de l'époque distinguent bien ces lois fondamentales du royaume, les « antiques coutumes », ensemble de règles coutumières que le roi ne peut modifier, et les lois des rois, édits et ordonnances, réformables et révocables. En ce sens, la monarchie absolue est tempérée par la loi coutumière.

UNE SUPERPOSITION DE TRADITIONS
L'absolutisme de droit divin lui-même provient de la superposition de trois éléments : le droit impérial romain, la tradition de la monarchie féodale – qui aboutissent au solennel principe « Le roi de France ne tient que de Dieu immédiatement », et qui donnent au souverain la qualité de « seigneur fieffeux suprême » – et l'absolutisme récent, système de gouvernement propre à établir pleinement et partout l'autorité royale et dont la monarchie bureaucratique de Louis XIV a été le modèle.

L’ORGANISATION DES POUVOIRS
En théorie, autour du roi, le gouvernement est constitué de différents conseils spécialisés, héritiers de l'ancienne Curia regis (« cour du roi »). Le souverain préside les « séances de gouvernement », c'est-à-dire le Conseil d'État, ou Conseil d'en haut, chargé de la diplomatie et des affaires extérieures, le Conseil des dépêches, consacré à l'administration du royaume et aux affaires intérieures, et le Conseil royal des finances, qui élabore le budget. Seuls les conseillers appelés au Conseil d'État ont le titre officiel de « ministre d'État ». Le roi siège plus rarement au Conseil des parties, qui exerce la justice retenue du monarque et constitue le laboratoire des lois et des règlements (édits et ordonnances). Le chancelier, chef de la justice nommé à vie, deuxième personnage du royaume, le remplace alors.

UN RÉGIME EN CONSTANTE ÉVOLUTION
Dans la réalité, l'absolutisme n'a jamais constitué un système achevé et stable, et la crise institutionnelle de l'Ancien Régime est congénitale. La monarchie hésite entre les diverses formules de délégation de pouvoir. Après le gouvernement par conseils du xvie siècle, le xviie siècle connaît un régime bicéphale, avec, à côté du roi, d'abord un favori (→ Concini, 1613-1617 ; le duc de Luynes, 1617-1621), puis le régime du ministériat (→ Richelieu, 1624-1642 ; Mazarin, 1642-1661), avec un principal ministre d'État, qui reçoit une délégation révocable d'autorité royale. Après 1661, Louis XIV impose une nouvelle formule, qui joue à la fois sur les ministres et sur les conseils, sans accepter la primauté d'un ministre. C'est ce système de gouvernement qui prévaut au xviiie s.siècle après l’expérience sans lendemain de gouvernement par conseils de la polysynodie (1715-1718) et le ministériat du cardinal de Fleury (1726-1743).

4.4. UNE CONCEPTION INABOUTIE DE L’ÉTAT
Le régime n'est, en fait, qu'une juxtaposition d'institutions, de privilèges antagonistes et de compétences contradictoires, et cet héritage séculaire forme écran entre la loi du souverain et la masse des sujets. L'œuvre législative de Louis XIV, en aboutissant aux grands codes (ordonnances civile [1667] et criminelle [1670], des Eaux et Forêts [1669], du Commerce [1673], de la Marine [1681]), constitue un effort pour restaurer l'État, qui est d'abord unification, arbitrage, clarification (→ ordonnance).

4.5. UN RÉGIME EN CRISE PERPÉTUELLE
LA DÉFENSE DES PRIVILÈGES
Or, la conception traditionnelle restreint le rôle de l'État au maintien des privilèges et particularismes de chaque corps, à la défense des franchises et des coutumes. Toute réforme, toute intervention de la puissance royale visant à modifier le cours des choses, n'apparaît alors que comme une manifestation du despotisme.
C'est au nom de cette conception que les magistrats des cours souveraines se révoltent, lancent l'insurrection (→ la Fronde, 1648-1653) ou la grève de la justice (contre les réformes du chancelier de Maupeou en 1771). La puissance des magistrats est considérable dans ce régime d'administration très décentralisée. Dans les villes, le conflit des compétences est permanent entre les officiers royaux et les magistrats municipaux (échevins, consuls ou capitouls). Et le Parlement, cour souveraine, qui exerce la justice au nom du roi et dispose du droit de remontrances et de vérification des ordonnances royales, peut bloquer l'exécution d'une loi par le refus d'enregistrement.
Pour en savoir plus, voir l'article le parlement français au Moyen äge et sous l'Ancien Régime.

L’OPPOSITION PARLEMENTAIRE

L'histoire de l'Ancien Régime, plus que le règne des Bourbons, est celle des grandes rébellions parlementaires (1648-1771, avec une longue pause de 1673 à 1715). Contre les officiers qui s'interposent entre la loi et les sujets, la monarchie tente de développer le rôle des intendants. Contre les parlementaires devenus, au xviiie siècle, sous couvert de lutte contre le despotisme, le rempart des privilèges, elle use de lits de justice pour imposer l'enregistrement d'office des ordonnances. L'échec de Maupeou, qui tente de supprimer la vénalité des offices et de réformer les parlements (1771), sonne le glas du despotisme éclairé, dernier système de gouvernement d'un régime qui n'avait plus que deux décennies à vivre.
Pour en savoir plus, voir l'article France : histoire.

 

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LE CORAIL

 

 

 

 

 

 

 

corail

Avec les anémones de mer auxquelles ils sont apparentés, les coraux font partie des premiers animaux à avoir peuplé les mers. Parmi les centaines d'espèces aux formes multiples qui existent, beaucoup construisent des récifs. Ces petits animaux fragiles, qui ont peu évolué, sont aujourd'hui menacés dans de nombreuses régions du monde.

1. LA VIE DES CORAUX
1.1. D'ÉTERNELS BÂTISSEURS VIVANT SUR LEUR SQUELETTE
Les coraux sont des organismes rudimentaires constitués d'un squelette calcaire, ou polypier, sur lequel pousse la partie vivante, ou polype.
Les coraux solitaires se rencontrent dans toutes les mers du globe et à toutes les profondeurs. Ils restent le plus souvent à l'endroit de leur premier développement, fixés sur un rocher ou sur un fond sableux. Quand ils se déplacent, ils le font très lentement, pour aller s'implanter sur un nouveau fond, plus favorable à leur croissance.

Les coraux coloniaux sont les plus nombreux. Ceux qui ne construisent pas de récifs peuvent vivre, comme les coraux solitaires, sous toutes les latitudes et à des profondeurs variables. En revanche, les coraux récifaux ont besoin, pour se développer, de luminosité et d'une eau pure, bien oxygénée et suffisamment salée, qui soit à température stable (entre 18 et 36 °C). Aussi ne les trouve-t-on que dans les régions tropicales et à faible profondeur (moins de 50 m), là où se fait encore sentir l'influence des marées qui remuent l'eau avec régularité. De façon générale, les coraux ne peuvent supporter l'émersion ; à marée basse, certains sécrètent un abondant mucus pour lutter contre la dessiccation.

À LA RECHERCHE DE LA LUMIÈRE
Le mode de vie des coraux semble rythmé par deux activités principales : se nourrir et construire leur squelette, ou participer à la construction du squelette commun à toute la colonie. Cette armature semble leur servir de moyen pour s'élever vers la surface, à la recherche de la lumière.
La plupart des espèces solitaires n'ont pas un squelette très important. En revanche, les coraux récifaux ont une armature qui s'élève très haut et s'étale largement, nécessitant de solides points d'ancrage tels les rochers.

LES RÉCIFS
Après avoir sécrété les premiers éléments de son squelette, chaque polype émet des bourgeons qui deviennent d'autres polypes. Par bourgeonnements successifs, la colonie grandit en hauteur et en largeur. L'accumulation de colonies serrées crée, dans certains cas, un biotope particulier, le récif corallien. On en distingue quatre types : le récif frangeant, qui borde la côte ; le récif-barrière, au large mais parallèle au rivage ; le récif plate-forme (ou banc récifal), entouré par des eaux de profondeur constante ; l'atoll, en anneau autour d'un lagon.

1.2. DES ALGUES SYMBIOTIQUES ET DU POISON
Les coraux présentent deux modes de nutrition distincts, qui ne sont pas utilisés dans la même mesure par les coraux bâtisseurs de récifs et par les coraux solitaires ou coloniaux non récifaux de profondeur.
Les coraux récifaux renferment dans leurs tissus des algues vertes qui vivent en étroite relation (symbiose) avec eux. Ces algues, les zooxanthelles, ont besoin, comme tous les végétaux, de la lumière solaire pour transformer ce qu'elles absorbent (photosynthèse). Elles doivent donc toujours être proches de la surface, ce qui explique que les coraux récifaux vivent à moins de 50 m sous la surface. Au cours de la photosynthèse, les algues éliminent des éléments nutritifs, qui sont absorbés au fur et à mesure par les tissus environnants du corail. De son côté, celui-ci produit également des déchets qui sont utilisés par les algues. L'union entre les partenaires est si performante que le corail récifal peut se passer, la plupart du temps, de nourriture extérieure. Pourtant, il dispose également du même système d'alimentation que les coraux non récifaux.
Ceux-ci ne bénéficient généralement pas d'une luminosité suffisante pour entretenir dans leurs tissus des algues symbiotiques. Ils se nourrissent donc de petites proies : larves de crustacés, œufs de poissons… tous éléments du zooplancton. Pour les capturer, ils déploient leur couronne de tentacules. Ceux-ci sont tapissés de milliers de cellules venimeuses (les cnidoblastes), qui paralysent les minuscules proies lorsqu'elles entrent en contact avec elles. Les proies sont ensuite conduites vers l'orifice buccal, soit par repliement des tentacules, soit par l'ondulation d'une série de cils vibratiles situés sur les tentacules, qui se relaient de proche en proche pour faire en quelque sorte office de tapis transporteur. La digestion s'effectue dans la cavité gastrique de l'animal.

LES CELLULES URTICANTES
Les cellules urticantes


Les cnidoblastes (cellules urticantes) sont situés sur les tentacules. Chacun ne sert qu'une fois, mais son renouvellement est assuré. À sa surface, un cil (cnidocil) a pour fonction de détecter les proies. La cellule est pourvue d'une vésicule emplie de venin, dans laquelle baigne un filament creux enroulé en spirale, hérissé d'épines et supporté par une hampe elle aussi épineuse. Lorsque le cnidocil perçoit une proie, la vésicule se contracte. Sa paroi cède, libérant le filament à la manière d'un harpon. Les épines s'ancrent dans la proie et le venin, évacué par les pores du filament, la paralyse.

1.3. NAISSANCES DE NUIT, PAR MILLIERS
La reproduction sexuée existe chez tous les coraux. Sur un récif ou dans une colonie non récifale, une espèce de corail peut posséder des polypes mâles et des polypes femelles vivant côte à côte. Certaines espèces solitaires ou coloniales ont des polypes hermaphrodites. Les cellules sexuelles mâles et femelles sont alors mélangées ou séparées à l'intérieur de la cavité du corail. Enfin, chez d'autres formes de coraux (à sexes séparés), chaque polype est soit mâle, soit femelle. Ces coraux, moins nombreux, sont solitaires pour la plupart.
Seuls les coraux coloniaux, récifaux ou non, possèdent aussi une autre forme de reproduction, sans fécondation : la reproduction asexuée, très liée aux bonnes conditions de vie du corail. En bourgeonnant, les polypes font croître et se multiplier les coraux.

LA PLANULATION
Lorsque les cellules sexuelles sont « mûres », la fécondation se produit à l'intérieur de la cavité centrale de chaque polype. Si l'espèce vit en symbiose avec des algues, ces dernières pénètrent dans l'œuf aussitôt après la fécondation. L'embryon qui se développe devient une larve appelée planula.
On appelle planulation l'expulsion dans la mer des jeunes larves, par la bouche des polypes ou, plus rarement, par des pores provisoires situés à l'extrémité des tentacules. Sur les récifs coralliens, la planulation est fréquemment liée aux phases de la lune, bien que cela ne soit ni général ni systématique. La libération des planulas par presque tous les coraux d'un récif, au même moment, est un phénomène spectaculaire qu'il est difficile d'observer. Chez les coraux solitaires et les espèces coloniales non récifales, la planulation semble moins liée aux phases de la Lune.
Une fois libre, la planula flotte de quelques heures à un an, si elle est transportée en haute mer par les courants. Puis elle se fixe sur un support et commence son développement de corail.

LA REPRODUCTION ASEXUÉE
La reproduction asexuée

Le jeune corail nouvellement fixé est appelé « oozoïte ». Il peut donner naissance à des individus qui vont se séparer de lui par scissiparité (très rare) ou bourgeonnement. Ces nouveaux polypes, qui restent attachés au corail, apparaissent à l'intérieur des tentacules du polype fondateur, ou à l'extérieur, sur son tissu externe. Le bourgeonnement apparaît au bout de 1 semaine à 4 mois.

En cas de bourgeonnement interne, il se produit un repli dans la cavité centrale du polype, et deux ou plusieurs « bouches » apparaissent, garnies de tentacules. En cas de bourgeonnement extra-tentaculaire, le tissu extérieur du polype mère développe un petit diverticule à partir duquel croît le nouveau polype.

1.4. MILIEU NATUREL ET ÉCOLOGIE
Les coraux peuplent toutes les mers du globe : la limite extrême de leur répartition se situe au large des cercles polaires. L'aspect du corail n'est pas fixe, il se modifie selon les qualités du milieu où il vit et selon la profondeur, les coraux non constructeurs de récifs étant souvent moins dépendants de la lumière pour leur survie.

TRIBUTAIRES DE LEURS ALGUES
Les coraux récifaux vivent en colonies et participent à la construction de récifs parfois très anciens, puisque les nouveaux individus poussent à partir de leurs parents. Ces coraux « hermatypiques » recherchent la lumière à cause de la présence dans leurs tissus d'algues symbiotiques photosynthétiques, les zooxanthelles. Dans l'obscurité, la plupart des coraux perdent leurs algues et ne peuvent donc plus croître. Ils meurent si ces conditions persistent. En effet, le gaz carbonique issu du métabolisme des algues leur est nécessaire pour construire leur squelette composé de carbonate de calcium CaCO3.
Toutefois, certains genres s'adaptent à une baisse de luminosité sur le récif en modifiant la forme de leur polypier.
La variété des formes diminue et les coraux développent des aspects tabulaires, en feuilles ou encore en formes branchues à structure légère, pour offrir la plus grande surface possible à la lumière et la capter au maximum.
Il existe pourtant quelques genres de coraux récifaux qui recherchent les zones faiblement éclairées, ce sont ceux qui vivent sur les parties les plus profondes du récif.
Les mouvements de l'eau de mer sont un facteur important. Ils doivent être suffisants pour assurer l'apport de nourriture, l'oxygénation, l'élimination des déchets, mais ne pas être trop violents pour ne pas gêner la croissance de la colonie. Les formes à branches grêles ne peuvent vivre dans une eau trop battue. De plus, une exposition trop prolongée à l'air libre provoque la mort des coraux. Là encore, les formes massives semblent les plus résistantes.
Généralement, les coraux hermatypiques vivent près de la surface, entre 18 et 36 °C selon les espèces, et supportent mal les variations. Il existe de rares exceptions : en Caroline du Nord, sous 20 à 40 m d'eau, deux espèces supportent 10,6 °C pendant le mois le plus froid, et la population corallienne de certains petits récifs du golfe Persique, uniquement représentée par Porites, résiste à 40 °C. Certains coraux s'accommodent même d'une profondeur allant de 300 à 500 m, mais leur aspect s'en trouve modifié.

UNE EAU PROPRE ET SUFFISAMMENT SALÉE
Les coraux hermatypiques supportent des taux de salinité variant généralement entre 28 et 40 ‰, la plupart acceptant un taux de 34 à 36 ‰. En Floride, ce taux diffère selon les espèces ; ainsi, Porites accepte 33 ‰ et Siderastraea, 21 ‰. Le long des côtes d'Arabie et dans le golfe d'Aqaba, deux espèces vivent avec une salinité de 48 ‰. Au-dessous de 17 ‰ et au-dessus de 54 ‰, aucune espèce ne résiste plus de 24 heures.
Le taux de sédiments en suspension dans l'eau est un facteur limitant la vie du corail. Ainsi, dans les mers tropicales, certaines régions, où l'eau est trop trouble, sont dépourvues de récifs, comme la côte indienne et la côte de Panamá. Une faible quantité de sédiments peut être repoussée par l'action des cils vibratiles de chaque polype. Mais des bouleversements trop importants, comme un apport boueux dû à un cyclone ou à un dragage, causent de graves préjudices à une communauté récifale et entraînent la mort de nombreuses espèces. Quelques genres résistent à la turbidité de l'eau, tels Porites et Fungia, mais d'autres, comme Acropora, sont au contraire très vulnérables.

LES CORAUX PLUS INDÉPENDANTS
Les coraux qui ne construisent pas de récifs (ahermatypiques) s'adaptent généralement à tous les milieux marins, encore qu'ils semblent, pour la plupart, ne pas supporter de températures trop basses, non plus que de trop grandes variations au cours de l'année. Certains, beaucoup plus résistants, vivent à toutes les profondeurs. Ainsi, Fungia cyathus peut vivre entre 60 et 6 000 m et supporte des températures allant de 0,5 °C à 26,5 °C, et Desmophyllum cristagalli vit entre 20 et 2 500 mètres.
Très répandus dans les eaux tropicales, les coraux coloniaux non constructeurs de récifs sont plus rares au fur et à mesure qu'on se rapproche des pôles, et la profondeur qu'ils supportent diminue. Mais la taille de leurs colonies croît jusqu'à former des bancs, compensant ainsi la raréfaction des espèces.
Dans les eaux tropicales, deux types de coraux non constructeurs de récifs peuvent cohabiter : certains côtoient à faible profondeur des espèces constructrices (hermatypiques) dans des récifs existants, comme Fungia, Oculina, Dendrophyllia, et d'autres, plus largement répandus, prospèrent en eau plus profonde.
La plupart des coraux ahermatypiques fuient la lumière. Dans les zones trop éclairées, ils se réfugient au plafond des grottes et sur les surplombs. Seules certaines espèces méditerranéennes vivent aussi bien à la lumière que dans l'obscurité. La forme des colonies peut varier, les mouvements de l'eau et la nature du fond marin contrôlant en partie le développement et la morphologie du polypier.

LA COMPÉTITION POUR L'ESPACE
Certains crabes, algues et bivalves s'associent avec les coraux, forant des loges dans leurs hôtes sans les léser. Mais, le plus souvent, les coraux sont attaqués par toutes sortes d'animaux qui vivent sur les récifs : mollusques, oursins, mais aussi éponges ou bien encore, dans les Caraïbes, des anémones de mer qui s'approchent du corail et, avec leurs tentacules, détruisent leur partie vivante pour occuper la place.
Les poissons-perroquets qui broient le squelette du corail et les poissons-coffres qui l'arrachent avec leurs dents sont ses pires ennemis, avec l'étoile de mer Acanthaster planci qui, vorace, se nourrit de polypes, détruisant les récifs. Elles font l'objet d'une prédation par les tritons, de gros gastéropodes, mais ceux-ci sont en train de disparaître, parce que trop récoltés par l'homme.
Des organismes vivant dans le récif limitent le développement des coraux, allant jusqu'à les détruire en modifiant leur milieu : ainsi les balanes, qui se fixent sur eux, d'autres gastéropodes, des vers annélides et de petits crustacés, qui les perforent.
Les autres espèces de corail vivant sur le récif ne sont pas les seuls concurrents pour l'occupation de l'espace. Certaines algues, les algues calcaires rouges, ont besoin pour vivre des mêmes conditions que les coraux, et elles les supplantent en zones de fortes turbulences, en particulier sur la crête des récifs exposés à la houle.
Les coraux sont également sujets à de nombreuses maladies, dues à de nombreux micro-organismes (bactéries, virus, protozoaires, etc), auxquelles les coraux sont d'autant plus sensibles que les conditions du milieu sont altérées. Dans ce cas, toutes les espèces de corail vivant sur le récif peuvent être atteintes et des portions entières mourir. Un récif malade montre des bandes de diverses couleurs : blanches (c'est la maladie dite des bandes blanches), noires (maladie des bandes noires), jaunes (maladie des bandes jaunes), etc.

2. ZOOM SUR... LES ACROPORES

2.1. ACROPORES (ACROPORA)
Les formes ancestrales des coraux du genre Acropora sont apparues à l'éocène il y a environ 54 millions d'années. On estime à environ 140 le nombre d'espèces d'Acropora qui existent ; elles vivent en colonies sur presque tous les récifs coralliens, peuplant parfois des champs sous-marins immenses. Comme tous les coraux, Acropora est composé d'un squelette calcaire, le polypier, sur lequel repose la partie vivante, le polype. À la jointure avec le squelette externe, le polype sécrète en permanence du carbonate de calcium qui constitue son squelette ; c'est ainsi qu'il croît en hauteur.
En sectionnant le squelette au niveau d'une ouverture, ou calice, de l'un des individus de la colonie, on trouve à la périphérie l'enveloppe externe, ou muraille, qui entoure une cavité générale divisée en chambres creuses, séparées les unes des autres par des éléments calcaires, les septes. Ces septes, toujours multiples de 6, se rejoignent généralement au centre, tels les rayons d'une bicyclette, pour former la columelle, qui peut être absente. Pour consolider cette structure radiaire composée de compartiments creux, de minces lames transversales, les dissépiments, ou planchers, cloisonnent les chambres, créant en quelque sorte des étages.

La partie vivante du corail, le polype, se compose d'une cavité buccale cylindrique qui ouvre sur l'extérieur par une bouche, entourée et protégée par des tentacules. Ceux-ci portent les cellules urticantes (cnidoblastes) nécessaires à l'animal pour chasser ses proies et des cils servant à son nettoyage.
Les appareils digestif, respiratoire et génital ne sont pas bien différenciés. Tout se passe dans la cavité bucale. Les acropores branchus ont des polypes apicaux qui assurent la croissance en hauteur et des polypes radiaux qui construisent les branches en épaisseur. Sur le récif, les coraux Acropora se développent beaucoup plus vite que leurs voisins d'autres espèces.
La reproduction asexuée, qui consiste en la formation de nouveaux polypes par bourgeonnement extratentaculaire du polype apical, est très répandue chez les acropores.
Ces derniers se nourrissent surtout des produits issus de la photosynthèse des algues symbiotiques (zooxanthelles) qui vivent dans leurs tissus. Ils sont photoautotrophes. Lorsqu'ils absorbent le microzooplancton (les plus petits organismes vivants qui existent dans le zooplancton), abondant sur les récifs la nuit, mais qui migre le jour vers les profondeurs, leurs minuscules polypes de 1 à 2 mm de diamètre sont tous épanouis.
Les coraux Acropora sont hermaphrodites ou ont des sexes séparés. Sur la Grande Barrière de corail australienne, le rejet massif des gamètes des deux sexes dans le milieu marin a lieu une seule fois par an, autour de la cinquième nuit suivant la dernière pleine lune de printemps (un phénomène qui n'a été découvert qu'en 1982).
         
ACROPORA
Nom
(genre)
 :    Acropora
Famille :    Acroporidés
Ordre :    Scléractiniaires
Classe :    Anthozoaires
Identification :    Souvent à branches ramifiées ou arborescentes, buissonnantes ou tabulaires, rarement encroûtantes ou submassives ; gradient de densité le long des branches
Taille :    De quelques centimètres à 2 ou 3 m de haut
Habitat :    Sur presque tous les récifs coralliens du globe
Répartition :    Mer Rouge, océan indo-pacifique jusqu'aux îles Hawaii et aux îles Marquises à l'est ; aux Antilles et sur les côtes de Floride (États-Unis)
Régime alimentaire :    Surtout des produits de la photosynthèse de ses algues, les zooxanthelles (photoautotrophes) ; microzooplancton
Structure sociale :    En colonies, sur récifs
Reproduction :    Sexuée par rejet massif des gamètes dans l'eau et asexuée par régénération des branches cassées et par bourgeonnement
Maturité sexuelle :    Variable en fonction des facteurs du milieu
Saison de reproduction :    Sexuée, par une nuit de pleine lune, 1 à 2 fois par an ; asexuée, toute l'année ; croissance : de 2 à 10 cm par an
Nombre de larves :    Des milliers, appelées planulas
Longévité :    Non déterminée ; larve : de quelques heures à quelques mois
Effectifs, tendances :    Genre de corail fragile et particulièrement sensible à la pollution ; parfois localement décimé
Statut, protection :    Non protégé en dehors des parcs et réserves
Remarque :    Acropora cervicornis peut croître de 26 cm par an à la Jamaïque (record)
 
2.2. SIGNES PARTICULIERS
POLYPE ET POLYPIER
Les tentacules et la cavité buccale (ou cavité gastrique), constituent l'essentiel du polype, ou partie vivante du corail. À l'intérieur de la couronne de tentacules, l'ectoderme est couvert de cils. Sur la partie du polype en contact avec le squelette, ou polypier, une sécrétion alimente ce dernier en calcaire. Le squelette comporte généralement une muraille à la périphérie. Six (ou un multiple de 6) septes rayonnent, formant partiellement des cloisons verticales. Horizontalement, les planchers, ou dissépiments, consolident la structure.

POLYPES RADIAUX
Ils se situent autour de la branche dont ils assurent la croissance en épaisseur. Comme chez les polypes apicaux, seule leur ouverture est visible de l'extérieur. Chacun d'eux peut se transformer en polype apical si nécessaire.

MORPHOSES
Les transformations de la forme des coraux au cours de leur croissance, ou morphoses, sont dues surtout à la nécessité que ces animaux ont de s'adapter aux modifications du milieu. Les coraux du genre Acropora sont parmi ceux qui adoptent les formes les plus variées, la forme initiale étant branchue. Les morphoses les plus courantes sont : tabulaires (attachées au sol ou à la roche par un côté et ayant un pied central) ; arborescentes (branches verticales) ; en corymbe (petites branches courtes, verticales, issues de branches horizontales entrecroisées) ; buissonnantes (branches qui se réunissent selon des angles variés) ; digitées ; massives ; en goupillon (les polypes radiaux prennent l'aspect de petites branches courtes partant dans toutes les directions) ; encroûtantes (adhérant à une surface solide).

POLYPE APICAL
Un par branche. Il intervient dans l'élongation des branches et produit, par bourgeonnement, des polypes latéraux disposés de façon radiale. Les polypes apicaux des branches sans algues symbiotiques (zooxanthelles, blanches ou bleues) croissent plus vite.

3. LES AUTRES ESPÈCES DE CORAUX
Les coraux fréquentent tous les océans, des zones peu profondes aux grands fonds. Cependant, la plupart habitent les eaux chaudes des océans Indien et Pacifique.
La classe des anthozoaires – étymologiquement, « animaux-fleurs » – comporte deux sous-classes : les octocoralliaires et les hexacoralliaires. Les premiers ont 8 septes (ou un multiple de 8) plus ou moins développés ; on trouve dans ce groupe, entre autres, les « coraux mous », les gorgones et les « faux coraux » comme les coraux de feu ou le corail rouge. Les hexacoralliaires, à symétrie bilatérale, ont des polypes dont la cavité centrale est divisée en 6 loges (ou en un multiple de 6). Dans bien des cas, le nombre des loges correspond à celui des tentacules, qui en sont le prolongement. Les séparations, ou septes, sont plus ou moins nettes selon les espèces. Les hexacoralliaires regroupent les anémones de mer et les scléractiniaires, appelés aussi coraux vrais ou coraux durs.
Les coraux vrais, ou durs (ordre des scléractiniaires, 25 familles et environ 800 espèces) se divisent, en fonction de la structure du squelette (peu ou très perforé, compact, poreux), en 5 sous-ordres. Le bord des septes, plus ou moins lisse, est aussi un moyen d'identification.

Les 5 sous-ordres sont les suivants :
3.1. ASTROCOENIINA
3 familles.
Ce sont ceux qui ressemblent le plus aux formes de l'ère primaire.
Identification : coraux coloniaux ; squelette peu développé ; éléments radiaires souvent rudimentaires.
La plus importante famille constructrice de récifs, les acroporidés (genre type : Acropora), fait partie de ce sous-ordre.
Principaux représentants : Acropora, Montipora, Astraepora.

3.2. FUNGIINA
7 familles au total.
Identification : coraux solitaires ou coloniaux, à squelette poreux, et dont les calices sont souvent liés les uns aux autres par leurs septes.
Principaux représentants : la famille des poritidés représente la seconde famille par ordre d'importance pour la construction récifale avec Porites, Goniopora, Alveopora. La famille des fungiidés regroupe des formes solitaires aplaties, inféodées aux milieux récifaux avec Fungia et Cycloseris.

3.3. FAVIINA
9 familles.
Corail type de récif, bien que certaines formes soient solitaires. C'est le plus abondant en individus, bien qu'aucun des genres ne construise de récifs à lui seul.
Identification : formes le plus souvent récifales ; squelette compact bien développé.
Principaux représentants : parmi les formes récifales, Favia, Favites, Diploria, Leptoria, Manicina, Platygyra, Oulophyllia (famille des faviidés), Meandrina et Dendrogyra (famille des méandrinidés), très fréquents sur les récifs de la mer des Caraïbes ; parmi les genres non récifaux, Oculina (famille des oculinidés) est fréquent dans l'Atlantique est et ouest.

3.4. CARYOPHYLLIINA
5 familles.
Identification : formes solitaires pour la plupart, certaines coloniales. Une seule sous-famille récifale. Coraux souvent très petits, à squelette entièrement compact.
Habitat : dans tous les milieux et à toutes les profondeurs. Seules formes que l'on puisse rencontrer sur les côtes françaises.
Principaux représentants : Caryophyllia (famille des caryophylliidés) et Flabellum (famille des flabellidés).

3.5. DENDROPHYLLIINA
1 famille.
Identification : squelette souvent très poreux.
Les dendrophylliidés sont solitaires comme Balanophyllia, Leptopsammia ou coloniaux comme Dendrophyllia. Les éléments radiaires de ces derniers ne sont pas disposés en rayons de roue de bicyclette comme chez les autres coraux, mais souvent par bouquets de 3, s'écartant les uns des autres depuis la muraille vers le centre de la cavité. Entre chaque bouquet, d'autres septes s'intercalent. Partant eux aussi de la muraille vers le centre, ils s'incurvent pour fusionner par leur autre extrémité avec les septes en bouquet de 3. On appelle cette disposition « plan de Pourtalès », du nom du naturaliste (Louis François de Pourtalès, 1824-1880) qui fut le premier à l'avoir décrite en 1860.

4. LES FAUX CORAUX
L'embranchement des cnidaires (ou cœlentérés) comprend, outre les coraux vrais ou durs, de nombreuses formes appelées également coraux dans le langage courant. Ces faux coraux se différencient notamment des coraux vrais par le nombre de leurs septes (8 ou multiples de 8 – ce sont des octocoralliaires –, alors que les coraux vrais en ont 6 – hexacoralliaires).
Ainsi les coraux de feu, comme Millepora, nommés de la sorte parce qu'ils provoquent des brûlures lorsqu'on les touche, qui vivent sur les récifs de l'océan indo-pacifique et de la mer des Antilles, ne ressemblent aux vrais coraux que par leur aspect extérieur. Ils possèdent des polypes spécialisés chacun dans une fonction particulière (alimentation, reproduction...).
Le « corail » rouge (Corallium rubrum) est le premier à avoir été découvert et baptisé corail. Seule espèce du genre Corallium, il se rencontre dans toutes les mers. Comme le « corail » bleu (Heliopora) qui a une répartition exclusivement tropicale, son nom vient de la couleur de son squelette. Le corail noir (ordre des antipathaires, genre type Antipathes), au squelette noir, compte de nombreuses espèces qui vivent surtout dans les récifs. C'est le faux corail le plus proche des coraux vrais et des anémones de mer.
Le groupe des « coraux mous » (ordre des alcyonaires) ne présente pas de squelette rigide, d'où leur nom de mous ; leur structure est maintenue par de simples spicules (petits bâtonnets) calcaires. Leurs couleurs comme leurs formes sont très diversifiées : en forme de champignon (Sarcophyton ou corail cuir), de coupe, de cerveau… Les Alcyon forment des colonies soyeuses appelées « mains de mer » ou « doigts de mort » en raison de leur aspect digitiforme.
Les gorgones (ordre des gorgonaires), qui sont aussi des octocoralliaires, ne ressemblent pas aux coraux. Ce sont des masses arborescentes charnues aux polypes nombreux, dont le squelette est en corne souple et non en calcaire, mais qui contient des particules calcaires.

5. ORIGINE ET ÉVOLUTION DES CORAUX
Il y a environ 800 millions d'années apparaît le règne animal dans l'océan. Dans un milieu favorable, par suite de l'épanouissement des végétaux, la vie animale, 230 millions d'années plus tard, à la fin du précambrien, se diversifie de façon considérable (avant d'exploser littéralement au début du cambrien, il y a environ 545 millions d'années). Les mers, plus chaudes alors, sont peuplées de vers annélides, d'êtres ressemblant à des larves de mollusques, d'arthropodes et surtout de cnidaires (ou cœlentérés), ces animaux qui piquent leurs proies pour les paralyser, tels que les méduses, les hydres ou les coraux. Les fossiles retrouvés dans les terrains calcaires du paléozoïque (ère primaire) attestent l'existence de récifs coralliens à cette époque, en Amérique du Nord, en Russie, en Scandinavie et en Angleterre, notamment.
D'origine fort ancienne, les coraux ont peu évolué au cours des âges. Leurs organes sont disposés symétriquement par rapport à un axe ou à un plan central autour duquel leur corps est lui-même constitué. Fixés par leur squelette au rocher ou posés sur le fond marin, ils sont généralement incapables de se déplacer par leurs propres moyens et déploient autour d'eux leur frange de tentacules.
À l'origine, les coraux primitifs sont le plus souvent solitaires. Très tôt cependant, au cours de l'ère primaire (il y a entre 670 et 250 millions d'années), ils sont de plus en plus nombreux à former des colonies et à construire des récifs. On distingue alors les tabulés, aujourd'hui disparus, des tétracoralliaires. Les coraux durs actuels, qui forment l'ordre des scléractiniaires, apparaissent dès le début de l'ère secondaire. Il est très difficile d'établir le lien entre les coraux du primaire et les scléractiniaires du secondaire (de - 250 à - 65 millions d'années), car les rares vestiges de terrains marins de cette époque charnière de la fin du primaire ont été décapés par l'érosion ou broyés par des mouvements tectoniques.
Au moins 400 genres et 4 000 espèces de coraux peuplaient les mers du tertiaire, mais les glaciations du début du quaternaire et la dégradation générale du climat ont entraîné de nombreuses disparitions. On estime qu'il existe actuellement dans le monde 800 espèces de coraux et environ 200 genres.

6. LES CORAUX ET L'HOMME
Par sa méconnaissance de la fragilité de l'équilibre écologique des récifs coralliens, l'homme a provoqué, depuis le xixe siècle, la dégradation, puis la disparition de nombreux récifs.

6.1. LA PÊCHE SUR LES RÉCIFS EN OCÉANIE
Une foule d'espèces végétales et animales utilisent l'environnement créé par les coraux ; l'homme n'étant que le dernier maillon d'une longue chaîne alimentaire qui commence avec le zooplancton, nourriture des coraux.
L'un des groupes d'animaux récifaux les plus abondants et les plus importants économiquement sont les poissons, nombreux, variés, souvent comestibles. Ils ont donné lieu à l'invention de techniques de pêche spécialisées. Ainsi, les Alifuriens, population de pêcheurs des îles Maldives, emploient les restes de la pêche précédente pour attraper des crabes qu'ils écrasent. Avec cette bouillie, ils appâtent des carrelets, ces grands filets carrés, dans lesquels ils capturent des poissons de petite taille, conservés vivants dans le fond des barques. Ces poissons jetés par poignées sur le banc corallien attirent les bonites que les hommes pèchent avec une ligne munie d'un simple crochet galvanisé.
Sur les bancs de coraux, d'autres pratiquent la pêche avec des harpons de bois, l'eau limpide leur offrant une parfaite visibilité. Dans de nombreuses îles, comme à Wallis-et-Futuna, au nord-est des Fidji, sans les récifs, les populations de pêcheurs seraient privées de ressources alimentaires et leur survie deviendrait impossible.

6.2. DIVERSES UTILISATIONS DU CORAIL
Le corail fait partie intégrante de la vie quotidienne et spirituelle des populations vivant près des récifs et a donné naissance à de nombreux rites. Ainsi, aux îles Samoa, dans la maison du chef, le sol est souvent en corail pilé. On le recouvre ensuite de petits cailloux et de nattes. En Océanie, lors des rites d'initiation, dans les îles de la Société, il faut marcher pieds nus sur des squelettes de corail rougis au feu.
Les pêcheurs plongent et récoltent des colonies de coraux qui sont ensuite vendues brutes ou travaillées en bijoux.
L'arrivée des Occidentaux dans ces régions a transformé l'activité artisanale locale en activité industrielle. Rien n'est négligé pour exploiter à fond les récifs coralliens. Ils sont brisés, à coups d'explosifs notamment, pour alimenter un commerce fort lucratif.
Un débouché beaucoup plus intéressant réside dans l'utilisation chirurgicale du squelette de corail réduit en poudre. Il a en effet été démontré que cette poudre est tout à fait compatible avec les os humains et peut ressouder des os fracturés sans qu'il y ait rejet.

6.3. FLUORESCENCE DES RÉCIFS
Dans la mer Rouge, l'océan Indien et le Pacifique tropical, les récifs couvrent encore aujourd'hui des surfaces considérables.
Émettant en permanence certaines radiations, les coraux de récifs sont visibles dans l'obscurité. Dans les zones les plus superficielles du récif, le corail bloque ainsi les radiations ultraviolettes transformant leur longueur d'onde pour les rendre utilisables par leurs algues symbiotiques. Dans les zones peu éclairées, la fluorescence change les radiations bleues, les seules à subsister en profondeur, en radiations rouges, là aussi pour la photosynthèse.

6.4. LA GRANDE BARRIÈRE DE CORAIL AUSTRALIENNE
La Grande Barrière, qui s'étire sur plus de 2 000 km au large de la côte nord-est de l'Australie, est le plus long complexe corallien du monde et l'une des merveilles naturelles du monde. Elle ne forme pas une muraille continue, mais consiste en une collection de récifs-barrières, de récifs frangeants et d'atolls. Ce paradis tropical, habité par des milliers d'espèces, aurait environ 500 000 ans d'âge. Il est malheureusement menacé aujourd'hui dans son existence même par toutes sortes de pollutions et par l'exploitation touristique intense dont il est l'objet.

6.5. DES RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET ÉCONOMIQUES INTENSIVES
Jusqu'au xviiie siècle, les coraux solitaires étaient inconnus et les coraux récifaux connus des seuls navigateurs à cause des dangers qu'ils représentaient. Il semble bien que le capitaine James Cook (1728-1779)  soit l'un des premiers Occidentaux à avoir découvert les récifs de l'océan indo-pacifique, qu'il décrit avec minutie dans son journal de bord. Ce n'est qu'à la fin du xviiie siècle que ces organismes commencent à intéresser les naturalistes.
En 1801, Lamarck publie son Système des animaux sans vertèbres, dans lequel il traite des coraux fossiles et actuels. Mais les études écologiques sur les récifs ne commencent qu'au xxe siècle. En 1928, sous la direction de Charles Maurice Yonge, a lieu la première expédition pluridisciplinaire sur la Grande Barrière d'Australie. Et, en 1969, sont organisés les premiers symposiums internationaux sur les récifs coralliens. La mer Rouge et l'océan Indien ont été notamment explorés par le commandant Jacques-Yves Cousteau, à bord de la Calypso, les récifs de Madagascar par les chercheurs français de la station marine d'Endoume (Marseille), qui ont créé la station marine de Tuléar. L'O.R.S.T.O.M. (Office de la recherche scientifique outre-mer ; devenu en 1998 l'IRD, Institut de recherche pour le développement) développe son laboratoire de Nossi-Bé, au nord-ouest de Madagascar. La Nouvelle-Calédonie et les îles Loyauté sont explorées grâce au financement de la Fondation Singer-Polignac, puis dans le cadre d'une convention O.R.S.T.O.M.-C.N.R.S. La Polynésie française est étudiée par l'École pratique des hautes études et le Muséum national d'histoire naturelle.
Aujourd'hui, la recherche se poursuit dans toutes les régions du monde abritant des récifs coralliens. L'ensemble de la communauté internationale a pris conscience de la richesse des récifs coralliens, et des nombreuses menaces qui pèsent sur elles.
Dans un autre domaine, des recherches sont actuellement en cours pour déterminer ce qui compose le sous-sol des récifs coralliens fossiles. Ceux-ci affleurent parfois la surface, comme ceux existant au large de l'Inde. Ils sont riches en matières organiques et pourraient recéler du pétrole.

6.6. LE CORAIL ROUGE
C'est au corail rouge (Corallium rubrum), qui n'est pas un corail vrai, que les coraux doivent leur nom, car il est le premier à avoir été découvert. Dans l'Antiquité, les Anciens le regardent comme une pierre précieuse et lui attribuent de merveilleuses vertus. Les Romains le portent en amulettes. Cet ornement réputé agréable aux dieux est attaché en collier au cou des nouveau-nés pour les préserver des maladies contagieuses. Le corail rouge entre dans la composition de diverses préparations destinées à conjurer le malheur. Pour les Gaulois, qui en décorent leurs casques et boucliers, le corail rouge broyé et mélangé à de l'eau ou du vin est un remède miracle.

Le corail provient actuellement des côtes occidentales de la Méditerranée, du golfe de Biscaye, des Canaries, de Malaisie, du Japon, d'Australie et des îles Hawaï. Le grand centre européen de diffusion se trouve en Italie, à Torre del Greco, dans la région de Naples. Le corail est travaillé à la scie, au couteau, à la lime, au foret. Aujourd'hui, il est rarement facetté comme autrefois, mais taillé en cabochon et sculpté en objets d'art. Mais sa rareté a fait monter les prix à des hauteurs vertigineuses. C'est pourquoi il est de plus en plus souvent remplacé par du plastique rouge, du verre coloré, de la corne, du corozo (noix d'un palmier d'Amérique tropicale), du gypse, du marbre pulvérisé coloré par du cinabre ou du rouge de plomb, et aggloméré par de la colle de poisson. Souvent, il est réduit en poudre qu'on lie ensuite avec de la résine.
En France, le corail rouge est récolté en plongée autonome. Les autres techniques, qui consistent à racler les fonds à l'aide de barres ou de poutres attachées à des bateaux (comme la technique dite de la croix de Saint-André), provoquant des dégâts considérables sur les écosystèmes, sont interdites (de même que dans de nombreux autres pays).
Le corail rouge est fertile à petite taille (2 à 3 cm à peine), mais sa croissance est très lente. Pour cette raison, la surpêche entrave son renouvellement ; sur certains sites trop exploités, il a totalement disparu. Cependant, le corail rouge n'est pas une espèce menacée, mais ses stocks doivent être gérés.

6.7. CORAUX EN AQUARIUM
Les coraux sont des organismes difficiles à maintenir en milieu artificiel. Pour survivre, il leur faut des conditions, notamment de salinité et de luminosité, très précises. Pendant longtemps, il était impossible de les élever. Ce n'est que dans les années 1980, à la faculté des Sciences de l'université de Nice, qu'un Français, M. Jaubert, découvre le premier procédé permettant de faire vivre et croître les coraux en aquarium ; en 1989, il recrée le premier massif corallien grandeur nature (qui prospère encore aujourd'hui), dans un aquarium de 40 000 litres au Musée océanographique de Monaco.
D'autres techniques ont depuis été mises au point et, aujourd'hui, plus de 150 espèces de coraux durs (scléractiniaires) peuvent être maintenues en aquarium. Il est aussi possible de reproduire les colonies de façon asexuée. Des chercheurs sont également parvenus à reproduire certaines espèces de façon sexuée.
L'amélioration des techniques devrait permettre, dans un futur proche, la reproduction de nombreux coraux en aquarium, ce qui permettra de limiter les prélèvements dans la nature.

6.8. LES CORAUX EN DANGER
Certains coraux croissent en hauteur de 30 à 50 mm par an et d'autres de 10 à 30 mm seulement, lorsqu'ils vivent dans de bonnes conditions. Avec l'augmentation du tourisme, ces animaux, très sensibles à la pollution, sont, depuis quelques années, menacés.
L'accroissement des littoraux (routes, remblais…), la construction de complexes hôteliers polluants, la présence de plongeurs et de touristes non informés qui piétinent et détruisent les coraux par inadvertance s'ajoutent à l'exploitation industrielle des récifs pour menacer leur survie. Les marées noires sont également fatales au corail si le pétrole se dépose sur ses polypes. La déforestation constitue elle aussi, de façon indirecte, une menace : laissant les sols à nus, elle provoque une érosion qui entraîne le dépôt de sédiments sur les récifs, rendant les eaux troubles et diminuant la luminosité.

Autre danger, et non des moindres : le réchauffement climatique. En effet, l'augmentation de la température globale des eaux affecte de nombreuses espèces de coraux récifaux, qui ne peuvent vivre que dans des fourchettes de température très précises. Des eaux de température légèrement trop élevées provoquent la mort des algues symbiotiques des coraux (les zooxanthelles), entraînant un phénomène connu sous le nom de blanchiment corallien. Si la situation se poursuit, la portion de récif touchée finit par mourir. Selon le P.N.U.E. (Programme des Nations unies pour l'environnement), un tiers des coraux auraient déjà disparu à cause du réchauffement des eaux tropicales.
Il est difficile de prévoir avec précision l'avenir des récifs coralliens, mais quelque 10 % des récifs mondiaux pourraient d'ores et déjà être condamnés, et 30 % menacés de façon sérieuse. Les conséquences écologiques globales de la disparition complète de la surface du globe des récifs coralliens, qui comptent parmi les écosystèmes les plus riches de la planète, sont inconnues, mais pourraient être dramatiques.

 

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