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DE LA TERRE À NEPTUNE

 

De la Terre à Neptune : le grand voyage
L’essor de la planétologie en France, 1960-2010
Thérèse Encrenaz

L’observation des planètes est à l’origine de l’astronomie. Elle a connu un véritable essor au XVIIe siècle, avec l’apparition des premiers instruments et des grands observatoires. Puis, avec l’apparition de la spectroscopie, l’exploration des étoiles et des galaxies s’est développée à son tour, notamment dans la première moitié du XXe siècle, et l’intérêt des astronomes pour les planètes est passé momentanément au second plan.
The observation of planets goes back to Antiquity. It strongly developed in the 17th century with the emergence of the first refractors and telescopes. Since the 1950s, the study of solar-system objects has known a new revolution, with the development of space planetary exploration. A new image of the solar system has emerged, with the in situ observations of planets and comets, and the discovery of a new class of objects beyond Neptune’s orbit. The French scientific community has played a significant role in this adventure, thanks in particular to its organization within CNRS and CNES.
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Indexation
Mots-clés :Observatoire, astronomie, astrophysique, planétologie, Terre, MArs, Neptune, Lune, observation, planète, étoile

Plan
L’avènement de l’ère spatiale
L’observation depuis le sol et l’orbite terrestre
L’étude de la matière extraterrestre et la cosmochimie
L’essor de la simulation numérique
Planétologie, la nouvelle vague

Texte intégral





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Que savons-nous du système solaire à la fin des années cinquante ? Toutes les planètes, telluriques et géantes, sont connues, ainsi que leurs satellites les plus gros, observables depuis la Terre. Saturne est la seule planète dont le système d’anneaux soit connu. Pluton, qualifiée de planète singulière, intrigue, mais la ceinture de Kuiper n’est pas encore identifiée. On sait peu de chose des atmosphères planétaires, en dehors de leur composition chimique globale – gaz carbonique pour Vénus et Mars, hydrogène et hélium pour les géantes. On ignore tout de l’atmosphère profonde et de la surface de Vénus et de Titan, dissimulées sous les nuages. Dans un livre d’astronomie de 1964, les zones sombres de Mars sont encore attribuées à la croissance d’algues tallophytes... Quant au scénario de formation du système solaire, il reste mal compris. Si le concept de «  nébuleuse primitive » intuitivement avancé par Kant et Laplace au XVIIIe siècle continue de prévaloir, il manque de démonstration physique et soulève encore bien des questions : pourquoi le Soleil tourne-t-il si lentement ? Comment a-t-il transféré son moment angulaire aux planètes ? Le Soleil et les planètes se sont-ils formés simultanément ? Les planètes géantes se sont-elles formées par effondrement gravitationnel, comme les étoiles, ou par accrétion de particules solides à la manière des planètes telluriques ? Cinquante années plus tard, notre vision du système solaire a connu un véritable bouleversement. D’une part, l’exploration spatiale des planètes et de leur environnement nous a permis d’en comprendre les caractéristiques physicochimiques ; elle a aussi mis en avant l’incroyable diversité des planètes, des satellites et des systèmes d’anneaux. D’autre part, l’utilisation de télescopes de plus en plus grands, couplés à des instruments – caméras et spectromètres – toujours plus performants, nous a fait découvrir une nouvelle classe d’objets, les objets trans-neptuniens (ou TNOs) qui peuplent la ceinture de Kuiper, au-delà de l’orbite de Neptune. Nous savons aujourd’hui que Pluton, découvert en 1930, n’est que l’un des plus gros représentants de cette nouvelle classe d’objets. En parallèle, l’observation des étoiles jeunes qui nous entourent et l’étude de leurs disques protoplanétaires et la découverte, depuis une douzaine d’années, d’exoplanètes en orbite autour d’étoiles de type solaire, ont sensiblement modifié notre vision de notre propre environnement. Le système solaire reste certes atypique, parmi les autres systèmes découverts, mais il n’est pas unique ; le mode de formation des planètes par accrétion de matière solaire au sein d’un disque protoplanétaire semble être un processus largement répandu dans l’Univers. En parallèle, le développement de la simulation numérique a permis de modéliser les grandes étapes de la formation planétaire et d’en comprendre les principaux mécanismes.
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Avons-nous tout découvert des planètes qui nous entourent ? Certes non. Les missions spatiales qui se sont succédé vers Vénus, les planètes géantes et surtout vers Mars, ont multiplié les découvertes mais aussi les questions. L’eau liquide a-t-elle séjourné à la surface de la planète Mars dans le passé, suffisamment longtemps pour que l’on puisse imaginer que la vie ait pu y apparaître ? Pouvons-nous espérer trouver sur Mars des traces de vie fossile ? Existe-t-il un volcanisme actif sur Vénus aujourd’hui ? Comment l’eau s’est-elle échappée de Vénus ? Pourquoi les planètes géantes sont-elles si différentes, ainsi que leurs satellites et leur système d’anneaux ? Peut-on considérer l’atmosphère de Titan comme un laboratoire de chimie prébiotique ? Pourquoi Triton, satellite de Neptune, ressemble-t-il plus à un TNO qu’aux autres satellites extérieurs ? Ces quelques questions ne font qu’illustrer l’étendue des problèmes ouverts, auxquels les missions planétaires du futur s’efforceront de répondre.
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Cet article a pour but de tenter de retracer l’histoire du développement de la planétologie au cours des dernières décennies, au niveau international mais aussi sur le plan national, en faisant apparaître la contribution des équipes françaises quand celle-ci s’est avérée significative. On verra que si les premiers développements sont apparus aux États-Unis et en Union soviétique, l’Europe n’a pas tardé à s’affirmer en tant que puissance spatiale, et que les chercheurs français, avec l’appui du Cnes et du CNRS, ont souvent joué un rôle très actif dans le domaine de l’observation et de l’instrumentation spatiale, mais aussi dans celui de la théorie et de la simulation numérique. On se limitera dans cet article à la planétologie au sens strict du terme, c’est-à-dire à l’étude des objets du système solaire. Il faut toutefois mentionner l’interaction croissante, naturelle et nécessaire, entre la planétologie et l’étude des systèmes stellaires et planétaires, en pleine émergence suite à la découverte, depuis une douzaine d’années, de planètes extrasolaires toujours plus nombreuses.
L’avènement de l’ère spatiale
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Suite au défi lancé en 1957 par l’Union soviétique avec le lancement du premier Spoutnik, les États-Unis se lancent à la conquête de l’espace avec pour objectif l’homme sur la Lune ; ils y parviennent avec Apollo 11 le 20 juillet 1969. Le retour d’échantillons lunaires (également rapportés par des engins robotisés soviétiques) marque une étape décisive dans notre compréhension de l’histoire du système solaire : leur analyse en laboratoire, complétée par celle des météorites, va permettre d’en déterminer précisément la datation : 4,55 milliards d’années ; elle va aussi permettre de préciser l’origine de la Lune par impact géant et de déterminer la composition du vent solaire, un élément critique pour comprendre la formation du système solaire. La communauté française est parmi les plus impliquées en Europe pour l’analyse des échantillons lunaires. Simultanément, la Nasa s’engage dans l’exploration robotisée de Mars. La route est jalonnée d’échecs, mais connaît en 1975 un triomphe avec la mission Viking, constituée de deux orbiteurs et de deux modules de descente. Si le premier objectif – la recherche d’une vie sur Mars – n’est pas atteint, le bilan scientifique est impressionnant : la base de données de Viking fait encore référence aujourd’hui. La contribution française est alors inexistante, et va rester très limitée dans les missions américaines qui vont suivre. Quelques chercheurs français seront impliqués à titre individuel dans les missions Voyager vers les planètes géantes et Galileo vers Jupiter. Pour les collaborations avec les États-Unis, la situation changera radicalement avec la mission Cassini, conçue et réalisée en partenariat entre la Nasa et l’Esa avec une très forte implication française.
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Dans les années 1960 et 1970, les chercheurs français regardent plutôt du côté de l’Union soviétique : les conditions politiques sont réunies pour une collaboration scientifique soutenue. En parallèle, ils exploitent les échantillons lunaires fournis par la Nasa et sont présents à titre individuel sur quelques missions américaines. La collaboration franco-soviétique porte d’abord sur l’exploration de Vénus, avec les sondes Venera, et plus encore sur l’exploration de la comète de Halley, en mars 1986, avec les sondes Vega. Au même moment l’Esa, la nouvelle agence spatiale européenne, envoie sa première mission planétaire, nommée Giotto, vers la comète. Les équipes françaises sont responsables de plusieurs instruments des sondes Vega et Giotto, et sont impliquées dans de nombreuses autres expériences. Le succès scientifique est considérable et connaît un énorme retentissement, tant scientifique que médiatique : première observation d’un noyau cométaire, identification des molécules du noyau (dont l’eau et le gaz carbonique), découverte de molécules organiques complexes, mise en évidence de l’analogie avec la matière interstellaire... L’exploration de Halley ouvre une nouvelle ère de la physique cométaire.
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Après le succès de Halley, les équipes françaises continuent la collaboration avec l’Union soviétique, puis avec la Russie, dans le cadre de l’exploration de Mars. La mission Phobos, lancée en 1988, connaît un demi-succès, mais Mars-96 se solde par un échec au décollage. Dès lors, l’exploration spatiale planétaire se fera, pour les chercheurs français, dans le cadre de l’Esa. Le succès de Giotto a ouvert la voie à un ambitieux programme d’exploration du système solaire. La mission Cassini, menée en collaboration avec la Nasa, est approuvée en 1988. Plusieurs missions purement européennes sont ensuite sélectionnées : Rosetta en 1993, Mars Express en 1997, Smart-1 en 1999, Bepi-Colombo en 2001, Venus Express en 2002. Rosetta, la mission la plus ambitieuse en termes d’investissement européen, a été lancée en 2004 et atteindra son objectif (une comète lointaine, Churyumov-Gerasimenko) en 2014 ; Smart-1 a exploré l’environnement lunaire entre 2003 et 2006, Bepi-Colombo a son lancement prévu en 2013. D’ores et déjà, trois succès se dégagent : Cassini, Mars Express et Venus Express.
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La mission Cassini a été initiée et conçue par quelques chercheurs, dont Toby Owen, de l’université de Hawaii, et Daniel Gautier, du Lesia à l’Observatoire de Paris. Cette mission, destinée à l’exploration du système de Saturne, est constituée d’un satellite, réalisé par la Nasa, en orbite autour de la planète, et d’un module de descente, Huygens, réalisé par l’Esa, destiné à se poser à la surface de Titan. Lancée le 15 octobre 1997, la mission s’approche de Saturne en juillet 2004 et la sonde Huygens touche la surface de Titan le 14 janvier 2005 : la mission est un plein succès. Les laboratoires français (notamment au Lesia, au Service d’aéronomie à Verrières et au Lisa à Créteil) y ont joué un rôle prépondérant, avec la fourniture d’instruments et de sous-systèmes pour un grand nombre d’expériences de l’orbiteur et de la sonde Huygens.
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Les missions Mars Express et Venus Express sont, quant à elles, réalisées dans un contexte purement européen. La mission Mars Express, lancée en 2003, utilise de nombreux sous-systèmes dérivés de ceux de Rosetta. La charge utile est constituée en grande partie de modèles de rechange de Mars- 96, le principal instrument entièrement nouveau étant le radar de sondage Marsis (Italie/USA). Il s’agit donc pour l’Europe d’une mission peu coûteuse, mais dont les retombées scientifiques vont être spectaculaires. Les équipes françaises sont très présentes, avec en particulier la responsabilité de deux spectromètres fonctionnant l’un dans l’ultraviolet (Spicam, sous la responsabilité du service d’aéronomie) et l’autre dans l’infrarouge (Omega, sous la responsabilité de l’IAS à Orsay). Parmi les résultats les plus marquants, il faut citer la découverte par Omega de matériaux hydratés (argiles, sulfates...) à la surface de Mars, qui a ouvert de nouvelles perspectives sur l’histoire de l’eau et les possibilités d’apparition de la vie sur Mars.
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Enfin, le succès le plus récent de l’Esa, Venus Express est aussi une mission réalisée à peu de frais dans des délais très courts. Elle utilise comme véhicule le modèle de rechange de Mars Express et la plupart des instruments sont dérivés de ceux de Mars-96, Mars Express et Rosetta. Lancée à l’automne 2005, Venus Express s’est mise en orbite autour de Vénus en avril 2006, et a entrepris d’étudier la dynamique de son atmosphère. Là aussi, les équipes françaises sont très présentes, avec en particulier la responsabilité des spectromètres ultraviolet (Spicav, au Service d’aéronomie) et infrarouge (Virtis, au Lesia), ce dernier en partenariat avec l’Italie.
L’observation depuis le sol et l’orbite terrestre
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Depuis des siècles, notre connaissance des objets du système solaire s’est construite à partir d’observations faites depuis la Terre, utilisant d’abord l’œil de l’astronome, puis les lunettes et les télescopes. L’avènement de la recherche spatiale ne rend pas ces moyens caduques, bien au contraire. Les télescopes et leurs instruments, de plus en plus performants, restent complémentaires des sondes spatiales pour une raison bien simple : l’utilisation de nouvelles technologies se traduit souvent par une instrumentation lourde et complexe, alors que les instruments embarqués à bord de sondes spatiales doivent être simples, légers et fiables.
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À côté de l’exploration spatiale, les observations télescopiques se sont avérées essentielles pour plusieurs domaines-clés de l’étude du système solaire. Le premier est celui de l’astrométrie. La recherche systématique de petits corps dans le plan de l’écliptique a permis la découverte, par deux chercheurs de l’université d’Hawaii, David Jewitt et Jane Luu, des premiers objets trans-neptuniens. De nombreux autres objets furent ensuite découverts ; on en connaît aujourd’hui plus d’un millier. Si les chercheurs français n’étaient pas au départ associés à ces découvertes, certaines équipes ont pu ensuite prendre en charge la caractérisation spectrophotométrique des TNOs, dans la perspective d’une identification de leur composition de surface, en tirant parti des télescopes et des instruments de l’ESO (European Southern Observatory) au Chili. Une autre utilisation fructueuse des télescopes, menée à bien par des équipes françaises, est l’observation des objets du système solaire par transit lors d’occultations stellaires ; c’est ainsi, en particulier, que les anneaux de Neptune (alors baptisés « arcs » en raison de leurs inhomogénéités) ont été découverts par des équipes du CEA à Saclay et du Lesia à l’Observatoire de Paris.
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Un autre domaine dans lequel les équipes françaises se sont illustrées est celui de l’optique adaptative. Cette technique, dont le but est de corriger les déformations des images astronomiques dues à l’atmosphère terrestre au moyen d’un miroir déformable asservi, a été d’abord mise au point dans des laboratoires français, en particulier au Lesia. Elle a connu de nombreuses applications dans le domaine de l’observation planétaire, en particulier pour l’observation des astéroïdes et pour l’étude de l’atmosphère et de la surface de Titan. Enfin, autre domaine de prédilection des équipes françaises, l’observation des planètes et des comètes dans le domaine millimétrique, en particulier à l’Iram, a permis de nombreuses découvertes. On peut citer à titre d’exemple la détection de nombreuses molécules créées par chimie de choc lors de la collision de la comète Shoemaker-Levy avec Jupiter en juillet 1994, et la découverte d’une vingtaine de molécules dans la comète Hale-Bopp en 1997.
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Entre les observations depuis le sol et les missions spatiales planétaires dédiées, il reste une classe de moyens précieux pour les astronomes comme pour les planétologues : il s’agit des observatoires spatiaux en orbite terrestre. Les plus importants pour l’étude du système solaire ont été l’IUE (International Ultraviolet Explorer) dans les années 1980-90, puis le télescope spatial Hubble (HST), lancé par la Nasa en 1989 et toujours en opération, et enfin le satellite Iso (Infrared Space Observatory), lancé par l’Esa en 1995 et en opération jusqu’en 1998. Les laboratoires français ont été particulièrement impliqués dans la fourniture d’instruments et l’exploitation des données du satellite Iso, en particulier pour l’étude des planètes géantes, de Titan, et des comètes (dont la comète Hale-Bopp, visible pendant la durée de vie du satellite).
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Dans la foulée de Iso, la Nasa a lancé le satellite Spitzer, actuellement en opération, mais la participation française y est très mineure. En revanche, les planétologues français attendent beaucoup du lancement par l’Esa du satellite sub-millimétrique Herschel (2008). Un programme clé de cette mission sera consacré à l’étude de l’eau dans le système solaire (Mars, planète géantes et comètes).
L’étude de la matière extraterrestre et la cosmochimie
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Depuis plusieurs décennies, les spécialistes de géochimie savaient dater les roches terrestres et les météorites par l’analyse des désintégrations radioactives. En utilisant des éléments ayant des périodes de désintégration très longues (plusieurs milliards d’années), ils avaient réussi à dater les échantillons les plus anciens à environ 4,5 milliards d’années. L’analyse des échantillons lunaires, à partir des années 1970, a permis de montrer que la Lune, comme la Terre et les corps parents des météorites, se sont condensés simultanément, à dix millions d’années près, il y a 4,55 milliards d’années.
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Au même moment, l’amélioration des techniques d’analyse a permis l’étude d’échantillons de très petite masse, inclusions réfractaires contenues dans des météorites de type primitif, les chondrites carbonées. Ces mesures ont mis en évidence des anomalies isotopiques, en particulier dans l’oxygène, témoignant de la présence, au sein de la nébuleuse solaire primitive, de matériau de composition différente. Celui-ci pourrait s’être formé dans un autre environnement stellaire, avec une histoire nucléosynthétique différente, ou pourrait avoir subi, au sein de la nébuleuse solaire, l’irradiation par le Soleil jeune.
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Si l’analyse de la matière extraterrestre est d’abord menée aux États-Unis, où sont conservés la plupart des échantillons lunaires, plusieurs laboratoires français sont très impliqués dans cette recherche et y occupent une position de pointe. C’est le cas notamment de l’IPG à Paris et à Lyon, du CRPG à Nancy, du Museum d’histoire naturelle à Paris et du CSNSM à Orsay. Les équipes françaises se sont en particulier spécialisées dans la collecte de micrométéorites en Antarctique, où elles sont particulièrement bien préservées des risques de pollution. Les corps parents présumés des micrométéorites sont sans doute les comètes.
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Des poussières cométaires ont également été collectées dans la stratosphère terrestre, et plus récemment par la mission spatiale américaine Stardust. L’analyse de la matière extraterrestre est appelée à de nouveaux développements dans les l’étude, de missions spatiales incluant des retours d’échantillons de Mars, d’astéroïdes, de comètes et de matière interstellaire.
L’essor de la simulation numérique
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L’avènement des gros ordinateurs, cumulant une puissance de calcul et une capacité de mémoire toujours plus élevées, ont permis la résolution du problème à N corps par simulation numérique, avec des conséquences fondamentales pour les scénarios de formation planétaire. À partir d’un choix de conditions initiales, il est aujourd’hui possible de suivre l’évolution des orbites des planètes telluriques, des planètes géantes, des familles d’astéroïdes et des objets transneptuniens ; ces calculs s’appliquent aussi naturellement à l’étude des systèmes multiples d’exoplanètes récemment détectés. Deux groupes français sont particulièrement actifs et reconnus dans ce domaine, celui de l’IMCCE à Paris et celui de l’observatoire de la Côte d’Azur à Nice. Un résultat particulièrement spectaculaire de ces travaux est la mise en évidence et l’explication du phénomène de bombardement tardif massif (late heavy bombardment) observé à partir des taux de cratères mesurés à la surface des objets dénués d’atmosphère. Cet événement, daté à environ 800 millions d’années après la formation des planètes, trouverait son explication dans la migration lente des planètes géantes, Jupiter se déplaçant vers l’intérieur et les autres vers l’extérieur. Il serait intervenu au moment du passage à la résonance 2:1 du couple Jupiter/Saturne, se traduisant par l’augmentation brutale de l’excentricité d’un grand nombre de petits corps et l’accroissement simultané du taux d’impacts météoritiques.
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D’autres domaines de recherche liés à la formation du système solaire ont bénéficié de progrès théoriques notoires, aussi réalisés par les astrophysiciens pour la modélisation des scénarios de formation stellaire et de disques protoplanétaires : c’est le cas en particulier de la prise en compte du champ magnétique de l’étoile centrale et du rôle de la turbulence au sein du disque.
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Plus près de nous, les modèles de dynamique des objets du système solaire ont permis de retracer l’histoire des paléoclimats des planètes telluriques sur les derniers millions d’années. L’équipe de l’IMCCE a ainsi pu retracer l’histoire de l’obliquité de Mars qui a fortement varié au cours du passé récent de la planète. Le couplage de ce travail avec les modèles climatiques développés au Laboratoire de météorologie dynamique de Paris a permis d’identifier les régions où des glaciers avaient été présents à basse latitude ; les images de Mars Express ont apporté une confirmation spectaculaire à ce résultat.
Planétologie, la nouvelle vague
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Quels sont les facteurs qui ont permis l’essor de la planétologie en France ? On peut en identifier plusieurs : le rôle structurant de la recherche spatiale et celui du CNRS ; un couplage accru entre l’observation et la théorie et l’usage de la simulation numérique ; un couplage renforcé avec les recherches relatives à l’observation de la Terre, avec l’émergence d’un nouveau concept, celui de planétologie comparative ; enfin, une interaction forte avec les astrophysiciens, qui s’est encore développée avec la découverte des exoplanètes. La planétologie en France apparaît comme un exemple de recherche pluridisciplinaire particulièrement fructueuse.
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Dès les années 1970, le Centre national d’études spatiales a mis sur pied des groupes thématiques où se sont côtoyés les planétologues de différentes disciplines dans la perspective d’une participation aux missions spatiales de l’Union soviétique, de la Nasa et de l’Esa. Un tel effort de concertation, de la part de la communauté de planétologie, était essentiel au succès des expériences proposées, et a fortement contribué à la structuration de la discipline en France. En 1973, la DGRST (Délégation générale à la recherche scientifique et technique) a mis en place une action concertée « Planétologie », destinée en particulier à accompagner la montée en puissance des équipes françaises sur l’exploitation scientifique des échantillons lunaires. En 1979, le CNRS a pris le relais en créant une ATP (action thématique sur programme) « Planétologie », qui s’est étoffée en 1991 pour devenir le Programme national de planétologie (PNP). De ces structurations sont nées de fortes interactions entre instrumentalistes, observateurs, modélisateurs, théoriciens et physiciens de laboratoire. Au LMD, les interactions entre les planétologues et les spécialistes de l’atmosphère terrestre ont permis l’extension des modèles climatiques terrestres aux planètes telluriques et aux satellites extérieurs. La collaboration avec les géophysiciens du globe a permis, notamment au Laboratoire de planétologie et de géodynamique (LPG) de Nantes, le développement de modèles de structure interne pour les mêmes objets. La très grande diversité de données acquises récemment par les sondes spatiales planétaires, accessibles à l’ensemble de la communauté française a entraîné une forte motivation des jeunes chercheurs pour ce domaine de recherche et une explosion des compétences favorisée par l’interaction croissante entre les disciplines connexes.
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Quel est le futur de la planétologie, en France et à l’étranger ? À court terme, l’exploitation des missions en cours – Cassini, Mars Express et Venus Express – devrait se poursuivre au-delà de 2010. La mission Rosetta fournira ses premiers résultats avec le survol de deux astéroïdes, Steins en 2008 et Lutetia en 2010. Deux ambitieuses missions sont en préparation à l’Esa, avec un lancement prévu en 2013 : Bepi Colombo vers Mercure et ExoMars vers Mars.
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Plus que jamais, l’insertion dans les programmes internationaux est une condition nécessaire de succès. L’expérience acquise par les équipes françaises les met en bonne position pour conserver une position de pointe. À titre d’exemple, on peut mentionner que sur les cinq missions relatives au système solaire présélectionnées par l’Esa dans le cadre de son programme scientifique « Cosmic Vision », trois ont pour responsables scientifiques des chercheurs français : les missions Laplace et TandEM, vers Jupiter et Saturne respectivement, et la mission Marco Polo vers un géocroiseur. La décennie 2010 verra aussi l’exploration de la comète Churyumov-Gerasimenko par Rosetta, celle de Mercure par Bepi-Colombo et celle de Mars par ExoMars, avec à plus long terme la perspective d’un retour d’échantillon martien. Dans le futur, on peut prévoir que les grands programmes d’exploration planétaire se feront naturellement dans le cadre de l’Esa avec l’appui d’autres participations internationales, à commencer par celle de la Nasa mais aussi celles d’autres puissances spatiales émergentes comme le Japon, la Chine, l’Inde ou le Brésil.
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Enfin, depuis une douzaine d’années, la découverte d’exoplanètes autour d’étoiles de type solaire a entraîné la multiplication des contacts entre planétologues et astrophysiciens, avec le développement d’outils communs pour l’étude de la structure atmosphérique des exoplanètes, de leur structure interne ou leurs caractéristiques orbitales. La prochaine décennie sera sans doute celle de la découverte des premières « exoterres » : pour prendre le relais des recherches de transits planétaires menées par la mission française Corot, en orbite depuis décembre 2006, et des programmes systématiques de mesures de vitesses radiales menés depuis le sol, en particulier à l’ESO et à l’OHP, d’autres programmes d’observation, au sol et dans l’espace, continueront de traquer les exoplanètes « habitables ». De plus en plus, la planétologie s’inscrit dans le contexte plus général de la physique des systèmes stellaires et planétaires : le système solaire n’est qu’un système stellaire particulier que nous avons la chance de pouvoir étudier de près...
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Remerciements : l’auteur remercie Y. Langevin, A. Morbidelli, F. Rocard, B. Bourdon et P. Chauvin pour avoir relu et commenté cet article.

Pour citer cet article
Référence électronique
Thérèse Encrenaz, « De la Terre à Neptune : le grand voyage », La revue pour l’histoire du CNRS [En ligne], 23 | 2008, mis en ligne le 03 janvier 2011, consulté le 16 mai 2015. URL : http://histoire-cnrs.revues.org/8643
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Auteur
Thérèse Encrenaz
Thérèse Encrenaz est directrice de recherche au CNRS au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Lesia), Observatoire de Paris.

 

 DOCUMENT     histoire-cnrs.revues.org   LIEN

 
 
 
 

LA CONQUÊTE DE L'ESPACE

 

De Spoutnik autour de la Terre à Phoenix sur Mars


4  octobre 1957 : Spoutnik 1
Le petit satellite soviétique Spoutnik 1 devient le premier objet satellisé par l'Homme.


3 novembre 1957: Laïka
La chienne russe Laïka premier animal vivant à être envoyé dans l'espace, meurt au bout de quelques heures à bord de Spoutnik-2.


1er février 1958 : Explorer 1
Les États-Unis lancent leur premier satellite, Explorer 1.


1er octobre 1958 : Nasa
Création de la NASA, l'agence spatiale des États-Unis.


17 décembre : singes américains
Premier envoi américain de Singes dans l'espace, un rhésus appelé Able, né en Amérique du Nord, et un saïmiri sud-américain nommé Baker.


4 janvier 1959 : survol de la Lune
La sonde soviétique Luna-1 effectue le premier survol de la Lune et devient la première « planète » artificielle.

14 septembre 1959 : échec de Luna-2
Conformément à sa mission, la sonde soviétique Luna-2 s'écrase sur le sol lunaire.


18 octobre 1959 : face cachée de la lune dévoilée
La sonde soviétique Luna-3 transmet les premières images de la face cachée de la Lune.


31 janvier 1961 : aller-retour d'un chimpanzé
Ham, premier chimpanzé et premier animal vivant envoyé par la NASA dans l'espace et récupéré vivant sur terre.
 


12 avril 1961 : Youri Gargarine
Premier Humain envoyé dans l'espace pour un vol orbital, le Russe Youri Gagarine.


5 mai 1961: Américain dans l'espace
Premier Américain dans l'espace, pour un vol suborbital, Alan Shepard.


25 mai 1961 : objectif Lune
Le président John Kennedy annonce qu'un américain posera le pied sur la Lune avant la fin de la décennie.


11 juillet 1962 : retransmission à la tété
Première transmission de télévision via un satellite (Telstar 1) entre les Etats-Unis (Andover) et la France (Pleumeur-Bodou).


12 septembre 1962 : discours de Kennedy
Discours « We choose to go to the Moon » du président américain John Kennedy.


14 décembre 1962 : Vénus
Premier survol d'une autre planète, Vénus, par la sonde américaine Mariner-2.
 


16 juin 1963 : première femme
Première femme dans l'espace, Valentina Terechkova.


18 mars 1965 : sortie dans l'espace
Première sortie dans l'espace par le soviétique Alexei Leonov à bord de la capsule Voskhod 2.


14 juillet 1965 : survol de Mars
Premier survol de Mars par la sonde américaine Mariner-4


26 novembre 1965 : Asterix
La France lance son premier satellite Astérix à partir d'une fusée Diamant


3 février 1966 : sonde sur la Lune
La sonde soviétique Luna 9 se pose en douceur sur le sol de la Lune.


31 mars 1966 : satellite artificiel
La sonde soviétique Luna 10 devient le premier satellite artificiel de la Lune.


21 juillet 1969 : premiers pas sur la lune
Premiers pas de l'Homme sur la Lune lors de la mission Apollo 11, effectués par Neil Armstrong et Buzz Aldrin.


19 avril 1971 : station habitée
Lancement de la première station spatiale habitée, Saliout-1 par l'Union soviétique.


3 décembre 1973 : Jupiter
Premier survol de Jupiter par la sonde américaine Pioneer 10.


29 mars 1974 : Mercure
Premier survol de Mercure par la sonde américaine Mariner-10.


31 mai 1975 : l'Europe
Création de l'ESA, l'agence spatiale européenne.


17 juillet 1975 : Apollo-Soyouz
Premier rendez-vous orbital américano-soviétique Apollo-Soyouz.


20 juillet 1976 : atterrissage sur Mars
La sonde américaine Viking-1 réussit le premier atterrissage opérationnel sur Mars.


1er septembre 1979 : Saturne
Premier survol de Saturne par la sonde américaine Pioneer 11.


24 décembre 1979 : Ariane
Lancement de la première fusée Ariane.


12 avril 1981 : Colombia
Premier décollage de la navette spatiale Columbia.


24 juin 1982 : Jean-Loup Chrétien
Deuxième européen (après l'allemand Sigmund Jähn, 1978) et premier français dans l'espace, Jean-Loup Chrétien.


24 janvier 1986 : Uranus
Premier survol d'Uranus par la sonde américaine Voyager-2 .


28 janvier 1986 : explosion de Challenger
Explosion de la navette spatiale américaine Challenger pendant son décollage.


13 mars 1986 : comète d'Halley
La sonde internationale Giotto survole à 596 Km la comète de Halley.


25 août 1989 : Neptune
Premier survol de Neptune par la sonde américaine Voyager-2.


25 avril 1990 : Hubble
Lancement du télescope spatial Hubble.


4 juin 1996 : explosion d'ArianeV
Explosion du lanceur européen Ariane-V lors de son vol inaugural.


4 juillet 1997 : robot sur Mars
La sonde Mars Pathfinder se pose sur Mars, libérant le robot mobile Sojourner.


20 novembre 1998 : station internationale
Le premier module de la station spatiale internationale (ISS) est mis en place.


24 octobre 2001 : Mars Odessey
Départ de Mars Odyssey de Cap Caraneval, en Floride, elle avait pour but de découvrir de l'eau sur mars équipé d'une caméra thermique.


19 février 2001 : fin de Mir
Destruction volontaire de la station Mir, qui est précipitée dans l'atmosphère et s'y consume.


28 avril 2001 : tourisme spatiale
Dennis Tito premier touriste de l'espace.

1er février 2003 : désintégration de Colombia
Désintégration de la navette spatiale Columbia lors de sa rentrée dans l'atmosphère.


15 octobre 2003 : la Chine
Premier vol habité dans l'espace de la Chine par Yang Liwei avec la capsule Shenzhou 5.


4 janvier 2004 : sonde sur Mars
La sonde de la NASA Spirit touche le sol de Mars .


24 janvier 2004 : Opportunity
La deuxième sonde de la NASA Opportunity se pose sur Mars.

14 janvier 2005 : Titan
La sonde européenne Huygens se pose sur Titan.


25 mai 2008 : Phoenix
La sonde américaine Phoenix se pose sur Mars.

 

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LA DIVERSITÉ IMMUNOLOGIQUE

 

Texte de la 429e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 8 juillet 2002


Jean-Claude Weill,« La diversité immunologique »


Notre système immunitaire possède plusieurs qualités qui lui confèrent son efficacité. Tout d'abord, il est spécifique, et peut donc nous protéger contre une infection précise. Il peut aussi s'améliorer dans le temps, ce qui est une des propriétés de la vaccination : quand il a rencontré un agent pathogène une première fois, l'organisme sait mieux se défendre les fois suivantes. De plus, il est doté d'une mémoire : après vaccination, les lymphocytes qui nous protègent le mieux vont être conservés dans l'organisme pendant vingt ou trente ans et cela sans que l'on sache encore comment. Enfin, à l'aide d'un système de filtrage, il distingue le soi et le non soi ce qui évite que le système immunitaire ne s'attaque à l'organisme et induise des pathologies très graves dites auto-immunes.
La compréhension des mécanismes de fonctionnement du système immunitaire passe tout d'abord par l'étude de ses différents acteurs cellulaires et moléculaires, et notamment les anticorps, les lymphocytes B, et T, les molécules du CMH et les macrophages.
L'histoire de l'immunologie commence en 430 av. J.-C. Thucydide, qui relate un épisode de peste à Athènes, écrit avec beaucoup d'intuition : « On se montrait plus compatissant avec les malades, une fois que l'on avait soi même réussi à surmonter l'épreuve, car tout en sachant par expérience ce qu'il en était, on se sentait à l'abri du danger. En effet le mal ne frappait pas deux fois un même homme ou du moins la rechute n'était pas mortelle. » Il décrit ainsi le principe de la vaccination : une fois que l'on a été infecté par l'agent pathogène, si l'on n'en meurt pas, on est protégé d'une nouvelle rencontre avec celui-ci. Il faudra attendre 2 000 ans pour que Edward Jenner, en 1796, un médecin anglais applique cette leçon de la peste au cas de la variole, dont les gens meurent à cette époque. Partant de l'observation que les bovins peuvent eux aussi attraper la variole, il prend un peu de germe de la variole bovine non infectieuse pour l'homme qu'il inocule à des patients, les protégeant ainsi de la variole humaine. L'acceptation de cette découverte par les médecins, à travers le monde, prendra encore 50 à 60 ans. Un siècle après, Louis Pasteur montre qu'il n'est pas nécessaire de prendre l'agent pathogène d'une autre souche, mais qu'il suffit de chauffer l'agent qui infecte l'humain, ce qui le rend moins virulent, donc incapable de provoquer la maladie mais apte à provoquer la vaccination. La question se pose alors, à cette époque, de savoir ce qui protège les individus contre les maladies : s'agit-il de cellules ou de molécules contenues dans le sang. Cette controverse oppose Louis Pasteur et Robert Koch.
Emil von Behring montre en 1890 que l'immunité peut être transmise par un sérum du sang ne contenant pas de cellules. Il appelle les molécules responsables de l'immunité des anticorps. En 1920, Karl Landsteiner, qui a découvert les groupes sanguins, montre que l'on peut obtenir des anticorps contre n'importe quelle substance. Le système immunitaire peut donc réagir contre tout ce qui lui est présenté. Cela pose le problème de savoir comment fait le système immunitaire pour ne pas reconnaître le soi.
L'ensemble de ces découvertes aboutit à l'oubli total de la théorie cellulaire, et ceci pendant 50 ans à partir de 1900, sans que soit pour autant résolue la question de savoir comment sont produits les anticorps. A partir de la deuxième moitié du 20ème siècle, on redécouvre que le sang contient une multitude de cellules, et l'on s'aperçoit qu'elles dérivent d'un type de cellules particulières, les cellules souches hématopoïétiques. Ces dernières donnent naissance à différents types de lignées : la lignée lymphoïde (qui produira les lymphocytes), la lignée myéloïde (qui produira les lignées phagocytaires, c'est à dire les macrophages, les monocytes, les granulocytes basophiles, neutrophiles, et éosinophiles), la lignée erythroide qui produit les globules rouges. Les anticorps sont produits par des lymphocytes particuliers, de type B. Les lymphocytes de type T produisent, eux, un autre type de molécules de reconnaissance.
Comme souvent dans les polémiques scientifiques les deux théories contribuent à la réalité : des cellules et des molécules sont responsables de l'immunité.
Pour bien comprendre le mode d'action des anticorps, il faut raisonner en terme de reconnaissance. Il faut s'imaginer l'anticorps comme une pince (par exemple anti a) qui s'adapterait parfaitement à l'objet a, qui le reconnaîtrait : la pince anti a est spécifique de l'objet a. En revanche, cette pince anti a reconnaîtrait moins bien un objet b. Tout le système immunitaire va être basé sur ce principe. L'amélioration du système immunitaire, grâce à la vaccination, provient ainsi de l'amélioration de la reconnaissance d'une pince anti x spécifique du bacille du tétanos par exemple, ce qui permettra à cette pince de se débarrasser plus facilement de l'agent pathogène, lors d'une nouvelle rencontre. L'amélioration de cette pince va se faire dans les organes lymphoïdes, rate et ganglions, en une à deux semaines, par hypermutation spécifique des gènes codant cet anticorps (voir plus bas), et c'est cette cellule lymphoïde fabriquant cette pince améliorée qui va rester dans l'organisme dix ou vingt ans. Mémoire et amélioration de la réponse sont donc intimement liées.
Il faut donc un lymphocyte B pour fabriquer un anticorps donné (une pince). Le lymphocyte B porte à sa surface un anticorps que l'on appelle un récepteur et c'est cet anticorps qu'il fabrique. Cette cellule x peut ainsi attraper l'élément X. Il en va de même pour une cellule y avec un élément Y. Le système immunitaire produit ainsi des millions de cellules qui peuvent reconnaître des millions de corps différents. Ainsi, chaque fois qu'un virus, une bactérie ou une cellule greffée est introduite dans l'organisme, il existe un lymphocyte B possédant un récepteur spécifique pour chacun de ces éléments.
C'est dans la moelle osseuse que sont produites, chaque jour, ces cellules, et aucune des cellules produites ne va pouvoir s'attaquer à l'organisme, donc porter de récepteur qui reconnaît le soi. Cela est dû au fait qu'au cours de cette production, dans la moelle osseuse, une cellule qui reconnaît le soi va être éliminée. C'est ce que l'on appelle la sélection négative, qui permet au système immunitaire de reconnaître tout l'extérieur sans attaquer l'intérieur.
Cinq milliards de lymphocytes B sont produits chaque jour dont 95 % vont mourir dans les 48 heures. Il y en a 400 milliards dans le corps, et nous portons en tout approximativement 10 millions de spécificités différentes d'anticorps.
La question de la génération de la diversité (Generation Of Diversity) a interpellé les immunologistes dans les années 70. Il est maintenant connu que le génome ne contient pas plus de 30 000 gènes. Il est donc exclu que chaque anticorps soit codé par un gène différent. Linus Pauling a suggéré que le nombre d'anticorps différents soit en réalité assez restreint, mais que la pince soit assez plastique pour s'adapter à chaque molécule différente qu'elle rencontre. Cette théorie de l'induction s'est cependant avérée fausse.
La compréhension de ce phénomène de GOD s'effectuera grâce à la biologie moléculaire.
En 1954, à Cambridge, Jim Watson et Francis Crick font une des plus belles découvertes du siècle en biologie, et démontrent que le support de l'hérédité est l'ADN, une molécule organisée en une double hélice, qu'utilisent toutes les espèces vivantes. Les longs brins d'ADN sont présents dans chacune de nos cellules, sous la forme repliée et compactée de nos 23 paires de chromosomes. S'ils étaient débobinés et mis bout à bout, ils atteindraient une longueur de 1m40 par cellule. Les brins d'ADN sont composés de la succession de quatre lettres : A, T, G, C que l'on appelle des bases. Le génome humain en compte deux milliards. L'assemblage linéaire de ces bases n'est pas neutre : il s'organise en unités de transcription, des gènes, qui ont un début et une fin, qui codent pour des protéines. Il y a environ 30 000 gènes. Chaque cellule possède le patrimoine génétique complet mais n'exprime qu'un certain nombre de gènes, qui sont différents selon que la cellule est une cellule de rétine ou de peau par exemple. Les autres sont silencieux. Si le gène est exprimé, l'ADN est transcrit en ARN dans le noyau, puis est traduit, dans le cytoplasme, en une protéine, composée d'acides aminés, l'anticorps par exemple, le lymphocyte B 1 exprime l'anticorps 1.
Pour expliquer toutes les spécificités d'anticorps existantes, Susumu Tonegawa démontre qu'il n'existe pas dix millions de gènes, mais que c'est une combinaison qui permet d'aboutir à ce chiffre. Il propose quatre groupes (V, D, J et C) comportant en totalité une centaine d'éléments. Chaque lymphocyte, produit dans la moelle osseuse, va prendre un élément de chaque groupe de manière aléatoire, et ainsi présenter une combinaison unique (par exemple V69D5J4C2) qui va coder pour un récepteur unique. En outre, le réarrangement, la recombinaison entre chacun des segments, se fait de manière imprécise, ce qui aboutit à une diversité supplémentaire. Au moment de l'émigration de la moelle osseuse, il est vérifié pour chaque cellule que la combinaison n'aboutit pas à la production d'un récepteur reconnaissant le soi.
Au moment où l'agent pathogène entre dans l'organisme, il rencontre le lymphocyte B qui a le récepteur spécifique complémentaire de l'antigène à sa surface. Le lymphocyte B va alors sécréter des milliers d'anticorps, identiques au récepteur présent à sa surface, qui vont se lier à l'agent pathogène et l'éliminer. La réponse immédiate du système immunitaire est donc de faire des milliers d'anticorps contre un agent pathogène afin de se fixer à lui et s'en débarrasser.
Quand une bactérie ou un virus sont présents à l'état complet dans le corps, ce sont les lymphocytes B qui vont reconnaître cet agent pathogène par l'intermédiaire de leur anticorps de surface qui va par la suite être sécrété en grande quantité.
Il existe aussi des infections cellulaires, qui sont très rapides, au cours desquelles un virus entre dans l'organisme et va immédiatement se loger à l'intérieur d'une cellule, où il s'intègre dans le génome. Il se sert de la machinerie de la cellule pour subsister : quand les chromosomes se divisent et se répliquent, le virus, qui y est intégré, se réplique aussi, transformant ainsi la cellule en usine à virus. Si ces agents n'ont pas été attaqués lorsqu'ils étaient dans la circulation, le système immunitaire B ne peut plus les reconnaître maintenant qu'ils sont intracellulaires. C'est notre système immunitaire T qui va être capable de s'attaquer aux cellules infectées pour les tuer, et ceci en préservant les cellules saines.
En 1974, Peter Doherty et Rolf Zinkernagel sont à l'origine du concept du soi modifié, qui introduit deux nouveaux acteurs de la réponse immunitaire : le lymphocyte T et le CMH (le Complexe Majeur d'Histocompatibilité, HLA chez l'homme pour Human Leucocyte Antigen), qui représente la carte d'identité biologique d'un individu. Le complexe HLA est formé de trois gènes, A, B et C, présentant chacun 99 types (on parle d'haplotypes). Un individu est par exemple A28B96C3. Ces trois protéines, qui représentent l'équivalent du numéro de sécurité sociale d'un individu, sont présentes à la surface de toutes les cellules de son organisme. Leur rôle premier est de présenter, comme dans une vitrine, un échantillon des protéines présentes dans la cellule, sous forme de fragments peptidiques, que la cellule produit constamment. La plupart du temps, il s'agit de protéines du soi. Si la cellule est infectée par un virus, elle présente aussi des morceaux de virus. C'est cela que reconnaît le lymphocyte T : le soi modifié, le peptide viral présenté dans le contexte du HLA. Le lymphocyte T, qui se différencie dans le thymus, présente lui aussi une pince à sa surface qui reconnaît le HLA, le récepteur T, mais ce dernier n'est jamais sécrété. La cellule T scrute constamment le HLA des cellules qu'elle rencontre. Si elle rencontre une cellule infectée, son récepteur T reconnaît le soi modifié, et le lymphocyte T la tue ; si la cellule rencontrée est saine, il y juste reconnaissance du soi et rien ne se passe. Comme pour le lymphocyte B et l'anticorps présent à sa surface, chaque lymphocyte T porte un récepteur T spécifique à sa surface, soumis aux mêmes règles quant à la génération de la diversité, des groupes de plusieurs centaines de gènes se recombinant de manière aléatoire pour le générer.
En revanche, la sélection des cellules T se fait de manière un peu différente. Alors que la cellule B n'est éliminée que si elle reconnaît, avec une forte affinité, une molécule du soi pendant le développement, la cellule T passe par une étape de sélection supplémentaire. En effet, le lymphocyte T doit reconnaître du soi modifié, c'est à dire un peptide, mais dans le contexte du HLA, alors que le lymphocyte B reconnaît un corps étranger à l'état isolé. Dans le thymus, la cellule T est éliminée si elle reconnaît du HLA qui présente du soi de façon forte : c'est la sélection négative, mais, à la différence de la cellule B, il faut aussi qu'elle reconnaisse un peptide du soi, associé au HLA de façon faible, pour se maintenir dans l'organisme : c'est la sélection positive.
Le dernier partenaire de la réponse immunitaire est le macrophage, une cellule phagocytaire qui lorsqu'elle rencontre une bactérie ou un virus l'intercepte, l'ingère et le dégrade. Le travail d'Elie Metchnikov, en 1900, a beaucoup apporté à la connaissance des macrophages. Il a mis le doigt sur un des acteurs centraux de la réponse immunitaire en remarquant qu'il existait chez l'étoile des mers des cellules capables de se présenter immédiatement au point d'entrée d'un corps étranger, pour l'ingurgiter et le phagocyter. Les rôles du macrophage sont multiples. Non seulement, il phagocyte des micro-organismes infectieux, mais il alerte le système immunitaire, grâce à la sécrétion d'interleukines qui sont des messagers moléculaires, et grâce à la présentation aux lymphocytes des molécules du pathogène.
Lorsqu'un agent pathogène (comme le bacille du tétanos par exemple) pénètre dans l'organisme, il provoque une réponse immédiate (primaire). La première ligne de défense, le macrophage (la réponse innée) reconnaît le virus ou la bactérie, le phagocyte, le fragmente pour le présenter à sa surface avec le HLA et ainsi activer la cellule T, qui est alors en mesure de tuer les cellules infectées qu'elle rencontre en patrouillant dans l'organisme. Dans le même temps, le lymphocyte B approprié reconnaît le bacille du tétanos entier et sécrète les anticorps. Tout est question de rapidité : si l'infection est plus rapide que le système immunitaire, si l'agent pathogène n'est pas tué immédiatement, il peut se propager très vite et provoquer la mort de l'organisme.
Cette réponse primaire a lieu en quelques jours. Si l'infection est endiguée, il faut en garder la mémoire, pendant parfois plus de vingt ans. L'organisation de la mémoire passe par une cellule particulière, le lymphocyte T CD4, à laquelle les macrophages ont aussi présentés l'antigène. Cela va permettre de produire deux types de cellules CD4, l'une chargée d'induire la génération des cellules B à mémoire et la maturation de l'affinité des anticorps, et l'autre d'induire la maturation de la réponse des lymphoctes T. Cette cellule est donc au cSur de la stratégie de défense immunitaire de l'organisme. C'est elle que va reconnaître et détruire le virus du SIDA. C'est pour cette raison que le taux de cellules T CD4 positives dans l'organisme représente un marqueur important de l'évolution de la maladie.
Au niveau spatial, le sang contient donc toutes les cellules concernées par la réponse immune. Lorsqu'un agent infectieux traverse la barrière de la peau suite à une coupure par exemple, les macrophages qui sont présents sur les lieux, le reconnaissent, le phagocytent, et enclenchent une réaction inflammatoire, en sécrétant des cytokines et en recrutant d'autres acteurs, des éosinophiles, rendant les vaisseaux voisins plus perméables, ce qui permet aux cellules présentes dans le sang de rentrer dans le périmètre infecté. Le macrophage chargé d'agents infectieux atteint les organes lymphoïdes, comme la rate et les ganglions, par la circulation lymphatique, et c'est là qu'il active les lymphocytes T et B naïfs spécifiques de l'agent pathogène. Les lymphocytes une fois activés vont revenir sur les lieux de l'infection pour maîtriser celle-ci.
Le système immunitaire ne fonctionne cependant pas toujours aussi bien qu'il le devrait et peut être néfaste pour l'organisme au lieu de le protéger. Charles Richet en a ainsi fait l'expérience en 1902, lorsqu'il a découvert le phénomène d'allergie. Il a piqué son chien une première fois avec une anémone de mer, ce qui n'a pas eu d'effet. Mais, lorsqu'il a recommencé l'opération, le chien en est mort. Au lieu d'avoir provoqué une réaction de vaccination, la piqûre avait provoqué une réaction allergique. Le système immunitaire quand il est déréglé peut ainsi être redoutable, et anéantir un organe, voire un individu. Une maladie auto-immune peut ainsi être déclenchée si l'infection va plus vite que le système immunitaire. La cellule T, activée par un macrophage qui a reconnu l'agent infectieux, tue toutes les cellules infectées, mais, dans le cas, par exemple, où le virus a été plus rapide et a réussi à infecter un organe, ces cellules T vont pouvoir attaquer celui-ci et le détruire. Il peut aussi arriver qu'un antigène bactérien soit identique à un antigène du soi, ce qui peut induire une réaction d'auto-immunité par mimétisme moléculaire : le système immunitaire attaque le soi car il croit combattre l'étranger. Il existe aussi des parties du corps que le système immunitaire ne voit jamais, et donc des antigènes auxquels les lymphocytes n'ont jamais été confrontés (les antigènes séquestrés). Si, à la suite d'un traumatisme ou d'une infection, le système immunitaire entre en contact avec ces antigènes qu'il n'a jamais vu (de l'Sil par ex.) il peut penser qu'il a à faire à du non soi.
En conclusion, il reste de grandes questions à résoudre pour comprendre le fonctionnement du système immunitaire et, notamment, celle de l'amélioration de la réponse. Ce phénomène est connu depuis 50 ans et on commence seulement à comprendre son mécanisme moléculaire. Nous venons de montrer, avec Claude-Agnès Reynaud, que des polymérases spécifiques, dites « error prone », chargées de franchir des lésions lors de la réplication semi-conservative mais, faisant des fautes lorsqu'elles copient l'ADN normal, seraient responsables du processus d'hypermutation permettant cette amélioration.
Par ailleurs, comment expliquer le phénomène, assez étonnant, de la mémoire immunitaire qui permet à une cellule de rester des décennies dans l'organisme, tout en gardant la mémoire de sa première rencontre avec l'antigène ?

 

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